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Intégrer le commerce dans l’urbanisme, un processus inachevé

4.2. Vers une sortie de l’urbanisme commercial régulateur ?

4.2.1. LA LOI LME (2008) : UNE NOUVELLE REFORME DE LA LOI ROYER

4.3.1.3. Bulle immobilière et inflation des loyers

Alors comment expliquer cette hausse soudaine de la vacance commerciale ? Parmi les causes possibles énoncées par Procos figure la surproduction de surfaces de vente, déconnectée de la consommation. Depuis les années 2000, le parc de surfaces commerciales français a progressé de 3 % tandis que la consommation n’aurait augmenté que de 1,5 %. En 2016, le volume de surfaces commerciales autorisées a augmenté de 22 % (dont 90 % en périphérie) tandis que le pouvoir d’achat

143 Source : « La vacance commerciale dans les centres-villes en France Mesure, facteurs et premiers remèdes », Institut de la Ville et du Commerce, publié en mai 2017 [en ligne] : https://www.institut-ville-commerce.fr/index.php/component/attachments/download/228 (consulté le 22/09/2019)

n’a augmenté que de 1,6 % selon l’INSEE144. Pour reprendre les termes de Pascal Madry (2010), « le commerce est entré dans sa bulle », autrement dit, les prix d’échange sur le marché — qu’il s’agisse des valeurs locatives, des actifs ou des valeurs foncières — sont de plus en plus déconnectés de leur véritable valeur économique145.

Selon le directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce, les différents acteurs du marché de l’immobilier commercial seraient tous engagés dans une spirale de surproduction, pour des raisons distinctes à chacun mais qui participent pourtant toutes au même phénomène. Pour les enseignes, la multiplication des points de vente leur permet à la fois de réaliser des économies d’échelles pour la gestion de leurs magasins et de gagner des parts de marché face aux concurrents. Par ailleurs, la création d’un centre commercial est le résultat d’un travail de négociation entre les attentes parfois divergentes des acteurs locaux (propriétaires fonciers, élus locaux, locataires, investisseurs), mais elle doit aussi permettre au promoteur de générer du profit (Coulondre, 2017). Cependant, dans un contexte financier plutôt défavorable, le centre commercial constitue un placement attractif et moins risqué pour les investisseurs que d’autres types de produits immobiliers146. Le poids croissant de la « main discrète » (Lorrain, 2011) dans la production des espaces urbains n’épargne pas le secteur de l’immobilier commercial qui subit aussi un mouvement de financiarisation147 (Nappi-Choulet, 2013). De fait, de nouveaux acteurs financiers apparaissent sur le marché de l’immobilier de commerce à l’instar des fonds d’investissement. Mais ces derniers sont porteurs de logiques différentes des acteurs « traditionnels ». Petit à petit, le centre commercial est considéré et géré comme un actif financier, avec une vision court-termiste et centrée sur la rentabilité financière. Enfin, les centres commerciaux représentent pour les collectivités locales une source non négligeable d’emplois et de revenus fiscaux, sans oublier qu’ils constituent des leviers pour renforcer l’attractivité du territoire (Coulondre, 2016). Ces éléments poussent les élus locaux à accepter des projets sans prendre en compte les besoins réels

144 Source : « Le centre-ville déclaré Grande Cause Nationale 2018 par le député Patrick Vignal », site internet LSA Conso, publié le 08/09/2017 [en ligne] : https://www.lsa-conso.fr/le-centre-ville-declare-grande-cause-nationale-2018-par-le-depute-patrick-vignal,265207 (consulté le 22/09/2019)

145 Dans un rapport de 2016, le Haut Conseil de Stabilité Financière soulignait les prix anormalement haut de l’immobilier commercial qui pourraient « présenter une surévaluation, dans une fourchette de 15%-20% ». Source : « Immobilier commercial, une bulle prête à exploser ? », site internet Les Echommerces, publié le 16 octobre 2017 [en ligne] : http://www.lechommerces.fr/bulle-immobiliere-zones-commerciales/ (consulté le 22/09/2019)

146 Le marché est tellement porteur que même les acteurs de la grande distribution créént leurs propres filiales d’immobilier commercial : Carmilla pour Carrefour, Immochan pour Auchan, Mercialys pour Casino. Même l’enseigne suédoise Ikea a créé sa propre filiale immobilière (Inter Ikea Center Groupe). En faisant cela, les groupes de la grande distribution et les enseignes locomotives s’assurent des rendements supplémentaires pour pallier le faible rendement de leur activité principale.

147 Que la création des Sociétés d’Investissement Immobilier Cotées sont venues encourager. Cette nouvelle structure permet une meilleure rentabilité et plus rapide.

du bassin de chalandise ou la pertinence urbanistique du projet. Ces trois stratégies participent à une surproduction de mètres carrés commerciaux qui renforce la concurrence sur les territoires et vient fragiliser les équipements les plus faibles, notamment les centres commerciaux les plus anciens et les centres-villes.

La saturation du marché foncier et la hausse inquiétante de la vacance commerciale ont permis de mettre en exergue le phénomène de « bulle immobilière ». Au milieu des années 2010, le ton des experts se veut plus alarmiste. En 2016, le Haut Conseil de Stabilité Financière publie un rapport où il s’inquiète des prix anormalement hauts de l’immobilier commercial et de l’éclatement possible de la « bulle immobilière » mise en lumière par Pascal Madry de l’Institut pour la Ville et le Commerce quelques temps plus tôt148. Cette inquiétude semble partagée par les citoyens qui n’hésitent pas à se mobiliser contre des projets qu’ils jugent insensés. Les mégaprojets commerciaux tels que Val Tolosa ou encore EuropaCity149 sont particulièrement visés tant leur impact écologique et leur déconnexion avec la réalité choquent. Ces projets provoquent de vives controverses et suscitent des mobilisations locales intenses, mêlant procédures judiciaires et mise en place de Zones à Défendre (ZAD). Ces collectifs citoyens mêlent écologistes, riverains, élus et commerçants. Unis contre l’ouverture de ces méga-complexes, ils dénoncent leur impact écologique et leur pertinence économique dans des zones déjà très équipées au niveau commercial.

De surcroît, l’inflation des loyers et l’augmentation constante des charges, couplées à la crise économique, poussent les enseignes à revoir leurs stratégies de développement. Jusqu’au milieu des années 2010, les enseignes n’hésitaient pas à se développer en multipliant les points de vente sur le territoire, avec des modalités de maillage différentes selon les enseignes mais globalement toutes tournées vers l’extension. Pourtant, au milieu des années 2010, les enseignes semblent reconsidérer cette stratégie et deviennent plus sélectives quant à leurs choix d’implantation. L’heure n’est plus à l’accroissement du nombre de points de vente mais à l’arbitrage. Elles n’hésitent pas à fermer les points de vente les moins rentables et ceux qui ne contribuent pas à l’image de marque. En 2014, la fédération Procos annonçait que pour la première fois, le taux d’ouverture de points de vente par les enseignes serait certainement inférieur au taux de fermeture. Les enseignes n’hésitent pas à s’opposer

148 Source : « Immobilier commercial, une bulle prête à exploser ? », site internet Les Echommerces, publié le 16 octobre 2017 [en ligne] : http://www.lechommerces.fr/bulle-immobiliere-zones-commerciales/ (consulté le 22/09/2019) 149 EuropaCity est gigantesque complexe commercial comprenant un cirque, un parc d’attractions, des espaces d’exposition, une piste de ski mais surtout des hôtels, des restaurants et plus de 500 boutiques, réunira peut-être 12 000 employés et 30 millions de visiteurs. L’ouverture est prévue pour 2024.

aux bailleurs pour contester la hausse des loyers, en particulier au sein des centres commerciaux150. Alors que la fréquentation de ces derniers diminue, les loyers eux ne cessent d’augmenter dans la mesure où ils permettent d’améliorer le rendement du centre commercial pour les investisseurs151. Les intérêts des enseignes et des promoteurs, autrefois alignés, semblent peu à peu diverger tant la pression des loyers et des charges pèse sur les commerçants.

4.3.2. INGENIERIE TERRITORIALE, MAITRISE FONCIERE ET PLANIFICATION

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