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La construction sociale de la relation adoptive: expériences parentales de l'adoption d'enfants grands à l'international

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA CONSTRUCTION SOCIALE DE LA RELATION ADOPTIVE :

EXPÉRIENCES PARENTALES DE L'ADOPTION D’ENFANTS

GRANDS À L’INTERNATIONAL

ANNE-MARIE PICHÉ

ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL

UNIVERSITÉ MCGILL, MONTRÉAL

AOÛT 2010

A THESIS SUBMITTED TO MCGILL UNIVERSITY IN PARTIAL

FULFILLMENT OF THE REQUIREMENTS OF THE DEGREE OF

PH.D IN SOCIAL WORK

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AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS

Je souhaite tout d'abord remercier les parents et les familles qui ont généreusement offert leur participation à mon étude; alors qu'ils accueillaient leur nouvel enfant et avec constance dans les mois qui ont suivi. En me permettant d'entrer dans leur quotidien et dans leur histoire, leurs témoignages ont grandement contribué à enrichir ma compréhension de leurs expériences et m'ont beaucoup touchée : par leur force, leur transparence et leur humanité.

Je remercie également mes directrices de thèse pour leur soutien, leur encouragement et le modèle qu'elles m'ont offert par la qualité de leur travail : Dr Lucy Lach, professeure associée à l'École de service social de l'Université McGill et Dr Françoise-Romaine Ouellette, professeure et directrice du Centre Urbanisation, Culture et Société (INRS). Pour sa grande contribution à ma formation de chercheure et ses conseils, je remercie également le Dr Nico Trocmé, professeur à l'École de service social et directeur du Centre de recherche sur l'enfance et la famille de l'Université McGill. Parmi mes collègues en recherche, je ne saurais oublier de remercier Dr Vandna Sinha de l’Université McGill pour son exemple de rigueur et ses conseils. J’ai aussi pu compter sur un soutien mutuel précieux, celui de mes deux collègues et amis du doctorat en service social : Geneviève Pagé et Dr Stephen Ellenbogen.

J'exprime aussi toute ma gratitude au CLSC Lac-St-Louis et à sa direction du programme Petite enfance et périnatalité et Adoption internationale : Mme Ruth Bresnen et M. Claude Girouard, qui m’ont donné la marge de manœuvre pour entreprendre le passage du travail clinique aux études doctorales.

La réalisation de cette étude n'aurait pas été rendue possible sans le soutien d’organisations qui ont facilité le recrutement de participants : en particulier la

Fédération des parents adoptants du Québec et les organismes agréés Formons une famille et Accueillons un enfant.

Je remercie également le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH/SSHRC), de même que le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) pour l'octroi de bourses doctorales; de même que l'École de service social et la Faculté des Arts de l'Université McGill pour les bourses de

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mérite qu'elles m'ont accordées au début de mes études.

Au coeur de l'inspiration d'une étude visant à mieux soutenir les familles qui adoptent un enfant à l'international, je tiens particulièrement à remercier Mme Johanne de Champlain, infirmière et partenaire de la première heure dans le développement de services à ces familles ; aussi mère adoptive et de coeur. Il en va de même pour tous les parents et enfants que j'ai eu le privilège de connaître lors de l'animation des services en adoption au CLSC Lac-St-Louis. C’est en premier lieu leurs expériences de construction familiale, qui ont suscité mon intérêt et mes questionnements, qui ont débouché sur cette étude. Je remercie également Mme Sylvie Samson, pour ses commentaires, et pour le brio avec lequel elle a repris et développé le service Adoption internationale avec ses collègues. Je remercie également Mme Joanne Baskin, alors collaboratrice dans l’équipe Enfance-Famille pour la richesse de nos discussions, qui ont inspiré ma réflexion.

Je remercie ma mère Lise Piché, ma famille et mes amis qui m'ont encouragée et soutenue tout au long de ce fascinant et complexe projet; ils se reconnaîtront par toutes les fois où ma thèse a (parfois trop) occupé nos conversations au cours des cinq dernières années! J'offre mes remerciements spéciaux aux personnes qui m'ont généreusement prêté leur espace de vie pour m'aider à écrire d’une île à l’autre et d’un pays à l’autre: Gérald Dionne et Anaïs Giroux-Bertrand à l'Île-Verte, Annie Mailloux et Frédéric Leblond au New Hampshire, Christine Bilodeau et Sylvain Tourangeau à Montréal, Denise Roy et Paul Hébert à l’Île d’Orléans. Le travail de révision linguistique de M. Saïd Eddamoun a aussi aidé à boucler le processus d’écriture.

Merci aux écoles qui m'ont formée en travail social et aux professeurs qui m’ont encouragée à réaliser mon projet doctoral (l'École de service social de l'Université Laval et du programme conjoint de l'Université McGill/Université de Montréal); ainsi que l'École de travail social de l'UQÀM, qui m'a récemment accueillie dans son équipe, notamment sa directrice Mme Suzanne Mongeau et ma collègue Mme Annie Gusew.

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NOTE

Rappelons que tous les noms qui sont mentionnés dans les témoignages sont fictifs; ils ont été modifiés pour protéger la confidentialité des enfants et des participants.

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-­‐PROPOS  ET  REMERCIEMENTS  ...  ii  

TABLE  DES  MATIÈRES  ...  v  

RÉSUMÉ  ...  xi  

ABSTRACT  ...  xii  

1.0  INTRODUCTION  ...  1  

2.0  PROBLÉMATIQUE  ...  8  

2.1  La  création  d'un  lien  adoptif  avec  un  enfant  grand  ...  8  

2.2  Transformation  de  l’adoption  internationale  ...  10  

2.1.2  Les  enfants  ...  13  

2.1.3  Les  adoptants  ...  16  

2.3  Explorer  l'expérience  de  l'adoption  tardive  par  le  point  de  vue  des  parents  ...  17  

2.4  Structure  de  la  thèse  ...  18  

3.0  THÉORIES  ...  21  

Théories  de  l’adoption  ...  22  

3.1  Évolution  des  courants  de  pensée  en  adoption  ...  22  

3.1.1  Le  lien  adoptif  :  avantage  social  pour  l'enfant;  désavantage  pour  la  famille  ...  23  

3.1.2  L'abandon  et  la  perte  ...  24  

3.1.3  Les  leçons  de  l’institutionnalisation  ...  26  

3.1.4  L'amour  et  les  soins  maternels  comme  ingrédients  de  la  substitution  ...  28  

3.1.5  Donner  une  famille  à  un  enfant  :  vers  la  protection  de  son  droit  à   l'épanouissement  ...  30  

3.2  Facteurs  d'incidence  sur  le  lien:  l'apport  des  études  empiriques  ...  32  

I-­‐  Pathologie  et  déterminisme  de  l'adoption  :  premières  études  ...  33  

II-­‐  L’adoption  internationale  :  enjeux  particuliers  de  formation  du  lien  ...  37  

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3.2.2  Les  degrés  d’adaptation  additionnels  pour  un  enfant  qui  doit  quitter  son  pays  

et  sa  culture  ...  39  

3.2.3  L’aspect  racial  et  ethnique  de  l’enfant  comme  marqueur  additionnel  de  la   différence  ...  41  

III-­‐  La  prédisposition  de  l’enfant  à  participer  à  un  lien  affectif  ...  42  

3.3.1  Les  circonstances  entourant  son  abandon  ou  sa  séparation  avec  ses  parents   d’origine  ...  43  

3.3.2  Ses  expériences  précoces  de  soins  et  des  relations  avec  les  adultes  ...  44  

3.3.3  Les  caractéristiques  propres  à  l'enfant  et  à  son  histoire  ...  47  

3.3.4  Le  développement  de  la  sensibilité  parentale  aux  besoins  de  l'enfant  adopté  .  48   IV-­‐  La  disposition  des  parents  à  jeter  les  bases  du  lien  et  à  l’entretenir  ...  49  

3.4.1  Leurs  attachements  précoces  ...  49  

3.4.2  Leur  expérience  de  certains  deuils  ...  49  

3.4.3  Les  motivations  derrière  leur  décision  d’adopter  et  leur  choix  de  critères   définissant  l’enfant  ...  51  

3.4.4  Leur  transition  identitaire  et  le  développement  d’un  sentiment  de  filiation  et   de  légitimité  ...  52  

V-­‐  L’influence  de  l’environnement  social  et  des  premières  interactions  ...  53  

3.5.1  La  disposition  du  milieu  familial  et  social  à  accueillir  le  nouvel  enfant  ...  53  

3.5.2  Les  circonstances  particulières  à  l’arrivée  de  l’enfant  dans  sa  nouvelle  famille  54   3.5.3  Les  premières  phases  de  constitution  de  la  famille  adoptive  ...  55  

3.3  Théories  et  études  empiriques  :  Sommaire  ...  56  

I-­‐  Étude  des  facteurs  qui  participent  à  la  construction  d'un  lien  adoptif  ...  56  

II-­‐  Évolution  des  courants  de  pensée  en  adoption...  58  

Au-­‐delà  des  facteurs  :  le  processus  de  la  relation  adoptive  ...  63  

I-­‐  Théorie  Shared  Fate  de  David  Kirk  ...  64  

II-­‐  Théorie  écosystémique  de  l’adoption  ...  65  

III-­‐  Théories  anthropologiques  de  l'adoption  et  de  la  constitution  filiale  ...  68  

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B)  Structuration  de  l'adoption  autour  de  la  normalité  familiale  ...  70  

C)  Aspects  biologiques  et  sociaux  du  lien  parent-­‐enfant  ...  72  

IV-­‐  Théorie  Kinship  by  Design  ...  76  

IV-­‐  Sommaire  :  Limites  des  théories  et  des  études  sur  la  relation  adoptive  ...  79  

Théories  de  la  pensée  ...  84  

Résumé  du  chapitre  ...  87  

4.0  MÉTHODOLOGIE  ...  90  

I-­‐Approche  constructiviste  de  la  théorisation  ancrée  ...  90  

4.1  Méthode  ...  92  

4.1.1  Recrutement  des  participants  ...  92  

4.1.2  Collecte  du  matériel  ...  93  

4.2  Entrevue  :  réalisation  et  réactions  ...  95  

4.2.1  Prise  de  contact  et  exploration  initiale  de  l'expérience  des  parents  ...  96  

4.2.2  Exploration  de  la  transformation  du  lien  ...  104  

4.2.3  Adaptation  de  l'entrevue  ...  109  

4.3  Analyse  du  matériel  ...  111  

4.3.1  Codage  initial  ...  111  

4.3.2  Travail  de  théorisation  ...  112  

4.4  Contrôle  de  la  qualité  ...  114  

Tableau  1  :  Critères  de  qualité  visés  par  l'étude.  ...  116  

4.5  Échantillon  ...  117  

4.5.1  Formation  de  l'échantillon  ...  117  

4.5.2  Participants  à  l'étude  ...  120  

Tableau  2  :  Données  sociodémographiques  ...  120  

I-­‐  Les  parents  ...  121  

II-­‐  Les  enfants  ...  122  

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A)  Contribution  à  l'étude  :  groupe  prospectif  ...  123  

Tableau  4  :  Groupe  rétrospectif  :  démarche  de  collecte  ...  125  

B)  Contribution  à  l'étude  :  groupe  rétrospectif  ...  126  

Tableau  5  :  Groupe  théorique  :  démarche  de  collecte  ...  127  

C)  Contribution  :  groupe  théorique  ...  128  

5.0  ANALYSES  ...  131  

Chapitre  I  :  Le  temps  de  la  réalisation  du  projet  familial  :  la  normalité  interrompue  ...  131  

1.0  Renoncements  et  réévaluations  ...  132  

1.1  Se  donner  un  enfant;  offrir  le  meilleur  de  soi  ...  133  

1.1.1  Faire  coïncider  un  désir  personnel  avec  une  utilité  sociale  ...  133  

1.1.2  L'adoption  comme  solution  imparfaite  ...  137  

1.2  Le  deuil  de  la  facilité  ...  142  

1.2.1  Se  faire  à  l'idée  :  faisabilité  et  complexité  de  l'adoption  internationale  ...  145  

1.2.2  Se  départir  de  l'idée  d'un  enfant  investi  ...  154  

1.2.3  Trouver  une  autre  façon  de  s'accomplir  ...  155  

1.2.4  'J'avais  déjà  perdu'  :  Répercussions  psychologiques  des  complications  ...  158  

1.2.5  Se  préparer  à  normaliser  un  lien  fragile  ...  166  

Résumé  :  d'une  vision  unifiée  à  dissociée  du  projet  familial  ...  170  

2.0  La  construction  active  d'un  lien  normal  ...  171  

2.1  Construire  un  meilleur  parent  ...  172  

2.2  Construire  des  repères  aux  sentiments  ...  179  

2.2.1  Créer  des  ponts  :  le  parent  comme  agent  actif  de  la  relation  ...  181  

2.2.2  Reporter  les  gratifications  de  la  connexion  ...  189  

2.2.3  Établir  une  continuité  et  des  repères  par  le  choix  de  pays  ...  191  

Résumé  :  Construire  un  lien  gratifiant;  être  construit  comme  parent  exceptionnel  194   CHAPITRE  II  :  PÉRIODE  D’ACCUEIL  ET  DÉBUT  DE  LA  VIE  FAMILIALE  ...  197  

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1.1  Signes  de  normalité,  signes  de  confiance  :  les  indicateurs  du  lien  ...  199  

1.1.1  Prévoir  l'imprévisible  ...  200  

1.1.2  Ne  plus  être  un  étranger;  devenir  spécial;  être  plus  qu'une  nounou  ...  202  

1.1.3  Le  lien  difficile;  au-­‐delà  de  l'adaptation  ...  203  

2.0  Le  soi  parent  et  le  soi  thérapeute  ...  208  

2.1  Les  besoins  de  l'enfant  d'abord  ...  208  

2.2  Où  le  soignant  arrête  pour  être  le  parent?  ...  218  

2.3  L'ambivalence  des  sentiments;  l'inégalité  des  liens  ...  220  

2.4  Attendre  un  grand,  s'occuper  d'un  petit  ...  223  

2.5  Décoder  le  vécu  de  l'enfant  dans  le  présent  ...  228  

2.6  Comprendre  et  cadrer  ...  233  

Résumé  :  les  frontières  du  soi  parental  en  contexte  d'adoption  ...  237  

3.0    L'importance  d'être  reconnu  :  la  boucle  de  retour  ...  239  

3.1  Être  plus  qu'un  'donneur  de  soins'  ...  240  

3.2  Repli  et  recherche  d'ouverture  :  gérer  les  échanges  après  l'adoption  ...  243  

3.3  L'exercice  du  devoir  de  transparence  avec  l'enfant.  ...  247  

Synthèse  :  Chapitre  II-­‐  Les  forces  et  limites  du  parent  'exceptionnel'  ...  255  

Chapitre  III-­‐  Construction  Sociale  de  la  Relation  Adoptive  ...  258  

1.0  La  prescription  de  l’attachement  ...  259  

1.1  Attachement  :  le  modèle  adopté  ...  267  

2.0  La  valeur  psychologique  de  la  relation  parent-­‐enfant  contemporaine  ...  275  

3.0  L'impact  des  savoirs  spécialisés  sur  l'expérience  parentale  ...  281  

Chapitre  IV  :  Implications  de  l’étude  :  intervention  auprès  des  familles,  recherche  et   politiques  ...  289  

1.0  Tenir  compte  des  expériences  de  la  relation  adoptive  et  remettre  les  familles  au   centre  du  travail  d’interprétation  des  besoins  ...  289  

2.0  Déconstruire  une  perception  générique  des  besoins  des  enfants  adoptés  ...  293  

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Tableau 6 : Postulats pour le développement de services en pré et post-adoption  ....  300  

4.0  Questions  pour  la  recherche  et  les  politiques  de  l’adoption  ...  300  

Conclusion  :  Tenir  compte  des  forces  des  familles  différentes;  reconnaître  la  complexité  ...  302  

Retour  sur  la  démarche  d'étude  et  d'interprétation  ...  307  

Limites  et  portée  de  cette  étude  ...  310  

Pratiques  d'accompagnement  :  lieux  de  réflexion  et  de  soutien  ...  314  

Annexe  A  :  Grille  d'entrevue  et  tableau  synoptique  ...  317  

Annexe  B  :  Exemples  de  mémos  ...  323  

Annexe  C  :  Évolution  du  codage-­‐Arbre  NVivo  ...  326  

Annexe  D  :  Extrait  de  la  liste  de  codes  obtenus  par  codage  initial  des  premières   entrevues.  ...  328  

Annexe  E  :  Certificat  éthique  pour  la  recherche-­‐I  ...  329  

Annexe  F  :  Certificat  éthique  pour  la  recherche-­‐II  ...  330  

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RÉSUMÉ

La transformation rapide de l'adoption internationale a des impacts sur la constitution des familles. Les adoptants d'enfants sont de plus en plus contraints à redéfinir leur préparation, leurs attentes et leurs critères : les enfants disponibles pour une adoption sont de moins en moins nombreux; ils sont de plus en plus âgés; et leurs besoins de soins spéciaux sont fréquents. Cette étude a exploré l'évolution dans la création d'un lien parent-enfant significatif, en dehors du processus de constitution familiale habituel; du point de vue des parents adoptifs d'enfants 'grands'. Par leur entrée dans la famille alors qu'ils ont intégré des expériences sensorielles, affectives, physiques et sociales ailleurs, ces enfants poussent leur famille à considérer d'autres façons d'établir une relation. Les familles qui adoptent ces enfants passent par un processus différent de constitution et ne bénéficient pas d'un lien précoce, établi à partir des premières étapes de vie de l'enfant; ni de connaissances sur son histoire lorsqu'il est accueilli. Vingt entrevues de type semi-structuré et en profondeur ont été réalisées avec 12 parents adoptifs (prospectivement au cours de l'année suivant l'adoption; et rétrospectivement deux ans suite à l'arrivée). Le groupe total représente 28 enfants adoptés à l’international; tous ont vécu en orphelinat de manière prolongée et ont été adoptés entre l'âge de 14 et 54 mois. Les complications du processus préadoptif se vivent à plus long terme; certains parents vivent un stress important; cela réside, entre autres, dans la performance qu'ils associent à leur rôle et dans la réponse aux difficultés de leur enfant. Le construit actuel dominant du 'lien qui fait tout', ou l'accent fortement mis sur l'impact du parent dans la construction psychologique de l'enfant (dont son type d’attachement), agit comme point de référence pour les parents mais peut négliger les autres influences sur son développement, les dynamiques vécues dans la famille et son entourage. Les pratiques doivent favoriser un partage plus équitable des efforts d'accompagnement de ces enfants dans leurs communautés d'accueil; ces pratiques sont également appelées à mieux coordonner les services nécessaires offerts. La survalorisation des parents adoptifs comme uniques garants du développement affectif et social de leur enfant rencontre des limites; celles-ci sont tributaires, entre autres, du contexte de l'enfant avant son adoption.

Mots-clés : Adoption internationale; familles adoptives; relation parent-enfant; enfants âgés; intégration familiale; adaptation.

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ABSTRACT

Current tranformations in the international practice of child adoption has impacts on adoptive family construction. Adoption applicants are constrained to redefine their preparation, their expectations and criteria about the children they are willing to adopt; as those who become available for adoption are fewer, older and are likely to have increased special needs at arrival. This study explored the evolution of significant parent-child relationships outside of the ordinary (step by step) family building process; from the perspective of parents who adopted older children, internationally. As they enter their families with the prior integration of sensory, emotional, physical and social experiences elsewhere, these children push their new parents to consider new ways to establish a relationship. Therefore, adoptive families of older children move through a very different constitutionnal process that doesn't benefit from an early life start; nor do they benefit from a knowledge of their earlier histories. 20 semi-structured, in-depth interviews were conducted with 12 adoptive parents (prospectively over the first year postadoption; and retrospectively, 2 years following). This group of participants represented 28 children adopted internationally; all have a prolonged history of institutionnal care and were adopted between 14 and 54 months of age. Findings indicate that complications of the preadoptive process can be experienced in the longer term for some parents; notably in a performance stress in the execution of the parenting role during the first year and beyond; and in response to some children's lasting difficulties. The currect construct of the 'all encompassing parent-child relationship’ (parents being perceived as the main psychological builders of their child, notably, of his attachment style) has limitations that are sharply experienced by adoptive parents of older children. This construct acts as a reference point for parents, but can come to neglect the other influences on their children's development and other family or social dynamics. Practices must encourage a more equitable repartition of efforts to support these children in their new communities, and should facilitate the coordination of necessary health and psychosocial services. The overvalorization of adoptive parents as the only garanties in their children's socioemotionnal development is meeting important limits; that are shaped, among other factors, by their adverse preadoptive context.

Keywords : International adoption; adoptive families; parent-child relationship; older children; family integration; adaptation.

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1.0 INTRODUCTION

Par ma pratique de travailleuse sociale avec des familles qui adoptaient des enfants à l'international, j'ai eu de nombreuses occasions de me questionner sur la construction du lien qui les unit. Un Centre local de services communautaires m'avait alors offert le défi; aussi stimulant qu'exigeant; de bâtir un nouveau programme de services spécialisés à leur intention. Il s'agissait d'identifier et de répondre aux besoins de familles adoptives dans un nouveau contexte : de services publics, généralistes et communautaires. J'ai très rapidement identifié, avec mon équipe de travail, la nécessité de répondre à des besoins complexes et exprimés par plusieurs familles adoptives. Nous avons aussi visé l'offre de services spécialisés; mais qui ne stigmatisent, ni ne suridentifient les problématiques de ces enfants et familles autour de la dimension « adoption ».

Alors que les services « post-adoption » étaient encore tout récents, et rares à trouver au Québec; pour les enfants adoptés localement comme à l'étranger; il s'agissait d'implanter un nouveau modèle pour combler les écarts identifiés dans la réponse à des besoins pour lesquels plusieurs familles ne semblaient pas trouver le soutien nécessaire, dans le cadre de services généralistes. Ce type de services était déjà offert ailleurs dans le monde; sous la forme d'ateliers qui s'avéraient non seulement des groupes de soutien; mais un lieu « d'éducation parentale » pour futurs adoptants ou nouvelles familles adoptives. Offerts ici dans un contexte de services entièrement volontaires, non reliés à l'évaluation psychosociale ou autres exigences du processus formel d'adoption; ces ateliers ont néanmoins commencé à être très recherchés par les adoptants. D'abord offerts par une initiative pilote dans un centre local de services communautaires de la région de Québec, ces ateliers proposaient aux parents de se former aux défis particuliers que représente ce type d'adoption : sur le plan de la santé et du développement; mais aussi pour la construction d'une relation parent-enfant. Ces services proposaient du matériel et des discussions entre parents et professionnels dans le but d'outiller les adoptants dans la transition importante qu'est l'adoption, et le développement d'une nouvelle famille "hors-normes" : par la différence d'aspect physique très marquée, la provenance lointaine des enfants et l'âge parfois avancé auquel ils entraient dans leur nouvelle famille.

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Les ateliers pré et post adoption visaient à favoriser les échanges entre adoptants, à leur offrir un lieu de soutien, et proposaient à ces derniers des moyens de compléter leurs connaissances de base par des notions de compréhension des réalités psychologiques et adaptatives chez les enfants adoptés. Ces ateliers devinrent un lieu de partage apprécié des parents. C'est en 2000 que le Secrétariat à l'adoption internationale du Québeci répond à une revendication depuis longtemps défendue par les associations de parents adoptifs : celle d'implanter des services adaptés et gratuits. La question de la reconnaissance des besoins spécifiques des familles qui adoptent un enfant à l'étranger; et de la validité de leurs demandes de soutien était au coeur de ces revendications. C'est ainsi que les premiers services gouvernementaux de soutien aux familles qui adoptent un enfant à l'international furent implantés, dans la région de Montréal uniquement, dans deux agences (CLSC) de services communautaires publics. Leur mission était d'offrir des services préventifs et un accompagnement aux familles; par une offre de groupes « post-adoption », de consultations parentales et familiales en travail social, et la visite d'une infirmière spécialisée dans les semaines suivant l'arrivée de l'enfant en sol québécois pour évaluer les besoins de santé. Rapidement, cette offre s'est enrichie de groupes-ateliers préparatoires, les services « préadoption ».

La clientèle de ces services était très nombreuse; des listes d'attente allant jusqu'à une année commencèrent à être dressées pour les groupes-ateliers seulement, en postadoption puis en préadoption. Certains adoptants venaient y chercher un réseau de parents qui vivaient la même expérience particulière; et une validation dans leur expérience quotidienne avec l'enfant. Ils venaient souvent pour se préparer aux défis futurs de ses questions concernant ses origines, à son intégration scolaire, ou pour l'accompagner dans la réalisation de deuils reliés à son abandon et son adoption. Plusieurs avaient des questionnements sur l'adaptation de l'enfant aux routines quotidiennes dans les semaines et mois suivant son arrivée : sommeil, alimentation, comportements. D'autres étaient en difficulté depuis l'arrivée de leur enfant; et vivaient parfois une grande détresse dans l'établissement d'une relation harmonieuse avec lui. Ces parents demandaient un accompagnement alors qu'ils se retrouvaient dans des impasses dans la gestion de certains comportements inhabituels ou opposants de l'enfant, et vivaient des conflits qui teintaient négativement leur vie familiale. Certains d'entre eux avaient tenté

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d'obtenir réponse par les services habituels et généralistes de leur communauté, sans toutefois arriver s'y reconnaître ni à obtenir la guidance spécifique dont ils avaient besoin.

Pendant les quatre années de développement de ce programme de service, j'ai été frappée par la quantité, mais aussi par la variabilité des interprétations concernant les problématiques vécues en adoption. Avec ma collègue infirmière, je rencontrais quotidiennement des parents, pourtant des individus très éduqués, professionnels, et autrement confiants en leurs capacités; devenir démunis devant les exigences particulières de leur nouvel enfant.

J’ai surtout rencontré des parents qui avaient en leur possession une grande sensibilité aux besoins de leur enfant et de grandes connaissances en matière d'éducation; mais qui avait un Talon d'Achille. Dès l'élaboration de leur projet d'adopter un enfant, ils étaient submergés de conseils et connaissances, souvent contradictoires, concernant la façon « optimale » d'accueillir leur enfant adopté et de remplir leur rôle de parent. Parfois disséminés par d'autres adoptants par le bouche à oreille ou par leur entourage, mais surtout en provenance d'experts en petite enfance par consultations, formations, et lectures; ces sources de savoir devenaient tellement abondantes et confondantes que plusieurs parents ne savaient plus jusqu'à quel point ils devraient s'y fier; et jusqu'à quel point devraient-ils faire confiance à leurs instincts de nouveaux parents et répondre à la situation unique de leur enfant? Pour la plupart nouveaux parents d'un premier enfant; adopté tard dans la vie de ses parents, les adoptants avaient aussi une vulnérabilité dans leur réseau social de soutien; car leur entourage avait souvent des enfants déjà grands, et nés dans la famille. Ces nouveaux parents pour la plupart dans la quarantaine se retrouvaient alors en recherche de personnes repères pour les guider dans leur entreprise, et à qui ils pouvaient s'identifier en se sentant compris. Lorsqu'ils avaient des difficultés avec leur enfant, ils exprimaient le besoin d'un espace non-jugeant, pour parler librement dans un contexte ou ils sentaient la pression mise sur eux de se conformer au 'modèle' de parent adoptif qui plane sur eux: dévoué, exceptionnellement doté de qualités parentales et...infaillible.

En tant qu'intervenante novice dans le domaine de l'adoption, je me sentais d'emblée reliée à ces parents : moi aussi confrontée à l'acquisition d'une masse importante d'informations sur l'enfant adopté; à la complexité des situations et à un

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manque d'expérience du processus de l'adoption. Ayant fait le pari avec mon équipe de bâtir ce modèle de services d'abord et avant tout par l'exploration des besoins de la clientèle, j'ai néanmoins constaté assez rapidement un besoin de me munir d'autres 'outils' théoriques et pratiques; d'autres grilles étaient nécessaires pour interpréter les situations d'adoption plus complexes. Si ma formation de base en travail social et mes expériences professionnelles m'avaient bien préparée à accueillir les jeunes familles et les situations autres sur le plan du vécu culturel, les premiers clients du programme ont rapidement posé des défis à une compréhension « généraliste » des familles.

La complexité s'exprimait surtout lorsque nous faisions face à des situations d'adoption d'enfants « grands », porteurs d'un très lourd bagage de négligence, souvent institutionnelle; ou de maltraitance de divers types. Presque aucun historique de vie de ces enfants n'était rendu disponible à leurs nouveaux parents pour m’aider à formuler une opinion professionnelle plus solide : les réactions émotionnelles particulières et des difficultés dans l'établissement du lien en donnaient les seuls indices approximatifs. Certains enfants ne présentaient pas que des difficultés 'adaptatives' à leur nouvel environnement, mais aussi des traumatismes qui perduraient pendant leurs premières années suite à leur entrée dans la famille. Alors que beaucoup de ces difficultés étaient de nature développementale sur le plan moteur, cognitif ou langagier; d'autres semblaient avoir une prédominance émotionnelle. La relation entre les parents et les enfants que nous recevions en consultation était en général bonne; toutefois, les adoptants étaient très soucieux de « bien » remplir leur rôle parental pour lui offrir une certaine réparation de ses expériences adverses. Parfois, ils venaient consulter pour des difficultés dans l'arrimage et l'harmonisation de leur relation avec l'enfant; ces parents se questionnaient surtout sur la part de difficultés de leur enfant qui étaient attribuables à son vécu préadoptif; et celle qui pouvait provenir d'autres facteurs. Dans certains cas les difficultés n'avaient pas nécessairement l'adoption comme source; mais la présence inéluctable de ce facteur important brouillait les pistes d'interprétation comme de solution. Comme professionnelle, j'étais confrontée au manque d'information sur le bagage de l'enfant, qui se couplait à la nature hautement subjective de l'interprétation de difficultés émotionnelles ou relationnelles dans l'évaluation avec ces familles.

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Plutôt que de sauter à la conclusion que toutes les difficultés des enfants étaient en lien avec leur adoption ou son contexte; ou que les difficultés familiales étaient reliées à la différence de leur configuration familiale; notre équipe a fait le pari d'entreprendre une réflexion avec chaque famille, et chaque groupe de parents en atelier, pour prendre la problématique par l'angle du processus et de la complexité de chacune. Au bout de ces années de pratique et après avoir animé 13 groupes pré et post-adoption, j'ai compris à quel point la question de la relation adoptive comportait plusieurs facettes; entre autres : l'individu-enfant et ce qu'il amène à la relation; l'individu-parent et sa contribution; l'histoire de développement de la famille; les disponibilités de soutien familial, informel et professionnel autour de cette famille; les valeurs personnelles et éducatives de chaque parent; les dynamiques familiales en jeu; les perceptions culturelles de la parentalité; les attitudes face à la culture et la provenance de l'enfant adopté; et l'impact des discours spécialistes sur l'enfance et l'adoption chez ces familles.

Simultanément, une tendance lourde à l'interprétation du phénomène de la relation adoptive par la perspective de la théorie de l'attachement s'est installée dans les pratiques un peu partout en Occident. Quantité d'ouvrages, formations et approches thérapeutiques de plus en plus spécialisés et ultraspécialisés ont commencé à se disséminer; et à être recherchées par des parents en difficulté, et par les professionnels qui veulent mieux les accompagner. Toutefois, je me suis inquiétée du fait que cette dimension du lien qu'est l'attachement, même si très utile parfois à nos compréhensions du développement d'un enfant, en viennent à occulter toutes les autres. Les parents ont commencé à venir me consulter, d'emblée préoccupés par d'éventuels « troubles » de l'attachement chez leur enfant, en nommant la théorie comme telle; en se présentant avec des ouvrages de référence sous la main. Pressentant le danger d'étiquetage des enfants ou de simplification des situations, je me suis questionnée sur l'impact des théories en cours sur l'adoption; et sur le sentiment de légitimité des parents dans leur parentage, leur sens commun. Après évaluation, je me rendais compte avec les parents dans la majorité des situations que d'autres éléments étaient en jeu : sans nier les difficultés éprouvées par les familles, je tentais de considérer avec elles les besoins uniques à leur enfant et les forces sur lesquelles leur famille pouvait miser, au-delà des diagnostics ou des interprétations trop hâtives.

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Nous avons aussi reçu beaucoup de parents d'enfants adoptés à un âge tardif, non plus des bébés, mais pas encore d'âge scolaire. Ces enfants portaient en eux tout le bouleversement dans leurs relations antérieures à l'adoption; ils avaient parfois été maternés mais de manière culturellement très différente; ils avaient parfois connu leurs parents d'origine; ou ils n'avaient pratiquement jamais eu d'adulte pour s'intéresser à eux, en contexte institutionnel très précaire. Beaucoup récupéraient pendant des mois de problèmes de santé divers, de retards de développement sérieux, et semblaient pour leurs nouveaux parents 'en arrière' du développement affectif attendu; par rapport à leurs pairs non adoptés.

Ces parents venaient en consultation ou au groupe post-adoption pour obtenir repères et soutien auprès d'autres familles qui vivent la même expérience doublement atypique de la parentalité : celle de l'adoption, celle de l'accueil d'un enfant grand avec des besoins particuliers dans son développement. Nous avons rapidement réalisé que ce n'était pas toujours de professionnels dont ces parents avaient besoin; mais du lieu de discussion d'une réalité spéciale, entre adoptants. Des liens durables se sont formés entre eux; certains ressentant le besoin de poursuivre les discussions bien après la fermeture des ateliers, et des portes du Centre! Quelques-uns de ces parents ont même démarré leur propre groupe autonome avec l'aide du CLSCii, en y amenant les sujets qui les préoccupaient de même que des activités de rassemblement ou se développaient aussi des liens entre parents; entre enfants.

Au-delà des théories sur l'adoption et l'attachement; au-delà des a priori sur les besoins de « l'enfant adopté » et du « parent adoptif », c'est à ce point que j'ai entrepris des études doctorales afin de poursuivre cet intérêt pour la question du lien établi dans ce contexte de famille. Constatant que les parents eux-mêmes m’avaient bien plus renseignée sur leurs réalités et leurs besoins que n'importe quel ouvrage ou théorie; que les adoptions se transformaient ces années-ci bien plus rapidement que les pratiques; et que les besoins valaient la peine de trouver réponse plus adaptée, c'est par le point de vue des parents qui adoptent des enfants plus grands à l'international que j'ai choisi d'explorer à nouveau la question.

Cette étude a aussi pour but de mieux faire connaître ce que ces familles vivent de particulier, non pas pour les enfermer dans une vision ou un modèle; mais plutôt pour appeler les spécialistes à considérer encore davantage la complexité de

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leur construction familiale. Au-delà de la question de l'adoption, j’ai aussi voulu 'rebrasser' la marmite des conceptions culturelles du « bon parent » et de la relation parent-enfant, sujet d'intérêt constant dans la pratique familiale. Les familles adoptives nous offrent par le témoignage sur leurs expériences une occasion en or de « suspendre » nos conceptions sur le lien comme déterminées par la biologie et la génétique; puisqu'il ne repose pas sur ces éléments constitutifs, mais sur un lien social, légal et psychologique. Elles nous poussent à l'exploration des autres parties de la relation entre un parent et un enfant, et à une réflexion sur les forces en jeu dans sa construction : individuelles, sociales, politiques, symboliques, culturelles, etc. J’espère que cette étude exploratoire illuminera certains de ces aspects qui pourraient être utiles à considérer dans l'intervention auprès des familles qui adoptent un enfant, et qui ouvriront peut-être la réflexion sur les autres situations de liens moins conventionnels dans les familles d'aujourd'hui.

                                                                                                                          i SAI

ii Le groupe 'Les petits Monarques', le groupe 'Petite Lune', au CLSC Lac-St-Louis de Pointe-Claire.

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Anne-Marie Piché

2.0 PROBLÉMATIQUE

La création d'un lien avec un enfant non apparenté et adopté tardivement a suscité des questionnements de divers niveaux; tant dans la littérature, chez les professionnels de l'enfance que dans les familles adoptives elles-mêmes. L’arrivée d’un enfant dans une famille nécessite toujours des ajustements et implique une période émotionnellement intense pour les membres de la famille. Or, le processus de constitution de ces familles implique une complexité et des exigences particulières.

 

2.1 La création d'un lien adoptif avec un enfant grand

La problématique que j'ai envisagée dans le cadre de cette étude s'établit sur trois paliers de complexité. Sur le premier plan, la transformation rapide de l'adoption internationale et de ses pratiques à travers le monde change leur contexte; et a des impacts sur les enfants et les candidats à l'adoption. Les adoptants sont de plus en plus contraints à redéfinir leur préparation, leurs attentes et leurs critères d'enfants : ceux qui sont disponibles à une adoption sont de moins en moins nombreux et accessibles; ils sont de plus en plus âgés; et leurs besoins de soins se sont accrus. Ce qui peut signifier à leur arrivée dans une famille adoptive qu'ils portent des séquelles développementales, parfois importantes (pour leur développement physique, cognitif et socioaffectif; [1]). La littérature qui s'est intéressée à l'état de ces enfants plus âgés, qui sont ou non adoptés indique que ces séquelles sont principalement associées à la durée de l’exposition aux conditions défavorables des orphelinats dans les premiers mois de vie, en conjonction avec d’autres facteurs (génétiques, prénataux et périnataux) difficilement observables par manque d'information recueillie sur les enfants dans leur milieu de vie original ([1]; [2, 3]). Le manque de disponibilité des soins et la discontinuité des relations avec les adultes durant cette période sensible du développement de l’enfant restent les principaux facteurs explicatifs de ces difficultés dans la littérature développementale des soixante dernières années ([4, 5]; [6-10]; [3]; [1]).

Ce contexte particulier d'accueil de l'enfant amène un deuxième palier de complexité : la création d'un lien parent-enfant significatif en dehors du processus de constitution familiale habituel. Par l'adoption, la provenance étrangère de l'enfant et son apparence différente, ces familles sont déjà marquées par l'expérience de la différence. Par l'entrée de l'enfant dans la famille alors qu'il est

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déjà « grand » et qu'il a intégré des expériences sensorielles, affectives, physiques et sociales ailleurs, ces familles doivent considérer d'autres façons d'établir une relation significative. Outre les caractéristiques et la provenance de l'enfant, ils doivent composer avec un processus presque entièrement déterminé par des gouvernements et des organismes pour réaliser leur projet familial. Le processus par lequel les parents adoptifs entrent dans la parentalité est aussi très différent et comporte des exigences particulières sur le plan de leur expérience personnelle.

Enfin, un troisième palier de complexité dans la relation adoptive m’amène à le considérer comme faisant partie de la problématique : les interprétations de l’adoption comme expérience individuelle et familiale n'ont pas suivi sa transformation rapide; elles ont peu tenu compte de la dimension sociale et culturelle de la création du lien. Ainsi, l'adoption a été principalement construite sur une évaluation de risques potentiels pour les membres de la famille; comme source et contexte de problèmes d'adaptation ou de difficultés psychologiques latents. Cette construction est de plus en plus dominée par les spécialistes de l'adoption et de la petite enfance; moins par le « sens commun » des adoptants comme source de savoirs. Si ces connaissances peuvent aider les parents adoptifs à mieux se préparer aux exigences de l'adaptation de l'enfant en bouleversement, leur application et les recommandations qui en découlent sont encore largement appuyées sur un modèle normalisantet conformisant; ce modèle est basé sur l'expérience du lien biologique dans une famille. Les familles qui adoptent des enfants grands et passent par un processus très différent de constitution et ne bénéficient pas d'un lien précoce, établi à partir des premières étapes de vie de l'enfant; ni de connaissances sur son histoire lorsqu'ils l'accueillent. Pour mieux comprendre comment cette relation tardive s'établit entre un parent et son nouvel enfant dans un tel contexte, il devient important de rafraîchir nos compréhensions des processus qu'elle implique.

La relation adoptive a été décrite en plaçant au premier plan les difficultés psychologiques potentielles; et l'exigence additionnelle qu'elles représentent pour le rôle parental. Les avis spécialisés sur l'optimisation du lien psychologique en adoption ont été bâtis sur un modèle largement substitutif, et normatif : la définition de la qualité de ce lien est calquée sur le modèle biologique et culturellement défini dans les sociétés contemporaines (basé sur la proximité, la

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sécurité, l'exclusivité et la reconnaissance d'un parent comme figure principale). Les expériences particulières des familles qui accueillent un enfant tardivement peuvent être vécues différemment sur le plan du lien; elles ont peu été explorées de manière empirique; notamment le processus d'établissement de la relation parent-enfant. Si des perspectives sur cette relation ont été présentées par des spécialistes et chercheurs (surtout en psychologie développementale; auparavant par des cliniciens d'orientation psychanalyste); la perspective de la famille comme système dynamique qui évolue en relation constante avec un environnement social, et culturel a moins été explorée. D'autres aspects de la relation adoptive font partie intégrante de sa création et de son évolution : les dynamiques relationnelles et familiales, le rapport au monde social et culturel; et la transformation des parents et de l'enfant dans ce processus.

2.2 Transformation de l’adoption internationale

Le profil de l’adoption internationale évolue beaucoup depuis les dernières années : le nombre d’adoptions de ce type baisse; alors que l’âge et les besoins spéciaux des enfants disponibles augmentent.

Au Québec, le nombre d’adoptions de ce type chute de manière importante depuis 2004 [11]. Suivant la tendance dans le reste du Canada et dans les autres pays d’accueil, le Québec observe une diminution constante du nombre de ses adoptions internationales : les adoptions de 2008 sont au nombre de 400, une baisse de 19,4 % par rapport à l’année précédente. Une constante diminution des adoptions a eu lieu au cours des cinq dernières années; alors que les adoptions chutaient de 10 % en 2004; puis de 27 % en 2005, de 12 % en 2006, et de 6 % en 2007. Au Canada, Citoyenneté et Immigration ont observé une nette diminution des adoptions internationales depuis 2006; seulement lors de cette année, elles ont chuté de 18 %iii.

Cette diminution inverse le mouvement des adoptions hors Québec; qui avait été à la hausse de manière marquée depuis les années 1970 : seulement dans la décennie 1990, le SAI dénombrait 7899 adoptions, avec une moyenne de 790 par année. La moyenne atteignait 898 adoptions pour 1998 et 1999; de sorte que l'adoption internationale représentait 70 % des adoptions réalisées au Québec. Le

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phénomène n’était pas unique au Québec; une hausse de 42 % entre 1998 et 2004 a été calculée pour cette période, par moyenne établie dans vingt états receveurs, dont le Canada. ([12]). Au Canada, les adoptions internationales ont été stables pendant 11 ans jusqu'à 2006, variant de 1 800 à 2200 par an [13]).

Les pays en plus grande croissance dans cette période ont été, du côté des donneurs, la Chine (13,408 enfants envoyés dans 20 pays en 2004; [12]), puis la Russie (9,345 enfants dans la même année; [12]). Les pays receveurs les plus actifs ont alors été l’Espagne et l’Irlande. Le Canada vient se placer au 5e rang sur 14 pays dans le nombre d’adoptions internationales réalisées entre 1980 et 2004 ([12]). Les cinq pays qui adoptent le plus de l’étranger reçoivent plus de 2,000 enfants chacun en moyenne, depuis 1998; ces pays sont, dans l’ordre, les États-Unis, l’Espagne, la France, l’Italie, et le Canada. Au Canada, environ 10,000 enfants auraient été adoptés à l'étranger entre 2000 et 2004 ([14]).

Pour l’autorité centrale québécoiseiv, la baisse récente des adoptions est attribuable à plusieurs facteurs légaux et politiques. Premièrement, la modification de la législation dans plusieurs pays d’origine des enfants a favorisé les adoptions locales. Les efforts de maintien des enfants dans leur milieu d’origine peuvent être vus comme une conséquence logique du « principe de double subsidiarité », instauré par la Convention de La Haye en 1993 et mis en oeuvre depuis par les pays qui l’ont ratifiée depuis ([15]; [16]). La proportion d’enfants provenant d’un État ayant ratifié la Convention de La Haye était de 52 % en 2008 au Québec. Le principe de double subsidiarité implique pour ces pays d’origine qu’ils doivent mettre tout en oeuvre pour favoriser une réintégration de l’enfant dans son milieu familial. Le cas échéant seulement, l’État conventionné doit s’assurer de lui trouver un milieu favorable dans sa communauté ou dans son pays d’origine. C’est uniquement si aucune autre solution n’a été trouvée à l’intérieur du pays que l’enfant peut, en principe, devenir adoptable à l’international. Ces pays se sont dotés de lois reflétant les principes internationaux mis de l’avant par la CLH et la CIDEv pour favoriser le respect des droits de l’enfant. Certains ont tenté d’améliorer leur aide aux familles vulnérables et ont encouragé les adoptions par des familles locales dans cet esprit; toutefois, ces principes n’ont pas force de loi. Des inégalités importantes persistent dans le traitement des enfants qui se retrouvent sans milieu de vie familial ou communautaire pour en prendre soin, et

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ces efforts sont implantés avec des progrès très variables ([17]).

Ces transformations des politiques sociales ont aussi eu pour conséquence de diminuer « l’offre » d’enfants dits « adoptables » et ainsi, d’augmenter les délais d’attente pour les candidats adoptants. Aussi plusieurs pays (dont la Chine, très populaire dans les adoptions québécoises) ont commencé à modifier, à la hausse, leurs critères d’admissibilité pour les candidats souhaitant adopter un de leurs enfants. D’autres pays ont fermé leurs portes pour une période indéterminée aux nouvelles propositions d’adoptions émises vers l’étranger, que ce soit suite à une catastrophe naturelle ou à la suite de situations dénoncées de trafic d’enfants entre les frontières.

Plusieurs de ces pays ont, dans un mouvement pour favoriser leurs adoptions locales, décidé de limiter les adoptions internationales aux enfants présentant des « besoins spéciaux », aux fratries, et aux enfants plus âgés. Les enfants jeunes et en bonne santé sont, prioritairement, destinés aux adoptions locales. Contrairement à une opinion répandue, il y a plus de candidats à l’adoption d’enfants dans les pays occidentaux qu’il y a, en fait, d’enfants à adopter de l’étranger ([17]).

L’allongement du délai de traitement administratif des dossiers des enfants par les pays a aussi joué comme facteur dans la diminution des adoptions réalisées, selon le SAI ([16]). Les procédures des pays varient énormément, et sont traditionnellement sujettes à des changements sans préavis. Celles qui concernent l’établissement du statut de l’enfant (son « adoptabilité ») sont particulièrement sujettes à varier, et impliquent des règles sur l’âge à partir duquel un enfant peut partir. Le temps d’établissement de sa situation familiale, qui inclut souvent les efforts pour retrouver les parents ou des membres de la famille qui pourraient s’en occuper à long terme, contribue à l’allongement de la période que ces enfants passent en institut, et en attente d’un statut. Selman ([12]) donne l’exemple de la variabilité de ces règles selon les pays d’origine, certains ne rendant disponibles que des bébés (la Corée du Sud plaçait au-dessus de 92 % de ses enfants à l’étranger en bas de l’âge d’un an en 2004 et 2005); tandis que d’autres pays font seulement adopter des enfants plus âgés (par exemple l’Inde, qui plaçait 71 % de ses enfants entre 1-4 ans et 20 % en haut de 5 ans aux États-Unis en 2005).

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impact important sur la diminution globale des adoptions internationales, tous pays confondus. L’exemple le plus marquant est celui du Québec par rapport à la Chine; étant donné qu’il s’agit du pays dont provient la majorité des enfants (entre 40 et 50 % des adoptions hors Québec depuis l’entente conclue entre les pays en 1990, selon le SAI [16]). Les adoptions réalisées en Chine par des Québécois ont chuté de 70 % entre 2003 et 2008. Pour l’organisme, le poids des adoptions historiquement réalisées dans ce pays vient donc confondre les statistiques globales; alors que d’autres pays ont, au contraire, maintenu et augmenté les adoptions dans cette période (Colombie, Corée du Sud, Kazakhstan, Philippines, Ukraine, Viêt Nam). D’autres pays ont comme la Chine diminué; ou ont cessé leurs adoptions, ce qui contribue à la baisse observée.

Bien que les projets d’adoption internationale se fassent plus ardus à réaliser, les organismes qui demandent à être agréés par le Ministère québécois pour effectuer des adoptions continuent d’augmenter, et diversifient l’offre de pays d’origine (Ghana, Mali, Éthiopie) ou de nouvelles régions de provenance des enfants. 14 organismes oeuvrant avec 29 États étrangers existent en adoption internationale au Québec. Les organismes québécois sont, depuis 2006vi, obligatoirement accrédités par le pays d’accueil, et par le pays d’origine pour opérer légalement en adoption.

2.1.2 Les enfants

Le nombre d’adoptions internationales officiellement recensées entre 1998 et 2004 se situe à au moins 45,000 ([12]); ce qui n’inclut que les adoptions enregistrées. Ce nombre peut sembler impressionnant, lorsque seul le mouvement entre pays est considéré; une analyse plus approfondie suggère que ce nombre d’enfants est en fait assez limité lorsqu’il est comparé au nombre d’enfants qui grandissent en institution dans leur pays, sans être adoptés ([17]) En 2009, le nombre de ces enfants a été estimé à plus de 2 millions selon l’Unicefvii. Les enfants « privés de soins parentaux » selon le terme utilisé par l’organisation; décrit « tous les enfants qui ne vivent pas avec au moins l’un de leurs parents, quelles qu’en soient la raison et les circonstances. » (p.1). L’Unicef ne mentionne pas si ces enfants vivent avec des membres de leur famille élargie pendant une certaine période, mais désigne généralement ceux qui aboutissent en institution faute de

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personnes pouvant s’en occuper de façon stable. Selon l’organisme, ces situations sont attribuables à de nombreuses causes dont le SIDA qui mène à la perte des parents, les mauvais traitements, l’exploitation et la négligence; la pauvreté étant souvent associée à l’aggravation de ces situations sans nécessairement les causer directement.

Ces enfants ne sont donc pas nécessairement « sans famille » ou orphelins : c’est la plupart du temps un ensemble de conditions familiales et socio-économiques qui n’ont pas pu être suffisamment soutenues par les communautés qui mènent à leur placement en orphelinat. Les catastrophes naturelles et climatiques, de même que les guerres civiles sont d’autres importantes sources de séparation des enfants de leur milieu de vie d’origine. Plusieurs pays n’étant pas encore dotés de structures pour placer ces enfants localement, ils ont eu jusqu’à récemment davantage recours aux adoptions à l’étranger pour trouver des familles à ces derniers. Un ensemble de facteurs sociaux et culturels englobant les perceptions des mères célibataires, des enfants nés en dehors du mariage influencent encore la pratique de l’adoption dans ces pays et doivent aussi être considérés comme contribution au phénomène. Des efforts internationaux ont récemment encouragé la mise en place de structures d’accueil pour les enfants qui se retrouvent en vulnérabilité et les adoptions locales, mais se butent encore à des résistances [17]. Les adoptions internationales sont donc encore très utilisées pour pallier le manque de solutions locales.

Comme les systèmes de protection des pays donneurs se sont développés dans une logique d'institutionnalisation; beaucoup plus que de placements familiaux; la majorité des enfants en attente d'adoption y séjournent pendant une période plus ou moins prolongée. L'état actuel des décisions de placement adoptif à l'étranger est influencé à la fois par les efforts récents des pays d'origine de trouver des familles locales pour prendre soin des enfants; et à la fois influencé par les candidats des pays receveurs, qui continuent à privilégier les enfants très jeunes et en santé. En conséquence, les enfants qui parviennent à être adoptés hors pays attendent plus longtemps que les autres et le font dans des conditions d'orphelinat variables; mais très précaires.

L’âge des enfants adoptés est, lui, à la hausse de manière constanteviii. La moyenne d'âge était de 23.3 mois pour la décennie 1990 (SAI [18]) au Québec; en

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2000, la moyenne d’âge était de 27.4 mois; en 2008, le SAI l’établissait à 32.1 mois. Cette tendance a été observée de manière constante. Plus précisément, les adoptions hors Québecix enregistrées en 2008 ont inclus 17 % d’enfants ayant au moins 48 moisx; 24 % d’enfants âgés entre 12 et 23 mois (donc 41 % d’enfants âgés de plus d’un an). Les très petits enfants (moins de 12 mois) ont compté pour 46 % des adoptions de cette année (7 % de ceux-ci avaient moins de 6 mois). Donc, la plupart des enfants ont moins d’un an lorsque l’autorisation à l’adoption est émise par l'État. L’arrivée au pays s’effectue alors dans une période variant entre quelques semaines et plusieurs mois après : nous pouvons dire qu’ils intègrent leur famille adoptive à plus d’un an d'âge. C’est la tranche d’enfants dits 'âgés' qui augmente le plus au Québec; le SAI s'attend à ce que les adoptions d'enfants de plus de 3 ans et ceux qui ont des besoins spéciaux deviennent de plus en plus répandues. La définition du Service Social International des « besoins spéciaux » inclut d'ailleurs les enfants « grands », avec les enfants malades, handicapés, et les fratries. Selon une enquête de l'organisation, ce type d'adoption est en croissance importante partout dans le monde.

La définition de la limite d’âge au-delà de laquelle un enfant est estimé « grand » ou âgé pour une adoption varie énormément; aucun critère d’établissement ne fait consensus à son sujet. Selon l’enquête du SSI menée auprès d’agences d’adoption internationale [15], les enfants sont jugés « grands » à partir de deux ans dans certains cas; à partir de 6, 8 ou 12 ans pour d’autres agences. Pour certains cliniciens spécialisés en adoption, une adoption tardive est réalisée dès qu’un enfant a 3 ans ([19]). Selon le SSI, le critère retenu est parfois l’âge à partir duquel l’agence observe que les enfants sont difficiles à faire adopter; qui est influencé par les critères des candidats à l’adoption. Les critères développementaux sont aussi répandus, encore ici ils varient selon l’aspect considéré : alors que certains spécialistes se basent sur la notion "d'âge sensible” pour la construction d’un attachement sécurisé chez l’enfant (entre 6 et 18 mois, ou 24 mois); d’autres vont considérer l’autonomie (établi par l’âge scolaire). Le vécu institutionnel de l’enfant et sa durée peuvent jouer en sa défaveur pour se faire adopter dans une famille; des agences hésitant à le placer en raison de son histoire. Le SSI note aussi que la perception d'adoption " tardive" change; selon le point de vue local ou international de l’adoption : les enfants sont considérés grands beaucoup plus tôt en

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adoption locale. Bien que les institutions responsables des adoptions disent tenir compte du vécu de l’enfant dans sa capacité à s’adapter à une nouvelle famille, la réalité est que ce n’est que très rarement l’objet de la préparation de l’enfant lors d’adoptions internationales [1].

Les enfants qui sont adoptés au Québec proviennent principalement d’Asie; en 2008, ils arrivaient, dans l’ordre, de la Chine, du Viêt Nam, d’Haïti, de la Corée du Sud et de la Colombie. L’Asie représente toujours le continent le plus populaire pour les adoptants québécois (malgré une baisse de 22 % par rapport à 2007), suivi par l’Amérique, l’Afrique et l’Europe ([16]).

2.1.3 Les adoptants

Le profil des adoptants québécois était le suivant en 2000, lors des dernières statistiques recueillies par le SAI [16] : des hommes âgés en moyenne de 39.8 ans et des femmes (38.6 ans) qui adoptent en couple dans la majorité des cas; avec 12.5 % de célibataires. La majorité adoptait un seul enfant par adoption; 5.6 % adoptaient plusieurs enfants simultanément dans cette période; dont 3.5 % étaient des fratries. Les parents adoptants proviennent principalement de la grande région métropolitaine montréalaise : 50 % des adoptants résidaient dans le Grand Montréal (Montréal-Centre, Montérégie et Laval) en 2008. Les autres régions du Québec comptent pour 50 % des adoptions. Le SAI explique la concentration des adoptions montréalaises “par la concentration de la population et la présence d’organismes agréés ayant leur siège social dans cette région.” ([16]).

Les préférences des candidats à l’adoption jouent aussi un rôle dans la diminution des adoptions. Bien que les adoptants soient de plus en plus ouverts à adopter un enfant différent par son âge, sa race, son besoin de soins spéciaux, la majorité recherche toujours des enfants jeunes (généralement en bas d’un an ou deux), en pleine santé et sans handicap. Ce sont en majorité des couples infertiles qui ont attendu un enfant pendant des années ou pour qui c’est le premier enfant : ils souhaitent que le processus d’adoption s’effectue le plus rapidement possible. Ces préférences et ces attentes seraient assez répandues à travers les pays d'accueil ([15]; [11]).

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pays d’origine ont à offrir : des enfants plus vieux, avec des problèmes de santé ou des handicaps. Le processus est aussi à l'encontre du désir des candidats : il est plus long et compliqué qu’auparavant pour finaliser l’adoption. La hausse de leurs critères d’admissibilité fait en sorte que des personnes qui auparavant se seraient qualifiées pour adopter dans un pays donné, s’en voient aujourd’hui refuser l’accès. Ce changement signifie également que les adoptants qui souhaitent accueillir un enfant très jeune et en excellente santé doivent s’ajuster à une offre très différente d’enfants, comparativement aux années précédentes. Malgré ces transformations, l’opinion répandue est que les enfants attendant d’être adoptés sont très nombreux à l’étranger; et que l’adoption est un processus “rapide et garanti”. Si les critères des adoptants n’ont pas beaucoup changé, le contexte de l’adoption, lui a évolué rapidement et de manière à créer un écart important entre l’expérience attendue et vécue par ces derniers.

La grande majorité des adoptants du Québec ne sont pas apparentés à l’enfant qu’ils accueillent : 87.5 % des adoptions réalisées en 2008 au Québec l’ont été via l’intermédiaire d’un organisme agréé. Les enfants apparentés aux parents adoptifs étaient au nombre de 28; ceux dont les parents adoptifs sont ressortissants de l’État d’origine sans être apparentés étaient au nombre de 6. De très rares cas d’enfants adoptés par motif principalement humanitaire sont comptabilisés par le SAI [11], dits “avec l’assistance du ministre”; un cas est enregistré dans cette période. Il arrive que des enfants domiciliés dans une province ou un territoire du Canada soient confiés aux autorités de protection de l'enfance et deviennent adoptés par des familles québécoises; 4 cas sont enregistrés en 2008. Les adoptions privées, c’est-à-dire réalisées sans intermédiaire officiel, ne sont plus permises suite à la modification du Code civil québécois en 2006. Elles étaient déjà rares dans les dernières années et le SAI en dénombrait 8 effectuées avec un lien de parenté autour de cette période; 3 effectuées sans lien de parentéxi.

2.3 Explorer l'expérience de l'adoption tardive par le point

de vue des parents

C'est par l'exploration de l'expérience d'adoption et d'accueil des parents que j'ai souhaité aborder la problématique de la création du lien. L'étude vise à informer les pratiques qui ont cours avec ces familles; je l'ai entreprise pour mieux

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comprendre ce qu'elles vivent, leurs besoins et développer de meilleures façons de les accompagner dans leur parcours.

C'est en choisissant une approche exploratoire, qui s'ancre dans le discours de parents adoptifs sur la création de leur famille que j'ai abordé la découverte de ses processus. J'ai aussi voulu explorer les impacts de cette transformation récente de la pratique de l"adoption, au niveau du vécu des nouvelles familles. L'évolution de l'enfant, du parent et de la relation dans les premiers temps de la vie familiale a été abordée de manière à considérer plusieurs aspects : émotionnels et perceptifs; les actions, les choix et les valeurs exprimées dans l'expérience des parents. Autrement dit, c'est l'évaluation des adoptants de leur propre expérience qui est au coeur de notre approche. Un retour dans le passé avant l'arrivée de l'enfant par adoption a aussi été effectué avec les parents; par une conversation autour du déroulement des préparatifs, des décisions et des démarches entreprises pour l'accueillir. Par les questions que je leur ai posées, j'ai voulu comprendre comment les adoptants vivent leur parentalité en portant une attention particulière à leur interprétation des besoins de l'enfant et à leur définition de leur rôle de parent dans ce contexte particulier.

2.4 Structure de la thèse

J'ai structuré cette thèse de la manière suivante : à partir de la problématique identifiée, je présenterai les principales théories de l'adoption par l'angle de leur évolution (historique, sociale et culturelle). Je retiendrai les aspects qui ont particulièrement construit la compréhension actuelle de la relation adoptive parent-enfant. Cette revue reliera ensuite les sources empiriques de connaissance sur la relation adoptive des années plus récentes, aux connaissances théoriques. J'accorderai une attention particulière au contexte de l'adoption internationale avec ses enjeux spécifiques dans la construction d'une relation familiale; bien que ces sources de connaissance puissent aussi s'appliquer à des aspects de l'adoption locale. Je concluerai cette section en identifiant les limites et apports de ces connaissances; en identifiant les aspects-clés que cette étude propose d'explorer pour combler les lacunes.

Le chapitre théorique sera complété par une section épistémologique, qui précisera brièvement le paradigme de pensée, constructiviste et social, qui a guidé

Figure

Tableau 1 : Critères de qualité visés par l'étude.
Tableau 2 : Données sociodémographiques 1

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