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Bilan des réalisations et des projets en cours

Geneviève Viney

A. Bilan des réalisations et des projets en cours

Pour l'instant, les autorités communautaires se sont intéressées essentielle-ment à trois domaines qui touchent à la responsabilité extra contractuelle:

l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, la responsabilité des professionnels pour le défaut de sécurité des produits et des services

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qu'ils mettent sur le marché et la responsabilité pour atteinte à l'envi-ronnement. Elles ont également adopté un texte sur la vente qui touche indirectement le droit de la responsabilité contractuelle.

1. En ce qui concerne l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, plusieurs directives sont intervenues, mais il convient de préciser immédiatement que celles qui ont été adoptées jusqu'à présent concernent seulement l'assurance et non pas le droit de la responsabilité lui-même.

La première de ces directives, celle de 1972, avait pour objet de sup-primer les contrôles de la carte verte aux frontières intracommunautaires en vue de faciliter la libre circulation des biens et des personnes'. Elle po-sait le principe que chaque Etat devait instaurer une obligation d'assurance couvrant la responsabilité civile des conducteurs de véhicules mais elle laissait à chacun la liberté de décider de l'étendue de cette garantie.

La deuxième directiveS, adoptée en 1983, amorçait une harmonisation des règles d'indemnisation et réduisait les disparités dans le traitement des victimes d'accidents: l'obligation de garantie fut étendue des dommages corporels aux dommages matériels, de nouveaux minima de couverture furent fixés, l'inopposabilité de certaines exclusions aux victimes fut dé-cidée, les proches du responsable furent considérés comme des tiers ayant droit à réparation et l'indemnisation par le fonds de garantie fut facilitée.

Toutefois, bien .des lacunes demeuraient encore, ce qui a motivé l'adoption d'une troisième directive', le 14 mai 1990. Cette directive tend notamment à mieux protéger les ressortissants de la Communauté qui se rendent dans un autre Etat membre en leur pernlettant d'obtenir, en cas d'accident, la garantie fournie par leur propre loi ou par celle du pays où est immatriculé le véhicule, si elle est supérieure.

7 Directive 721l66/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette res-ponsabilité (lOCE 1972 L 103, p. 1).

8 Directive 84/5/CEE, deuxième directive du Conseil, du 30 decembre 1983, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à j'assurance de la responsa-bilité civile resultant de la circulation des véhicules automoteurs (JOCE 19&4 L 008, p. 17).

9 Directive 90/232/CEE, troisième directive du Conseil, du 14 mai 1990, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabi-lité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (lOCE 1990 L 129, p. 33).

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Une quatrième directive'O, adoptée le 16 mai 2000, prévoit l'institution, dans tous les pays membres de la Communauté, d'un droit d'action directe de la victime"COlltre l'assureur, la nomination, par chaque compagnie d'assurance, d'un représentant dans les autres pays de la Com-munauté, la création d'un organisme d'information afin d'identifier l'assureur tenu à réparation et d'un organisme d'indemnisation appelé à suppléer l'éventuelle carence de l'assureur étranger.

2. Le second domaine auquel se sont intéressées les autorités commu-nautaires en matière de responsabilité est celui des atteintes à la sécurité causées par les activités professionnelles.

Une directive importante, adoptée le 25 juillet 1985", impose aux fabricants et producteurs une responsabilité objective pour défaut de sécu-rité des produits qu'ils mettent sur le marché. Ce texte, qui profite unifor-mément à toutes les victimes, cocontractantes ou tiers, est aujourd'hui intégré au droit national de tous les pays membres. En revanche, une autre tentative, faite quelques années plus tard, en vue d'instaurer un régime de responsabilité pour faute présumée à la charge des fournisseurs de services pour le défaut de sécurité de ceux-ci12, n'a pas abouti. Il s'agissait des projets qui n'ont pas été formalisés.

La directive "responsabilité du fait des produits" de 1985 a fait l'objet en 1999 d'une modification13 afin d'y soumettre obligatoirement les matières premières agricoles et les produits de la chasse et de la pêche qui auparavant pouvaient être exclus du champ de cette responsabilité. Elle

10 Directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 mai 2000, concer-nant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE du Conseil (JOCE 2000 L 181, p. 65).

11 Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JOCE 1985 L 210, p. 29).

12 Proposition COM(90) 482 ·final SYN 308, proposition de directive du Conseil sur la responsabilité du prestataire de services (lOCE 1991 C 012, p. 8).

13 Directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (lOCE 1999 L 141, p. 20); Directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabi-lité du fait des produits défectueux (JOCE 1999 L 141, p. 20).

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couvre donc un domaine très important puisque les produits visés sont tous les biens meubles, même ceux qui sont incorporés dans un immeuble.

3. Le troisième chantier ouvert par les autorités communautaires en matière de responsabilité délictuelle est celui de l'environnement. En effet, un livre blanc'· sur la responsabilité environnementale a été présenté, le 9 février 2000, par la Commission des Communautés européennes.

De leur côté, le Parlement et le Conseil ont présenté, en mars 2002, une proposition de directive" "sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux".

Ce texte vise à établir un cadre et des objectifs, mais il laisse aux Etats membres une assez grande liberté quant au choix des moyens.

Le principe "pollueur-payeur" est mis en exergue pour justifier que ce soit l'exploitant qui a provoqué le dommage environnemental ou la me-nace imminente de survenance d'un tel dommage qui ait à supporter, en fm de compte, le coût associé aux mesures de prévention et de réparation.

Il est prévu que, lorsque le dommage sera dû à certaines activités dan-gereuses, énumérées en armexe 1 de la proposition, cette responsabilité sera encourue de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de prouver la faute. Cette responsabilité couvrira aussi bien les dommages causés à des personnes ou à des biens appropriés que "le préjudice écologique pur", c'est-à-dire l'atteinte à la biodiversité. En revanche, cette atteinte, si elle est causée par une activité qui n'entre pas dans la liste de l'annexe l, n'entrainera la responsabilité de l'exploitant que s'il est prouvé qu'il a commis une faute.

En toute hypothèse, la preuve du lien de causalité entre l'activité de l'exploitant et le dommage ou la menace de dommage est exigée pour établir la responsabilité, ce qui a pour objet d'exclure celle-ci en cas de pollution à caractère continu et ditfus. A défaut de responsabilité d'un exploitant, les Etats membres devront garantir la prévention et la répara-tion.

14 Livre blanc sur la responsabilité environnementale - COM(2000) 66 final - respon-sable: DG Environnement, adopte par la Commission le 9 février 2000 nO CELEX 52000PCOO66.

15 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, présentee par la Com-mission le 21 fevrier 2002, sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux (COMJ2002/00 17 final - COD 200210021) (JOCE2002 C 151 E,p.132).

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Le texte autorise des "entités qualifiées" ainsi que les personnes ayant un intérêt suffisant à demander aux "autorités compétentes", c'est-à-dire aux personnes physiques ou morales, désignées par les Etats membres à cet effet, à engager les actions appropriées. Ces autorités pourront être déclarées responsables si ces demandes restent sans effet.

"L'autorité compétente" pourra obliger l'exploitant responsable à prendre et à financer les mesures nécessaires pour réparer le dommage réalisé et, en cas de menace imminente, pour le prévenir. Elle pourra également mettre en œuvre elle-même ces mesures ou en confier l'exécution à un tiers. Dans ce dernier cas, elle devra en récupérer le coût en exerçant un recours contre l'exploitant responsable.

Les Etats membres doivent veiller à ce que les exploitants qui ont connaissance d'une menace imminente, ou devraient en avoir connais-sance, soient tenus de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ce dommage sans attendre une demande de la part de l'autorité compétente et à ce que, si ces mesures sont inefficaces, ils soient tenus d'en informer l'autorité compétente afin qu'elle puisse se substituer à eux.

Les mesures de réparation sont décrites à l'annexe II de la proposition de directive. Ce texte privilégie, pour les atteintes à la biodiversité, la re-mise de l'environnement dans son état originel, c'est-à-dire la réparation en nature. Les mesures compensatoires sont réservées au cas où ce mode de réparation se révèle impossible.

4. Bien qu'elle ne concerne pas la responsabilité aquilienne, on signalera enfin ici la directive du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation 16 Ce texte touche en effet indirectement au régime de la responsabilité du vendeur professionnel puisqu'il institue, dans les relations entre vendeur professionnel et acheteur non professionnel de biens meubles, une action en garantie de conformité qui est d'ordre public ct qui est destinée à se substituer aux actions appar-tenant actuellement à l'acheteur, en particulier à l'action en garantie contre les vices cachés et à l'action en responsabilité pour délivrance d'une chose non conforme.

Cette action nouvelle obéit à un régime assez particulier et elle im-pose la priorité des condamnations en nature (remise en état ou

remplace-16 Directive 1 999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur cer-tains aspects de la vente ct des garanties des biens de consommation (JOCE 1999 L 171, p.12).

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ment du bien) par rapport aux condamnations pécuniaires (résolution ou réduction du prix).

Ainsi, les secteurs dans lesquels les autorités communautaires ont déjà' engagé une action en faveur de la mise en place de régIes communes con-cernant la responsabilité civile ne sont nullement négligeables.

Pourtant, pour l'instant, les résultats obtenus ne sont pas encore très importants, ce qui s'explique par les limites et les écueils auxquels se heurtent ces efforts d'harmonisation.