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8   APPROCHE COMPAREE DES DOSSIERS-METIER « TEST »

8.3   C ONTENU DOCUMENTAIRE DES DOSSIERS « TEST »

8.3.3   Le caractère mixte des dossiers

Après avoir cerné l’organisation des dossiers-métier étudiés et leur contenu documentaire, nous allons maintenant chercher à montrer dans quelle mesure coexistent au sein de ces dossiers des documents physiques et des documents électroniques et quels sont les paramètres de gestion qui jouent un rôle dans le caractère mixte de ces dossiers.

8.3.3.1 L’objet documenté et la durée de collecte

En premier lieu, nous observons pour les deux dossiers-métier étudiés que l’objet documenté et le temps d’ouverture du dossier jouent un rôle important dans le caractère mixte du dossier.

Dans le cas du dossier individuel de salarié, son temps d’ouverture dépend du temps passé par le salarié dans l’entreprise : plus le salarié reste longtemps dans l’entreprise, plus la collecte des documents rendant compte de ses états de service va s’étaler sur une période

longue. Ainsi, même si une entreprise dématérialise l’ensemble des processus relatifs aux documents constitutifs du dossier individuel de salarié, les dossiers ouverts avant la mise en œuvre de la dématérialisation comporteront des documents physiques, produits antérieurement à la dématérialisation, et des documents électroniques, produits à partir de la mise en œuvre de la dématérialisation. Il y aura donc coexistence de supports au sein du dossier, et aussi au sein de typologies documentaires. Ainsi, un contrat signé en format papier pourra faire l’objet d’un avenant signé en format électronique. Pour préparer un entretien d’évaluation, qu’il éditera et signera avec le salarié au format électronique, le manager se référera aux entretiens d’évaluation des années précédentes produits en format papier. On voit à travers ces exemples qu’au sein du dossier, des liens inter-documents pourront relier des documents physiques et des documents électroniques.

Concernant le dossier relatif à l’immeuble, on peut relever plusieurs paramètres temporels qui favorisent la coexistence de documents physiques et de documents électroniques.

L’objet-même du dossier, l’immeuble, se caractérise par une longue durée de vie : en effet, si les phases de conception et de construction s’étendent sur des durées généralement inférieures à dix ans, la phase d’exploitation s’étale le plus souvent sur une durée d’au moins une vingtaine d’années, mais elle peut se poursuivre sur des durées beaucoup plus longues, cinquante ans voire plus. Même si la société de gestion de l’immeuble met en œuvre des processus de dématérialisation concernant sa production documentaire, elle devra recourir pour certaines des activités relatives à l’immeuble à des documents physiques, produits antérieurement : par exemple, la réalisation de travaux de rénovation sur un immeuble ancien s’appuiera sur les documents retraçant sa conception et sa construction et aussi sur ceux documentant les travaux d’entretien réalisés sur l’immeuble. La démolition d’un immeuble, donc le dernier événement de la phase d’exploitation de l’immeuble, nécessite également de recourir aux documents qui ont renseigné sa construction. De manière générale, on peut dire que les interventions menées aujourd’hui sur un immeuble s’appuient sur une connaissance du bâti dont une partie peut être acquise directement sur le terrain et qui pour le reste est tirée des documents permettant de retracer les différentes interventions déjà réalisées, les modifications apportées aux installations et aux équipements de l’immeuble, etc.

A travers l’exemple des deux dossiers-métier étudiés, on voit que la longue durée de vie de l’objet documenté implique une coexistence des documents physiques et des documents électroniques qui entretiennent des liens entre eux du fait qu’ils appartiennent aux mêmes subdivisions logiques du dossier ou aux mêmes typologies documentaires. Cette coexistence concerne une grande part des séries de dossiers-métier étudiés, étant donné qu’à partir du moment où l’objet documenté est « né » avant la mise en œuvre de processus de dématérialisation le dossier sera mixte.

8.3.3.2 Les formats des documents

Le dossier individuel de salarié comporte essentiellement des documents textuels édités par des outils bureautiques et mis en page sous format A4. Ce format est exploitable dans l’environnement physique et dans l’environnement électronique, les dimensions du document permettant une lecture dans les deux environnements. Il n’y a donc pas d’obstacle du point de vue des formats à produire et exploiter les documents constitutifs du dossier individuel de salarié uniquement dans l’environnement électronique.

Pour le dossier relatif à l’immeuble, le cas est différent. On peut reprendre pour le compte de ce type de dossier la description que donne Yves KERARON de la documentation technique : « La documentation technique est caractérisée par une grande variété de contenus (textuels, graphiques) et de formats (<A4 jusqu’à >A0, monofolio ou jusqu’à plusieurs centaines de folios dans le cas de schémas électriques par exemple). Cette variété est encore plus étendue avec les nouvelles possibilités numériques de CAO 3D et les applications multimédia. » (8)

Le dossier relatif à l’immeuble est en effet composé de documents textuels et graphiques, dont les supports et les formats sont hétérogènes. Les documents graphiques de grandes dimensions, dont l’écran ne permet pas une lecture globale, sont souvent exploités sur format papier, même s’ils sont produits dans l’environnement électronique. Il y a donc, comme nous l’avons vu à propos de la documentation technique, coexistence entre une version papier et une version électronique d’un même contenu. Du point de vue de la gestion technique, les nécessités de travail en interaction directe avec l’objet documenté amènent souvent à annoter sur site les documents en format papier. Nous avions également noté que, du fait que les documents de grandes dimensions sont avant tout exploités sur format papier, il peut exister une version papier au sein chaque service de gestion, enrichie des informations relatives à l’activité du service.

En revanche, on note que les photographies, qui sont largement utilisées aujourd’hui pour rendre compte de l’état du bâti, sont aujourd’hui produites et exploitées quasi-exclusivement sous format électronique. De même, on remarque une large dématérialisation des échanges entre maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et prestataires : ainsi, même si un certain nombre de documents est exploité sur format papier, leur diffusion entre acteurs du projet se fait majoritairement par voie dématérialisée, hormis lorsque ces documents doivent être authentifiés par signature.

Nous voyons donc, à travers l’exemple des deux dossiers-métier étudiés, que les formats peuvent avoir ou non une influence sur le caractère mixte du dossier selon la nature des formats fréquemment présents dans les dossiers et selon leur mode d’exploitation.

8.3.3.3 La dématérialisation des documents et des processus

Pour compléter notre description du caractère mixte des dossiers-métier étudiés, il nous apparaît maintenant nécessaire de nous interroger sur le niveau de dématérialisation qui existe au sein de ces dossiers, en termes de documents et en termes de processus, et sur les évolutions possibles qui permettraient d’augmenter la part de documents dématérialisés au sein de ces dossiers.

Dans le dossier individuel de salarié, nous avons constaté à partir des sources étudiées que la production documentaire, en amont de la phase de validation, se réalise dans l’environnement électronique. C’est au moment de l’étape de validation que deux voies se dessinent. Les documents qui nécessitent une validation par signature pour acquérir une valeur probante sont édités et signés en format papier ; leur diffusion est également réalisée selon des voies physiques (envoi postal ou remise en main propre). Pour les documents d’information diffusés au salarié et ne nécessitant pas d’être signés, la diffusion est réalisée par voie dématérialisée (email, mise à disposition sur un serveur). Lorsque le service de gestion du personnel doit recueillir auprès du salarié la confirmation qu’un document lui a été remis, il diffuse le document au format papier (envoi postal avec demande d’accusé de réception, remise en main propre contre signature). Concernant le dépôt de pièces par le salarié, deux voies de dépôt coexistent : le dépôt au service de gestion du personnel en format papier et l’envoi des documents en pièce jointe par email. Deux voies de dépôt coexistent également pour les pièces déposées par des tiers externes : l’envoi des documents par voie postale et l’envoi des documents en pièce jointe par email.

On constate sans étonnement que le document se matérialise lorsque lui-même et sa diffusion doivent pouvoir acquérir le statut de preuve. Comme nous l’avons noté, un certain nombre d’entreprises considère encore que la dématérialisation peut constituer un risque de perte de ce statut de preuve, même si aujourd’hui l’écrit électronique et sa diffusion peuvent être considérés comme des actes authentiques et acquérir le statut de preuve.

Pour mieux appréhender l’ensemble des processus documentaires qui sous-tendent le dossier individuel de salarié, nous avons cherché à décrire de façon détaillée ces processus et leur possible dématérialisation. Nous nous sommes appuyés pour cela sur les méthodes d’analyse décrites dans le chapitre « Cas pratiques » de l’ouvrage « Mise en œuvre de la dématérialisation » (15). A partir du profil que nous avons établi du dossier individuel de salarié, nous avons brossé ce que pourrait être la situation existante dans une entreprise au moment où s’engage la réflexion sur la mise en œuvre d’une dématérialisation des processus. Nous avons complété ce profil avec des hypothèses concernant les éléments que nous n’avons pas pu recueillir auprès de nos sources. Nous avons ensuite décrit les processus documentaires dans cette situation existante pour chaque étape du cycle de vie

du dossier : le recrutement du futur salarié, l’embauche du futur salarié, l’ouverture du dossier individuel de salarié, la consultation du dossier (en cours de contrat), la mise à jour du dossier (en cours de contrat), le départ du salarié. Enfin, nous avons analysé comment ces processus peuvent être dématérialisés en s’appuyant sur des techniques existantes et nous avons mis en parallèle processus non dématérialisé et processus dématérialisé. Nous reproduisons dans l’Annexe 2 l’ensemble de cette analyse.

Nous avons montré dans cette analyse qu’une dématérialisation totale est envisageable pour la majorité des processus. Pour cela, il sera nécessaire de s’appuyer sur des outils de GED et de SAE pour la mise à disposition et la conservation à long terme des documents électroniques. Concernant la validation des pièces du dossier, des workflows de validation et des processus de signature électronique pourront être envisagés pour authentifier la validation des documents. La diffusion des pièces, dont on a vu qu’elle était déjà largement dématérialisée pour les diffusions informatives, pourra se faire par lettre recommandée électronique quand un accusé de réception est nécessaire et par dépôt dans un coffre-fort électronique accessible au salarié pour les documents dont une conservation à long terme doit être prévue.

Concernant le dépôt de pièces, il est possible de mettre en place des workflows de demande de pièces en interne qui permettront de privilégier le dépôt dématérialisé (avec numérisation de pièces en format papier lorsque cela est nécessaire). Le dépôt de pièces par des tiers externes reste un processus dont la dématérialisation ne peut être complètement maîtrisée en interne : si des processus d’échange et de diffusion dématérialisés peuvent être mis en place avec des tiers externes, l’entreprise sera toujours susceptible de réceptionner des pièces en format papier qu’elle devra donc numériser si elle souhaite disposer de l’ensemble des pièces du dossier en format électronique.

On voit donc à travers cette analyse que le dossier individuel de salarié est potentiellement dématérialisable dans sa globalité, sans qu’il y ait de frein technique identifiable. On peut donc penser que sa dématérialisation va se poursuivre dans les prochaines années selon les politiques organisationnelles au sein des entreprises.

Si l’on peut reprendre pour le compte des documents textuels du dossier relatif à l’immeuble l’analyse faite pour le dossier individuel de salarié, on note d’autres remarques concernant le niveau de dématérialisation des documents graphiques et leurs possibles évolutions.

Nous avons déjà noté que les documents de grand format sont exploités pour certaines tâches en format papier du fait que l’interaction qui existe entre l’utilisateur et le document est plus efficiente dans l’environnement physique que dans l’environnement électronique.

Nous avons également noté que ces documents font l’objet d’annotations graphiques qui

peuvent présenter une valeur dans les activités relatives à l’immeuble, nous avons aussi noté que ces annotations peuvent être effectuées en situation de mobilité, sur le site de l’immeuble notamment. Ces points sont aujourd’hui des freins à l’objectif de rendre les pièces graphiques du dossier relatif à l’immeuble entièrement dématérialisées, dans la mesure où la performance des techniques ne permet pas à ce jour d’envisager de transposer ces pratiques de façon efficiente pour les utilisateurs dans l’environnement électronique. A noter qu’il existe des techniques d’annotations graphiques dans l’environnement électronique telles que les tableaux blancs interactifs, mais ces derniers répondent avant tout à des besoins de réalisation de croquis à main levée dans le cadre d’une réunion par exemple, l’utilisation du tableau étant liée à son emplacement géographique. On notera un dernier point concernant le dossier relatif à l’immeuble : peu de sociétés gèrent un immeuble pendant toute sa phase d’exploitation, ce qui entraîne des transmissions de volumétrie importante de documents entre sociétés lors des opérations de vente-acquisition. Une partie des documents est encore souvent transmise en format papier : si l’entreprise acquéreuse s’inscrit dans une volonté de dématérialisation des processus, elle devra engager la numérisation de ce fonds documentaire, tout en conservant les documents papier à valeur probante.