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Après une phase d’essor continu s’étendant de la fin de la Seconde Guerre Mondiale au milieu des années 1980, la libre immatriculation semble revêtir désormais un caractère universel. Hoffmann, Sanchez et Talley (Hoffmann et al., 2004) rappellent que seulement 34,6% du tonnage mondial est immatriculé sous pavillon national, autrement dit presque les deux tiers du tonnage brut sont sous pavillon étranger 85. Ce phénomène se manifeste non seulement dans les chiffres eux-mêmes, mais également dans les tendances au niveau mondial – qu’il s’agisse de l’Union Européenne, des pays d’Europe orientale, des nouveaux pays industrialisés ou encore de l’Organisation Mondiale du Commerce – et touchent toutes les activités maritimes, et il n’est pas prêt de diminuer (T. Alderton & Winchester, 2002c, p.159 86).

85 « Only 34, 6% of the world’s GT use the national flag, i.e. almost two of the three gross tonnes are registered under a foreign flag » (Hoffmann, Sanchez, & Talley, 2004, p.176).

86 « [T]he reality is that the gradual flagging out process shows no signs of abating. As the older, larger Flags Of Convenience are forced into the mainstream by a process of more stringent port state control, then the bottom end of the market will become ever more attractive to those shipowners seeking to evade international law. »

A. Rappel quantitatif de l’universalisation.

1. L’évolution des tonnages.

Bien que les définitions de la libre immatriculation et de la complaisance ne recouvrent pas exactement pour des raisons méthodologiques les mêmes pavillons et registres, les tendances sont identiques. Quel que soit le type de pavillon pris en référence (pavillon de libre immatriculation ou pavillon de complaisance), la part de ces pavillons est passée du tiers à plus de la moitié de la flotte mondiale entre 1980 et 2010.

Tableau 8 : Evolution de 1980 à 2010 de la part de la flotte mondiale sous pavillon de complaisance au sens de l’International Transport Workers’ Federation (ITF).

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Flotte de commerce mondiale en milliers

de TPL (a) 672 192,47 668 145,10 629 976,00 710 124,95 785 522,71 901 878,87 1 276 137,16

Flotte sous pavillons de complaisance au sens de l'ITF (b) 204 163,98 208 924,07 243 949,00 320 346,54 410 836,02 481 296,51 708 476,43 Part de la flotte mondiale sous pavillon de complaisance au sens de l'ITF 30,37% 31,27% 38,72% 45,11% 52,30% 53,37% 55,52%

Source : Angelelli, P. (2011), à partir des données de la CNUCED (Flotte marchande par pavillons

d'immatriculation et par types de navires, 1980-2011)

< http://unctadstat.unctad.org/ReportFolders/reportFolders.aspx > [Consulté en Juillet 2011] et de l’ITF (< http://www.itfglobal.org/flags-convenience/flags-convenien-183.cfm > [Consulté en Juillet 2011].

Notes :

(a) Les données de la CNUCED relatives à la flotte sont exprimées en TPL (Tonnes de port en

lourd) : c'est une mesure de poids de la capacité de charge d'un navire. Elle inclut la cargaison, le carburant et les magasins.

(b) L’ITF établit sa liste des pavillons de complaisance. Actualisée sur proposition des organisations

syndicales, cette liste diffère de celle des pavillons de libre immatriculation ou Open Registers. En

Juillet 2011, l’ITF dénombre 32 pavillons de complaisance : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, Belize, les Bermudes (GB), la Bolivie, la Birmanie (Myanmar), le Cambodge, les Iles Cayman (GB), les Comores, Chypre, la Guinée équatoriale, le Registre International Français, le Registre International Allemand, la Géorgie, Gibraltar (GB), le Honduras, la Jamaïque, le Liban, le Liberia, Malte, les Iles Marshall, l’Ile Maurice, la Mongolie, les Antilles Néerlandaises, la Corée du Nord, le Panama, Sao Tome and Príncipe, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Sri Lanka, Tonga et le Vanuatu.

Tableau 9 : Evolution de 1980 à 2010 de la part de la flotte mondiale sous pavillon de libre immatriculation ou Open Registers.

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Flotte de commerce mondiale en milliers de TPL (a)

672 192,47 668 145,10 629 976,00 710 124,95 785 522,71 901 878,87 1 276 137,16

Flotte sous pavillons de libre immatriculation ou Open Registers (b) 199 522,12 198 471,23 216 418,00 287 480,10 371 808,46 442 805,51 677 812,57 Part de la flotte mondiale sous pavillon de libre immatriculation ou Open Registers 29,68% 29,70% 34,35% 40,48% 47,33% 49,10% 53,11%

Source : Angelelli, P. (2011), à partir des données de la CNUCED (Flotte marchande par pavillons

d'immatriculation et par types de navires, 1980-2011

< http://unctadstat.unctad.org/ReportFolders/reportFolders.aspx > [Consulté en Juillet 2011]. Notes :

(a) Les données de la CNUCED relatives à la flotte sont exprimées en TPL (Tonnes de port en

lourd) : c'est une mesure de poids de la capacité de charge d'un navire. Elle inclut la cargaison, le carburant et les magasins.

(b) La notion de pavillons de libre immatriculation ou Open Registers se veut plus objective que celle de

pavillon de complaisance mise en œuvre par l’ITF. Elle résulte pour nous de la combinaison de deux facteurs : - un facteur d’internationalisation de la flotte (c’est la part des navires détenus par des étrangers dans la flotte immatriculée dans le pays ; elle est par exemple de 85% pour le Panama, 94% pour les Bahamas ou de 98% pour les Iles Cayman) ; et un facteur de

dépavillonnement ou de flagging out (c’est la part de la flotte détenue par des nationaux d’un pays

immatriculée dans un autre pays ; par exemple, 88% de la flotte détenue par des intérêts allemands est immatriculée à l’étranger, 67% de la flotte U.S. est immatriculée sous d’autres pavillons que le pavillon U.S., et 56% de la flotte française, etc.). On choisira ici de caractériser la libre immatriculation par la combinaison de ces deux facteurs : un territoire sera classé en pavillon de

libre immatriculation ou Open Register s’il a un facteur d’internationalisation supérieur à 40% et un

facteur de dépavillonnement inférieur à 40%. Autrement dit, un territoire qui accueille beaucoup de navires étrangers dans sa flotte et qui, en revanche, immatricule peu de « ses » navires à

l’étranger, sera un pavillon de libre immatriculation. A contrario, un territoire qui immatricule chez

lui beaucoup de navires étrangers, mais fait en même temps immatriculer à l’étranger beaucoup de ses navires ne sera pas considéré ici comme un pays de libre immatriculation. C’est le cas de Chypre, des Bermudes et de Hong-Kong. Enfin, les pays qui ont un faible facteur d’internationalisation ne sont pas classés en pavillons de libre immatriculation (alors qu’ils peuvent être classés par l’ITF en « pavillons de complaisance »), car ils accueillent très peu de navires étrangers (Liban, Registre International Français, Registre International Allemand, Sri Lanka). A partir de la combinaison de facteurs rappelée ci-dessus, les pavillons et registres de libre immatriculation retenus dans ce tableau sont les suivants : Antigua-et-Barbuda, les Antilles néerlandaises (avant leur dissolution), les Bahamas, la Barbade, Belize, le Cambodge, la Dominique, Gibraltar (GB), le Honduras, l’Ile de Man (GB), les Iles Cayman (GB), les Iles Marshall, la Jamaïque, Kiribati, la Liberia, Malte, la Mongolie, la Panama, les Philippines, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sao Tomé-et-Principe, Tuvalu, le Vanuatu et Wallis-et-Futuna (FR).

2. Des catégories de registres maritimes de plus en plus nombreuses.

Au surplus, le recours à des catégories de registres plus nombreuses tend à « couvrir » plus largement le concept de libre immatriculation, ainsi qu’il est dit au paragraphe suivant.

A titre d’exemple, un classement en 5 catégories 87 est proposé par Alderton et Winchester dans un de leurs articles pionniers sur le taux d’accidents maritimes par pavillon (T. Alderton & Winchester, 2002c). On reviendra plus loin sur ces classements (notamment Chapitre II, Section III, et Chapitre III, Section II).

Tableau 9 : Répartition des registres en cinq catégories en 1997-1999, selon Alderton et Winchester (2002)

Pavillons de complaisance

anciens Nouveaux pavillons de complaisance

Registres interna-tionaux (ou « seconds

registres »)

Pays maritimes

traditionnels Pays maritimes émergents

9 17 17 30 95

Source : Alderton, T. & N. Winchester (2002), « Flag states and safety : 1997-1999 », Maritime Policy &

Management, Vol.29, n°2, Tableau extrait par Angelelli, P. à partir de la note n°28, p.161 de l’article cité.

Tableau 10 : Répartition des registres à partir du Flag State Conformance Index (FLASCI), selon Alderton et Winchester (2002)

Grande performance de l’Etat du pavillon

(comprend les Etats maritimes traditionnels et Seconds Registres contrôlés

par eux)

Performance grande à moyenne de l’Etat du pavillon

(comprend les Seconds Registres semi-autonomes)

Performance moyenne de l’Etat du pavillon

(comprend - les Registres ouverts anciennement établis ; - les pays en cours d’adhésion

à l’Europe qui ont les plus hauts scores ; - des registres nationaux)

Performance moyenne à basse de l’Etat du pavillon (comprend de nouveaux registres ouverts) Basse performance de l’Etat du pavillon

(comprend les nouveaux entrants sur le marché des

registres ouverts)

Indice entre 72 et 84 Indice entre 58 et 64 Indice entre 41 et 50 Indice entre 35 et 36 Indice entre 19 et 30

6 9 10 4 5

Source : Alderton, T. & N. Winchester (2002), « Globalisation and de-regulation in the maritime industry », Marine

Policy, Vol.26, Tableau extrait par Angelelli, P sur la base des pp.37-39 de l’article cité.

87 Selon des critères objectifs : relative ancienneté de l’activité de shipping à l’époque contemporaine ; nombre des

conventions de l’Organisation Maritime Internationale ratifiées par le pays du registre ; année de création du registre, etc.

B. Approche qualitative de l’universalisation.

On qualifiera ici d’universalisation non seulement l’évolution de la proportion des navires sous pavillon de libre immatriculation dans la flotte mondiale, mais aussi l’affaiblissement, voire la fin, de la lutte contre les pavillons de libre immatriculation en tant que tels, et l’adaptation des pays maritimes traditionnels à une sorte de nouvel ordre maritime international.

1. La fin de la lutte contre les pavillons de libre immatriculation ?

a) L’essor de la libre immatriculation avait engendré une opposition à ces pavillons fondée notamment sur les impératifs de défense des économies et des emplois nationaux. La libre immatriculation apparaissait une synthèse de pratiques condamnables établies sur l’absence de lien substantiel entre les propriétaires ou exploitants des navires et l’Etat du pavillon. Cette absence définissait d’ailleurs au premier chef la libre immatriculation 88, et le reste en découlait : de sorte que sans lien la plupart des réglementations – qui dépendent de l’Etat du pavillon – ne pouvaient s’appliquer, qu’il s’agisse de la fiscalité directe, du droit du travail, des règles de protection sociale ou de sécurité maritime. Sous une forme ou sous une autre, l’exigence d’un lien substantiel va donc se formaliser au plan international et constituer la cause commune de la plupart des Etats, mais également des gens de mer eux-mêmes.

En effet, dès la convention de Genève de 1958 sur la haute mer, les Etats décident, en exigeant un lien effectif entre le navire et l’Etat du pavillon, d’encadrer le droit souverain d’attribuer le pavillon – donc la nationalité – à un navire et de définir par là même l’ordre juridique qui sera applicable à bord. Ce principe est confirmé avec la convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à La Jamaïque (Montego Bay) en 1982.

Toutefois, le pur formalisme du dispositif apparaîtra assez rapidement dans la mesure où l’attribution du pavillon par un Etat à un navire ne pourra pas en pratique être contesté par une autorité étrangère ou internationale, ou encore un autre Etat (Arrêt SAIGA, du Tribunal International du Droit de la Mer du 1er juiller 1999).

Libre immatriculation, pavillons de complaisance, navires sous-normes techniques et le plus souvent sociales, sont alors des notions intimement liées, voire synonymes.

88 Ainsi que la « complaisance » selon la définition adoptée par l’ITF. On a vu qu’après avoir lancé dès 1948, lors de

son congrès mondial tenu à Oslo, la première campagne contre les pavillons de complaisance, l’ITF adopte (1974) une définition synthétique et simple de la complaisance qui apparaît en substance quand les propriétaires effectifs d’un navire et ceux qui le contrôlent résident dans un autre pays que celui d’immatriculation.

b) Dans les années 1980, le constat s’impose que la déconnexion entre propriété et pavillon n’est plus le seul critère pour classer les flottes mondiales. A son congrès de Dehli en 1998, l’ITF est amenée à modifier sa position sur les pavillons de libre immatriculation. Constatant que nombre d’Etats notamment des Etats maritimes traditionnels peuvent exploiter sous leur pavillon des navires de complaisance, l’ITF va s’attacher de façon plus pragmatique aux navires sous normes, quels que soient leur pavillon. La déconnexion propriété-pavillon n’est plus alors au centre de son dispositif de contestation de la complaisance (T. Alderton & Winchester, 2002a, p.36). Progressivement, et en particulier sur la base des travaux réalisés par l’ITF et par le Seafarers

International Research Centre de l’Université de Cardiff, l’Organisation Internationale de Travail

(OIT) prendra acte de la nouvelle réalité que constitue la libre immatriculation pour s’attacher aux conditions réelles d’exploitation des navires.

En 1991, la Commission Paritaire Maritime de l’OIT, constatant « les changements structurels considérables et profonds » (Centre international de recherche sur les gens de mer – Université de Cardiff, 2001, p.1) concernant l’immatriculation des navires, s’interroge encore sur les effets, sur les conditions de travail, de l’immatriculation des navires dans les registres internationaux. Mais en 1999, le Directeur Général du Bureau International du Travail indique que : « ce qu’il faut aujourd’hui, c’est concevoir des systèmes sociaux et économiques qui garantissent le minimum indispensable en matière de sécurité et d’emploi, sans que cela empêche de s’adapter à l’évolution rapide d’un marché mondial très concurrentiel » (Ibid., p.1).

Dans le même ordre d’idées, à la division de la flotte de commerce mondiale en deux catégories – pavillons nationaux et pavillons de libre immatriculation –, vont se substituer d’autres approches multipliant les catégories. La CNUCED va introduire un système ternaire en distinguant les registres nationaux, les registres internationaux et les registres ouverts (CNUCED, 1997). D’autres approches sont avancées, qui se fondent non pas sur le statut juridique du navire dont découlerait presqu’automatiquement les bonnes ou mauvaises conditions d’exploitation, mais sur des catégories rendant mieux compte de la réalité (T. Alderton & Winchester, 2002a). Par exemple, le Flag State Conformance Index (FLASCI) proposé par Alderton et Winchester conduit ainsi à reclasser les registres d’immatriculation en cinq catégories.

2. L’adaptation des pays maritimes traditionnels à la libre immatriculation.

On a vu que l’essor des flottes sous pavillons de libre immatriculation depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale avait été largement combattu. Toutefois, les arguments juridiques et politiques n’ont pas enrayé le phénomène qui répond à d’autres ressorts et en particulier, comme pour la production des biens manufacturés, à une division internationale du travail rendue possible par la diffusion des technologies et l’abaissement des barrières s’opposant au commerce entre Etats.

Au-delà des discours qui peuvent rester politiques – et emprunts d’un certain protectionnisme comme c’est souvent le cas en économie internationale –, les pays industrialisés et en particulier les pays maritimes traditionnels 89 se sont adaptés à la nouvelle situation. Ils ont abandonné le rôle classique de l’Etat du pavillon et ils ont imité les pavillons de libre immatriculation.

a) Une tendance à l’abandon du rôle classique de l’Etat du pavillon.

i) Rappel du rôle classique de l’Etat du pavillon. On rappelle qu’en droit de la mer – droit des espaces maritimes – comme en droit maritime stricto sensu – droit des relations entre personnes privées participant à l’expédition maritime –, la question centrale est de savoir sous quel régime juridique se trouve un navire en fonction de sa localisation géographique. Pour répondre à cette question qui conditionne, aujourd’hui comme hier, la sécurité juridique du commerce par mer et donc son développement, le droit international coutumier puis le droit conventionnel ont admis, l’existence de deux concepts dont le croisement va déterminer des solutions juridiques.

Le premier concept est celui d’espace maritime. Celui-ci va être divisé en plusieurs zones en fonction des compétences dont disposent les Etats côtiers pour établir des règles et les faire respecter : eaux intérieures et portuaires, mer territoriale, zone contiguë, zone économique exclusive, haute mer.

89Il n’existe pas de définition unique de la notion de pays maritime traditionnels. Aldeton et Winchester en donne

une liste indicative (voir Tableau n°10, colonne ‘c’ supra et (T. Alderton & Winchester, 2002c, Note 28, p.161) :

« Traditional maritime nations: Argentina, Australia, Austria, Belgium, Brazil, Canada, Chile, Denmark, Finland, France, Germany, Greece, Iceland, Ireland, Italy, Japan, Mexico, Netherlands, New Zealand, Norway, Portugal, Russia, South Africa, Spain, Sweden, Switzerland, UK, Uruguay, USA, and Venezuela. ». Une définition plus restricticve et factuelle résulte de la nouvelle répartition des pavillons qui est proposée dans ce travail (Chapitre III, Section II), définition selon laquelle les pays maritimes traditionnels sont ceux qui domicilient beaucoup de leurs navires à l’étranger et immatriculent sous pavillon national peu de navires propriétés d’étrangers ou de non résidents. Une quinzaine de pays sont dans ce cas.

Une fois l’espace maritime défini et divisé, le second concept est celui d’Etat du pavillon. L’Etat du pavillon va conférer un statut juridique mais également économique permanent au navire en déterminant les réglementations qui lui sont applicables dans plusieurs domaines importants : - la propriété du bien et la manière dont on peut le mettre en garantie, notamment pour obtenir des prêts et développer les affaires;

- les droits et obligations du personnel à bord : qualifications professionnelles, régime social, régime disciplinaire et pénal pour le maintien de l’ordre à bord, etc.

- les règles de sécurité – pour protéger les personnes, les navires, les cargaisons ou l’environnement marin contre les accidents – ou de sûreté – pour protéger les personnes, les navires et les installations portuaires contre les actes criminels.

Depuis trois siècles environ, en tant qu’élément très mobile, le navire – et les personnes et cargaisons qui sont à son bord – voit son statut juridique dépendre de la combinaison des pouvoirs de l’Etat côtier sur l’espace maritime et de l’Etat du pavillon sur le navire.

En pratique aussi, jusqu’au développement de la libre immatriculation, les Etats côtiers disposaient de peu de pouvoirs sur les navires étrangers dont la liberté de naviguer était en principe respectée.

En contrepartie de la reconnaissance d’une certaine forme d’extra-territorialité au navire étranger – selon la coutume ancienne –, l’Etat côtier faisait confiance à l’Etat qui avait immatriculé le navire – Etat du pavillon – c’est-à-dire lui avait donné sa nationalité en l’autorisant à arborer son pavillon.

A partir des années 1970, des catastrophes maritimes portant des atteintes inédites à l’environnement marin vont remettre en cause l’équilibre entre Etat du pavillon et Etat côtier.

ii) Les Etats côtiers perdent leur confiance dans les Etats du pavillon.

Bien que certains Etats côtiers – par exemple les USA – aient eu de longue date l’habitude de soumettre à leurs règles nationales les navires étrangers fréquentant leurs eaux territoriales et leurs ports, cette attitude était peu commune dans la plupart des pays industrialisés. Ceux-ci, au nom de la liberté de navigation, conféraient une certaine immunité aux navires étrangers escalant dans leurs ports et circulant dans leurs eaux territoriales. Les naufrages en série à partir des années 1970 impliquant des navires sous pavillons de libre immatriculation vont conduire les Etats

côtiers à renforcer leurs pouvoirs sur les navires étrangers afin de compenser les faiblesses des Etats du pavillon.

Ce renforcement sera « couvert » juridiquement par la Convention des Nations unies sur le Droit de la Mer de 1982 qui admettra dans divers articles le droit pour l’Etat côtier de protéger son environnement contre la liberté de navigation.

Mais dès 1978, puis 1982, est amorcée la mise en œuvre des contrôles dans les ports des navires étrangers par les Etats – notion de Port State Control ou Contrôle par l’Etat du port. Le succès de cette démarche pragmatique initiée en Europe et fondée sur la « simple » application des textes internationaux existants avec les moyens de contrôle dont dispose chaque Etat a été tel que, d’une part, l’Organisation Maritime Internationale en a recommandé l’extension mondiale et que, d’autre part, l’Union Européenne en a fait à partir de 1995 une norme juridique s’imposant aux Etats membres (Union européenne, 1995).

Ces éléments illustrent un des aspects de l’adaptation des pays industrialisés à l’universalisation de la libre immatriculation.

b) L’imitation des pavillons de libre immatriculation.

Le deuxième facteur accélérant l’universalisation de la libre immatriculation réside dans la création par les grands pays maritimes eux-mêmes de registres « ouverts » – open registers – appelés également « registres internationaux », adoptant certaines caractéristiques des pavillons de libre immatriculation.

Sletmo et Holste (Sletmo & Holste, 1993) qui voient dans les registres internationaux un sursis