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Action ell dommages-illtérêts

Xavier Favre-Bulle

C. Action ell dommages-illtérêts

Les dommages-intérêts font l'objet d'une section (lI) de quatre articles (74-77) dans le chapitre V de la Convention consacré aux dispositions communes aux obligations du vendeur et de l'acheteur.

100 Pour plus de détails: NEUMAYER 1 MING, N. 3 ad art. 84. Le régime est ici simitaire à l'art. 208 al. 1 CO.

101 Cf. aussi supra note 74 pour le droit au remplacement du produit défectueux.

102 Cf. supra Ill.

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l. Responsabilité objective

Toute contravention au contrat" en l'occurrence conunise par le vendeur si l'on s'intéresse à la vente d'un produit défectueux, ouvre droit à une prétention en donunages-intérêts si la partie victime de la violation _ l'acheteur in casu - a subi un donunage, La notion de contravention es-sentielle n'a ici aucune portée, toute forme d'inexécution ou mauvaise exécution, entendue au sens le plus large, peut donner lieu à des dom-mages-intérêts'O' et ce moyen peut être cumulé avec les autres remèdes de la Convention (cf art, 45 al, 2)'04,

Point n'est besoin par ailleurs pour la partie ayant violé le contrat d'avoir conunis une faute et pour l'autre partie de le prouver ou non'05, La responsabilité contractuelle prévue par la Convention de Vienne est l'équivalent d'une responsabilité causale simple (sujette à preuves libéra-toires; cf art, 79 et 80, infra VLA), L'acheteur ne doit prouver que la vio-lation de l'obligation contractuelle, son donunage et le lien de causalité'06 entre les deux'07,

Ce régime de responsabilité objective est fort différent de la responsa-bilité contractuelle générale du droit suisse, qui est basée sur la faute, même si celle-ci est présumée (cf. art, 97 al. 1; 208 al. 3 CO)'OS, Les ré-dacteurs de la Convention ont ici donné une préférence aux principes de la common /aw, par opposition à la tradition civiliste, Cela étant, la notion de responsabilité sans faute n'est pas entièrement inconnue du droit suisse de la vente, On rappellera que dans le cadre de l'action rédhibitoire pour dé-faut de la chose vendue (résolution du contrat selon l'art. 205 CO), le ven-deur, même non fautif, doit indemniser l'acheteur du donunage résultant directement de la livraison de marchandises défectueuses (soit le damllum emergens selon la jurisprudence) selon l'art, 208 al. 2 CO (ce n'est que

103 FF 19891782; TERCIER, N, 1248,

104 STOLL, N, 5 ad art 74; HEUZÉ, N, 447, En detail: RVFFEL, pp, 30 ss, Supra IV,

lOS WILL, Commentary, N, 2,L2 ad art, 45; AUDIT, N, 122 et 171; NEUMAVERI MfNG, N, 2 ad Avant art 74; KNAPP, N, 2,5 ad art, 74; SCHCNLE. N, 8 ad art, 74,

106 La causalité n'aurait, en tant que telle, cependant pas besoin d'être "adéquate", au sens du droit suisse: SCHONLE, N. 21 ad art. 74 el ses références. La causalité adéquate relèverait plutôt de la condition de prévisibilité du dommage de l'art. 74 i mc phrase; cf. infra IVe.3.

107 TERCIER, N. ]250; LICHTSTEINER, p. 267. Sur le fardeau de la preuve, également à charge de l'acheteur selon la conception dominante, s'agissant de la condition de prévisibi-lité du dommage (art. 74 i mc phrase, sujet traité infra IV.C3), voir notamment STOLL, N, 47 ad art. 74,

108 LICHTSTEINER, p, 235, En delail: RVFFEL, pp, 37,s,

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VENTE INTERNATIONALE D'UN PRODUlT DÉFECTUEUX 127

pour l'indemnisation du dommage indirect, en particulier le gain manqué, que la faute du vendeur est requise selon l'art. 208 al. 3 CO)'09.

z.

Etendue de la réparation

'S'agissant de la réparation du dommage, la Convention suit le régime clas-sique d'une indemnisation intégrale équivalente à l'intérêt à l'exécution du contrat. La partie victime de la violation doit être placée dans la situation ci-dessous Ill. Ainsi, en cas de vente défectueuse, l'intégralité du préjudice de l'acheteur doit en principe être réparée, qu'il s'agisse de dommages directs ou indirects"'. La Convention ne connaît ni franchise ni plafond"5 Le critère est celui de l'indemnisation du dommage, sans éléments punitifs;

des punitive damages ne peuvent être alloués, même si le droit interne qui régit le contrat prévoit cette possibilité (sauf, bien sûr, accord contraire des parties)"". Le dommage doit être patrimonial, il ne peut être l'éventuel gain réalisé par la conclusion d'un contrat de remplacement: NEUMAYER 1 MING,

N. 2 ad art. 74.

11< SCHONLE, N. 13 ad art. 74; TERCIER, N. 1256; KUHLEN, p. 70; NEUMAYERI MING, N. 1 ad art. 74. En délail: SCHNEIDER, pp. 16 ss; RVFFEL, pp. 44 ss; STOLL, N. II ss ad art. 74.

Beaucoup plus restrictif s'agissant de l'indemnisation de cenains dommages indirects consécutifs â un défaut (Mangelfo/geschiiden): HONSELL, Obligationenrecht, p. 147.

lU HeuzÉ, N. 449. L'admissibilité d'une clause pénale ou de la fixation forfaitaire du

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riel'''. Le lésé ne peut fonder une prétention pour tort moral sur la Conven_

tion, il devra le faire sur la base du droit interne applicable si celui-ci le perrnet"8. Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, l'art. 42 al. 2 CO devrait être applicable lorsque le contrat est régi par le droit suisse (par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO)"9, le juge ou l'arbitre POUVant ainsi déterminer le dommage équitablement aux conditions de celte dispo-sition légale, soit en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.

Les dommages découlant d'un produit défectueux sont couverts en tant qu'ils constituent un préjudice matériel et non corporel (la responsabi-lité du vendeur pour décès ou lésions corporelles n'est pas visée par la CVIM selon son art. 5, qui sera traité en détail infra V)120 Ainsi, par exemple, le dommage causé au produit défectueux lui-même est en prin-cipe couvert (toujours sous réserve de la condition de prévisibilité traitée ci-après, lVC.3)'2', alors qu'il ne l'est pas (le producteur n'en répond pas) selon l'art. 1 al. 2 LRFP en droit suisse de la responsabilité du fait des produits. L'acheteur peut également demander réparation pour tout dom-mage causé à ses autres biens par le produit défectueux122Exemples ima-ginés par certains auteurs: perte de récoltes due à un produit herbicide qui tue la vigne, perte de denrées périssables causée par des équipements fri-gorifiques défectueux123, locaux ou stocks endommagés par l'explosion ou l'incendie causé par le défaut du produit'24. Les frais de rappel d'un pro-duit dangereux, vendu par un producteur à un acheteur qui l'a ensuite commercialisé auprès du grand public, devraient également être couverts.

La Convention de Vienne ne fait pas de différence entre intérêt positif et négatif comme limite à la réparation du dommagel2l. Lorsqu'il met fin au contrat en déclarant celui-ci résolu en vertu de l'art. 49, l'acheteur peut

117 HONSELl, Obligationenrecht, p. 139; SCHONLE, N. 7 ad an. 74; Plus réservé, en particu-lier s'agissant d'une atteinte à la réputation de la partie lésée: HEUZÊ, N. 449; cf. aussi W. W,n, N. 14 ad art. 74 et STOLL, NA3 ad art. 74 pour le problème du goodwil/.

118 NEUMAYER / MING, N. 1 ad art. 74.

119 NeUMAYERI MING, N. 2 et note J 8 ad art. 74.

120 HONSELL, Obligat.ionenrecht, p. 146; STOFFEL, Droit applicable, p. 41.

121 SCHNEIDER, p. 254; AUDIT, N. 40 p. 36; NEUMAYER 1 MING, N. 2 ad art. 5; SIEHR, N. 5 ad art. 5.

122 SCHNEIDER, p. 254; KUHLEN, p. 71; AUDIT, N. 40 p. 36; NEUMAYER 1 MING, N. 2 ad art. 5, p. 81; SlEHR, N. 6 ad art. 5; LORENZ, N. 7 ad art. 5.

Il) CHAUDET, p. 122.

124 HEUZÉ, N. 449. Voir aussi, par catégories de dommage, les exemples de WITZ

Wolfgang, N. 34 ss ad art. 74.

L25 Comparer: SCHNEIDER, p. 14; LICHTSTEINER, pp. 267 s.

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faire valoir tant son gain manqué (intérêt à l'exécution) que le dommage que constituent les dépenses qu'il n'aurait jamais faites si le contrat n'avait . pas été conclu (intérêt négatif)126.

En cas de résolution du contrat et si l'acheteur a procédé à un achat de remplacement d'une manière raisonnable et dans un délai raisonnable après la résolution, afin de pallier l'inutilité du bien défectueux livré par le vendeur, l'art. 75 prévoit que l'acheteur qui prétend à des dommages-intérêts peut obtenir la différence entre le prix contractuel et le prix d'achat du bien de remplacement (calcul dit concret), si celui-ci est par hypothèse plus cher. La Convention de Vienne est ici similaire au droit suisse (cf.

art. 191 al. 2 COlm Ce droit de l'acheteur est sans préjudice d'autres dommages-intérêts auxquels l'acheteur peut prétendre du fait de la viola-tion du contrat par le vendeur.

A l'instar de l'art. 191 al. 3 CO"', un achat de remplacement en cas de résolution du contrat n'est même pas nécessaire lorsque la chose vendue a un prix courant (calcul dit abstrait par opposition au calcul concret;

cf. art. 191 al. 3 CO) 129. Dans une telle hypothèse, l'acheteur peut en effet obtenir la différence entre le prix fixé dans le contrat et le prix courant au moment de la résolution, sans préjudice d'autres dommages-intérêts dus par le vendeur (art. 76 al. 1). Lorsque l'acheteur a déclaré le contrat résolu après avoir pris possession des marchandises - situation typique en cas de vente d'un produit défectueux, le prix courant applicable est celui au mo-ment de la prise de possession et non celui au momo-ment de la résolution (art.

76 al. 1 2'm, phrase). Le prix courant du bien considéré est celui du lieu où la livraison aurait dû être effectuée ou, à défaut, celui d'un autre lieu qu'il apparaît raisonnable de prendre comme référence (en tenant compte des différences dans les frais de transport) (art. 76 al. 2).

Lorsque l'acheteur n'a pas dénoncé le défaut de conformité du produit au vendeur dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater, incombance pourtant exigée par l'art. 39 al. 1130,

l'acheteur conserve néanmoins le droit de demander des dommages-intérêts pour sa perte éprouvée, mais non pour gain manqué, s'il est en

"6 NEUMAYER 1 MING, N. 1 ad art. 74; SCHONLE, N. 14 S. ad art. 74 et, N. 1 ad art. 75.

Cf. toutefois WEBER, Vemagsverletzungsfolgen, p. 192.

127 NEUMAYER 1 MING, N. 1 cl note 1 ad art. 75. Cas d'application de l'art. 75 CVIM: TF SJ20011304,313.

[28 NEUMAYERI MING, N. 1 et note 1 ad art. 76.

129 CHAUDET, p. 123.

130 Cf. supra III.

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mesure de faire valoir une "excuse raisonnable" pour n'avoir pas procédé à la dénonciation requise (art. 44)'31.

3. Limites

Dans le système de la Convention, la réparation du dommage est limitée par une condition de prévisibilité, qui n'existe pas en tant que telle en droit suisse. La partie responsable ne répond en dommages-intérêts qu'à concur-rence de la perte subie et du gain manqué qu'elle avait prévus ou aurait dû prévoir comme étant des conséquences possibles de la contravention au contrat (art. 74 2'm, phrase). La réparation ne peut aller au-delà. Le mo-ment déterminant pour ce test de prévisibilité, qui est inspiré de la common lawlJ2 , est celui de la conclusion du contrat, sur la base des faits dont la partie en défaut avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance. La doctrine suisse considère généralement que cette condition de prévisibilité objective cst proche de celle de la causalité adéquate"', en tant qu'elle permet de mettre une limite à l'indemnisation de certains dommages, en particulier indirects, selon les circonstances"'. Ainsi, en matière de pro-duits défectueux, un vendeur pourrait par exemple plaider qu'il ne pouvait pas prévoir, dans les circonstances du cas d'espèce, les graves conséquen-ces alléguées par son acheteur (e.g. arrêt de la production, perte de la clientèle, licenciement du personnel, prétentions de tiers lésés, etc.)I35. La prévisibilité ne porte pas sur la violation du contrat ou le montant précis du dommage, mais bien sur la possibilité que la violation entraine un type de préjudice déterminé"6

Au surplus, la Convention recourt au principe général selon lequel la victime doit contribuer à la diminution, ou à tout le moins à la non-aggravation, de son préjudice (mitigation)ll7. Selon l'art. 77, l'acheteur d'un produit défectueux a ainsi l'incornbance138 de prendre "les mesures

131 Voir aussi supra IVA.4 pour "action en rêduction du prix, qui CSI également soumise à l'art. 44.

!J2 Précédent du droit anglais Had/ey v. Baxendale. Cf. HONNOlD, N. 407 ad art. 74.

IJJ ScHONLE, N. 27 ad art. 74; CHAUDET, p. 122; NEUMAYERI MING, N. l, note 1 ad Avant art. 74 el N. 3 ad art. 74. Cf. aussi FF 1989 1 782·784. Conlra: DESSEMONTET, pp. 78 s.

Nuancé: PATOCCHII FAVRE-BuLLE, p. 598.

13.4 TERCIER, N, 1256. Pour des exemples, par catégories de dommage: WEBER, Vertrags-verletzungsfolgen, pp. 199 s.

135 cf. HONSELL, Obligationenrecht, p. 147.

", SCHONLE, N. 22 s: ad art. 74.

lJ1 AUDIT, N. 173; HONNOLD, N. 417 ad art. 77.

138 NEUMAYERI MING, N. 2 ad art. 77; MAGNUS, N. 3 ad art. 77.

VENTE INTERNATIONALE D'UN PRODUIT DEFECTUEUX 131

raisonnables eu égard aux circonstances" afin de limiter son dommage (perte éprouvée et gain manqué)'39. Le vendeur pourra sinon demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée (art. 77 2,me phrase).

V. Responsabilité du fait des produits: