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La carte de sensibilité : quelle date de péremption ?

3.4 Recettes de cuisine

3.4.2 La carte de sensibilité : quelle date de péremption ?

Ajoutons maintenant une illumination spectrale uniforme à ce piédestal, pour faire apparaître les variations de sensibilité pixel à pixel. Le temps d'exposition est choisi par les astronomes de l'ESO (∼ 9 sec.) an d'approcher le niveau de saturation du CCD (65535 ADU) sans l'atteindre. Le bruit de lecture est alors négligeable devant le bruit de photons. De nouveau, on réduit ce bruit en moyennant plusieurs acquisitions comparables. En plus de la taille et du mode de lecture, la conguration instrumentale importe : la position et la taille de la fente et le grisme utilisé modieront les franges d'interférence. Le dépôt de poussières sur les optiques de champ et sur la fenêtre du capteur rompt la stationnarité et limite l'intervalle de temps de moyennage.

Il est envisageable de factoriser la carte de sensibilité en trois composantes : la transpa- rence des pixels (stationnaire et blanche8), les franges d'interférences (stationnaires pour

une conguration fente/grisme donnée) et la carte des poussières (non stationnaire). On se limite pour l'heure à construire un modèle de champ plan par lunaison et par conguration. En eet, très peu de poussières se déposent en une dizaine de jours.

Fig. 3.7: À gauche : Exemple d'un spectrogramme longue fente de lampe à incandescence. À droite : Spectre estimé sur des spectrogrammes obtenus avec diérentes fentes.

Normalisation par le spectre de la lampe :

Pour obtenir une sensibilité relative, le spectrogramme de la lampe à incandescence est divisé par son propre spectre. Il faut donc estimer celui-ci, mais sans connaître encore la sensibilité des pixels. C'est cette estimation qui dénira la référence unitaire du champ plan.

La chaîne de réduction MIDAS procède à un moyennage glissant sur une région d'une centaine de lignes et quelques colonnes pour estimer le niveau d'illumination local. Cette méthode à l'inconvénient de sous-estimer l'illumination des zones de faible sensibilité éten- dues, et fait apparaître des fantômes dont la transparence est sur-estimée au-dessus et au-dessous des zones sombres (c.f. Fig. 3.8). À proximité de la coupure du ltre d'isole- ment d'ordre, où l'illumination passe rapidement de zéro à plusieurs milliers d'ADU, la sensibilité ainsi calculée n'est plus centrée sur l'unitée, mais décroît localement jusqu'à ∼ 0.6. Autre source d'étonnement : les trois dernières lignes sont à zéro !

Il faut aussi remarquer que l'homogénéité de l'illumination n'est pas parfaite : le prol spatial d'intensité de la lampe n'est pas strictement uniforme, le collimateur et les op- tiques introduisent un vignettage aux coins du champ, et la largeur de la fente n'est pas parfaitement constante (poussière obstructices, irrégularitées de découpe). Le vignettage et l'irrégularité de la fente seront aussi présentes lors des acquisitions de sciences et doivent donc apparaître dans le champ plan, mais l'intensité irrégulière de la lampe doit être cor- rigée. Il y a cependant une forte dégénérescence entre ces eets.

Dans un premier temps, j'ai utilisé l'algorithme de moyenne robuste pour estimer le spectre de la lampe dans des bandes de 200 lignes. Dans l'hypothèse où les variations de

la lampe sont étendues, et que celles de la fente sont localisées, les spectres obtenus dans chaque bande sont interpolés linéairement en chaque ligne. On corrige ainsi en partie la variation d'intensité de la lampe, ainsi que le vignettage.

Néanmoins, en raison des termes en Y de la fonction de dispersion, l'interpolation dans les zones de fort gradient d'illumination entraîne un phénomène de crénelage9. Cela n'arrive

qu'aux bords de l'image (c.f. Fig. 3.8), mais ce n'est pas très satisfaisant.

Pour corriger ce crénelage, il faut utiliser la fonction de dispersion. On ne l'a pas encore calculée (il est préférable de disposer du champ plan auparavant), mais elle n'a pas besoin d'être très précise ici. Un modèle moyen dérivé des fonction de dispersion calculées par MIDAS est utilisé (c.f. ci-après) : les spectres estimés dans chaque bande de 200 lignes sont transposés dans l'espace spectral, puis moyennés. On dispose ainsi d'une estimation globale du spectre de la lampe. Ensuite, pour chaque ligne, ce spectre est échantillonné selon les λ correspondant aux pixels, et la ligne est divisée par icelui.

On suppose donc que l'illumination est parfaitement uniforme, et le champ plan reète à la fois le vignettage, l'irrégularité de la fente et les variations d'intensité de la lampe.

Enn, pour que la normalisation des champs plans de science pris en mode LSS et ceux des étoiles standard prises en mode MOS soient équivalentes, le spectre des lampes doit être estimé dans la même région du CCD. Le mode MOS 2048×400 généralement utilisé impose donc de calculer le spectre des lampes dans la bande centrale de 400 lignes des spectrogrammes LSS. Deux bandes de 200 lignes sont utilisées par défaut.

Moyennage des spectrogrammes :

La construction du champ plan comporte deux étapes indépendantes : la normalisation à l'unité, et le moyennage de plusieurs réalisations. L'ordre dans lequel ces deux opérations sont eectuées n'importe pas.

Comme l'estimation du spectre et le passage dans l'espace des λ est plus lent que le moyennage, on préfère moyenner d'abord et aplanir ensuite.

De même que pour le piédestal, il faut normaliser auparavant les spectrogrammes bruts pour les mettre tous au même niveau d'illumination. En eet, l'intensité de la lampe dérive asymptotiquement jusqu'à atteindre l'équilibre (c.f. Fig. 3.9). Lorsque la variation est trop importante, MIDAS invalide certaines images pour ne garder que les plus ressemblantes. Il arrive que 2 images sur 5 soient ainsi invalidées. On peut estimer l'intensité de multiples façons : dans une région centrale, selon une grille ou en une colonne par exemple. Il sut d'utiliser le même estimateur pour tous les spectrogrammes.

En fait, pour bien illuminer l'ensemble de l'intervalle spectral, du proche UV au proche IR, l'ESO utilise deux lampes de températures diérentes : FlatBlue et FlatRed, dont le maximum d'émmission se fait à 4600 Å et 7000 Å respectivement. Comme leur intensité varie indépendamment, il n'est pas possible d'utiliser un unique facteur de normalisation par image. Si l'on disposait de leur spectre bien mesuré et de la fonction de réponse, on pourrait se contenter de deux paramètres (un pour chaque lampe). Une analyse en composantes principales peut aussi permettre d'isoler les spectres de chaque lampe.

On se contentera ici de calculer ce facteur en chaque colonne (à chaque λ), comme le rapport entre le ux moyen de cette colonne pour une image et la moyenne Fmoy(X)de

ces ux moyens pour toutes les images.

Normalisées par ce facteur, les N images ont la même illumination moyenne en chaque colonne, et l'on peut appliquer l'algorithme de moyenne robuste aux N réalisations de chaque pixel, rejetant ainsi les impacts de rayons cosmiques, et réduisant le bruit de photons

9ou aliasing : apparition de signaux articiels à des fréquences proches de celle du rééchantillonnage

lorsque celui-ci ne respecte pas le critère de Shannon-Nyquist d'un pas inferieur à la moitié des plus petits détails du signal.

(a) MIDAS (5 acq.) (b) Interpolé (10 acq.) (c) Uniforme (10 acq.)

Fig. 3.8: Comparaison des images de champ plan obtenues par MIDAS, en interpolant entre bandes, et en supposant une illumination uniforme. En haut : Images plein cadre, avec les mêmes coupures 0.95 < f < 1.05. En bas : Gros plans sur les détails évoqués : sur-estimation de part et d'autre d'une zone sombre, et sous-estimation au niveau de la coupure à 4150 Å par MIDAS (a), crènelage dû à l'interpolation linéaire au bord (b) et changement de régime de normalisation à 4150Å (c). Fig. 3.9: Mise en évidence de la uctuation d'in- tensité de la lampe FlatBlue au cours de 5 acquisitions de 8.7 secondes consécutives, à 2 minutes d'inter- valle. Une variation de ∼ 10 % apparaît ici.

d'un facteur √N. Les petits détails :

Il va sans dire que le modèle de piédestal normalisé au niveau des régions masquées de chaque spectrogramme est soustrait avant chaque estimation et avant le moyennage.

En deça de 4150 Å, le ltre d'isolement d'ordre absorbe les photons, et l'illumination ne provient que d'un peu de lumière diusée. Elle ne suit pas la fonction de dispersion, et si l'on divise par son faible niveau, le bruit résiduel est énorme. On change donc de régime de normalisation en deça de 4150 Å, ainsi que dans les région masquées : la sensibilité f y est dénie comme l'unité plus la diérence entre le ux Fpixdans le pixel et le ux moyen

Fmoy de la colonne pour toutes les images, en terme du niveau moyen des régions masquées

du piédestal Bref : f(X, Y ) = 1 + Fpix(X,Y )−Fmoy(X)Bref . Cette dénition ad-hoc permet de

garder la trace de la lumière diusée, sans avoir de valeurs trop déviantes de l'unité. Alors que l'on n'utilise qu'un modèle de piédestal par trimestre, on construit un champ plan par lunaison et par conguration utilisée, car 5 images susent pour obtenir un bon niveau de bruit. À quatre modèles de piédestal par an, s'ajoutent 24 modèles de champ plan par an, dans l'hypothèse où deux congurations diérentes sont utilisées par lunaison. Et autant pour la calibration des étoiles standard prises en mode MOS. Le nombre d'images moyennées varie ici de 5 à 35. Le nombre d'étapes, les ranements apportés et la taille des images rendent le temps de calcul du champ plan le plus important de toutes les modélisations. Pour 5 images LSS, il est d'environ une minute sur un poste de travail.

(a) Fente 1.0 (b) Fente 0.7 (c) Fente 1.3

Fig. 3.10: Comparaison des franges d'interférences obtenues aux grands λ, en fonction de la longue fente utilisée. Avec la fente de 1.0, les longueur d'ondes sont plus élevées en une même position du CCD qu'avec la fente de 0.7, et avec celle-ci qu'avec celle de 1.3 (voir Fig. 3.7). Le code des couleurs et identique (de 0.95 à 1.05). On distingue quelques poussières xes, qui diusent la lumière autour d'elles, et de nombreux pixels sombres.

Il est possible de construire une image du bruit statistique associée aux champs plans : pour une illumination F , le bruit résiduel normalisé de lecture et de photons s'écrit σf = q (RONg )2+F g F = 1 √ F q 1 g + RON2

F g2 . Pour un F supérieur à 10000 ADU, en négligeant la

composante du bruit de lecture, on trouve σf < 0.01√g , de l'ordre du pourcent. En combinant

une dizaine d'images, on descend à quelques pour mille. L'eet propagé de cette incertitude sur un ux calibré F0 s'écrit σf prop = σfF −Bf2 = F0

σf

f ∼= F0σf.

à 1 ADU, et est petit par rapport au bruit de lecture (∼ 3.5 ADU) et au bruit de grenaille (q

F

g ∼ 10 ADU). On négligera donc ce bruit propagé, économisant ainsi autant d'images

de bruit résiduel qu'il y a d'images de champs plans.

Fort de ces modèles de calibration cosmétique de l'instrument, il est déjà possible de calibrer, soustraire du ciel et combiner les spectrogrammes de science, puis d'extraire le signal spectral. La calibration en longueur d'onde et en ux peuvent se faire après coup sur le spectre extrait (en ADU/pixel). N'anticipons pas et terminons de décrire la manière d'estimer la fonction de dispersion et la réponse instrumentale.