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Chapitre I : Les impacts des déséquilibres naturels et biophysiques

I- 1-2 : Les causes et les conséquences de la rupture de la pointe de Sangomar sur

l’évolution hydrodynamique et les patrimoines naturels dans le delta du Saloum

Un des facteurs naturels les plus déterminants dans la modification de l’hydrodynamisme estuarien, voire de l’écosystème deltaïque, c’est la rupture de la flèche de Sangomar. En effet, au-delà de la simple question de l’hydrodynamisme, cette rupture de la « flèche de Sangomar » (El Hadji Balla Dieye, Amadou Tahirou Diaw, Tidiane Sané et NGor NDour, 2013)278 intervenue en 1987 a contribué à une réelle perturbation écologique dans le delta du Sine Saloum en général, et la RBDS en particulier.

Cette forte perturbation environnementale se manifeste surtout par une plus grande facilité des entrées des eaux océaniques, contribuant à la réduction de la salinité en aval, mais aussi par des érosions côtières en raison d’une élévation des eaux du delta en raison.

278 « La flèche de Sangomar est une importante structure sableuse qui s’allonge vers le sud sur une vingtaine de

kilomètres à partir de Palmarin Diakhanor. Elle joue un rôle de protection pour les paysages de l’estuaire. La partie basse de l’estuaire (notamment la flèche et le chenal d’embouchure), est soumise à une importante pression marquée par de fortes houles et la rupture en février 1987 de la flèche de Sangomar au lieu-dit Lagoba. L’érosion de cette étroite bande de terre sur laquelle les pêcheurs niominkas tiraient leurs pirogues pour entrer plus rapidement dans le Saloum ou pour passer en mer a surpris par sa rapidité. En effet, le cordon s’est brisé lors d’une tempête ayant induit de fortes houles de nord-ouest. Cette situation de rupture s’expliquerait selon A. Diaw (1997, 2003), Y. Thomas et A. Diaw (1997), par un faisceau de facteurs sédimentologiques, géomorphologiques et hydro-climatologiques non exclusifs les uns des autres : absence temporaire d’alimentation sédimentaire en ‘’amont’’ par réduction des produits provenant de secteurs septentrionaux de la Petite Côte, fort resserrement et fragilité de la flèche au lieu-dit Lagoba, amélioration de la situation pluviométrique contribuant à l’effet de chasse du jusant et ralentissant l’évolution à l’engraissement, érosion préférentielle de la face interne de la flèche en rapport avec la configuration du lit du fleuve et l’existence de couloirs inter-crochets, modification des fonds pré-littoraux à hauteur du Lagoba perceptible sur les images SPOT ante et post rupture, houles de forte amplitude (2,5 à 3,5 m) conjuguées à des marées de vives eaux (niveaux de 1,71 m à Dakar et de 1,95 m à Banjul). Depuis cette date, l’ouverture de la flèche s’agrandit progressivement sous l’influence des facteurs marins. L’interprétation des images satellitaires permet d’estimer la progression de l’ouverture de la flèche entre 1987, année de rupture de la flèche, et 2010. L’analyse met en évidence un important transit sédimentaire. Ce dernier se traduit par un allongement de la pointe de la flèche vers le sud et une construction progressive de bancs de sable en face de la brèche, à la limite de la vasière et à hauteur des villages insulaires de Niodior et de Dionewar » affirmaient El Hadji Balla Dieye, A. T. Diaw, Tidiane Sané et NGor NDour, 2013. Dynamique de la mangrove de l’estuaire du Saloum (Sénégal) entre 1972 et 2010. Revue européenne de Géographie, N°629, Environnement-Nature-Paysage, p.15

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Photo N° 33 : Preuves de l’existence de la flèche de Sangomar à travers la construction

de cet édifice colonial (1890) sur cette bande de terre avant sa rupture en 1987

Image qui atteste l’existence d’une poste coloniale des douanes établie par les colons sur la pointe de Sangomar en 1890 (à l’entrée du Saloum). En effet, ceci atteste non seulement les premières implantations coloniales sur les côtes sénégalaises avant l’entrée à l’intérieur, mais surtout l’existence en bon état physique de cette flèche car à cette époque la brèche (rupture) ne se faisait pas clairement constatée. Donc une importance géophysique et géostratégique de la côte sénégalaise en général et de cette pointe de Sangomar en particulier mérite d’être soulignée. Aujourd’hui, depuis 1987 d’ailleurs, ce rôle n’est plus assumé par la pointe de Sangomar en raison de sa rupture et de son élargissement régulier, comme le confirment explicitement les données statistiques de ce tableau ci-dessous et des images satellitaires ci- dessous. Cette photo, très riche en enseignements, nous a été parvenue avec le soutien du CSE (centre de

suivi écologique) de Dakar au Sénégal lors de nos recherches documentaires.

La rupture n’est pas une grande première dans l’histoire de cette pointe de Sangomar, mais celle de 1987 est particuliére car, à la différence des précédentes qui se sont toujours colmatées, elle continue de s’agrandir dans le temps et l’espace. Cet élargissement, confirmé par nos résultats d’enquêtes de terrains en Annexes, relaté également par certains chercheurs de plus en plus nombreux, inquiète de jour en jour et complique encore plus les perturbations écologiques déjà avancées, en raison de la sécheresse comme nous l’avons évoqué précédemment, dans le delta du Saloum.

En substance, l’on peut remarquer que la rupture de la flèche de Sangomar intervenue en 1987, au-delà de son caractére brusque et plus rapidement progressive que les précédentes, s’explique essentiellement par des facteurs d’ordre physique. A ces riches

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enseignements iconographiques et documentaires, s’ajoutent des données statistiques relativement bien détaillées, mais aussi des résultats d’investigations de terrain.

Tableau N° 8 : Evolution de la largeur de la brèche de Sangomar entre 1990 et 2010.

Année 1990 1999 2001 2005 2010

Largeur de la brèche (en km) 2,03 3,73 3,79 4,11 4,93

Taux de progression (en m/an) 677 189 30 80 164

Sources : Images Satellitaires SPOT (2001, 2005) et Landsat (1990, 1999, 2010). L’élargissement de cette rupture est attesté, confirmé aussi par les images satellitaires ci-dessous.

Conformément à ce tableau, les données relatives à l’évolution de l’élargissement de cette rupture, depuis les années 1990 jusqu’à nos jours (précisément en 2010), sont alarmantes en ce sens qu’elles attestent un rythme de progression rapide opérée à partir de 1987.

Les diverses causes et les conséquences de cet élargissement de la rupture de Sangomar sont donc assez complexes dans le temps et dans l’espace de la RBDS, voire du paysage culturel du delta du Saloum en général. Pire même, probablement et logiquement (parce que nous ne disposons pas de données statistiques pour le confirmer), sur la base de cette rapide tendance évolutive croissante cette rupture s’est davantage élargie entre 2010 et 2015. Surtout que concrètement aucune politique et stratégie efficaces n’ont été faites par les pouvoirs pour stopper cette rupture dont la vitesse d’élargissement a été exponentielle. Techniquement, la bataille semble perdue d’avance par l’Etat ainsi que les populations locales et le fatalisme autant que l’impuissance gagnent alors du terrain. En somme, les acteurs estiment que le processus d’élargissement semble irréversible.

D’autant plus que ce phénomène d’élargissement de la brèche est attesté par les images satellites ci-dessous, qui visiblement prouvent que de 1972 à 2010 l’élargissement de la brèche a été remarquable, car allant crescendo jusqu’à favoriser clairement la formation d’une aire insulaire dans la partie australe.

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Figure N° 16 : Apparition par photographies (images) aériennes de la tendance évolutive

croissante de l’élargissement de la flèche de Sangomar de 1972 à 2010

Sources de données : Direction des travaux géographiques et cartographiques (DTGC) de Dakar au Sénégal/Landsat et SPOT.

Cette rapide évolution de la rupture de la pointe de Sangomar est donc très clairement confirmée par les images satellitaires (spatiocarte) prises entre 1972 et 2010. Concrètement, ces images brutes certes, mais très explicites nous ont permis de mieux comprendre ce phénomène géophysique d’une signification particulière au Sénégal.

En effet, contrairement au tableau statistique dont les résultats d’études débutent en 1990 (soit 3 ans après le démarrage de la rupture le 27 février 1987), les résultats d’études de ces images satellitaires débutent bien avant 1987, précisément en 1972 et permettent ainsi une étude comparative diachronique plus exhaustive.

En tout état de cause, le phénomène de l’élargissement de cette rupture, autant que sa rapidité et ses conséquences tant socio-économiques qu’écologiques négatives, via sa responsabilité dans les modifications hydrodynamiques, sont incontestables aujourd’hui. D’ailleurs, au-delà des résultats d’enquêtes de terrains en Annexes et les diverses recherches documentaires, des données iconographiques attestent leur sérieuse ampleur.

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Photos N° 34 à 36 : Conséquences de la forte avancée océanique à Dijiffére émanant des

modifications hydrodynamiques, suite à la rupture de la flèche de Sangomar notamment

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Ces diverses images attestent l’existence de preuves des effets négatifs de la rupture de la flèche de Sangomar et des modifications hydrodynamiques estuariennes A gauche une image montre les ruines et restes qui attestent la destruction, l’effondrement d’une ancienne conserverie de poissons à Djiffére par la pression marine à la suite de la rupture de la pointe Sangomar. A droite et au milieu, des images montrent les autres facettes des conséquences de l’érosion côtière, voire avancéedes eaux océaniques, sur l’habitat à Djiffére et les risques d’effondrement de deux différents bâtiments, entre autres, édifices dans le village, sous l’effet des vagues et des houles. Par conséquent, il est possible d’affirmer que sous l’effet des changements climatiques en général combinés à la rupture de la flèche de Sangomar, dont l’érosion côtière est une des conséquences néfastes, Djiffére et l’ensemble de la partie nord de ce qui reste de la pointe de Sangomar risquent de disparaître. Source : SENY FAYE. Juin 2014. Djiffére et Dionewar-Niodior.

SAMSUNG S750 (7.2 MEGA PIXELS, ASR, 2.5 LARGE LCD, SHD LENS)

Bref, ce sont là les vrais signes, les impacts et les preuves de la rupture de la pointe de Sangomar, dont les conséquences négatives seront d’ailleurs beaucoup plus évoquées ultérieurement, à travers les récits documentaires, les résultats de nos enquêtes de terrain, mais surtout les données iconographiques suivantes.

En dehors des habitats, c’est l’ensemble du delta qui est affecté par l’érosion côtière.

Photos N° 37 à 42 : Les impacts de la forte avancée des eaux océaniques, de l’érosion

côtière sur les berges du delta du Saloum (à Bétenty, Dionewar, Niodior) : une grave menace pour les ressources naturelles et la biodiversité en particulie

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Ces différentes images photographiques attestent les stigmates et conséquences néfastes de la rupture de la pointe de Sangomar, renforcée par les effets des changements climatiques, sur l’environnement écosystémique (physique et écobiogéographique) du delta du Saloum en général et la RBDS. En effet, c’est exceptionnellement la partie septentrionale de ce delta qui est la plus affectée par les perturbations

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écologiques, notamment la forte érosion côtière, voire une spectaculaire avancée des eaux océaniques, suite aux modifications hydrodynamiques, émanant des changements climatiques globalement et singulièrement de l’ouverture, voire de l’élargissement de la brèche de Sangomar à partir de 1987. Source : FAYE SENY

(juin 2014, Bétenty, Dionewar-Niodior). Appareil de type SAMSUNG S750 (7.2 MEGA PIXELS, ASR, 2.5 LARGE LCD, SHD LENS).

C’est dire en substance que le phénoméne néfaste de l’érosion côtière et des berges du delta, autant pour les constructions humaines que pour les ressources naturelles, menace l’ensemble des patrimoines locaux, voire précisément le paysage culturel.

En dehors de l’érosion côtière, la salinisation est un phénoméne gravissime dans cet écosystéme humide du delta du Saloum, autant pour les eaux que les sols et la biologie.

Photos N° 43 à 50 : Preuves de la forte salinisation des terres, de la dégradation des habitats ainsi que des infrastructures publiques (ponts, puits et autres édifices)

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La salinisation croissante des sols affecte les eaux, les terres de culture, les habitations humaines et les édifices publics, surtout dans le nord du delta. En somme, si cette partie septentrionale est plus touchée par la salinité, entre autres impacts négatifs, c’est parce qu’elle est plus proche de la brèche et donc plus exposée physiquement. Cette salinité affecte donc l’homme à travers la nature et ses activités socio- économiques. C’est le cas des sols salés nus (Tannes) de couleur blanchâtre ou rougeâtre parfois, affectant

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