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Les associations de protection de la nature (APN) : « du militant à l’expert »

Chapitre 2 Vers un changement de rôles ? Quelles conséquences pour la NPN de biodiversité ?

II.1 Les associations de protection de la nature (APN) : « du militant à l’expert »

Ces associations telles que celles affiliées à FNE notamment sont des associations généralistes qui se

préoccupent de l’environnement au sens large (Lascoumes, 1994). En effet sur leurs sites internet on

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voit qu’elles agissent aussi bien sur des thématiques liées à la protection de la faune et de la flore

que sur les risques industriels, l’agriculture, la santé ou l’énergie. Parfois elles gèrent des sites

naturels, héritage du modèle des « sociétés savantes » (Agostini et al., 1995). Bien souvent elles ont

comme rôle de :

- Défendre les intérêts de la nature ;

- Protéger la nature ;

- Sensibiliser à la protection de la nature ;

- Connaître la biodiversité, les milieux naturels.

Dans les années 1970 les associations de protection de la nature se développent en réponse aux

catastrophes écologiques grandissantes et aux procédures d’aménagements jugées hasardeuses et

souvent peu transparentes. Parmi les motivations à la création des APN il y a aussi la volonté de

comprendre certaines décisions publiques qui semblent parfois dépourvues de bon sens apparent,

en réponse à des projets d’aménagements (Lascoumes, 1994). C’est le début de la remise en cause

des logiques industrielles et de la technique comme facteur de progrès. Des manifestations

anti-nucléaires comme à Plogoff, des grands rassemblements et la protection des sites comme au Larzac

(Lascoumes, 2012), remettent en en cause un modèle de développement néfaste pour l’homme et la

nature. C’est le début du militantisme écologique (Lafaye et al., 1993).

Il résulte de tout cela que les APN vont avoir un rôle nouveau dans nos sociétés, celui :

(1) De lanceur d’alerte, de promotion de nouvelles idées: réflexions sur les décisions

publiques et sur le mode de développement de la société fondé sur le progrès technique.

En 1968 le réseau associatif de protection de la nature commence à se structurer. La Fédération

Françaises des Sociétés de protections de la nature est créé à cette date. Elle rassemble alors 18

associations réparties sur le territoire national (Agostini et al., 1995). Cette association est devenue

France Nature Environnement en 1989 et fédère aujourd’hui plus de 3500 associations à travers la

France37.

La cause environnementale prenant de l’importance, c’est à cette époque que le Ministère de

l’environnement est créé (1971). Six ans plus tard la loi pour la protection de la nature voit le jour.

Elle institue un agrément des « associations pour la protection de la nature » (art. 40), comme

rappelé dans l’encadré 5 :

Encadré 5 Critères pour être agréée association protection de la nature

Selon la Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, une association protection de la nature doit remplir les

critères suivants:

- L’objet de l’association doit être compris comme permettant : « la protection de la nature

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et la gestion de la faune sauvage, l'amélioration du cadre de vie, la protection de l'eau, de

l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, la lutte contre les pollutions et les

nuisances ou, de manière générale, si elle œuvre pour la protection de l'environnement »

(ces statuts doivent en faire mention) ;

- Exercer des activités ou des publications dont la nature et l’importance attestent qu’elle

œuvre dans le domaine justifiant son agrément ;

- Elle doit exercer cette activité depuis au moins 3 ans ;

- Elle doit avoir un nombre de membres suffisant (adhérents individuels ou par

l’intermédiaire d’associations fédérées) ;

- Elle doit avoir une activité non lucrative, c’est-à-dire que son but n’est pas de faire des

bénéfices ;

- Elle doit avoir une gestion désintéressée38.

- Elle doit présenter des garanties financières et comptables.

Cet agrément vient donc renforcer le droit établit par la loi 1901 (statut de droit privé sous lequel

sont régit les associations), en établissant toujours dans le même article les possibilités de se

constituer partie civile pour des infractions commises à la nature (cf articles 3, 4, 5, 6, 7, 18 de la loi

de 1976). De plus elles peuvent saisir le juge administratif en cas de décision portant atteintes à la

nature. De même, à ce titre, elles sont amenées à pouvoir « participer à l'action des organismes

publics ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement » (art 40). C’est donc une

reconnaissance par la puissance publique de leur action pour la protection des milieux. Cela leur

procure une légitimité juridique et élargit leur possibilité d’actions.

Leur participation à l’action des organismes publics ayant pour objet la protection de la nature va se

concrétiser par la possibilité qu’elles auront d’être désignées pour participer à l’élaboration des

politiques environnementale et de développement durable dans le cadre des instances consultatives

nationales et régionales, comme le comité national de l’eau, les conseils économiques, sociaux et

environnementaux régionaux39.

Suite au Grenelle de l’environnement, l’agrément ne peut plus être délivré qu’à trois niveaux

(départemental, régional et national) au lieu de six niveaux avant la réforme, dont deux à l’échelle

inférieure au département. Cela peut diminuer la représentativité locale mais incite les associations à

se regrouper. Le niveau est choisi en fonction du champ d’action de l’association. Depuis cette

réforme les agréments sont valables 5 ans et doivent donc être renouvelés par le préfet sur avis

motivé du directeur de la DREAL. En contrepartie de cet agrément l’association rend un rapport

d’activité annuel et un bilan comptable à l’autorité administrative.

38 « C’est-à-dire que les éventuels bénéfices sont réinvestis dans l’activité de l’association, les dirigeants sont

bénévoles et ne bénéficient d’aucune contrepartie, les salariés doivent effectuer un travail effectif et doivent

être rémunérés en lien avec les rémunérations pratiquées au sein de leur profession. Le fonctionnement de

l’association doit être démocratique » (Art 261, code général des impôts ).

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Les mêmes conditions s’appliquent pour les associations souhaitant être habilitées à prendre part

aux débats environnementaux dans le cadre des instances consultatives. Un accent est mis sur le

rayonnement de l’association aussi bien en termes d’expériences que de savoirs « illustrées par des

travaux, recherches et publications reconnus et réguliers, ou par des activités opérationnelles » ainsi

que sur son indépendance vis-à-vis « des pouvoirs publics, des partis politiques, des syndicats, des

cultes, ou d'intérêts professionnels ou économiques » (art L 141-1).

Cela est évalué à travers ses statuts, son fonctionnement, son organisation et ses financements. Il est

précisé que les ressources financières ne doivent pas provenir principalement d’un même financeur

(public ou privé). Ne sont pas comptabilisées : « les aides publiques à l'emploi, les ressources

financières perçues dans le cadre de marchés publics, de délégations de service public, ou octroyées

en compensation d'une mission de service public de gestion des ressources faunistiques, floristiques

et de protection des milieux naturels ainsi que de recueil de données ou d'études contribuant au

développement des connaissances dans l'un des domaines de l'article L. 141-1. » (Décret n°

2011-832 du 12 juillet 2011). La liste des associations pouvant siéger dans les instances consultatives qui

examinent les politiques environnementales est rendue publique.

De façon générale, à l’aube des années 1980 les APN ont donc acquis une légitimité juridique, un

meilleur accès à l’information, et plusieurs modalités d’actions pour faire valoir les intérêts de la

nature : soit par leur participation (relativement encadrée) au débat environnemental, grâce à leur

présence dans différentes instances, soit par un recours plus radical en saisissant la justice.

Il en résulte les rôles suivants :

(2) Rôle de contrepouvoir aux décisions publiques : garant de la démocratie, participation au

Débat environnemental, possibilité de saisir la justice en cas d’infractions constatées au

code de l’environnement.

Au début les associations perdaient souvent les procès intentés, à la fois parce que le droit de

l’environnement n’était pas très crédible, et peu expérimenté sur le plan judiciaire, et à la fois par un

manque de connaissances juridiques de la part des défenseurs de la nature (Ollitrault, 2008).

Dans les années 1990 on assiste à la professionnalisation des APN. En effets les documents à étudier,

les instances dans lesquelles siéger sont nombreuses, et les arcanes législatifs complexes. Pour être

entendus, les militants doivent apporter de plus en plus de preuves, d’arguments et de

connaissances. Cela leur permet d’être intégré (et non systématiquement évincé) des débats et

augmenter les chances de voir leurs idées prises en compte. Les militants doivent devenir de plus en

plus experts de leur domaine (Ollitrault, 2008).

Il en résulte le rôle suivant :

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Deux directions au moins se dessinent alors au sein des associations : certaines vont se concentrer

sur la participation aux débats environnementaux et tenter d’infléchir les décisions ; d’autres vont

davantage rester dans la critique de la prise de décision (Ollitrault, 2008).

On voit donc que les APN ont trois rôles, hérités de l’histoire de leur mobilisation. Leur identité est le

reflet de ces trois rôles. Certaines associations ont pu choisir à un moment ou à un autre de

mobiliser davantage tel ou tel rôle, et/ou aussi s’orienter davantage vers la conservation des espaces

et des espèces.