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La loi du 23 avril 2005 institue le socle commun et rend obligatoire l’enseignement des faits religieu

C – L’inscription des « faits religieux » dans les instructions officielles

2. La loi du 23 avril 2005 institue le socle commun et rend obligatoire l’enseignement des faits religieu

L’objectif de la réforme est notamment de présenter un ensemble de connaissances et compétences - le socle commun198 - dont l’acquisition par tous les enfants serait indispensable à l’issue de la scolarité obligatoire199. Les programmes et les disciplines scolaires contribuent à l’acquisition de celui-ci. Le texte rattache également les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) aux universités.

Dans le texte de la loi, l’enseignement des faits religieux n’est pas mentionné mais ce dernier sera inscrit dans le socle commun via deux domaines : « la culture scientifique et technologique » et « la culture humaniste ». Le contenu du socle commun est précisé le 11 juillet 2006. C’est dans ce texte qu’apparaissent les premières instructions explicites concernant l’enseignement des faits religieux ainsi que la connaissance du principe de laïcité, qui est également mentionnée dans le domaine intitulé « les compétences sociales et civiques »200.

Dans la compétence intitulée « la culture scientifique et technologique », les références à l’enseignement des faits religieux à l’école élémentaire, bien qu’elle demeurent implicites, sont évidentes, dans la mesure où certains des attendus présentés concernent une finalité centrale de cet enseignement : l’apprentissage de la différence de nature entre les savoirs et les croyances201.

                                                                                                               

198  Philippe Foray soutient que la discussion publique sur la culture scolaire commune est récente et

émerge au début des années 2000, in La laïcité scolaire, autonomie individuelle et apprentissage du

monde commun, op. cit., p. 111 à 124.

199  Loi n°2005-380 publiée au Journal Officiel n°96 du 24 avril 2005 : « Article 9 […] La scolarité

obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité […]. Ce socle comprend : la maîtrise de la langue française ; la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ; la pratique d’au moins une langue vivante étrangère ; la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication.»

200  Décret n°2006-830, p. 20 à 22, « 6. Les compétences sociales et civiques ».

201  Décret n°2006-830, p. 12 à 14 : « Les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif

de comprendre et de décrire le monde réel, celui de la nature, celui construit par l'Homme ainsi que les changements induits par l'activité humaine. Leur étude contribue à faire comprendre aux élèves la

distinction entre faits et hypothèses vérifiables d'une part, opinions et croyances d'autre part. […]

L'appréhension rationnelle des choses développe les attitudes suivantes : […] l'esprit critique :

Le domaine de « la culture humaniste » consacre, quant à lui, l’inscription explicite et officielle de l’enseignement des faits religieux « dans un esprit de laïcité » (que nous mettons en évidence dans l’extrait suivant) :

« La culture humaniste permet aux élèves d'acquérir tout à la fois le sens de la continuité et de la rupture, de l'identité et de l'altérité. En sachant d'où viennent la France et l'Europe et en sachant les situer dans le monde d'aujourd'hui, les élèves se projetteront plus lucidement dans l'avenir. […] Elle enrichit la perception du réel, ouvre l'esprit à la diversité des situations humaines, invite à la réflexion sur ses propres opinions et sentiments et suscite des émotions esthétiques. […] Les élèves doivent : […] avoir des repères historiques [sur] les différentes périodes de l'histoire de l'humanité (les événements fondateurs caractéristiques permettant de les situer les unes par rapport aux autres en mettant en relation faits politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux, scientifiques et techniques, littéraires et artistiques), ainsi que les ruptures ; être préparés à partager une culture européenne : par une connaissance des

textes majeurs de l'Antiquité (l'Iliade et l'Odyssée, récits de la fondation de Rome, la Bible) ; […] comprendre l'unité et la complexité du monde par une première approche : des

droits de l'homme ; de la diversité des civilisations, des sociétés, des religions (histoire et aire de diffusion contemporaine) ; du fait religieux202 en France, en Europe et dans le monde en prenant notamment appui sur des textes fondateurs (en particulier, des extraits de la Bible et du Coran) dans un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions ; La culture humaniste […] développe la conscience que les expériences humaines

ont quelque chose d'universel. »203

Le socle commun entre en vigueur à la rentrée scolaire 2007. Il constitue, comme nous l’avons vu, une étape centrale dans l’histoire de l’enseignement des faits religieux et atteste une fois encore de l’engagement continu du politique dans la promotion de celui-ci. Ainsi, dans sa « Lettre aux éducateurs », le Président de la République Nicolas Sarkozy, récemment élu204, dont il ne s’agit pas, ici, de faire une analyse exhaustive tant les sujets qu’elle aborde sont nombreux, insiste sur trois éléments qui sont directement liés à notre objet d’étude : la légitimation du nouveau socle commun, la promotion de l’enseignement des faits religieux et de l’interdisciplinarité.

                                                                                                               

202  Notons que la recommandation formulée par l’IESR d’employer l’expression au pluriel, n’est pas

encore inscrite dans la culture politique et scolaire.    

203  Décret n°2006-830, « 5. La culture humaniste », p. 17 à 19.

204  Nicolas Sarkozy est élu Président de la République le 6 mai 2007 et Xavier Darcos est nommé

ministre de l’Éducation nationale le 18 mai 2007.      

D’une part, dans cette lettre, le Président de la République entend apporter son soutien au nouveau socle commun et répondre aux critiques qu’il a suscitées dans une partie du monde scolaire et dans la société plus largement, qui y ont vu le risque d’un appauvrissement excessif des savoirs, de leur réduction à des contenus minimums voire minimalistes :

« Je saisis l'occasion de cette rentrée scolaire, la première depuis que j'ai été élu Président de la République, pour vous écrire. […] La culture commune qui se transmettait de génération en génération tout en s'enrichissant de l'apport de chacune d'entre elles s'est effritée au point qu'il est plus difficile de se parler et de se comprendre. […] Le but n'est ni de se contenter d'un minimum fixé à l'avance, ni de submerger l'enfant sous un flot de connaissances trop nombreuses pour qu'il soit en mesure d'en maîtriser aucune. Le but c'est de s'efforcer de donner à chacun le maximum d'instruction qu'il peut recevoir en poussant chez lui le plus loin possible son goût d'apprendre, sa curiosité, son ouverture d'esprit, son sens de l'effort. L'estime de soi doit être le principal ressort de cette éducation. »205

D’autre part, il consacre un passage conséquent de sa lettre à la promotion de l’enseignement des faits religieux, qu’il présente comme un moyen de l’éducation au respect et à la tolérance, et dont il tient à souligner qu’il est conforme à la laïcité de l’école. Il précise ce que cet enseignement n’est pas et ne doit pas être : une approche théologique ou un prosélytisme de quelque ordre que ce soit. Il insiste tout à la fois sur la nécessaire reconnaissance de la diversité culturelle dont la pluralité des convictions des élèves est une réalité, et sur l’importance du respect de l’obligation de neutralité par les enseignants :

« Si je veux que l'école, par-dessus tout, demeure laïque, c'est parce que la laïcité est à mes yeux un principe de respect mutuel et parce qu'elle ouvre un espace de dialogue et de paix entre les religions, parce qu'elle est le plus sûr moyen de lutter contre la tentation de l'enfermement religieux. Au risque de la confrontation religieuse qui ouvrirait la voie à un choc des civilisations, qu'avons-nous de mieux à opposer que quelques grandes valeurs universelles et la laïcité ? Pour autant, je suis convaincu qu'il ne faut pas laisser le fait religieux à la porte de l'école. La genèse des grandes religions, leurs visions de l'homme et du monde doivent être étudiées, non, bien sûr, dans un quelconque esprit de prosélytisme, non dans le cadre d'une approche théologique, mais dans celui d'une analyse sociologique, culturelle, historique qui permette de mieux comprendre la nature du fait religieux. Le spirituel, le sacré accompagnent de toute éternité l'aventure humaine. Ils sont aux sources de toutes les civilisations. Et l'on s'ouvre plus facilement aux autres, on dialogue plus facilement avec eux quand on les comprend. »206

                                                                                                               

205 Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, « Lettre aux éducateurs », 4 septembre 2007. 206  Ibid.    

Sur ce point, ce discours s’inscrit dans la continuité de ceux précédemment tenus par Jacques Chirac et les différents ministres de l’Éducation nationale207, mais nous remarquons une différence notable, qui constitue le troisième élément de cette lettre, signifiant pour notre étude.

Il s’agit de l’implication d’ordre didactique du Président de la République, qui comme en atteste l’extrait précédemment rapporté s’attache à qualifier le type d’analyses souhaitables dans le cadre de cet enseignement et leur complémentarité : « sociologique, culturelle et historique ». Il nous semble que c’est la première fois qu’apparaît dans un discours politique sur cet enseignement l’importance d’une « analyse sociologique ». Si cette expression est équivoque, en ce que la sociologie n’est pas une discipline unifiée et qu’elle est caractérisée par une grande diversité interne, d’objets et de méthodes de recherche, ce choix n’est pas anodin lorsqu’on le replace dans l’histoire de l’élaboration de l’enseignement des faits religieux, dont nous avons vu qu’il continue et continuera d’entretenir une relation privilégiée avec la discipline historique, mais dont la tutelle n’est plus exclusive. Cet engagement didactique se retrouve, enfin, dans la promotion globale de l’interdisciplinarité qui caractérise le choix politique de ne pas créer une discipline spécifique, mais bien de valoriser un enseignement interdisciplinaire des faits religieux208.

Dans ce discours, la promotion de l’enseignement des faits religieux et la transmission de la laïcité - cette fois-ci présentée non plus uniquement comme un principe mais aussi comme « une valeur morale »209 - semblent souhaitées à tous les niveaux de la scolarité. Le premier degré est explicitement convoqué via sa distinction d’avec le second degré lorsque le

                                                                                                               

207 Bien qu’une différence remarquable apparaît en ce qu’il vient non plus seulement mentionner, mais

également expliciter l’intérêt citoyen de l’enseignement des faits religieux, notamment à travers l’importance d’un dépassement de ses propres convictions pour connaître, comprendre et ainsi pouvoir dialoguer avec l’autre, de conviction ou religion différente.

208  Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, « Lettre aux éducateurs », 4 septembre 2007.   209  Ces usages indifférenciés des termes « principe » et « valeur » sont courants lorsqu’on parle de

laïcité. Peut-être sont-ils employés comme synonymes. Il nous semble néanmoins que parler de la laïcité comme principe et comme valeur renvoie à deux perspectives différentes. Ainsi, Philippe Foray distingue deux aspects de la laïcité scolaire : d’une part les implications du principe juridique de la laïcité, exigeant la neutralité de l’État en matière de religions et de convictions en vue d’assurer l’exercice de la liberté de conscience dont il est le garant, et d’autre part, le fait que sous un autre aspect, la laïcité constitue un projet de construction du monde commun, voir in La laïcité scolaire,

Président de la République évoque la nécessité que les enseignants prennent en charge l’instruction civique.210

Le socle commun confère bien un statut obligatoire à l’enseignement des faits religieux, mais comme il concerne tous les niveaux de la scolarité du premier et du second degré, il ne mentionne pas spécifiquement les contenus de cet enseignement à l’école élémentaire, que les professeurs des écoles sont appelés à prendre en charge, tout à la fois, au sein des programmes disciplinaires – en mettant en évidence les éléments, au sein de chacun d’eux, qui ont trait aux faits religieux –, et de façon interdisciplinaire, à travers des activités spécifiques ou au sein des disciplines, en étudiant des faits religieux par le croisement des apports disciplinaires.

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