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L'amour et les soins maternels comme ingrédients de la substitution 28

3.1   Évolution des courants de pensée en adoption 22

3.1.4   L'amour et les soins maternels comme ingrédients de la substitution 28

dommages permanents chez les petits qui en étaient privés. En plaçant les petits singes dans des conditions expérimentales, Harlow séparait les singes élevés par une mère artificielle de fil de fer qui donnait du lait; et dans l’autre groupe, par une mère aussi faite de fil et donnant du lait, mais enveloppé d’un doux tissu réconfortant. Le but, établi avec succès, était de démontrer qu’à nourriture égale et à développement physique égal, le développement psychologique était inférieur chez les petits qui ne bénéficiaient pas du contact réconfortant. La sécurité des petits était démontrée dans des situations d’exposition au stress, dans lesquelles les singes “maternés” évoluaient avec curiosité et entrain, et les autres avec terreur et comportements qui ressemblaient à de l’autisme institutionnel selon certains.

Ces études ont un impact qui perdure encore aujourd'hui dans les conceptions du milieu essentiel au développement sain d'un enfant : ce milieu doit être familial et offrir non seulement des soins; mais un investissement parental psychologique chaleureux et permanent.

3.1.4 L'amour et les soins maternels comme ingrédients de la substitution

Le rôle attribué aux mères de sécuriser leur enfant est devenu primordial à son développement sain, dans les discours sur le développement. Les conséquences du contraire ayant été démontrées de manière spectaculaire par les travaux de cette période, les spécialistes ont commencé à considérer l’attachement comme fondation du développement normal. L’idée corollaire qu’il y avait une limite de temps pour récupérer les enfants émotionnellement privés de maternage en bas âge a continué à s’établir. Entre autres avec les travaux d’Harlow, qui concluait à un traumatisme durable pour les singes autant que pour les enfants qui étaient privés : ils étaient tous irrémédiablement condamnés à avoir des difficultés à établir des relations affectives plus tard dans la vie, et à trouver un sentiment de sécurité. La période estimée possible pour renverser ce triste sort était chez les singes, 90 jours; et estimé par le chercheur à 6 mois chez l’humain. Une limite de temps déterminait alors les chances d'un individu de se développer normalement, et d'entretenir des relations saines dans le monde.

Harlow probed the nature of love, aiming to illuminate its first causes and mechanisms in the relationships formed between infants and mothers. First, he showed that mother love was emotional rather than physiological, substantiating the adoption-friendly theory that continuity of care— “nurture”—was a far more determining factor in healthy psychological development than “nature.” Second, he showed that capacity for attachment was closely associated with critical periods in early life, after which it was difficult or impossible to compensate for the loss of initial emotional security. [111]

La théorie de l’attachement naît sur ces bases. John Bowlby [6] dépasse les théories psychanalytiques l’ayant précédé en établissant l’attachement comme une véritable fonction psychologique de base de la relation mère-enfant; une force instinctive et protectrice fondamentale chez l’être humain [6-9]. S'inspirant des travaux du biologiste et zoologiste Konrad Lorenz (Les 'Oies de Lorenz' [113]), Bowlby propose que les petits humains s'adaptent à leurs conditions pour survivre et évoluer par des comportements adaptés de recherche de sécurité. L'observation d'oies cendrées qui l'avaient pris comme 'figure maternelle' avait incité le biologiste à théoriser sur le principe d'imprégnation ou d'empreinte psychologique : c'est le premier 'objet' venu à la naissance que les poussins suivent.

Les poussins peuvent s'attacher, comme si c'était leur mère, au premier objet mobile qu'ils voient à leur naissance. Il obtient ainsi des poussins qui le suivent, et d'autres qui suivent un simple ballon coloré. La présentation ultérieure de leur mère véritable ne change rien : c'est bien le premier objet venu, le premier que les poussins voient à leur naissance, qui laisse son empreinte. Cette 'identification' permet de penser à un mécanisme de mise en place [54] qui complète la part d'instinct, déterminant, dans les comportements.

Selon Bowlby, c’est en utilisant cette force aux fonctions évolutives au sens de l'espèce humaine, et autoprotectrice au sens inné que les enfants recherchent réponse à leurs besoins fondamentaux. Plus tard Mary D. Ainsworth suivra les traces de Bowlby en établissant avec ses collègues les conditions spécifiques et dites universelles d'une relation parent-enfant 'sécurisée'; et une classification des types d'attachement qui est encore très utilisée [114]

Un consensus massif s’est alors bâti autour de l’attachement, “a true science

of love” (Herman, 2006 [20]; p.262). La force instinctuelle de la nature, et du

particularité de la relation mère-enfant. La théorie confirmait et établissait que cette relation ne devait pas être altérée. Cette “victoire de l’amour sur les liens du sang” donnait un argument massif aux mouvements favorables à l'adoption :

[...] A boon to a philosophy of kinship stressing love over blood. Even science now seemed to endorse the view that love and desire-not conception, birth or lactation- were the quintessence of bonds between infants and mothers. (Herman, 2006 [20]; p.264).

Les placements temporaires, auparavant jugés bénéfiques avant une adoption, étaient désormais jugés nuisibles, car leur répétition empêchait l’adaptation des enfants à une nouvelle famille. L'adoption devenait beaucoup plus favorable à leur épanouissement. Et l’espoir que l’amour et les soins maternels puissent effectuer une substitution efficace au développement normal de l’enfant adopté devenait possible dans les esprits. Plus tard au cours des années 1970 et 1980, les conceptions sociales de la famille deviennent concentrées autour d'un idéal de famille relationnelle; centrée sur l'enfant; ce qui pourrait-on dire rejoignait une perception plus favorable des adoptions sur le plan social. Les modes d'établissement des familles occidentales et contemporaines s'articulaient aussi autour de la notion de choix dans la constitution familiale désirée, et considéraient la valeur de l'épanouissement affectif de ses membres [23], [24]. La pratique de l'adoption s'est ainsi 'normalisée', et a bénéficié de perceptions de plus en plus positives sur le plan social en incarnant ces nouvelles valeurs. Par son absence de composante biologique dans sa création d'un lien parent-enfant, elle faisait ressortir les aspects psychologiques désormais valorisés : le choix d'avoir un enfant à aimer, à investir, et qui exprime les valeurs personnelles de ses parents.

3.1.5 Donner une famille à un enfant : vers la protection de son droit à