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Les avancées opérées par la procédure de l’Examen Périodique Universel

SECTION II.- L’APPORT DES MÉCANISMES EXTRA- CONVENTIONNELS DANS LA PROMOTION DES DROITS HUMAINS

A- Les avancées opérées par la procédure de l’Examen Périodique Universel

Le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies Ban Ki Moon soutient que le mécanisme d’Examen Périodique Universel « est plein de promesses en ce qu’il ouvre un nouveau chapitre dans la promotion des droits de l’homme et en souligne l’universalité »301.

Pour le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’E.P.U. « est un processus unique en son genre »302, en ce sens qu’il permet de « passer en revue »303 l’ensemble des réalisations des 193 États membres de l’ONU dans le domaine des droits humains. Quant à l’ancienne Haut-Commissaire des Nations Unis aux droits de l’homme, Madame la Juge Louise ARBOUR, elle estime que ce mécanisme d’E.P. U est un « progrès historique »304.

Ces affirmations viennent renforcer les qualités intrinsèques d’innovation et d’originalité, largement reconnues par les experts à la procédure d’Examen Périodique Universel. Il s’agit véritablement d’une avancée technique majeure du système onusien. L’universalité des droits de l’homme maintes fois proclamée dans les différents textes onusiens et régionaux reçoit ici une impulsion décisive, dans le sens où la procédure de l’Examen périodique universel permet d’examiner la situation des droits humains dans 193 Etats de la planète qui représentent la diversité des cultures et des systèmes juridiques du monde.

301 Communiqué de presse des Nations Unies du 20 juin 2007 « Ban Ki-Moon salue l’adoptiondu Mécanisme d’Examen Périodique Universel et demande au Conseil des droits de l’hommede continuer à améliorer ses travaux », SG/SM/11053-CDH/8, http://www.un.org/press/fr/2007/SGSM11053.doc.htm, le paragraphe 5 ; voir BEUCHAT (S), « L’Examen Périodique Universel et le travail social en Suisse », Avenir Social, mars 2013, p. 6. Le SG Ban Ki-Moon, a encore souligné, à propos de l’E.P. U, que « ce mécanisme a un grand potentiel pour promouvoir et protéger les droits de l’hommedans les coins les plus sombresdu monde » (traduit de l’anglais). Voir le Discours prononcé par le Secrétaire général des Nations Unies à l’occasion de l’ouverture de la quatrième session du Conseil des droits de l’homme, le 12 mars 2007 ; voir aussi DUREL (B), L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, à l’exemple de celui de mai 2008 concernant la Suisse, Mémoire de Master, sous la direction du Professeur Pascal Mahon, Université de Neuchâtel, Faculté de droit, janvier 2009, p. 1.

302 Voir le site internet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/UPR/Pages/UPRMain.aspx

303Ibidem.

304 Rapport 7/29 du Conseil des droits de l’homme du 13 décembre 2007, A/HRC/7/29, §35. Voir aussi DUREL (B), L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, à l’exemple de celui de mai 2008 concernant la Suisse, Mémoire de Master, sous la direction du Professeur Pascal MAHON, Faculté de droit, Université de Neuchâtel, janvier 2009, p. 1.

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A l’heure actuelle, aucun autre mécanisme universel de ce type n’est prévu par le droit international des droits de l’homme. C’est donc, au sein de ce nouveau cadre, plein d’espoirs305 et de promesses, que sont examinées les pratiques des États africains en matière de respect et de défense des droits humains.

Nos développements porteront spécifiquement sur l’influence positive de l’E.P.U. sur les avancées réalisées par le Sénégal (1) et par le Bénin (2) en matière de droits de l’homme et de démocratie.

1- L’impact de l’E.P.U. sur les avancées réalisées par le Sénégal en matière de droits de l’homme et de démocratie

Le Sénégal a signé et ratifié les principaux instruments internationaux relatifs à la promotion et à la protection des droits de l’homme306. De plus, ce pays a réalisé des avancées remarquables sur les principales thématiques relatives à l’égalité hommes-femmes, la promotion du droit à la santé et la lutte contre toute forme d’impunité.

Dans le domaine de la promotion de la parité, le Sénégal a mis fin à l’inégalité qui existait entre l’homme et la femme sur la question de la transmission de la nationalité sénégalaise par le mariage, la filiation et l’adoption307. Le Sénégal s’est par ailleurs, doté d’une législation, assurant une parité absolue hommes-femmes dans les instances électives308. Actuellement, les femmes parlementaires sont au nombre de 64 sur 150, soit 43% de l’effectif total309. Ces mesures permettent de lutter contre les stéréotypes et les pratiques ancestrales, qui consistent à faire de la femme un être inférieur à l’homme.

En matière de promotion du droit à la santé, le Gouvernement sénégalais a initié une couverture maladie universelle pour l’ensemble de la population. Un Programme national de

305 Bastien DUREL considère que l’E.P. U porte en lui d’immenses espoirs, puisque tous les États sans exception seront examinés par leurs pairs sur leur situation en matière des droits de l’homme. Voir DUREL (B), L’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, à l’exemple de celui de mai 2008 concernant la Suisse,

Mémoire de Master, sous la direction du Professeur Pascal Mahon, op.cit., p. 1.

306 Le Sénégal a par exemple ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

307 Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel, Sénégal, A/HRC/25/4, le paragraphe 6, p. 3.

308Ibidem.

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bourses de sécurité familiale a été mis en place pour pallier la vulnérabilité des familles démunies310.

Enfin, concernant la lutte contre toutes les formes d’impunité, des éléments des forces de défense et de sécurité, impliqués dans les affaires de torture et de traitement inhumain et dégradant ont été poursuivis en justice.

Ces progrès, réalisés dans le cadre de l’application des recommandations du Conseil des droits de l’homme, au titre de l’Examen Périodique universel, ont permis au Sénégal, de lutter contre les inégalités sociales et les violences faites aux femmes. Il s’agit ici d’avancées majeures, car il faut reconnaitre que la société sénégalaise est profondément marquée par une différence de traitement entre l’homme et la femme, qui est légitimée par une conception traditionnelle et archaïque de la soumission de la femme.

Par ailleurs, les juridictions sénégalaises sont aux avant-postes de la lutte contre l’impunité sur le continent africain. Les poursuites judiciaires engagées contre l’ancien dictateur Tchadien Hissène Habré, pour les crimes commis de 1982 à 1990 au Tchad, traduisent une ferme volonté de réprimer les violations graves et massives des droits de l’homme, qui ont eu lieu sur le continent. L’exercice de la compétence universelle par les juridictions du Sénégal constitue aussi une innovation importante sur le continent, car les tribunaux des pays africains se sont constamment refusés à appliquer le principe de la compétence universelle sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans un autre pays du continent, au nom de la préservation des relations amicales, du bon voisinage entre États et de l’application de l’ancienne théorie juridique du domaine réservé de l’État en matière des droits humains, qui excluait toute ingérence ou toute immixtion d’un organisme étranger. On s’achemine ainsi progressivement vers la fin de l’impunité des dirigeants politiques en Afrique subsaharienne francophone. Afin de renforcer la compétence universelle des juridictions sénégalaises qui sont presque les seules à en exercer sur le continent, nous pensons que la Cour pénale internationale devrait apporter sa contribution, en transférant au Sénégal certaines affaires impliquant des Africains. Dans cet ordre d’idées, l’objectif serait de combattre les théories du néocolonialisme et du racisme de la Cour pénale internationale qui émergent aujourd’hui en Afrique.

310 Ce Programme a pour principal objectif de mettre à la disposition de 250.000 familles en situation d’extrême précarité, des bourses de sécurité sociale de 100.000 francs CFA par an. Voir le Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel, Sénégal, A/HRC/25/4, le paragraphe 10, p. 10.

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2- L’impact de l’E.P.U sur les droits de l’homme au Bénin

Au Bénin, comme au Sénégal, en dehors de l’exceptionnelle contribution du Conseil des droits de l’homme à l’édification d’un système viable de défense des droits humains, il faut constater que les principaux progrès ont d’abord été réalisés au niveau interne du Bénin. Ainsi, on relève un cadre normatif et institutionnel de promotion des droits et libertés fondamentaux riche et innovant.

Sur le plan normatif, on peut mentionner la Constitution du 11 décembre 1990311, qui contient un titre intégral sur les droits et les devoirs de la personne humaine et qui a eu le mérite de consacrer l’abolition de la peine de mort et la création d’une Cour des Comptes. Le Bénin est aussi partie à diverses Conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme, à l’instar de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son protocole facultatif, des deux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. De plus, l’Assemblée nationale béninoise a adopté d’importantes lois telles que la Loi du 10 octobre 2011 portant prévention et répression des violences faites aux femmes.

Au niveau institutionnel, le Bénin s’est doté des structures de promotion des droits humains, comme le Médiateur de la République312 ; le Haut-Commissariat à la Gouvernance Concertée313 et le Conseil national de promotion de l’équité et de l’égalité du genre. De même, le Bénin a pris un certain nombre de mesures spécifiques de promotion des droits de l’homme, comme la gratuité de l’enseignement public au niveau préscolaire et primaire314 et la déclaration de la gratuité des soins de santé des enfants de 0 à 5 ans.

L’existence de cette multitude de textes et de structures relatifs aux droits humains peut être appréciée comme une garantie ou une assurance de justice pour les citoyens Béninois. À travers ces textes et ces mécanismes, les citoyens disposent de nombreuses voies de droit ou de recours juridiques dans le cadre de la recherche de la réparation d’un préjudice subi. Cependant, ces textes et ces mécanismes ne sont généralement pas connus par le citoyen ordinaire. Cela

311 Constitution de la République du Bénin du 11 décembre 1990, Constitution mise à jour au 20 septembre 2004, Titre II, intitulé « Des droits et des devoirs de la personne humaine », les articles 7 à 40 de la Constitution.

312 Celui-ci est chargé de recevoir les plaintes des administrés sur le fonctionnement des administrations centrales de l’Etat, des collectivités décentralisées et des établissements publics.

313 Rapport national présenté conformément au paragraphe 5 de l’annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l’homme, Bénin, A/HRC/WG.6/14/BEN/1, p. 7.

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s’explique par l’insuffisance de la culture juridique dans les sociétés africaines basées principalement sur l’oralité, mais aussi par le manque de volonté des pouvoirs publics à assurer la diffusion des textes juridiques. En conséquence, ces textes et ces mécanismes sont rarement utilisés. Quand bien même lorsque cette volonté de faire usage des mécanismes juridiques existe, il faut constater que les particuliers sont souvent confrontés à leur ineffectivité dans la pratique.

On ne trouve pas ici l’intérêt de prévoir des mécanismes et des organes dans les textes qui ne seront jamais respectés dans la pratique. Les pouvoirs publics devraient particulièrement veiller à l’application de ces textes, en instituant un organe administratif spécifiquement destiné à la surveillance de leur mise en œuvre dans les diverses administrations.

La participation régulière du Bénin aux travaux du Conseil des droits de l’homme, la présentation des rapports périodiques aux organes conventionnels et l’application des recommandations de ces organes, contribuent fortement à la promotion et à la protection des droits de l’homme315. Lors de l’E.P.U., ces efforts ont été reconnus et salués par l’Algérie, le Brésil, la Belgique, la Chine et bien d’autres États.

Il est cependant contradictoire que, malgré cette prolifération de textes juridiques, dont la qualité rédactionnelle est reconnue au plan international, et des mécanismes de promotion des droits de l’homme, le Bénin soit confronté au phénomène inquiétant de vente et d’exploitation sexuelle des enfants. En effet, ces enfants sont commercialisés à des fins différentes, soit à des fins d’adoption internationale316 et d’accomplissement des travaux commerciaux et domestiques317, soit à des fins de mariage forcé318 et de prostitution319. De plus, d’après les observations de la Direction nationale du tourisme, plusieurs jeunes filles mineures sont exploitées sexuellement dans certaines zones touristiques du pays. En outre, le Bénin fait

315Ibidem.

316 Ces adoptions se font au mépris des règles fixées par la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993.

317 C’est le phénomène des « enfants vidomégons » qui sont exploités aux différents marchés de Cotonou la Capitale du Bénin. Ces enfants travaillent précisément dans la vente ambulante, la manutention, le nettoyage et les tâches domestiques sans un salaire.

318 Environ 8% des filles, âgées de moins de 15 ans et 34% de filles de moins de 18 ans sont mariées, sans leur consentement, au Bénin et selon les statistiques de la Direction départementale de la famille, 172 cas de mariage forcé ont été enregistrés entre janvier et septembre 2013 dans la seule ville de Parakou. Voir le Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, Najat Maalla M’jid, A/HRC/25/48/Add.3, le paragraphe 11, p. 5.

319 Sur cette question de la prostitution, il faut souligner que les mêmes « enfants vidomégons », en plus d’être exploités économiquement, sont victimes de la prostitution occasionnelle et informelle. Ainsi, les jeunes filles « vidomégons » vendent leur corps aux gardiens du marché afin d’obtenir un espace où dormir, ou encore pour se procurer de l’argent.

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face à l’épineux problème de la traite des enfants vers les pays voisins. Ce phénomène a pris une ampleur alarmante ces dernières années. Selon une étude menée en 2007320, près de 40317 enfants de 6 à 17 ans ont été identifiés comme les principales victimes de la traite.

Pour remédier à ces insuffisances, nous pensons que les autorités Béninoises devraient mobiliser la force publique pour faire respecter les lois existantes dans le domaine de la lutte contre l’esclavage, la traite et la vente des enfants. Elles devraient également intervenir dans les médias publics pour sensibiliser les populations à la teneur des textes juridiques relatifs aux droits de l’enfant. Par ailleurs, une stratégie spéciale de lutte contre certaines croyances traditionnelles devrait être mise en place. Elle impliquerait la famille (au sens large), les enseignants, les religieux, les chefs de quartiers et les chefs traditionnels, afin d’engager un processus de rééducation des mentalités, qui consisterait à considérer comme négatives les croyances qui, par des signes relevant d’un pur hasard, identifient les enfants « sorciers ».

Le mécanisme d’Examen périodique universel n’est pas l’unique mécanisme de promotion des droits de l’homme, le Conseil des droits de l’homme dispose, par ailleurs, d’un Comité consultatif.

B- L’influence des valeurs traditionnelles africaines dans la

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