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Chapitre I La chorée de Huntington

I. Aperçu de la Chorée de Huntington

I.1. Les grandes caractéristiques de la maladie

Georges Huntington (Figure 2-1) décrit pour la première fois cette maladie en 1872 (Huntington, 2003). Selon lui, elle se distingue des autres chorées par trois éléments fondamentaux : 1) sa nature héréditaire, 2) une tendance à la démence et au suicide, 3) sa manifestation à l'âge adulte.

FIGURE 2-1:DR GEORGES HUNTINGTON

La chorée, ou maladie de Huntington (MH) est en effet d'origine génétique. Elle provoque une atrophie progressive du cerveau qui débute dans le striatum (Figure 2-2) et entraîne un déclin progressif des capacités physiques et mentales. La maladie se déclare autour de 30-40 ans. Elle est caractérisée par des hyperkinésies en particulier de type choréique (ensemble de mouvements anormaux involontaires irréguliers, souvent de grande amplitude). Les patients présentent également des troubles sévères du comportement et de l'humeur ainsi que des déficits cognitifs évoluant vers la démence jusqu’à une perte totale d’autonomie. Le gène muté est autosomique dominant ce qui implique que les enfants dont un des deux parents est atteint ont 50 % de risque d’être porteur du gène et donc de développer la maladie. La prévalence de la maladie est voisine de 1 pour 10 000. On compte ainsi environ 6

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000 personnes atteintes en France et 12 000 porteuses du gène. La maladie évolue sur une période de 15 à 20 ans après l’apparition des premiers symptômes. La pénétrance de la maladie est complète ce qui signifie que tous les porteurs du gène muté déclareront un jour la maladie.

À l'heure actuelle, de nombreux aspects de la maladie restent incompris. En particulier, les mécanismes par lesquels la mutation génétique conduit à la mort neuronale demeurent inconnus. Néanmoins, de nombreux travaux suggèrent que la mutation génétique induirait l’activation de voies d’apoptose. De plus, la particulière vulnérabilité des inter-neurones dits "medium-spiny" du striatum reste inexpliquée malgré l'existence de nombreuses hypothèses, comme nous le verrons dans les parties suivantes. Cette pathologie est incurable et les seuls soins existants sont palliatifs, principalement de type médicamenteux.

FIGURE 2-2:REPRESENTATION ANATOMIQUE DU STRIATUM.

A gauche, représentation du striatum au sein des ganglions de la base, à droite coupe coronale du striatum, la partie ventrale étant indiquée par la flèche rouge, la partie dorsale par la flèche noire.

I.2. Historique d’une maladie rare

Grandmougin et al. (Grandmougin, 1997) ont retracé l’évolution des connaissances sur la chorée de Huntington à travers les siècles. Le terme de chorée viendrait du XVe siècle et prend racine dans les mots grecs et latins choros et chorus qui signifient danse. A cette époque l’appellation "danse de Saint Guy" décrivait toute manie choréique qui incluait vraisemblablement la maladie de Huntington. Mais cette appellation décrivait surtout

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d’étranges épidémies où les personnes atteintes se mettaient à danser et à chanter jusqu’à épuisement et qui n’étaient en fait que les conséquences d’un contexte socioculturel particulièrement éprouvant. C’est seulement au XIXe siècle qu’apparaissent les premières descriptions de chorées héréditaires. La description la plus précise et la plus exhaustive fut réalisée en 1872 par Georges Huntington, médecin américain, qui donnera son nom à la maladie (Grandmougin, 1997).

Cette maladie a longtemps été perçue comme une malédiction dans les familles. Du fait de la présence de chorées, les malades étaient suspectés d’alcoolisme ou d’être possédés par le diable. Source de honte, ils étaient délaissés, voire cachés par leur famille et nombre d’entre eux furent brûlés sur le bûcher. La découverte de l’aspect héréditaire de la maladie a déclenché une large recherche généalogique des familles touchées amenant à des révélations telle que la condamnation à mort pour sorcellerie. A Salem en particulier, des femmes, ancêtres de personnes atteintes par la maladie, ont péri sur le bûcher. Ces recherches ont également révélé que le berceau de la maladie se situerait dans l’ouest de l’Europe et que le gène aurait été disséminé par les voyages et les colonisations, par exemple l’établissement de marins hollandais dans la région du lac Maracaibo au Venezuela (Bruyn, 1986).

I.3. Traitement de la maladie

Les traitements symptomatiques sont peu nombreux et peu efficaces ; aucun traitement connu ne retarde le déclenchement de la maladie ni ne ralentit son évolution (Hersch and Rosas, 2008). Lorsque les mouvements hyperkinétiques handicapent sévèrement le patient, des antagonistes des récepteurs dopaminergiques peuvent être prescrits. Les troubles psychiatriques sont atténués par l'administration de neuroleptiques, d'anxiolytiques et/ou d'antidépresseurs. Cependant, ces traitements pharmacologiques n'ont aucune influence sur les symptômes cognitifs ainsi que sur la progression de la maladie.

Au vu des bons résultats de la stimulation à haute fréquence du globus pallidus interne (GPi) sur l'atténuation de la dystonie chez certains patients parkinsoniens, les neurochirurgiens ont pensé utiliser la même approche pour réduire les mouvements hyperkinétiques chez les

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patients atteints de la MH (Moro et al., 2004). Des résultats encourageants ont été obtenus chez deux patients, démontrant qu'une stimulation bilatérale du GPi permet d'atténuer les mouvements choréiques et dystoniques sans toutefois aggraver la bradykinésie (Moro et al., 2004).

D'autres avenues thérapeutiques sont actuellement explorées. Ces traitements visent le ralentissement de la progression de la maladie en remplaçant les neurones détruits. Les thérapies cellulaires, comme la greffe de tissu striatal fœtal ou l'administration de facteurs neurotrophiques comptent parmi ces stratégies alternatives. Cependant, bien que les greffons semblent se développer normalement, les premiers essais cliniques ne montrent pas d'amélioration cognitive ou motrice satisfaisante (Kim et al., 2008). Mais cette technique n'est qu'a ses débuts ; pour certains auteurs le domaine des cellules-souches semble avoir un potentiel illimité (Kim, 2007). De nombreuses voies d'amélioration sont actuellement à l'étude, comme par exemple la modification génétique des cellules avant implantation.