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Cellule de crise et GRAFIC : explications de quelques termes employés par les professionnels professionnels

Analyse au cas par cas : portraits des professionnels

6.1 Cellule de crise et GRAFIC : explications de quelques termes employés par les professionnels professionnels

Comme nous le verrons dans les analyses des acteurs interrogés, beaucoup d’entre eux ont fait allusion à des cellules de crise rattachées à leur établissement ou ont évoqué le terme GRAFIC, pour expliquer la gestion des situations. Pour mieux comprendre le fonctionnement et les missions des cellules de crise, nous avons suivi la formation proposée aux membres de ces cellules par le canton de Vaud. Pour préciser certains éléments, nous avons également demandé un entretien à l’actuelle coordinatrice des gestions de crise du canton, que nous appellerons Amandine. Dans un premier temps, nous nous proposons de reporter quelques éléments prépondérants tirés de l’entretien avec Amandine, afin de mieux comprendre le fonctionnement d’une cellule. Dans un second temps, nous tenterons une modélisation de ce que devrait être une cellule de crise, du moins telle que préconisée dans le canton de Vaud.

Nous espérons que ces éclairages permettront au lecteur de mieux comprendre par la suite les propos des personnes interrogées.

Lors de l’entretien, Amandine explique qu’elle est la « coordinatrice des dispositifs GRAFIC », acronyme qui signifie : Gestion, Ressources, Accompagnement et Formation en cas d’Incident Critique. L’incident critique fait référence à toute situation potentiellement traumatogène, comme un « décès brutal, voire violent, inattendu. Tout ce qui suscite des sentiments d’effroi, de peur intense auprès des personnes concernées. »

Amandine précise que tous les établissements vaudois (école obligatoire et post-obligatoire) ont l’obligation de constituer une cellule de crise19, même s’ils sont autonomes pour la mettre en place. D’office, les directrices et les directeurs en font partie, de même que les doyennes et les doyens. La cellule de crise est composée de deux niveaux : le comité de pilotage, qui est l’organe décisionnel, et la cellule d’intervention, qui est l’organe opérationnel. Dans le comité

                                                                                                               

19https://www.vd.ch/themes/formation/sante-a-lecole/prestations/grafic/ (Repéré le : 18 novembre 2018.)

de pilotage, il y a tout d’abord un-e dirigeant-e, généralement le chef d’établissement (directeur ou directrice). Amandine ajoute que cette personne doit avoir

la compétence d’un leader, une vision globale et une bonne connaissance des procédures à respecter aussi par rapport au département. (…) Ça signifie qu’à un moment donné lorsque des décisions sont prises ou doivent être prises et qu’il y a une discussion, ça sera à la fin quand même le dirigeant qui va trancher, qui va valider, ou non, la conduite. (Amandine)

Dans le comité de pilotage doivent aussi figurer un-e secrétaire qui tiendra le journal de bord – soit une recension de toutes les actions menées –, un-e responsable de la coordination qui va

« faire l’aller-retour entre la cellule d’intervention et le comité de pilotage », un-e responsable de la communication et un-e responsable de l’aide aux victimes « qui est le plus souvent un psychologue ou une infirmière. » Dans les grands établissements, on trouve parfois un-e adjoint-e de conduite qui « va alléger un tout petit peu la charge du directeur » :

Il y a énormément de choses à faire pour le dirigeant, appeler les parents des victimes primaires, contacter le département, avoir des échanges avec la coordination GRAFIC, la coordinatrice GRAFIC, contact avec la police, contact avec les médecins légistes s’il le faut. Donc il y a beaucoup de choses à faire. L’idée c’est de partager les tâches. Il ne prend pas les décisions, mais il aide le directeur, par exemple à organiser les points de situation durant la journée. (Amandine)

De plus, dans l’organigramme, chaque membre a un-e remplaçant-e en cas d’absence ou de décharge.

Généralement, le comité de pilotage se réunit en premier et évalue l’intensité de l’incident critique ainsi que les potentielles conséquences de la situation, avant de décider de réunir – ou pas – l’entier de la cellule. Ensuite, la cellule d’intervention, qui est l’organe opérationnel, prend acte des décisions du comité de pilotage et intervient auprès des publics de l’établissement (élèves, corps enseignant, autres acteurs) en fonction des besoins. Elle transmet l’information préalablement rédigée par le comité de pilotage et apporte diverses formes de soutien. La cellule d’intervention est composée d’un ou plusieurs médiateurs, du psychologue et de l’infirmière scolaire. Même si l’infirmière et le/la psychologue font partie de la cellule d’intervention, l’une des deux personnes doit aussi figurer dans le comité de pilotage : « Ces personnes-là ont les compétences relationnelles pour l’accompagnement, donc on insiste sur leur présence dans le comité de pilotage pour éviter qu’on n’oublie l’aspect de l’impact émotionnel. » En fonction de l’intensité de la crise, des aides extérieures

peuvent rejoindre la cellule d’intervention, comme « des psychologues d’urgence pour débriefer les adultes. »

Dans le cadre des établissements relevant du post-obligatoire, du moins dans le canton de Vaud, il n’y a pas toujours de psychologue attitré, mais on trouve parfois la présence d’aumôniers. Sur le site de l’état de Vaud, on trouve quelques précisions sur leurs missions dans les écoles20 dont la principale consiste à offrir un service œcuménique au service de tous et dans le respect des croyances et convictions de chacun, tout en tenant compte du contexte multiconfessionnel et plurireligieux du canton de Vaud.

Amandine souligne qu’elle apprécie collaborer avec eux quand un incident critique survient dans les écoles professionnelles ou dans les gymnases vaudois :

Je m’appuie très volontiers sur les aumôniers, lorsqu’il y a un incident critique dans le post-obligatoire ; très volontiers parce que ce sont des personnes qui sont à l’aise avec la mort, qui ont l’expérience, qui savent comment en parler, comment accompagner. (…) J’ai toujours eu l’impression que les aumôniers que j’ai rencontrés savent très bien faire la part des choses, n’imposent pas l’aspect religieux, mais ils apportent juste l’aspect spirituel sans imposer la religion. Donc pour moi c’est très compatible. (Amandine).

Il n’y a pas d’enseignant dans les cellules de crise – si on exclut les doyens qui ont encore une part d’enseignement. Pour Amandine, le rôle de l’enseignant est différent : assurer une certaine stabilité dans l’établissement en poursuivant l’enseignement, accueillir les émotions de leurs élèves, voire leur apporter un soutien psychosocial.

On part du principe que les enseignants doivent pouvoir continuer à assurer l’enseignement, parce qu’on estime que quand il y a une crise grave dans l’établissement, il y a besoin d’un rythme et d’une régularité, de pouvoir contenir. Donc les enseignants doivent pouvoir continuer à enseigner.

Les enseignants ont un bon lien avec leurs élèves et sont la personne de référence pour les élèves. Donc en principe, j’apprends aux membres de la cellule d’intervention qu’ils interviennent auprès et avec l’enseignant qui forme une équipe. C’est le directeur qui vient faire l’annonce du décès. Mais comme il est porteur de la mauvaise nouvelle, il doit se retirer très rapidement, après avoir introduit l’infirmière ou le médiateur ou le psychologue, qui va rester en classe avec l’enseignant et qui va aider à ouvrir un espace de parole pour l’accueil des émotions des élèves.

                                                                                                               

20 Pour plus d’information voir le site : https://www.vd.ch/themes/formation/etablissements-de-formation/centre-denseignement-professionnel-de-morges-cepm/le-centre/services-communs/aumonerie/ (récupéré le 3 décembre 2018)

Offrir un soutien psychosocial immédiat, c’est quelque chose que tout être humain pourrait être appelé à faire lorsqu’il est témoin d’un accident ou qu’il arrive sur les lieux d’un accident après. Juste savoir ce qu’on peut faire pour mettre à l’aise ou pour ne pas mettre à l’aise, pour soutenir une personne qui vient de vivre un traumatisme. Et les enseignants, certains sont demandeurs de le pouvoir.

La formation GRAFIC dure deux jours, elle « est très condensée », et il y a des piqûres de rappel – « des mises en situation » – tous les deux ans, mais au bon vouloir des établissements. Pour gérer les situations de crise, la coordinatrice, Amandine, met à disposition des établissements un prototype de protocole qui peut être adapté aux besoins de l’établissement.

C’est autre chose que de travailler dans l’enseignement primaire, que dans un gymnase ou dans une école professionnelle, tout simplement parce que le fonctionnement est légèrement différent, ne serait-ce que l’absenserait-ce de psychologue dans le post-obligatoire et la présenserait-ce d’aumônier dans serait-ces établissements-là. [Par contre, il n’y a pas d’aumôniers dans les écoles obligatoires.] Ou si on a différents sites ça fait une grosse différence.

Les protocoles sont « des guideslines qui sont pratiques à suivre », mais il n’y a pas de vérification par la coordinatrice pour savoir s’ils sont réellement suivis, voire adaptés.

Même s’il y a « pas mal de directeurs qui prennent directement contact et qui disent voilà on est confrontés à tel événement », Amandine précise que les établissements n’ont pas d’obligation à l’informer des incidents critiques qui surviennent sur leurs sites. Mais elle en a généralement connaissance par les infirmières scolaires qui, elles, « ont l’obligation d’en informer leur supérieur hiérarchique » qui se trouve être le même que celui d’Amandine.

Quant aux directeurs, ils doivent surtout informer le directeur général dont ils dépendent (école obligatoire ou post-obligatoire). Pour définir son rôle, Amandine précise qu’elle intervient surtout pour « offrir du soutien aux adultes de l’établissement, pas aux élèves. On part du principe que l’établissement dispose lui-même de ressources pour soutenir les élèves, par les médiateurs, les psychologues, les infirmières et les enseignants. » Si on la sollicite, elle met à disposition ses compétences dans l’accompagnement de gestion de crise ou des ressources extérieures (psychologues d’urgence, personnes formées à l’accompagnement du deuil, etc.).

Compte tenu de toutes ces informations et des entretiens que nous avons menés, nous avons essayé de modéliser ce que peut être – ou devrait être – une cellule de crise :

Figure n°6 : Modélisation d’une cellule de crise

Selon Amandine, les cellules de crise telles que décrites ci-dessus et rattachées aux établissements sont une spécificité vaudoise. Il n’y aurait pas d’équivalent dans les autres cantons romands : « À mon avis, il n’en existe pas ». Ce qui n’exclut pas que des cellules d’accompagnement existent mais sous d’autres formes.

Ces éléments posés, nous allons maintenant passer aux portraits des douze professionnels de l’enseignement interrogés et observer comment ils ont fait face aux situations de crise