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Les seuils élaborés en Indonésie tentent de synthétiser ces approches afin de se conformer aux prescriptions internationales tout en permettant l’émission de statistiques, donc font en sorte que le phénomène soit saisissable en termes quantitatifs.

Un autre indicateur reste cependant très régulièrement utilisé du fait des limites des procédures de recensement et de la non fiabilité de ces statistiques : dans le contexte de la crise économique de 1998, le gouvernement a dû mettre en place des aides d’urgence face à la fragilisation soudaine et rapide d’une part importante de la population. À ce moment crucial, les décideurs n’ont pas voulu s’appuyer sur les données de la pauvreté émises par BPS et ont préféré – du fait de leur plus grande fiabilité – utiliser un autre classement de niveau de vie

49 « Le seuil de 1 dollar par jour est une définition délibérément prudente de la pauvreté axée sur les seuils de pauvreté

caractéristiques des pays à faible revenu. Naturellement, les seuils de pauvreté sont plus élevés pour les pays plus riches. On ne peut raisonnablement affirmer qu’il existe moins de pauvres dans le monde lorsque le décompte est basé sur les critères de pauvreté applicables aux pays les plus démunis. Le seuil de 2 dollars par jour est davantage celui des pays à revenu intermédiaire. » (Ravaillon, septembre 2007, p. 16.).

autour de la notion de « bien-être » portée par l’agence du planning familial : le BKKBN (Badan

Kependudukan dan Keluarga Berencana Nasional soit l’agence nationale de la population et de la

planification de la famille). De fait, cette structure était particulièrement active et opérante pendant l’ère Suharto et était en mesure de collecter (et de faire remonter aux instances centrales) un grand nombre d’informations sur la population.

Encadré 4 : La quête d’un seuil pertinent par BPS

L’approche adoptée par BPS est fondée sur le calcul des besoins de base à partir de la consommation ou des dépenses, afin de définir le seuil de pauvreté. La définition du niveau minimum de subsistance s’appuie sur les besoins alimentaires (riz, tubercule, poissons, …) ainsi que sur des besoins non alimentaires mais fondamentaux (logement, santé, éducation, transport,…. La quantité alimentaire est basée sur une étude de 1978 qui statue que chacun peut avoir une vie saine en disposant de 2 100 kcal par jour. Cette quantité est ainsi convertie en valeur monétaire mensuelle estimée pour la satisfaction de ces besoins. Le niveau du seuil prend en compte les variations de l’inflation.

En plus de ce seuil de pauvreté, l’agence nationale de statistiques a suivi les prescriptions onusiennes pour une analyse multidimensionnelle de la pauvreté. Ainsi, douze besoins fondamentaux sont recensées : la santé, l'alimentation, l'éducation, les conditions de travail, la situation de l'emploi, la consommation et l'épargne, le transport, le logement, les vêtements, les loisirs, la sécurité sociale, et la liberté.

Afin de traduire ces besoins pour chaque ménage, BPS a élaboré 14 critères : 1. La superficie par personne dans le logement est inférieure à 8 m² par personne

2. Le plancher ou le sol du logement est en terre, en bambou ou en bois de mauvaise qualité 3. Les murs sont en terre, en bambou ou en bois de mauvaise qualité

4. Le logement ne possède pas d’installation convenable pour l’évacuation des eaux usées

5. La distribution de l’eau potable ne se fait pas par le réseau municipal ou par la pompe d’un puits individuel

6. La lumière n’est pas produite par de l'électricité 7. La cuisson n’utilise pas les combustibles modernes

8. La consommation de viande (bœuf ou volaille) et de produits laitiers est rare 9. L’alimentation ne comporte pas trois repas par jour

10. L’achat de vêtements est rare (seulement un ensemble par an) 11. Le traitement médical ne peut être assumé

12. Les revenus du chef de famille s’élèvent à moins de 600 000 roupies par mois (≈ 40 €) 13. Le niveau d’éducation du chef de famille ne dépasse pas l’école élémentaire (SD) 14. Le ménage ne possède ni biens ni économies.

Ainsi, l’ensemble de ces critères définitionnels restent très matériels, aisément convertissables en valeur monétaire mais omettent les dimensions plus éthiques et spirituelles, en particulier la notion de liberté.

Encadré 5 La notion de « bien-être » des ménages par le BKKBN

Afin de définir la pauvreté, le département du planning familial s’appuie sur une notion plus large prenant en compte la prospérité et le bonheur. Ainsi la population est classée en quatre groupes selon l’indicateur de « bien-être du ménage » ou « Keluarga Sejahtera ».

La loi n°10 de 1992 stipule que la protection de la famille est fondée sur « le mariage légal capable de

répondre aux besoins spirituels et matériels d’une vie décente, consacrée à Dieu Tout Puissant, en ayant des relations harmonieuses et équilibrée entre les membres de la famille ainsi qu’avec la société et son environnement ».

À partir du concept de BKKBN, la délimitation des populations pauvres dépend des deux groupes de population : l’ensemble qualifié de Pra-Sejahtera (en voie d’accès au bien-être) et le groupe sejahtera I (premier niveau de « bien-être »). Les ménages des groupes II et III sont assimilés aux couches les plus aisées de la population. Le premier groupe rassemble les familles ne pouvant pas répondre à leurs besoins de base, c’est-à-dire que leurs membres ne sont pas en mesure de pratiquer leur religion comme elles l’entendent, de se nourrir au moins deux fois par jour, d’avoir des vêtements différents pour la maison, le travail, l’école et les déplacements, de vivre dans une maison dont le sol est en terre, et n’ont pas pu avoir accès à des soins de santé modernes. Le second groupe en revanche a les moyens de répondre aux besoins fondamentaux physiologiques mais pas aux besoins sociaux psychologiques (on parle en particulier de pouvoir exercer librement sa religion).

Le problème des critères retenus pour déterminer la pauvreté est qu’ils sont relativement difficiles à mettre en œuvre, du fait d’indicateurs très qualitatifs.

En résumé, les différences entre les deux méthodes impliquent des résultats très variés puisque, en 2006, 11,5 % de la population indonésienne est considérée comme pauvre d’après les critères de BPS alors que, selon BKKBN, 40,33 % de la population ne serait pas en situation de « bien-être ».

Vers le multidimensionnel

L’importante place des aspects non monétaires dans la pauvreté est désormais reconnue. Cependant, on constate un impossible consensus quant à la manière dont on pourrait définir et mesurer la pauvreté dans ses manifestations non monétaires, matérielles ou non. La question de la multidimensionnalité de la pauvreté est au cœur de nombreux débats théoriques, empiriques et institutionnels comme en témoigne la multiplication des travaux du PNUD à ce sujet tout comme les différents documents stratégiques de réduction de la pauvreté émis par le FMI et la Banque mondiale50.

Le passage à la multidimensionnalité n’est pourtant pas plus évident. Car même si l’enjeu est de proposer une combinaison d’informations monétaires et non monétaires, proposer une

50 Cette réflexion s’impose d’ailleurs dans tous les types de pays qu’ils soient parmi les ensembles dits développés tels que l’Union Européenne ou des pays considérés comme en développement : les travaux du BIT puis de la Banque mondiale depuis la deuxième moitié des années 1970 ont été poursuivis par les travaux sur la pauvreté humaine du PNUD. Ainsi, la mesure de la pauvreté est repensée en 1997 à partir d’une approche fondée sur les capabilités de Sen : une approche multidimensionnelle.

« mesure globale n’est pas fructueux pour l’amélioration de notre compréhension des processus sous-jacents à l’exclusion sociale » (Whelan, 1995, p. 30).