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Ce qu'Augustin dit avoir trouvé dans les épîtres pauliniennes

CHAPITRE 3 – LA LECTURE DES ÉPÎTRES DE SAINT PAUL ET LA RECONNAISSANCE DE LA MÉDIATION NÉCESSAIRE DU

2. Ce qu'Augustin dit avoir trouvé dans les épîtres pauliniennes

Ce qu'il découvre alors dans les épîtres pauliniennes226

, c'est le sens de la grâce et la délivrance du péché par cette grâce miséricodieuse du Christ Jésus. Toutefois, il est remarquable qu'Augustin commence son récit par une mise en parrallèle avec ce qu'il a lu dans les Epîtres de Paul et dans les livres néoplatoniciens en remarquant toutefois que dans ces derniers les connaissances ne sont pas reconnues comme un don de Dieu : « Je me mis à lire, et je découvris que tout ce que j'avais lu de vrai chez les Platoniciens était dit ici avec ordre d'en faire honneur à ta grâce, afin que celui qui voit 'ne se glorifie pas comme s'il n'avait pas reçu' non seulement ce qu'il voit mais encore de voir – 'qu'a-t-il en effet qu'il n'ait reçu' (I Cor., IV, 7) – et afin qu'il soit stimulé non seulement à te voir, toi qui es toujours le même, mais encore guéri pour te posséder. »227

Augustin avait déjà esquissé un parallèle entre les textes du christianisme et les « platonicorum libri » et on peut ici se contenter de rappeler le résumé qu'en propose O. Du Roy : « Je n'ai trouvé en ces livres que la moitié de la vérité. J'y ai trouvé que le Verbe, lumière du monde, est égal au Père et engendré par lui. Je n'y ai pas trouvé qu'il se soit abaissé jusqu'à se faire homme. »228 Augustin pense que les néoplatoniciens ont eu une certaine connaissance de la Trinité en reconnaissant que c'est par la sagesse que Dieu a fait le monde alors qu'il identifie cette sagesse avec le Verbe. La grande différence est que les « platoniciens » refusent l'Incarnation. Or Augustin pointe ici une autre différence qui est le fait que ces philosophes ne reconnaissent pas avoir reçu de Dieu ce qu'ils ont compris. O. Du Roy peut alors remarquer que c'est à propos d'une attitude fondamentale qu'Augustin s'oppose à ces philosophes alors qu'il leur reproche leur orgueil et que, lui, choisit de se soumettre au Dieu révélé : « C'est donc l'obéissance au Christ et à Dieu qui fut l'expérience décisive et qui établit Augustin dans la paix inaccessible à l''hybris' plotinienne. Cette obéissance est humilité et soumission au salut donné. »229

Il apparaît bien ainsi que la différence entre Augustin et ces philosophes est présentée par Augustin comme celle entre deux attitudes fondamentales vis-à-vis de la Révélation. L'humilité, c'est cette obéissance à Dieu qui nous

226O. Du Roy, op. cit., p. 90, remarque qu'Augustin n'a lu alors que saint Paul, n'ayant d'ailleurs à sa

disposition qu'un codex des Epîtres pauliniennes et non pas toute la bible. Il ajoute « si Augustin dit avoir vu s'évanouir les contradictions entre Saint Paul et le témoignage de la Loi et des Prophètes (Conf. VII, 21, 27), c'est sans doute par le souvenir de ses lectures antérieures. »

227Confessions, VII, 21, 27, BA 13, p. 639. 228O. Du Roy, op. cit., p. 65.

mène par ses voies, par sa voie, le Christ ; c'est la foi en la vision qu'il nous accordera d'atteindre si nous commençons à le suivre.

Le moment où l'homme reconnaît sa misère et devient alors capable de recevoir le salut de Dieu est indispensable pour Augustin. Il commence par mettre en perspective la condition de l'homme avec les textes sacrés qui expliquent la misère de l'homme par son péché et par la justice de Dieu : « car tu es juste, Seigneur, mais nous, nous avons péché, produit l'iniquité, commis l'impiété, et ta main s'est appesantie sur nous. En toute justice, nous avons été livrés à l'antique pécheur, au prince de la mort, puisqu'il a persuadé notre volonté de se conformer à sa volonté, qui a refusé de se maintenir dans ta vérité. » L'« antique pécheur » fait allusion au fait qu'Augustin note que le péché commence avec le péché du diable, mais comme nous le verrons, l'homme est pleinement responsable car s'il se laisse séduire, c'est précisément parce qu'il avait déjà de la complaisance pour lui-même. Augustin décrit donc ici la situation de l'homme pécheur qui parce qu'il s'est séparé de Dieu et du droit chemin connaît une existence misérable. Le fait qu'Augustin présente cela comme une juste sanction est un indice de sa foi, mais le fait qu'il présente la possibilité de sortir de cette misère grâce à la médiation du Christ doit être reconnu comme un plus grand témoignage de foi car cela est uniquement connu grâce à la révélation et voici comment Augustin présente ce secours : « Que fera l'homme dans sa misère ? Qui le délivrera de corps de mort ? Sinon ta grâce par Jésus-Christ notre Seigneur, que tu as engendré coéternel à toi et créé dans le commencement de tes voies ». Le Christ est ainsi présenté comme celui qui vient guérir l'homme pris dans les chaînes du péché, alors qu'il n'est plus capable de se commander à lui-même et paraît être soumis à son corps. Ce qui manque au livre des philosophes est la reconnaissance de cette condition malheureuse et surtout le regret de s'être mis dans une telle situation. Ainsi Augustin insiste-il sur l'importance du remords et de la contrition tout en les associant à l'espérance d'être sauvé : « ce sont ces choses que ces livres-là ne contiennent point : le visage de cette piété, les larmes de la confession, 'ton sacrifice, l'âme broyée de douleur, le coeur contrit et humilié' (Ps. L, 19) ; le salut du peuple, la cité épouse, les arrhes de l'Esprit-Saint, le calice de notre salut. Personne n'y chante : 'Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu ? De lui, en effet, vient mon salut...' (Ps. LXI,2). »230

Ce regret vient précisément du fait que l'on reconnaît ne pas avoir été fidèle à Dieu et s'être égaré dans le péché. Souligner que la conversion s'inscrit ainsi dans une histoire, c'est faire référence à l'expérience de salut qu'a fait Augustin et cela

conduit à rappeler l'importance de la notion chrétienne de repentir. En revenant sur son passé en l'interprétant à la lumière de la miséricorde de Dieu, l'homme peut prendre conscience de son péché et il se constitue ainsi comme un sujet qui assume son histoire. Lorsqu'Augustin parle du « salut du peuple » et de « la cité épouse », il fait référence à la cité de Dieu qui est la cité constituée par tous les hommes et les anges qui ont choisi de rester fidèles à Dieu et de vivre de sa vie. Ce n'est qu'à la fin des temps que nous pourrons connaître si nous en faisons partie, mais nous sommes invités à chaque instant de nos vies à choisir d'être fidèle en acceptant le secours de la grâce qui est représenté par le sacrifice du Christ, mais aussi par l'action de l'Esprit Saint qui, après la mort du Christ a été envoyé aux hommes. Toutefois, Augustin, après avoir évoqué ces promesses de bonheur, évoque ensuite « le calice de notre supplice » et rappelle que l'âme doit être « soumise à Dieu » car il importe de ne pas oublier qu'il nous faut s'abaisser avec le Christ et renoncer à mener orgueilleusement notre vie pour retrouver avec lui la vie éternelle. Le contenu des Epîtres de Paul est donc présenté comme la découverte d'un message de salut qui s'adresse à chacun et qui est porté par un authentique acte de contrition et marqué par l'espérance d'être uni à nouveau à Dieu.