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Armée américaine et serious game

Dans le document DU JEU VIDÉO AU SERIOUS GAME (Page 34-38)

Définir le serious game

3. Histoire des serious games

3.2. Armée américaine et serious game

3.2.1. L’émergence du "Serious Game"

Le 4 Juillet 2002, jour de fête nationale aux Etats-Unis, marque la sortie du serious game America’s Army45. Développé pour le compte de l’armée américaine et distribué gratuitement sur Internet, cette application basée sur le moteur du jeu vidéo Unreal Tournament (UT)46 , propose de simuler des exercices d’entraînements militaires et des missions de combat. Cependant, America’s Army se distingue des autres jeux vidéo traitant de la guerre, par le fait qu’un courrier officiel proposant d’être recruté dans l’armée américaine, est expédié aux

meilleurs joueurs (fig. 3, gauche).

Destinée à valoriser l’image de l’armée américaine et à faire office d’outil de recrutement attractif, cette application informatique aurait été téléchargée à l’issue de l’année 2004, plus de 17 millions de fois à travers le monde. Elle aurait également compté à l’époque une communauté d’environ 4 millions de personnes. L’armée américaine aurait donc constaté que parmi leur panel, ce moyen de recrutement aurait été le plus efficace auprès des jeunes de 16 à 24 ans (p.55 à 56)47

. Actuellement, le jeu America’s Army continue d’être mis à jour régulièrement en proposant des patches informatiques48

pour corriger des bogues, en adoptant les nouvelles moutures du moteur d’UT et en offrant de nouvelles cartes qui permettent aux utilisateurs de vivre de nouvelles aventures. Des versions pour téléphone mobile ainsi que pour les consoles Xbox et Playstation ont également vu le jour (fig. 3, droite).

Ben Sawyer déclare qu’America’s Army "fut le premier serious game bien réalisé et ayant rencontré du succès auprès du grand public"49

. De ce fait, il aurait permis la prise de conscience de l’émergence des serious games.

44 Alvarez J., Rampnoux O., Jessel J-P, Methel G., Serious Game : Just a question of posture ?, dans : AISB’07,

Patrick Olivier and Christian Kray, 2007, p.420 to 426

45 www.americasarmy.com 46 Epic, 1999

47 Ibid, Michael, Chen

48 Un patch ou correctif, représente un programme destiné à actualiser ou améliorer une application. 49 “(America’s army) was the first successful and well-executed serious game that gained total public awareness" (trad. J. Alvarez) : http://www.usatoday.com/tech/gaming/2006-05-19-serious-games x.htm

Figure 3 : Serious game America’s Army 3.2.2. Battlezone un des premiers serious games

Durant le colloque Apply Serious Games 2007, le professeur Robert John Stone50 a évoqué le

fait que l’application Army Battlezone, également nommé The Bradley Trainer, serait l’un des premiers serious games de l’histoire51.

Figure 4 : Battlezone, Atari, 1980

Antérieure à America’s Army, car datant de 1981 cette application aurait également été développée pour le compte de l’armée américaine pour faire office de simulateur de tank Bradley. Sa réalisation aurait été assurée par l’équipe de Ed Rotberg de la société Atari à partir du jeu d’arcade Battlezone52 (fig.4). Comme un jeu vidéo a été transformé pour en faire

un serious game, Army Battlezone serait également, de ce fait, l’un des premiers « Mods » de

l’histoire de l’informatique. 3.2.3. Principe du Mod

Précisons ce que nous entendons par « Mod ».

Le Mod, abréviation de « Modifications », désigne une ou plusieurs transformations au sein

d’une application originale notamment de type vidéoludique. Ces modifications qui s’opèrent par l’intermédiaire de patches informatiques, peuvent concerner l’habillage graphique ou sonore de l’application, ou bien, de manière non exclusive son scénario et ses règles.

Le terme M o d s’oppose à celui de « Custom » qui signifie que l’application est un

développement original.

Si le serious game par son « scénario pédagogique » se distingue du jeu vidéo, nous noterons

cependant, que ce dernier semble pouvoir faire l’objet de modifications a posteriori d’un point

50 http://www.profbob.net

51 http://www.applyseriousgames.com/pages/programme.htm

52 Sullivan, K., Battle – Then, and Now, About the cover, ACM SIGGRAPH, Vol.32 No.2 May 1998,

de vue informatique. Par exemple Escape from Woomera53, datant de 2003, est un Mod greffé

sur le jeu vidéo Half-Life54, un FPS55 futuriste, pour le transformer en un camp de réfugiés

appelé Woomera qui existe réellement dans le sud de l’Australie. L’objectif étant de sensibiliser le joueur aux problèmes des demandeurs d’asile en Australie et de porter un regard critique sur les solutions proposées par le gouvernement pour y répondre. Nous sommes donc ici clairement en présence d’un serious game. Cela signifierait donc qu’un jeu vidéo peut-être transformé a posteriori en serious game par l’intermédiaire d’un Mod (fig.3). Cette relation entre jeu vidéo et serious game est précisément au cœur de la problématique de ce mémoire. Nous y reviendrons fréquemment.

Figure 3 : Image de gauche : Le jeu vidéo Half-Life, à droite après modification  le serious game : Escape From Woomera 3.2.4. L’armée américaine à l’origine des serious games ?

Ce lien entre le jeu et l’armée ne serait pas nouveau. Ainsi, Laurent Trémel nous rappelle qu’à l’issue de la seconde guerre mondiale, les états-majors de l’armée américaine étaient les principaux utilisateurs de wargames. Trémel avance ainsi un "lien existant entre l’apparition du wargame moderne et la popularisation de la culture "militaro-américaine" au sortir de la seconde guerre mondiale." (p.29) 56.

Avec une telle hypothèse, les serious games Army Battlezone et America’s Army semblent s’inscrire dans la continuité logique d’une même stratégie de l’armée américaine pour valoriser ses valeurs via les supports ludiques.

Ceci nous amène à penser qu’il est fort probable que l’armée américaine ait joué un rôle prépondérant dans l’émergence des serious games. Pour tenter de le vérifier, penchons nous sur ce qui semble être le premier colloque historique dédié aux serious games.

3.2.5. Le premier sommet dédié aux serious games

En 2003 a lieu le serious game day. Il a été commandité par la Woodrow Wilson International Center for Scholars, institution dédiée aux affaires américaines et internationales. Elle a par la suite fondé le Serious Games Initiative57 dont Ben Sawyer assure la co-direction avec David

Rejeski (Cf. 1.1.). D’après ses organisateurs cette journée correspondrait au premier colloque dédié aux serious games. 58

Durant cette journée quels titres ont été présentés ?

53 http://escapefromwoomera.com 54 Sierra Studios/Valve Software, 1998

55 First-Person Shooter (FPS) : Jeu de tir en vue subjective dont l’un des plus connus est Doom (Id Software). 56 Trémel, L. , Jeux de Rôles, jeux vidéo, multimédia : Les faiseurs de mondes, Paris, puf, 2001

57 http://www.seriousgames.org 58 www.epa.gov/osp/futures/news.htm

"America's Army", destiné au recrutement de nouveaux soldats et développé pour l’armée américaine (Cf. 3.2.1). "Space Station: SIM", permettant de gérer l’aménagement fictif de la Station Spatiale Internationale et développé pour le compte de la NASA59 "Incident

Commander", proposant à l’utilisateur d’organiser la gestion de sinistres et développé pour le Département de la justice américaine60. "Mass Balance", dédié à la gestion et développé pour

l’Etat du Massachusetts (fig. 5).

Nous notons que ces serious games sont ici tous d’origine américaine et qu’il s’agit effectivement de commanditaires qui ne sont pas situés dans le domaine du divertissement :

l’armée, l’espace, la justice et la finance. La présence de l’armée américaine et du titre « America’s Army » nous indique bien qu’elle contribue, ici, à l’avènement des serious games.

Pour savoir si l’armée joue également un rôle prépondérant, nous pouvons nous appuyer sur le Serious Games showcase and challenge. L’avènement de ce concours dédié aux serious games date de 2006 dont l’objectif « est d’identifier des principes technologiques innovants

en matière de jeu et des solutions qui améliorent la formation dans tous les domaines pour des individus, des groupes et des systèmes. »61 (fig. 6)

Figure 5 : A gauche : Space Station : SIM, au centre : Incident Commander, à droite : Mass Balance

La manifestation est sponsorisée conjointement par l’Air Force, la Navy Force et l’Army comme en atteste le logo sur la droite de la figure 6.

Figure 6 : Page d’accueil du Serious Games showcase and challenge 2007, à droite les sponsors des trois armées américaines

59 http://www.vision-play.com/products/game1/index.html 60 http://www.incidentcommander.net/

61 "The goal of Serious Games Showcase and Challenge is to identify innovative game-based technologies and solutions that improve training across all segments for individuals, groups and systems" (trad. de J. Alvarez) :

La douzaine de projets présentés étaient tous en rapport avec le thème militaire62 (fig. 7).

Même si le cru 2007 s’ouvre quant à lui à d’autres domaines, dont notamment l’éducation et l’industrie, nous pouvons avancer l’idée que l’armée américaine semble effectivement jouer un rôle prépondérant dans l’avènement du serious game.

Stéphane de Buttet de l'Agence Rhône-Alpes Numérique63, qui a contacté Sawyer pour

importer en 2005, le Serious game summit en Europe64, confirme cette prégnance de l’armée

américaine dans le secteur des serious games : " Là-bas (aux Etats-Unis), le Serious Game est

très connoté militaire ;" 65

Ces serious games dédiés au thème militaire, sont également identifiés sous le vocable :

"Military games" (Jeux vidéo militaires). Le site Social Impact Games consacre ainsi une des ses rubriques à cette seule catégorie. 66

Figure 7 : A gauche : Game DIS (GDIS), à droite : Steel Beasts Professional (SB Pro) tous deux présentés au Serious Games showcase and challenge 2006

Le passage en revue de ce premier champ d’application ne semble pas remettre en cause la définition globale du serious game établie à ce stade. Ceci semble être cohérent si nous partons du constat que Zyda et Sawyer prennent appui sur le military game America’s Army pour évoquer la notion de serious game. Pour tenter d’éprouver notre approche du serious game continuons de ce fait à explorer les autres domaines d’applications que nous avons préalablement sélectionnés. (Cf. 3.1)

Dans le document DU JEU VIDÉO AU SERIOUS GAME (Page 34-38)