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5.4.1 L’étude archéozoologique

Olivier Putelat

L’étude archéozoologique des périodes historiques de Combe En Vaillard se heurte à deux contraintes. Il s’agit, d’une part, de la mauvaise conservation des vestiges osseux, inhérente à la combe (Putelat 2010), et d’autre part du mitage spatial et chronologique des échantillons fauniques (fig. 217). Les causes de cette disper- sion sont multiples. Nous retiendrons principalement la rareté du matériel osseux provenant de structures archéologiques bien déli- mitées, mais aussi la présence d’ossements mal attribués chrono- logiquement, car mis au jour dans des contextes médiévaux (lato

sensu) contenant du mobilier protohistorique remanié. De fait, la

présentation des données ostéo-archéologiques s’articule autour de l’évolution du chemin NO/SE.

5.4.1.1 Le chemin NO/SE

Les 98 restes osseux mis au jour dans l’emprise du chemin NO/SE sont très mal conservés (fig. 217). Les vestiges sont très fragmentés, les surfaces osseuses sont altérées dans deux cas sur trois, le taux de dents isolées de leur supports alvéolaires est élevé 7.

La teinte des os est extrêmement variable d’un secteur à l’autre. Ils peuvent être marqués par un dépôt manganique noirâtre, révé- lateur de la circulation d’eau entre l’empierrement et les couches de comblement, ou présenter ailleurs une coloration plus claire, liée à une décalcification. Les traces vermiculaires, causées par les radicelles de la végétation, sont généralisées en raison des faibles profondeurs d’enfouissement.

Les ostéorestes sont en majorité d’origine bovine. Quelques osse- ments de caprinés (mouton et/ou chèvre), de porc et d’équidé (cheval et/ou hybride) sont également présents (fig. 218). L’intensité des destructions ostéologiques, liées au faible pH du sol, à la lenteur d’enfouissement des vestiges et aux contraintes mécaniques inhérentes à l’utilisation du chemin, entraîne une préservation différentielle au profit des grands mammifères (bœuf, cheval) et au détriment des mammifères de taille moyenne (caprinés, porc en particulier).

La composition des assemblages osseux diffère à l’est et à l’ouest du chemin, ce qui nous amène à en effectuer une présentation séparée. A l’ouest, où les vestiges sont disséminés en fonction du grand axe du chemin, le poids moyen des restes est plus faible, le taux de détermination est plus bas, les dents isolées de leurs

supports alvéolaires sont plus fréquentes qu’à l’est où les osse- ments sont plutôt regroupés en amas.

La partie ouest

Dans la partie ouest du chemin, 22 des 48 restes osseux sont déterminés, soit moins d’un reste sur deux (fig. 218). Le poids moyen des vestiges est de 10,6 g. Seules des dents isolées, dont l’extrême surreprésentation pondérale témoigne de la destruction du corpus (Studer 1998), sont attribuées aux caprinés et au porc. Elles constituent aussi l’essentiel des restes d’équidés (fig. 217). Les ossements bovins prévalent avec 10 des 22 restes déterminés. Leur répartition anatomique est plus diversifiée que celle des autres taxons. Il s’agit de deux dents, de la diaphyse et de l’épi- physe distales d’un même humérus (mises au jour déconnectées à un mètre l’une de l’autre), de deux fragments de tibias, d’une patella, de la diaphyse d’un métatarse et d’une phalange distale. Le corpus des caprinés est composé d’uniquement trois dents jugales, indiquant au moins un adulte. L’une de ces dents pro- vient d’une ornière du chemin. L’échantillon porcin comporte en tout et pour tout deux dents jugales. Une M1 est attribuée à un

individu âgé de 6 à 10 mois et une P4 à un autre de plus de 2 ans.

Les sept restes d’équidé(s) se décomposent de la façon suivante. Il s’agit de cinq dents maxillaires gauches (P3 à M3), s’assemblant

bien, et qui proviennent vraisemblablement d’un même arc dentaire disséminé sur place. Une autre dent jugale supérieure droite et un fragment distal de tibia sont mis en évidence. Tous désignent un animal adulte. Les 26 ostéorestes non attribués spé- cifiquement correspondent, pour l’essentiel, à de petits fragments de diaphyses, d’un poids moyen de 2,3 g.

La partie est

Dans la partie est du chemin, 35 des 50 restes osseux sont déter- minés, soit plus d’un reste sur deux. Le poids moyen des vestiges est de 25,2 g. Les dents isolées sont plus rares que dans la partie ouest du chemin. Les ossements proviennent surtout du niveau r1 (32 restes), mais aussi du niveau r2 (5 restes), de la couche b issue de l’érosion du chemin (10 restes), de l’amas P2 (3 restes). Le bœuf prévaut parmi les taxons déterminés (fig. 218).

Dans le niveau r1, 23 restes bovins, plus ou moins regroupés en trois amas, constituent la totalité des déterminations. Huit d’entre eux, représentant plus de 150 fragments, sont issus d’un premier amas osseux écrasé en place dans les cailloutis situés à l’est de la combe. Il s’agit d’une partie de la tête (représentée par des fragments d’os frontaux, des fragments occipitaux, les os

Type d’assemblage Restes total NR brûlés / NR NR non strictement dentaires PR non strictement dentaires Restes déterminés nb fragments poids

g poids moyen g variationg écart type

Chemin NO/ SE, ensemble 98 516 1766,8 18,0 0,1 à 291,2 33,1 2 / 98 77,6% 72,3% 52,8% Chemin NO/ SE, partie ouest 48 89 508,4 10,6 0,1 à 59,0 16,0 1 / 48 35 / 48 35,2% 22 / 48 Chemin NO/ SE, partie est 50 427 1258,4 25,2 0,1 à 291,2 41,7 1 / 50 8 / 50 89,5% 35 / 50 Couche d'inondation D3.1 34 268 438,6 12,9 0,1 à 129,2 30,2 2 / 34 27 / 34 95,0% 15 / 34 Chemin N/ S 2 4 6,8 2 / 2 6,8 g Divers altomédiéval 6 50 51,7 8,6 0,2 à 36,0 14,0 1 / 50 6 51,7 g 2 / 6 Divers médiéval 12 84 162,7 13,6 0,1 à 101,0 28,6 9 / 12 95,4% 7 / 12 Total 152 922 2426,6 16,0 Fig. 217 Présentation d’ensemble du mobi- lier osseux.

Structure Espèce Restes Poids NMI

nb % g %

Chemin NO/ SE, ensemble

Bœuf, Bos taurus L. 41 71,9 1188,1 67,2 2 Caprinés 3 5,3 65,7 3,7 1 Porc, Sus domesticus E. et suinés 4 7,0 33,6 1,9 2 Equidés, Equus sp. 9 15,8 291,6 16,5 1 Restes déterminés 57 100 1579,0 89,4 6 Grands mammifères 23 134,3 7,6 Mammifères de taille moyenne 6 29,6 1,7 Esquilles indéterminées 12 23,9 1,4 Total 98 1766,8 100,0 6

Chemin NO/ SE, partie ouest

Bœuf, Bos taurus L. 10 125,3 24,6 1

Caprinés 3 65,7 12,9 1

Porc, Sus domesticus E. et suinés 2 2,3 0,5 2 Equidés, Equus sp. 7 254,7 50,1 1 Restes déterminés 22 448,0 88,1 5 Grands mammifères 17 56,3 11,1 Mammifères de taille moyenne 3 0,8 0,2 Esquilles indéterminées 6 3,3 0,6

Total 48 508,4 100,0 5

Chemin NO/ SE, partie est

Bœuf, Bos taurus L. 31 1062,8 84,5 2 Porc, Sus domesticus E. et suinés 2 31,3 2,5 1 Equidés, Equus sp. 2 36,9 2,9 1 Restes déterminés 35 1131,0 89,9 4 Grands mammifères 6 78,0 6,2 Mammifères de taille moyenne 2 0,8 0,1 Esquilles indéterminées 7 48,6 3,9

Total 50 1258 100 4

Couche d'inondation D3.1

Bœuf, Bos taurus L. 12 418,1 95,3 2 Porc, Sus domesticus E. et suinés 3 2,7 0,6 1 Restes déterminés 15 420,8 95,9 3 Grands mammifères 2 7,7 1,8 Mammifères de taille moyenne 5 4,0 0,9 Mammifères de petite taille 1 0,1 0,0 Esquilles indéterminées 11 6,0 1,4 Total 34 438,6 100,0 3 Chemin N/ S Grands mammifères 1 4,8 Esquilles indéterminées 1 2,0 Total 2 6,8 Divers altomédiéval

Bœuf, Bos taurus L. 1 36,0 Restes déterminés 1 36,0 Grands mammifères 2 12,4 Mammifères de taille moyenne 1 0,2 Esquilles indéterminées 2 3,1

Total 6 51,7

Divers médiéval

Bœuf, Bos taurus L. 1 28,8 17,7 Porc, Sus domesticus E. et suinés 3 4,6 2,8

Caprinés 2 4,7 2,9

Equidés, Equus sp. 1 101,0 62,1 Restes déterminés 7 139 85,5 Grands mammifères 3 17,5 10,8 Mammifères de taille moyenne 2 6,1 3,7

Total 12 162,7 100,0

Fig. 218 Spectre de la faune des divers échantillons ostéologiques.

zygomatiques droit et gauche, les deux dents jugales supérieures), de quelques corps vertébraux (dont la deuxième vertèbre cervi- cale), d’une côte, d’un humérus gauche et d’un os coxal droit. Le recouvrement des os paraît avoir été assez lent, comme en témoigne l’aspect des surfaces osseuses et la présence d’une trace

de morsure animale sur l’épiphyse distale de l’humérus. Il nous paraît très probable que tout ou partie de ce bovin a été déposé sur le chemin, ou à sa proximité immédiate, et que diverses bio- turbations ont remanié les connexions anatomiques. Une fine incision diagonale au grand axe de l’os affecte la face latérale de la diaphyse d’une côte ; elle traduit vraisemblablement le pré- lèvement de la peau de l’animal. Un à deux mètres au nord-est se trouve un second amas osseux, composé de huit restes crâ- niens, totalisant 75 fragments. Il s’agit d’esquilles de chevilles osseuses, de débris occipitaux, d’une dent jugale maxillaire. Le tubercule musculaire d’un os occipital, os impair déjà mis en évidence dans le premier amas osseux, montre ici la présence d’un second boviné. Le condyle occipital porte une forte trace « lissée » sur le condyle occipital droit, résultant du décollement de la tête. Quelques mètres au sud-ouest du premier amas, on trouve d’autres ossements bovins : deux dents jugales maxillaires, un os zygomatique droit (surnuméraire par rapport au premier amas), le col d’une scapula, les diaphyses d’un humérus et d’un méta- carpe. En résumé, deux bovins, au moins, sont indiqués par deux tubercules musculaires de l’os occipital et deux os zygomatiques droits. L’attrition des dents jugales permet d’estimer l’âge de l’un entre 18 et 36 mois et celui de l’autre d’environ 40 à 60 mois. Dans le niveau r2, les deux seuls restes déterminés sont une dent jugale et une ulna d’équidé(s).

La couche b du chemin a livré six restes de bœuf, relativement regroupés, et deux dents jugales de porc. Les restes bovins sont des fragments mandibulaires, dentaires et non dentaires, une épi- physe proximale de tibia, une phalange. Le tibia porte une forte incision localisée sur la surface articulaire latérale du plateau tibial. Réalisée avec l’extrémité d’un couteau lourd et tranchant plus qu’avec un couperet, elle s’apparente à une désarticulation. Trois restes de bœuf, très mal conservés, ont été découverts parmi les blocs calcaires destinés au rechargement du chemin (amas P2). Il s’agit d’un débris de cheville osseuse, d’un fragment de dent jugale et d’une diaphyse d’os long.

5.4.1.2 La couche d’inondation D3.1

La datation de la couche d’inondation D3.1 n’est pas établie pré- cisément (chap. 5.5). Les os sont très dégradés. Le poids moyen des esquilles indéterminées est de moins d’un gramme. Un reste déterminé sur trois est une dent isolée de son support alvéolaire. Les douze restes de bœuf proviennent en majorité du squelette de la tête. On dénombre un arc maxillaire, deux mandibules gauches et une droite. Les stades d’apparition et d’attrition des M3 montrent la présence d’un bovin âgé de 20 à 36 mois et d’un

autre de plus de 42 mois. Le squelette postcrânien comprend la diaphyse d’un radius, un fragment d’os coxal, la diaphyse proxi- male d’un fémur, marquée d’une trace de désossage. Trois restes de porc ont été exhumés. Il s’agit de deux métapodes et d’une dent jugale.

5.4.1.3 Le chemin N/S

Seules deux esquilles indéterminées proviennent du chemin nord-sud.

5.4.1.4 Divers

Les restes non reliés au chemin sont spatialement inexploitables, en raison de leurs faibles effectifs. Pour cette raison, ils ne font l’objet que d’une simple mention « divers altomédiéval » ou « divers médiéval » (fig. 217 et 218).

5.4.1.5 Conclusion

A Combe En Vaillard, les échantillons fauniques attribués aux périodes historiques sont principalement en rapport avec des opérations de rechargement et de terrassement du chemin. Très détruits par la combinaison de divers processus – taphonomie, piétinement, lenteur d’enfouissement, acidité du sol, érosion, remaniements hydrauliques –, les assemblages se composent de déchets alimentaires, mais aussi de rejets non consommés. Les phénomènes de conservation et de préservation différen- tielles, induits par les destructions taphonomiques, font que les rejets domestiques composent un échantillon biaisé, non repré- sentatif des pratiques alimentaires environnantes.

La répartition taxonomique, anatomique et taphonomique des ossements de la partie ouest du chemin NO/SE présente une bonne ressemblance avec ce qui a été observé dans les rem- blais de la route d’Alle - Noir Bois (zones 8 et 9), datés du 1er au

4e siècle ap. J.-C. où, par exemple, de nombreux fragments crâ-

niens d’équidés ont été écrasés en place « à la base de remblais soutenant la recharge de la route » (Olive 1999, p. 125). Les observations réalisées dans la partie est du chemin montrent la présence d’au moins un squelette de bovin, non consommé, sommairement recouvert après s’être partiellement décomposé en surface. Il s’agit là d’une variante des divers procédés altomé- diévaux d’élimination de squelettes animaux non consommés, ensevelis démembrés ou entiers, dans des déclivités naturelles telles que la doline de Bure - Montbion (JU) ou dans des fosses comme à Bourogne (Ter. de Belfort, F ; Putelat 2007a).

5.4.2 Les scories de postréduction

Ludwig Eschenlohr

Environ 2,4 kg de déchets scorifiés ont été mis au jour dans la zone nord de Combe En Vaillard (Eschenlohr 2010, p. 61, fig. 60). Malgré la faible quantité et l’état fragmentaire de ces déchets sidé- rurgiques, le rapport quantitatif entre les différentes catégories (calottes, coulées, ferrugineuses et parois de bas foyer) permet de conclure à des résidus issus d’activités liées à la postréduction (Eschenlohr et al. 2007, p. 13-15). Leur attribution chronologique plutôt au Haut Moyen Age qu’à l’âge du Fer découle essentielle- ment de l’étude stratigraphique, ainsi que de la différence morpho- typologique de quelques fragments de scories en forme de calotte : leur taille et leur poids, même à l’état fragmentaire, dépassent ceux des calottes découvertes dans la partie assurément protohistorique de ce site. Lors de cette première étude, il a été exposé que le poids moyen des fragments de calotte trouvés dans la zone nord du site est d’au moins un tiers, voire près de la moitié supérieur à celui du même type de déchet provenant des deux zones attribuées à l’âge du Fer, et ceci malgré le fait que deux calottes ont été conservées en intégralité dans le second cas (Eschenlohr 2010, p. 61, fig. 60).

L’absence de toute structure témoignant d’une activité métallur- gique, par exemple un bas foyer de forge, nous amène à postuler que ces déchets éparpillés et très peu nombreux proviennent de l’atelier contemporain tout proche de Lai Coiratte. Ce dernier est situé à quelque 250 m en direction du nord-ouest. Cette hypothèse n’est toutefois pas vérifiable étant donné le petit nombre de pièces récoltées. Il n’est pas exclu non plus qu’une autre installation de travail et de transformation du fer ait existé à proximité de la zone nord, mais elle serait située hors du péri- mètre fouillé.

5.5 Datation

A Combe En Vaillard, il est évident que l’organisation spatiale des sépultures est définie par le chemin NO/SE. C’est en effet son orien- tation qui induit celle des tombes, alignées sur des axes parallèles le long de son côté nord. Il convient donc de tenter de le situer chro- nologiquement et cela malgré les difficultés à estimer la durée d’uti- lisation de ce genre de structure. Cet essai ne repose que sur le rare mobilier prélevé dans ses deux niveaux d’empierrement r1 et r2, dans l’amas adjacent P2 et dans la couche b liée à l’érosion de r1. Il s’agit de tessons en pâte orange 3, communs aux 6e et 7e siècles, et en

pâte 5c, pâte qui n’apparaît dans nos contrées qu’à la fin du 7e siècle.

Un fragment de gobelet T.60 peut être rattaché aux 7e et 8e siècles.

Aucune pièce métallique n’a pu être datée. Comme le deuxième niveau de recharge r2 a livré un fragment de pot en pâte orange des 6e ou 7e siècles, il n’est pas possible d’évaluer le laps de temps qui

le sépare du premier empierrement r1. Quant à la violente inonda- tion qui a enseveli le tronçon oriental et qui a certainement signifié la fin de son utilisation, sa datation ne s’appuie que sur quelques céramiques en pâtes 4 et 7 et sur un rivet de fourreau en bronze extraits de la couche D3.1 qui matérialise cet événement (fig. 192). Le rivet est daté de la fin du 7e siècle. Les céramiques en pâte 4 sont

présentes dans nos régions à partir du deuxième tiers du 7e siècle, et

celles en pâte 7, à partir du dernier quart seulement, mais leur pro- duction perdure encore au moins jusqu’au 10e siècle. Les marqueurs

chronologiques plus récents, du 11e au 15e siècle, ne se trouvent

que dans la couche D2.2, ultérieure à l’inondation. On peut donc situer grosso modo la durée d’utilisation du chemin entre le 7e et le

10e siècle, bien que cette fourchette semble trop large. L’attribution

de l’épisode d’inondation au Haut Moyen Age encore concorde avec les nombreuses observations d’une recrudescence des événe- ments torrentiels au cours de cette période (Braillard et Aubry 2010, p. 18). La localisation du mobilier métallique et céramique du Bas Moyen Age renforce encore l’idée d’un abandon de cette voie de passage et d’un déplacement vers le nord de l’axe de circulation par la suite.

La proposition d’une datation romaine pour ce chemin est à exclure (Demarez 2001, p. 78). En effet, le chemin posé à la base de la couche E2.2 (fig. 207), scelle l’horizon romain situé au sommet de la couche E3.1 (Deslex et al. 2010, p. 87). Les quelques fragments de tuiles romaines trouvés dans ses niveaux d’em- pierrements ne doivent pas faire illusion. On sait que les tuiles romaines font l’objet d’une forte récupération et réutilisation au Haut Moyen Age. La voie empierrée NO/SE succède à un chemin plus ancien dont on voit encore les témoins discrets sous forme

de deux ornières que sa bordure nord recoupe partiellement (fig. 193). Mais cette voie de passage antérieure se situe à la base de la couche E2.2 et appartient aussi à l’horizon Haut Moyen Age. La datation des tombes est problématique. Aucun mobilier funé- raire n’accompagne les défunts et les tentatives de datation 14C

(sur les squelettes des tombes 2, 4 et 5) ont échoué à cause du mauvais état de préservation des os. L’implantation des tombes à la base de la couche E2.2, niveau caractérisé par la présence de céramiques à pâte 1 fine, à pâte 3 orange ou à pâte 4 sableuse, et scellé par l’horizon charbonneux E2.2 (1000-1250 ap. J.-C.), permet de les placer dans une phase large allant du 7e jusqu’au

10e siècle au moins. Cela correspond à la coutume d’inhumer

hors contexte paroissial, sous la forme de tombes isolées ou de petits groupes de tombes dispersées, usage qui perdure jusqu’à la fin du 10e siècle dans les zones rurales (Pecqueur 2003, p. 22).

Avec si peu d’éléments, il n’est bien entendu guère possible d’éta- blir le rapport chronologique entre les tombes. Tout au plus peut-on présupposer des relations familiales de type mère-enfant entre les sujets des tombes regroupées 1 à 4, ce qui signifierait des intervalles courts entre ces inhumations. Mais il est difficile d’évaluer leur lien chronologique avec la tombe isolée 5. Le fait que cette dernière soit une inhumation en espace colmaté est peut-être le signe d’une datation récente. Selon F. Blaizot (2006, p. 331), le dépôt en pleine terre avant l’an mille est rare et relève du cas exceptionnel. Or les circonstances tragiques dans lesquelles l’homme de la tombe 5 a trouvé la mort sont exceptionnelles et ont peut-être conduit à ce type d’inhumation à une période plus ancienne déjà.

La datation 14C du foyer 1 situé à proximité des sépultures a donné

une fourchette comprise entre 260-540 ap. J.-C. (fig. 219) qu’il est difficile d’intégrer dans le contexte des tombes et du chemin. Ce résultat concorde avec la position stratigraphique basse de cette structure découverte au contact des couches E2.2 et E3.1. S’il exclut la possibilité d’un lien quelconque avec les tombes, il trouve toutefois un écho dans une partie du mobilier daté du début du 6e siècle (céramiques à pâte fine et à pâte orange).

Il est en tous cas l’indice d’une fréquentation des lieux qui précède l’aménagement de la voie empierrée NO/SE et peut éventuelle- ment correspondre à la phase d’utilisation de l’ancienne voie de passage signalée par des ornières.

La datation du bâtiment A par 14C n’est pas utilisable. En effet,

le résultat obtenu sur du charbon de bois prélevé dans le trou de poteau 1, 130-540 ap. J.-C. (fig. 219), est contredit par la pré- sence dans le même trou de poteau d’un fragment de verre rouge sodique qui ne peut précéder le 8e siècle. L’étude des autres arte-

facts découverts à proximité des structures n’apporte aucune pré- cision chronologique supplémentaire. A l’exception d’un tesson en pâte orange (6e - 7e siècle) trouvé dans le trou de poteau 4, tous

les autres objets appartiennent au contexte remanié peu favorable de cette zone érodée. Un fragment de marmite en pierre ollaire et un petit bloc poli de syénite gris-vert (récupération romaine ?) ont été ramassés à même les graviers, tandis que deux tessons en pâte orange, une clé en fer du 11e siècle et quelques clous de fer à cheval

proviennent de la base des couches C2.2-D2.2 qui recouvrent les vestiges. Du point de vue architectural, le plan en L du bâtiment s’inscrit bien dans les standards des époques mérovingienne et carolingienne. L’ajout d’une pièce annexe sur un côté de l’édifice trouve des parallèles à Prény-Tautecourt (Meurthe-et-Moselle, F ; Frauciel 2008, p. 27, fig. 4), à Sillégny (Moselle, F ; Peytremann 2008, p. 41 et 43, fig. 5), à Montours-Le Teilleul (Ille-et-Vilaine, F) et à Fleury-La Jouennière (Manche, F ; Peytremann 2005, p. 82, fig. 2.5 et 2.6). A l’exception du bâtiment en L de Prény daté du 6e au 7e siècle, les autres sont tous attribués à une phase allant du

7e au 10e siècle. Plus près de Combe En Vaillard, le bâtiment A de

la ferme 1 de Develier - Courtételle daté du milieu du 7e siècle,

possède aussi une pièce annexe sur un côté (plan en T ; Federici- Schenardi, Fellner et al. 2004, p. 25, fig. 16). Une attribution un