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En revanche, la compréhension du phénomène de la pauvreté et en particulier de ses facteurs est bien différente entre les deux instances avec des conséquences tant dans la manière de définir la pauvreté (voir la dernière partie de ce chapitre) que dans les modalités de sa réduction.

On peut aussi souligner – à l’exception d’un choix de régionalisation différencié de leurs interventions – une très faible coopération entre les deux structures. En effet, au cours des entretiens, aucune référence à l’autre institution n’a pu être relevée (à l’exception d’une seule mention du Programme PNPM par l’employé du PNUD – mission de contrôle du programme – sans évoquer la Banque mondiale). Le fait est que, malgré un objectif commun portant sur la réduction de la pauvreté, les manières de l’appréhender mais aussi les moyens diffèrent : les travaux scientifique actuels (comme par exemple les différents colloques portant sur la question tel celui sur « La ville compétitive » à Nanterre en 2011 ou encore celui sur « La ville néolibérale » à Lyon et Saint Etienne en septembre 2012) n’ont de cesse de montrer que

compétitivité et équité ne peuvent se résoudre dans l’espace. Ainsi, leurs actions apparaissent difficiles à coordonner, voire pourraient être considérées comme contradictoires.

La discordance des points de vue entre la Banque mondiale et les agences des Nations unies peut s’identifier sur un point précis au sujet de la pauvreté en ville et des modalités d’intervention possibles : la question des bidonvilles. Pour UN-Habitat, les bidonvilles sont considérés comme « la manifestation physique et spatiale de la pauvreté urbaine et des inégalités

intra-urbaines » (2003). Ainsi, pour cette organisation, il reste prioritaire de réduire les

bidonvilles avec un slogan porteur : « Cities without slums ». Depuis 2008, un débat persiste avec

Cities Alliance (une émanation de la Banque mondiale) qui préfère d’abord assurer le

développement économique des villes. Se concentrent sur ce point les divergences des deux approches précédemment présentées entre le soutien à l’accumulation du capital et la dénonciation de ce processus lié à la mondialisation comme responsable de l’accentuation des inégalités.

S’expliquent ainsi les différences de contenu de discours émis par les agents issus de ces deux structures internationales lors des entretiens bien que la métropole de Jakarta ne soit pas, dans les deux cas, le cœur de leur action. Alors que la Banque mondiale met au cœur de ses paroles la capitale comme enjeu puisque Jakarta et ses centralités seraient désignées pour tirer la croissance et, par là même, permettre une réduction de la pauvreté globale, le PNUD se concentre sur d’autres provinces, évacuant totalement la ville de Jakarta de son approche comme moyen de réduire la pauvreté41. Ainsi, les deux principales instances internationales à Jakarta mettent en œuvre des politiques spatialisées totalement inverses.

Que ce soient les idéologies, les actions ou la compréhension de la pauvreté, le rôle des structures internationales, bien que central dans la compréhension du phénomène, ne peuvent se saisir sans identifier la place des institutions indonésiennes à différentes échelles.

41 « Pour une meilleure efficacité des Nations unies, les fonds et les agences vont travailler dans les zones géographies spécifiques les plus désavantagées pour une plus grande synergie et un impact plus fort » (Géographie Focus, UNPDF, 2011, p. 6)

1.1.3. La réduction de la pauvreté, un engagement national

La situation de Jakarta comme capitale politique et principal pôle économique de l’Indonésie implique d’insérer la réflexion dans le contexte national, et notamment de prendre en compte le rôle de Jakarta comme promotion du modèle indonésien.

En outre, il est nécessaire d’identifier la multiplicité des échelles d’intervention témoignant d’évolutions spatiales récentes. En effet, l’analyse précise des différents acteurs permet d’aborder les enjeux de cohabitation dans la ville et ses changements rapides en luttant contre la simplification des causalités expliquant les inégalités et la division sociale de la ville dans le cadre de la métropolisation (Le Goix et Humain-Lamourre, 2006). Ce processus implique des changements d’échelles à identifier, entre ville-centre (province municipale DKI), aire urbaine (Jabodetabek) et gouvernement national dans un contexte de globalisation. Chacune de ces échelles de gouvernement a des objectifs différents dont la confrontation prend forme dans l’espace urbain.

Une priorité nationale ?

Dans l’ordre des onze priorités nationales formulées dans le rapport cadre avec les Nations unies (UNPDF), la réduction de la pauvreté n’apparaît qu’en quatrième position (la réforme de la bureaucratie étant le premier enjeu). On peut aussi relever que cette entrée se trouve être la section la plus courte (p. 77 du rapport, moins de 20 lignes). Ainsi pouvons-nous douter de l’investissement réel du gouvernement à différentes échelles pour la réduction de la pauvreté. Pourtant, l’importance des programmes mis en place sur tout le territoire attesterait d’une volonté concrète des instances officielles pour la réduction de la pauvreté.

Une structure en particulier a été mise en place pour la gestion de la pauvreté. La TNP2K – Tim Nasional Perceptan Penanggulangan Kemiskinan– est l’équipe nationale pour l’accélération de la réduction de la pauvreté. Elle se veut intersectorielle et centralisée. Cette institution a été mise en place par un décret présidentiel (N°15) en 2010. Sa mission consiste à coordonner les différents programmes entre les ministères et agences et à contrôler leur mise en œuvre afin de parvenir à un taux de pauvreté entre 8 et 10 % d’ici la fin 2014 (en mars 2013, la proportion de population sous le seuil de pauvreté s’élevait encore à 11,34 %). Cette équipe est rattachée au mandat du Vice-Président de la République d’Indonésie.

Au cours de mon travail d’enquête, j’ai aussi rencontré « l’envoyé spécial du Président pour la réduction de la pauvreté ». Il synthétise sa mission en deux points : d’abord évaluer l’efficacité des programmes gouvernementaux dans ce domaine, puis aider le Président à

prendre des « décisions plus sages » (entretien, mai 2013). Il dispose d’une équipe de travail mais ne détient pas de pouvoir décisionnaire (cette fonction est réservée à l’agence nationale de planification et de développement – BAPPENAS42).

Des programmes et des définitions