• Aucun résultat trouvé

3.9 Les matériaux liés à la postréduction du fer

3.9.3 Les autres catégories

3.9.3.1 Les battitures

(ne figurent pas au catalogue)

Un essai de tri des battitures dans les refus de tamis provenant d’un bas foyer de raffinage et/ou de forgeage a montré de très importantes quantités – dans un contexte médiéval jurassien – de ces déchets métalliques, tant lamellaires que globulaires et surtout scoriacées, par rapport au volume de sédiment dont elles sont issues (fig. 89 et 90)61. Une regrettable et considérable erreur

de gestion de ces refus de tamis a toutefois entraîné la perte de la quasi-totalité des refus de tamis de la maille de 1 mm constituant une part prépondérante de ces déchets. Ceci a pour conséquence l’impossibilité de comparer la quantité des battitures dans les dif- férentes structures afin de confirmer leur fonction primaire, voire leur remploi, ou d’évaluer avec précision l’importance réelle du travail sur la base de la quantité de battitures, comme proposé à Châbles (Anderson et al. 2003, p. 169) et à Develier-Courtételle (Eschenlohr et al. 2007, p. 168).

Notre observation se limite donc à la confirmation que la struc- ture Bfy1 est assurément un bas foyer avec une très faible pré- sence de battitures, et que cette présence est bien marquée dans les structures proches Af2 et Bfy2/Af1, la première étant à consi- dérer comme une aire de forgeage, la seconde ayant peut-être eu la double fonction de bas foyer et d’aire de forgeage. D’un point de vue quantitatif, on peut relever qu’au total un peu plus d’un kilogramme de battitures – lamellaires, globulaires ou scoria- cées – a été prélevé dans les sédiments échantillonnés et tamisés. L’information de localisation a été perdue pour un quart de ce matériel, qui ne comprend que des battitures lamellaires (239 g) et globulaires (33 g). Compte tenu des proportions entre les bat- titures scoriacées (80,4 %), les battitures lamellaires (16,3 %) et les battitures globulaires (3,3 %), il semble évident que la perte s’élève à au moins 40 %, équivalant à 540 g sur 1360 g de batti- tures au total.

3.9.3.2 Les parois de bas foyer

Catalogue analytique nos 56 à 59

Quelque 986 fragments constituent 964 pièces individuelles de paroi de bas foyer pour un poids total de 11,1 kg. Soit environ 12 % du poids des parois de bas fourneau et un peu moins que le poids des fragments non attribués (chap. 3.4.3 et 3.8.6). Le poids moyen d’une pièce est de près de 12 g, ce qui constitue le 44 % du poids moyen d’une pièce de paroi de bas fourneau et un peu plus que la moyenne des pièces de paroi non attribuées (10,6 g). Parmi des éléments de paroi provenant du bas foyer 2, il convient de relever l’usage répété de fragments de scorie concassés comme dégraissant (fig. 91) ; ce phénomène n’a jamais été observé parmi les parois de bas foyer de Develier-Courtételle. L’hypothèse la plus probable semble être que des fragments de scorie de réduc- tion ont servi à ce recyclage : l’absence de telles pièces dans le périmètre du hameau de la vallée de Delémont expliquerait alors simplement la différence constatée entre les deux sites.

Cinq pièces fragmentées montrent l’amorce d’une ouverture amé- nagée sans autre complément de construction afin d’amener l’air dans la zone de combustion du bas foyer. Cette ouverture peut être appelée trou à vent ou trou à soufflet (fig. 92a et b). Le dia- mètre se situe entre environ 20 mm et 25 mm. Cette observation est corroborée par l’empreinte d’un trou à vent relevée à l’extré- mité proximale d’une calotte avec bourrelet dont le diamètre est d’environ 25 mm (fig. 72a).

Telle qu’évoquée précédemment, la distinction macroscopique entre paroi de bas fourneau et paroi de bas foyer a été, en général, relativement aisée à effectuer (chap. 3.8.6). Lors de la classifi- cation, la localisation du fragment examiné n’a pas été prise en considération, afin d’éviter une argumentation circulaire 62. Plus

de 4 kg représentant quelque 320 fragments de paroi en prove- nance de la zone d’activité de forge n’ont ainsi pas été attribués d’emblée à l’étape opératoire de la postréduction 63.

Du point de vue analytique, les parois de bas foyer se distinguent très bien de celles du bas fourneau (fig. 54). Ainsi, les éléments

Fig. 90 Battitures glo- bulaires en vrac pro- venant de la maille de 1 mm.

Fig. 89 Battitures la- mellaires en vrac pro- venant de la maille de 1 mm.

Fig. 91 Paroi de bas foyer (CHE 002/16970 CO, remontage de six fragments). Provenance : zone d’activité de forge, bas foyer 2 / aire de forge 1. Face exté- rieure, l. 13,5 cm, h. 8,5 cm, poids 180 g. Présence répétée de fragments de scorie concassée, employés en tant que dégraissant (cercles) ; face extérieure.

de construction entourant le bas foyer de raffinage ou de for- geage contiennent en moyenne 20 % d’Al2O3 de moins que ceux

constituant la paroi du bas fourneau. Autrement dit, la paroi de bas foyer est, en comparaison, plus riche en sable que celle du bas fourneau, parce que la part d’alumine y est plus faible 64.

En second lieu, on constate que le rapport K/CaO varie lui aussi entre les deux types. La paroi de bas fourneau ne contient que 44 % de la quantité de CaO retrouvée dans les parois de bas foyer analysées. Les rapports K/CaO sont de 1,5 pour le bas foyer et de 3 pour le bas fourneau ; le rapport Si/Al est, lui, de 5 pour le bas foyer et de 4,1 pour le bas fourneau.

Par ailleurs, des différences mineures existent au niveau des élé- ments traces. La paroi de bas foyer contient du zinc en faible quan- tité, mais plus du tout d’yttrium. On peut se demander si le léger changement de composition entre la paroi de bas fourneau et la paroi de bas foyer s’expliquerait par un ajout plus important de sable à l’argile de la paroi de bas foyer et aussi par une plus forte influence chimique des cendres de charbon de bois. Comme le calcium est l’un des principaux constituants – et le zinc l’un des plus importants éléments traces – de la cendre, ceci paraît tout à

fait plausible. Le quartz modifié à haute température – la cristoba- lite – se retrouve dans deux des échantillons étudiés. Dans les deux cas, ceci plaide en faveur de la liquéfaction de la paroi de bas foyer, entraînant par la suite sa scorification. Du point de vue chimique, il n’existe aucun indice d’un mélange de petits fragments de scorie comme observé lors de l’étude archéologique (voir supra).

3.9.3.3 Les scories d’aspect coulé

(ne figurent pas au catalogue)

Sans contribution analytique, une partie des scories en forme de calotte d’aspect coulé – provenant généralement de l’extrémité distale de ce type de déchet – ne peut guère être identifiée dans un volume de déchets donné, d’autant plus que ce dernier comporte une part prédominante de scories coulées issues de la réduction. Dans le contexte spécifique de l’atelier étudié, l’attention s’est foca- lisée sur les scories coulées « classiques », déchets de l’opération de réduction. Les pièces coulées douteuses, c’est-à-dire dont l’attribu- tion à l’étape productive ou épurative n’a pas été possible, n’ont de ce fait pas été retenues lors de l’échantillonnage en vue des analyses.

Structure Tamis N°

terrain N° séd. g analysé gPoids analysé %Sapin blanc Erable Hêtre Frêne Chêne Conifère Feuillus Indét. Total Taxon

Af2 15 38 124 0,5 0,5 100 1 8 1 1 11 2 22 39 125 0,45 0,45 100 3 1 6 10 3 23 40 126 0,1 0,1 100 3 1 4 1 21 36 127 100 1 1 1 18 35 128 0,22 0,22 100 4 1 2 7 1 17 30 129 0,13 0,13 100 3 2 5 1 19 29 130 100 2 2 1 20 32 131 0,18 0,18 100 1 1 7 9 3 16 31 132 0,22 0,22 100 6 1 1 8 1 Total 3 3 1 40 3 7 57 1,6 Bfy2 / Af1 144 2,3 0,7 30 2 10 31 7 50 3 145 3,7 1,6 43 1 2 2 1 89 1 3 1 100 5 146 0,43 0,39 91 1 1 3 41 2 2 50 4 148 1,2 0,4 33 1 2 2 42 1 2 50 4 150 2,6 1,8 69 2 3 1 1 57 1 1 4 70 5 153 9,2 3,7 40 2 1 2 93 2 100 4 154 10,9 4,4 40 3 2 1 92 2 100 4 Total 7 11 20 8 445 16 8 5 520 4,1 Total (%) 1,3 2,1 3,8 1,5 85,6 3,1 1,5 1,0 100 Af3 4140 76 143 0,76142 0,41 0,490,31 6476 14 84 2031 76 1 43 3950 33 Total 5 12 51 13 1 7 89 3,0 Total (%) 5,6 13,5 57,3 14,6 1,1 7,9 100 Bfy1 1 245 157 0,59164 7 0,596 10086 1 1 35 8524 1 1 6 10027 24 Total 1 1 8 109 1 1 6 127 3,0

Fig. 93 Essences déterminées à partir des charbons issus des ate- liers de forge.

Fig. 92 Amorces de trou à vent. a : fragment de paroi de bas foyer CHE 002/17335 CO, zone d'activité de forge, bas foyer 1. Amorce d'un trou à vent (diam. ± 21 mm) ; sur la face extérieure (par rapport au centre du foyer), on observe la présence d'un premier trou dont le diamètre a été plus grand (25 mm) et le centre légèrement décalé. b : fragment de paroi de bas foyer CHE 002/15959 CO, zone d'activité sud-est, fond de cabane 2. Amorce d'un trou à vent, traces d'arrachement d'une calotte ou de percée du trou visible (diam. ± 21 mm ; prof. 27 mm).

Il n’est donc pas possible d’extraire les scories d’aspect coulé formées lors de l’expulsion de la scorie résiduelle au moment de l’épuration de l’éponge de fer, bien qu’il doive en subsister un certain nombre dans le corpus de déchets.

Pour les critères distinctifs du point de vue analytique, le lecteur voudra bien se reporter aux données fournies dans le contexte du site contemporain de Develier-Courtételle (Eschenlohr et al. 2007, p. 66-68).

3.9.3.4 Les charbons de bois des bas foyers

Des échantillons de charbon de bois ont été prélevés dans des structures liées à l’étape de la postréduction (Bfy1, Af2, Bfy2/Af1 et Af3) en vue de l’analyse anthracologique 65. Comme indiqué

précédemment, les données disponibles pour l’étape de la réduc- tion sont lacunaires, le remplissage de l’emplacement du bas fourneau n’ayant livré que très peu de restes de charbon de bois. Au total, 793 fragments de charbon en provenance de quatre des cinq foyers ou aires de forge ont été analysés (Bfy1, Af2, Bfy2/ Af1 et Af3, fig. 93). Plus de 81 % ont été déterminés comme étant du chêne ; les quatre autres essences – le hêtre, le frêne, le sapin blanc et l’érable – se partagent les 19 % restants avec quelques fragments de conifères, de feuillus, ainsi que des indéterminés. Aucune autre essence n’atteint toutefois une fréquence de 5 % (le hêtre affiche 4,5 %).

Quoique très partiel, le spectre anthracologique du bas fourneau est similaire à celui des ateliers de forge : l’écrasante domination du chêne efface dans les deux cas la faible présence des quelques autres essences. Dans le contexte de l’atelier de Lai Coiratte, l’alti- tude du site (457 m) en est certainement la principale raison. Toutefois, les faibles quantités de sapin blanc peuvent étonner : ce bois semble avoir été tout particulièrement apprécié en contexte de forge pour sa réaction rapide à l’allumage et durant la combustion 66.

Dans le contexte régional, les essences arboréennes déterminées contrastent aussi avec celles reconnues dans les niveaux d’occupa- tion protohistoriques, comme la forge laténienne de Chevenez- En Vaillard où le sapin blanc constitue les 50 %, suivi du hêtre à 26% (Deslex et al. 2010, p. 65).

Le grand nombre d’analyses anthracologiques effectuées sur une centaine d’ateliers de production du fer dans le district du Jura central suisse tend à démontrer que le choix des essences employés lors du charbonnage se fait en fonction de critères tech- niques (qualité intrinsèque du bois choisi) dans un environne- ment naturel existant (altitude du lieu, degré de forestation, etc.). S’il est vrai que les autres besoins en bois des habitants proches d’un atelier devaient entrer en ligne de compte, ce facteur influen- cerait probablement davantage la qualité du bois choisi (plutôt des branchages que des segments de tronc, p. ex.) qu’une sélec- tion des essences. Ce dernier critère semble se faire sentir dans le contexte médiéval plus tardif, où l’on a finalement recours à toutes les essences encore disponibles aux environs d’un atelier donné (Eschenlohr 2001, p. 36-40).

3.10 Synthèse sur l’activité métallurgique

Ludwig Eschenlohr

avec la collaboration de Marianne Senn

Le bon état de conservation des déchets métallurgiques, sur une surface d’environ 400 m2 au sein même de la zone fouillée, permet

d’esquisser une image assez complète des activités qui s’y sont déroulées. Plusieurs points faibles ternissent toutefois ce tableau : – le peu de minerai dans la part du corpus attribuée à la phase

productive ; ce manque est en partie compensé par le fait que, sur la base des analyses, l’emploi exclusif du minerai pisoli- thique est attesté ;

– la faible quantité globale des scories coulées (déchets également propres à la réduction du minerai de fer), en comparaison avec le volume plus important des résidus de postréduction ; au sein même de ce petit ensemble, le nombre de remontages effectués est cependant considérable et indique que ces déchets ont été retrouvés en place ;

– le très mauvais état de conservation de l’emplacement du bas fourneau et de ses alentours, ce qui rend très difficile une inter- prétation précise de cette structure 67. Les analyses archéoma-

gnétiques confirment par ailleurs que les quelques éléments constructifs dégagés se trouvent pour la plupart en position secondaire par rapport au moment où ils ont subi leur premier impact de chaleur. L’importante rubéfaction du cercle extérieur de plaques calcaires plaide pour une dernière utilisation en tant que bas foyer, ce qui rend très délicate, en l’état, la vérification de tout autre emploi antérieur. Le grand nombre de fragments de paroi de bas fourneau identifiés dans l’amoncellement des déchets démontre toutefois qu’un tel bas fourneau a bel et bien existé dans cet atelier. Il n’est pas exclu que cet appareil se soit trouvé à l’emplacement de la structure appelée « bas fourneau », mais les indices permettant d’être affirmatif sont à notre avis trop ténus. Ces trois observations amènent à s’interroger sur la représentativité de l’échantillon des déchets métallurgiques issu de la fouille par rapport à l’ensemble initial des rebuts produits dans cet atelier 68.