CHAPITRE 2 : APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.4. Approche méthodologique du terrain. Trois moments
1) Au début de la recherche mon intention était de m’incorporer en tant
qu’observatrice pendant une année scolaire dans une Ecole Waldorf. Je
pensais qu’au cours de mon séjour, je pourrai obtenir un espace de confiance
qui me permettrait d’assumer une observation participante avec une implication
active et que ceci dépendrait, fondamentalement, de mon interaction avec les
maîtres.
Entrer en tant qu’observateur participant dans le sens que concède Woods
(1987) à ce terme, implique d’assumer des tâches qui ne peuvent pas être
cataloguées uniquement comme de la recherche au sein de la communauté
que je désirais observer.
aurait pu m’être offerte si la durée de mon séjour dans l’école avait été au
moins d’un an, ainsi que je le croyais tout d’abord. Les observations, il est vrai,
même si elles avaient pour centre d’intérêt majeur les situations d’instruction,
s’étendraient à tout le curriculum scolaire.
2) Cette première perspective a changé étant donné que les conditions
d’entrée à l’Ecole furent fixées par les maîtres qui en ont donné l’information à
la personne responsable de la coordination des rencontres.
Aussi, je ne pouvais plus observer les situations d’enseignement dans la durée
de temps que j’avais prévue dès le début (trois semaines avec chaque maître)
ni nourrir l’intention de contacter tous les maîtres.
Durant les premières conversations il a été bien clair que je pourrai observer
chaque classe durant trois jours et de plus ce serait les maîtres qui décideraient
s’ils voulaient m’accepter ou non en tant qu’observatrice dans leur classe
respective.
Les nouvelles circonstances m’ont obligé à redéfinir mon approche. Il ne
s’agissait plus du curriculum d’une Ecole Waldorf dans laquelle je pouvais me
plonger durant toute une année scolaire, mais d’une étude du curriculum
Waldorf au travers de l’observation des diverses écoles et des situations
d’instruction.
De cette façon il existait la possibilité de faciliter la gestion de mon entrée dans
les Ecoles, vu que je ne pouvais demander que trois mois de stage au lieu
d’une année scolaire et, de plus, je pouvais saisir ce qui appartenait par
essence à cette dite pédagogie, indépendamment du lieu où elle était
pratiquée.
Il faut dire qu’étant donné la réponse tardive de cette première école, j’avais
décidé d’écrire à deux autres institutions dans deux autres pays européens
différents.
La première m’a répondu au bout d’un mois par téléphone et la deuxième m’a
donné sa réponse quatre mois après par courrier.
Toutes les deux ont fini par m’accepter en tant qu’observatrice à condition de
reconsidérer la durée de mon séjour dans l’école.
La communication initiale a eu lieu avec un membre responsable de la
coordination, délégué par l’assemblée des maîtres. C’est avec cette personne
que j’ai été en contact jusqu’au jour de ma rentrée et c’est elle qui a planifié
mon activité pendant les premières semaines. Par la suite, dans la ferveur de
l’ambiance scolaire, je me suis tirée d’affaire toute seule et dans la coexistence
quotidienne, j’ai pu m’entendre avec le reste des maîtres pour élaborer la
planification du calendrier des observations.
3) Le troisième moment est celui qui comprend le travail sur le terrain
proprement dit durant lequel le chercheur recueille les donnés qualitatives au
travers des observations, la collecte des documents et l’enregistrement des
entrevues avec les maîtres. Ce moment sera celui que nous décrirons dans ce
chapitre.
Cependant il est important de signaler qu’au-delà de l’intention et du but de ce
travail, il est apparu, dès les premières observations, un état interne qui a
croisé cette intention de l’observation la laissant quelque fois de côté, et qui est
dû au plaisir que l’observateur a ressenti dans la réalisation des travaux qui se
font dans la salle de classe, plaisir qui s’est accru en intensité au cours de
l’année scolaire observée dans les trois écoles.
Ce mouvement est en relation avec la cinétique intérieure propre à chaque
école, à chaque situation observée, à chaque entrevue. Ce mouvement est
intérieur au champ d’interaction : observateur-observé/ observé-observateur, il
est lié à l’ambiance particulière créée et maintenue dans la propre interaction,
mais dans laquelle on ne pourrait pas lui attribuer un moment d’émergence.
C’est dans ce mouvement que le chercheur vit de profonds changements et
semble ne faire qu’un avec les situations, qu’il se sent en pleine empathie
(agrément) avec l’observé et s’observe lui-même en même temps.
chose qui appartient à l’ordre d’une essence et que je qualifierai d’essence
pédagogique des Ecoles Steiner. Il est vrai que tout ceci s’associe à la
description, la permanence, l’observation journalière mais seulement à un
moindre degré, car sa relation fondamentale appartient au domaine de la
complète attention, de la douce volonté, comme le dirait Kuhlewind (2000) et
non à une intention particulière d’observer et de décrire le monde extérieur.
Je considère important que le lecteur puisse comprendre que le champ de mes
idées antérieures, quant à l’objet de l’étude, n’a pas été seulement configuré
par une conception de l’enseignement et le fait d’enseigner, comme il a été
expliqué dans le chapitre concernant la problématique, mais outre cela, ce
champ a été configuré aussi par la lecture des œuvres pédagogiques de Rudolf
Steiner. Disons qu’il y a eu une phase préliminaire d’approche aux Ecoles
Waldorf, phase qui représente mes premiers contacts en Europe à ce sujet.
2.5. Les préliminaires pour approcher l’objet de notre recherche
Dès mon incorporation au Département des Sciences de l’Education de
l’Université Paris VIII, mon Directeur de Recherche connaissait l’esquisse d’un
premier plan de travail pour le DEA, ainsi que mon souhait de rencontrer des
membres représentants la Pédagogie Waldorf. Aussi, ce fut donc mon
Directeur de Recherche qui, le premier, a facilité un contact avec un maître
d’une école de ce genre située dans la banlieue parisienne.
Ce maître était également son élève dans cette même université. La première
rencontre avec celui-ci, que j’appellerai « Daniel », aura lieu à la fin d’une des
sessions d’un séminaire organisé par l’université. Daniel est entré dans la salle
où nous étions réunis, c’est là que nous avons fait connaissance et échangé
quelques mots concernant mon intérêt pour la Pédagogie Waldorf. Ce soir-là
nous nous sommes donnés un rendez-vous dans son école pour le jour de la
Kermesse de Noël. Cela m’a fait très plaisir d’assister à cette fête car elle m’a
rappelé ma première rencontre avec les Ecoles Waldorf, qui justement avait eu
lieu en 1982 en France durant une Kermesse de Noël.
Cette fête m’a permis de parler avec des maîtres, d’acheter des textes
pédagogiques, mais malheureusement il m’a été impossible de parler avec
Daniel vu qu’il était chargé de la « cuisine » avec un groupe d’étudiants, aussi
étant donné cette situation, je décidais de profiter au maximum de cette
journée. Nous nous sommes mis d’accord pour nous téléphoner et pour nous
rencontrer. Cette rencontre se réalisa début 1998.
Daniel était très gentil et me recommanda une première bibliographie pour
m’introduire dans l’univers pédagogique que je voulais connaître, de plus il
m’offrait de me prêter un livre de Frans Carlgren : Pédagogie Waldorf, une
éducation vers la liberté, sur quoi je lui demandais s’il lui était possible de me
trouver un exemplaire afin de l’acheter.
À cette occasion, je lui ai demandé s’il m’acceptait en tant qu’observatrice dans
sa classe, ce qu’il accepta bien volontiers, en m’avertissant néanmoins qu’il
était dans son année sabbatique et qu’il reprendrait les cours durant la période
scolaire 1998-1999. Il m’informait également qu’il devait faire part à ses autres
collègues de mon projet.
Une troisième rencontre a eu lieu, aussi agréable que les précédentes, dans la
même université, à l’occasion de laquelle il me prêta le livre de Carlgren
pendant qu’il en cherchait une nouvelle copie. Après un certain temps il
m’appela pour me faire savoir qu’il n’y avait plus de copie de ce texte et que
pour l’acheter, il fallait attendre une nouvelle édition. Aussi après une lecture
succincte je lui ai renvoyé son livre par la poste et je me suis donnée pour
tâche de pénétrer dans le monde des conférences pédagogiques de Rudolf
Steiner.
Plus tard, lors d’une autre conversation téléphonique, on m’a conseillé de parler
avec le maître qui tenait le rôle de directeur dans son école afin de lui faire part
de mon projet de recherche pour voir s’il y avait une possibilité de réaliser des
observations dans toutes les classes. Daniel m’appela ensuite pour me dire le
jour et l’heure du rendez-vous à l’école et ainsi s’est produite, ce que
j’appellerai, une première rencontre formelle.
Le maître, qui devait me recevoir, arriva en retard, il était occupé par d’autres
tâches et de multiples responsabilités ce qui lui rendait difficile de me donner du
temps ce jour-là. A sa place, une autre maîtresse me reçut et nous avons parlé
au sujet du but de ma recherche. Après lui en avoir exposé les motifs, elle m’a
précisé deux choses : tout d’abord elle m’a recommandé le livre de
Stockmayer : Éléments fondamentaux de la Pédagogie Steiner, en m’indiquant
où je pouvais le trouver, puis elle m’a dit que l’accès à l’école dépendrait en
grande partie de mes contacts avec les maîtres en particulier ainsi que de leur
disposition à me recevoir, et qu’il serait désirable de les rencontrer avant toute
possibilité d’observer, vu que l’école était en train de vivre une situation difficile
et que, par conséquent, ce n’était pas le meilleur moment pour me recevoir.
Au cours de cette réunion j’ai offert de leur remettre un article sur la Pédagogie
Waldorf publié dans une revue de Pédagogie. De même, je leur ai dit qu’une fois
terminée mon mémoire de DEA, je le leur enverrai pour échanger des idées. J’ai
eu le pressentiment qu’il me serait plus difficile d’entrer dans cette école que je
l’avais imaginé, mais j’étais contente de savoir que j’allais commencer mes
observations dans les classes de Daniel et que j’aurais une occasion pour mieux
connaître les autres maîtres. Il restait évident pour moi que ma prochaine
rencontre avec Daniel se réaliserait quelques jours avant la rentrée des classes,
aussi je l’appelais par téléphone dès les premiers jours de septembre.
La lecture des conférences et des livres fondamentaux écrits par R. Steiner n’a
pas été facile pour moi et déjà à cette époque j’avais décidé de prolonger d’un
an mes études de DEA. Cette première recherche qui consistait plutôt à une
compréhension, une description, un décodage du contenu de ces lectures m’a
amené à ce que j’ai appelé par la suite : « Une approche de la dimension
théorique du curriculum steinerien ». Je me suis donnée entièrement à cette
tâche, surtout quand j’ai compris, à la suite de deux appels téléphoniques que
j’ai eus avec Daniel pour savoir le jour de mon incorporation (en septembre),
que mon entrée ne serait pas possible. Aussi n’ai-je plus insisté et j’ai décidé
que je m’occuperai de la négociation de mon travail au cours de la première
année du doctorat.
Dans le document
L'enseignement en tant qu'art dans le curriculum Waldorf
(Page 112-118)