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Ambivalence du commun 1 Communis

L’exercice philologique qui suit n’a pas valeur de démonstration. Il ne vise pas, par le biais d’un examen des anciens usages d’un certain lexique et de ses étymologies, à assigner un sens particulier au « commun », et surtout pas à prétendre en dévoiler la signification profonde, comme s’il pouvait y en avoir une qui soit plus « vraie », plus « authentique ». À l’inverse, la démonstration se déploie à partir de la conviction que la philologie, tout comme l’étymologie, participe d’une dimension politique. Derrida souligne à divers endroits de son œuvre l’importance de soumettre ces pratiques à l’examen : « l’étymologie ne fait jamais la loi et ne donne à penser qu’à la condition de se laisser penser elle-même » (2000 : 54)42.

Lorsque l’étymologie du mot « communication » est proposée à partir de la combinaison du latin cum et unus, c’est un agenda qui s’expose. Il ne doit pas s’agir dans les lignes qui suivent de proposer un contre-agenda, mais bien d’ouvrir le « commun » à l’ambivalence problématique qu’un agenda déterminé cherchait à recouvrir. Plus précisément, l’objectif de l’examen qui suit est double. D’une part, il s’agit de donner à voir comment la tradition chrétienne charge le terme « communauté » de certaines valeurs dont hérite en partie l’idéal de communication examiné précédemment. D’autre part, il s’agit de montrer que l’idée de commun, loin d’être entièrement déterminée par cette tradition, manifeste très tôt le caractère équivoque qui lui est toujours reconnu aujourd’hui.

Si le mot « communication » signifie bien étymologiquement « mettre en commun », cela ne se traduit pas naturellement par l’idée de partager quelque chose, pas plus que par l’idée de réduire le niveau d’incertitude afin d’atteindre des buts collectifs ou d’accroître le degré d’organisation. En fait, d’un point de vue étymologique, il serait possible d’arguer que la signification du mot « communication » est inverse : il s’agit du processus par lequel des termes sont maintenus en équilibre précaire non pas par quelque chose, mais par un rien qui n’est pas tout à fait rien, mais qui est l’espace même du partage, au double sens de ce terme. Afin de donner à penser cette interprétation non traditionnelle de ce qu’est la communication et d’ainsi parvenir à mieux comprendre l’ambivalence sournoise qui gît au sein de l’idéal de communauté, un détour philologique est nécessaire.

1.4.2. Unus

L’origine du mot « commun » — qui sert de base à celui de « communication » — s’explique habituellement de deux manières différentes. D’un côté, il est dit être composé de la conjonction de cum avec unus, et de signifier par là le rassemblement de la multitude éparse en une unité (Rousseau, 1991 : 3; Delanty, 2012 : x). Cette explication a certainement l’avantage d’être intuitive. L’autre manière consiste plutôt à suggérer la conjonction de cum avec munus, où le munus est compris comme un cadeau, une offrande, un service. L’étymologie suggère alors le partage en commun de ces dons. Ce sont ces deux étymologies qu’il s’agit d’abord d’examiner.

L’étymologie cum + unus est folklorique. C’est-à-dire qu’il s’agit d’une explication élaborée par commodité, que le passage du temps a recouverte d’une certaine autorité, mais qu’aucune recherche n’atteste. Émile Benveniste ne fait aucune mention de cette forme dans son Vocabulaire des institutions indo-européenne (1969a : 96-101). Elle

n’apparaît pas dans le Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alan Rey (1992 : 455-456). Lorsque l’étymologie cum + unus est mentionné par le Oxford English Dictionary, c’est spécifiquement pour reconnaître l’existence d’une conjecture, tout en rappelant qu’il ne s’agit pas de celle qui est attestée :

< com- together + -mūnis ( < moinis ) bound, under obligation (compare early Latin mūnis obliging, ready to be of service, and immūnis not under obligation, exempt, etc.) ; or? < com- together + unus, in early Latin oinos one. The former conjecture is the more tenable, especially if com-moinis was, as some suggest, cognate with Germanic ga-maini-z, Old High German gimeini, Old English gemǽne, in same sense. (OED, 2015).

Une étymologie folklorique possède néanmoins son utilité et sa pertinence, tant et aussi longtemps que sa nature conjecturale n’est pas négligée. Dans le cas qui « nous » occupe, l’invention étymologique cum + unus est parfois attribuée à Augustin : « Used by Augustine, in belief that the word was derived from com- “with, together” + unus “oneness, union.” » (Etymology Online, 2015).

L’œuvre d’Augustin joue un rôle important dans le développement de la tradition chrétienne. Elle est significativement marquée par le thème du nombre épars qui devient unité : « Donc ceux qui vivent en commun, de manière à ne former qu’un seul homme, et à réaliser en eux cette parole de l’Écriture, “un cœur et une âme”, peuvent être plusieurs corporellement, mais non plusieurs âmes; plusieurs corps, mais non plusieurs cœurs. » (Commentaires sur les psaumes, §132.6). Augustin écrit encore dans sa lettre à Létus : « leurs âmes sont aussi les vôtres, ou plutôt, leurs âmes et la vôtre n’en font plus qu’une : c’est l’âme unique du Christ » (Lettre 243.4). L’importance de ce principe d’unification est déjà présente dans les textes chrétiens antérieurs à Augustin : elle fonde pour partie la doctrine chrétienne de la communion. Paul écrit dans l’Épître aux Romains : « ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en

Christ » (12:5)43. Le même principe est énoncé dans la Première épître aux Corinthiens :

« Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ. » (12:12). La valeur associée au communis chrétien permet en outre d’y rattacher le slogan de Müntzer. Dans les Actes des Apôtres, il est déjà affirmé : « Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre, mais tout était commun entre eux [αὐτοῖς πάντα κοινά]. » (4:32). Dans ses Règles destinées à régler la vie en communautés des êtres humains, Augustin reprend explicitement ce principe :

Que vous observiez ce pour quoi vous êtes assemblées et congrégées qui est que vous habitiez unanimement en la maison et n’ayez qu’une âme et un cœur en Dieu. Et que vous ne disiez pas que quelque chose soit à vous en propriété, mais que toutes choses vous soient communes. (Règles, §2-3).

Au début du 13e siècle, Thomas d’Aquin examine la notion de propriété privée et écrit, suivant le même principe : « Or, d’après le droit naturel, tout est commun [omnia sunt communia], et la propriété des possessions est contraire à cette communauté. » (1855 : 361)44. Ces quelques remarques suffisent à indiquer le contexte où l’étymologie

folklorique cum + unus a pu être développée et trouver la prospérité qui lui a permis de traverser les âges. Se faisant, elle s’est chargée de l’idéal que la tradition chrétienne assigne à la communion des êtres. C’est sans doute une forme séculaire de cette tradition qu’exprime le graffiti tracé sur le mur du Baptistère Saint-Jean de Poitiers.

Néanmoins, l’étymologie attestée des mots « commun », « communauté » et « communication » est tout autre. C’est la déclinaison étymologique cum et munus qui

43 Dans l’ensemble de ce document, les références à la Bible font usage de la traduction de Louis Segond

(1910).

se trouve dans tous les dictionnaires étymologiques et qui est discutée aussi bien par Émile Benveniste, déjà cité, que par Georges Dumézil (1948 : 118-124). Cette étymologie ne règle pas le problème dont il est question ici, mais elle transforme un ensemble de termes familiers en quelque chose de plus étrange. Ce faisant elle permet à la pensée de quitter la tranquillité des évidences et de reprendre son vol.

1.4.3. Munus

Dans le domaine de la recherche en communication, très peu d’études ont porté sur le munus qui donne pourtant son nom à la discipline (Darras, 1996 ; Winkin, 1999). L’étymon indo-européen dont le terme est issu, mei-, donne son nom à la revue MEI « Médiation Et Information » fondée en 1993 par Bernard Darras (1993). Il n’est pas question ici de se livrer à une analyse détaillée de la riche histoire du terme munus, mais plutôt de porter l’attention sur certains des aspects de l’interprétation inédite qu’en offre Roberto Esposito dans son ouvrage Communitas45.

Que signifie ce munus? Il est parfois traduit pas « charge », « présent », au sens de « donner en présent » (Bréal et Bailly, 1885 : 206). Certains y voient un « cadeau » ou des « services offerts publiquement » (Peters, 1999 : 7). C’est certainement une manière de penser la communauté et la communication sur une base familière : une association fondée sur l’échange mutuel d’une positivité. Le munus n’est toutefois pas un cadeau comme les autres. Le Oxford Latin Dictionary signale qu’il désigne « [the] action demanded of or requisite for a person, a function, a task », « a duty owed by a citizen » (Glare, 1968 : 1146). C’est à cette dimension de « dette », dans le contexte spécifique d’une réévaluation du sens de la communauté qu’Esposito a consacré son étude magistrale

(2000). Le latin possède en effet déjà un mot pour le simple cadeau : c’est le donum d’où découle le « don » de la langue française. Le munus est bel et bien un cadeau, mais d’une espèce particulière : c’est un cadeau qui vient avec une obligation, un devoir qui inévitablement met le receveur dans une position de dette (Ibid. : 17). Par exemple, un citoyen est promu magistrat : il se trouve conséquemment en obligation de payer pour des spectacles publics publics46.

Lorsque l’obligation qui accompagne le munus est remplie, le lien de dette n’existe plus et il n’y a plus a proprement parlé de communitas. La communauté, dans cette perspective, peut être dite d’un rassemblement ou d’une association d’individus qui sont en dette les uns avec les autres. Quelque chose manque qui n’a pas été retournée, de sorte qu’un lien contractuel existe entre eux : « la communitas est l’ensemble des personnes unies non par une “propriété”, mais très exactement par un devoir ou par une dette; non pas par un “plus”, mais par un “moins”, par un manque (…) » (Ibid. : 19). La communitas existe tant et aussi longtemps que la dette demeure impayée. Cette dynamique est particulièrement intéressante à considérer dans les circonstances actuelles : dettes de la Grèce, dettes des étudiants aux États-Unis, villes placées sous la protection de la loi de la faillite, etc47. Il en sera question dans le deuxième mouvement.

Un autre point important à souligner est le rapport avec la propriété que le munus

46 Il serait tentant de qualifier le munus de « cadeau grec » par excellence, en référence au « Timeo Danaos

et dona ferentes » de Virgile (Énéide, II, 49). Or le munus ne peut être compris comme un « cadeau »

(« donum ») qu’au prix d’une simplification qu’il s’agit ici précisément d’éviter. Au sujet de l’interprétation qu’il doit être du « donum » dans le vers de Virgile, voir l’étude érudite de Pierre Wechter (2010).

47 Le munus n’est pas mentionné dans l’index du livre que David Graeber consacre à la dette (2011). Il

serait intéressant d’y revenir, particulièrement à la lumière des projets de « lever de la dette » dont il est question aujourd’hui comme solution de sortie du capitalisme. Le « lever de la dette » ne pense la dette que dans une perspective fiscale et ne tient pas compte de la fonction positive de la dette — comme

permet de mettre en lumière : le munus n’implique pas de posséder quelque chose en propre ni de devenir propriétaire du cadeau reçu. En anglais, il s’agirait d’écrire something is not own, but no-thing is owed.

Ce sens était manifeste à l’antiquité où le munus jouait un rôle important dans la Loi romaine (Zimmermann, 1990 : 415). La dette est en effet un des concepts fondateurs du droit romain et se trouve déjà inscrite dans la loi dite des Douze Tables, autour de 400 av. J.-C. (Sohm, 1892 : 24-26). La participation que sollicite la communauté n’est donc pas, de ce point de vue, celle qui assemble le multiple en un. C’est plutôt celle qui émerge d’une ouverture contractuelle par laquelle des individus se lient et se risquent les uns aux autres. Le cas controversé du nexum illustre de manière dramatique la nature et l’ampleur de ce risque, qui est celui de la vie elle-même. Il s’agit de l’une des plus anciennes conditions de transaction par laquelle l’individu mettait en gage sa liberté auprès de son créancier. Devant l’impossibilité s’acquitter de sa dette, il entrait en condition contractuelle d’asservissement, c’est-à-dire d’esclavage, et ce jusqu’à ce que la dette soit remboursée (Smith, 1859 : 795-798; Zimmermann, 1990 : 4-5; Bardini, 2011 : 164-169). Le principe de l’esclavage par la dette sera éventuellement aboli au 4e

siècle av. J.-C., du moins sous sa forme la plus sévère (Harris, 2002). Il n’en demeure pas moins que cette modalité contractuelle expose les risques qu’implique l’association par la dette. Sous ce jour, la communitas apparaît être un concept autrement plus équivoque que ce qu’en donne une certaine conception de la communion chrétienne. Toutefois, cette dernière n’en demeure pas moins, elle aussi, déterminée par une dette de nature particulière, comme il sera bientôt donné à voir. Pour le moment, il convient d’examiner comment l’ambiguïté du « commun » — qui désigne aussi bien ce qui est partagé que ce qui est banal et vulgaire — peut être retracée jusque dans le terme grec qui précède le latin communitas : κοινωνία.

1.4.4. κοινωνία – Pythagore

Avant la célébration chrétienne de l’amour fraternel, les pythagoriciens accordent déjà une importance centrale à la vie en commun, c’est-à-dire à la communauté.48 Selon

Jean-Luc Périllé, il y a chez les pythagoriciens une « conception cosmo-théologique des la communion rationnelle des êtres » (2002 : 17, emphase de l’auteur). Cette communauté pythagoricienne est précisément celle dont l’ordre et l’harmonie (cosmologique) seront, selon la légende, menacés par l’introduction du nombre irrationnel, tel que cela sera examiné plus longuement dans le deuxième mouvement. De cette biographie, certains aspects relatifs à la communauté valent la peine d’être soulignés :

The principle of justice therefore, is the common and the equal, through which, in a way most nearly approximating to one body and one soul, all men may be co- passive, and may call the same thing mine and thine; as is also testified by Plato, who learnt this from the Pythagoreans. This therefore, Pythagoreans effected in the best manner, exterminating every thing private in manners, but increasing that which is common as far as to ultimate possessions, which are the cause of sedition and tumult. For all the things [with his disciple] were common and the same to all, and no one possessed any thing private. And he indeed, who approved of this communion, used common possession in the most just manner… etc. (Jamblique, 1818 : 89–90).

Chez les pythagoriciens, tous les disciples vivent ensemble. Les biens sont communs et donc partagés entre tous. C’est ce qui est rendu par le proverbe « κοινά τα φίλων » (en anglais « the possession of friends are common » ou « Friends goods are common property ») (Jamblique, 1884 : 69). Le proverbe n’est pas sans rappeler le slogan attribué à Thomas Müntzer. Selon Jamblique, c’est l’un des traits de l’École de Pythagore les plus admirés à l’époque (1818 : 15, 42, 50). Le « principe communautariste »

48 La plupart de ce que nous savons des pythagoriciens nous parvient d’écrits produits au 3e et 4e siècle

pythagoricien connaît une riche renommée. Il est notamment repris chez Platon qui utilise l’expression « car entre amis tout est commun » (« κοινὰ γὰρ τὰ τῶν φίλων ») dans le Phèdre (279c). La même idée se trouve aussi dans l’Éthique à Nicomaque de Aristote (1159b). Dans ses Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres Diogène Laërce attribue aussi le principe à Diogène le Cynique (« κοινὰ δὲ τὰ τῶν φίλων », 6.37). De cette conception positive du commun découle aussi le principe selon lequel, à l’inverse, le privé est mauvais, principe qui va également connaître une longue histoire (Kariatlis, 2011 : 40, note 47; Eden, 2001).

Avant de passer à Héraclite un dernier point, crucial, doit être noté. Il faut en effet aussi signaler que « commun » est aussi utilisé chez les pythagoriciens dans un sens qui n’est pas laudatif. Il faut, dit Pythagore, dépasser « l’opinion commune ». Dans le passage suivant, le commun est opposé au propre d’une manière qui élève ce dernier par rapport au premier :

That it is not proper to walk in the public ways, nor to dip in a sprinkling vessel, nor to be washed in a bath. For in all these it is immanifest, wether those who use them [κοινονούντες] are pure. (Jamblique, 1818 : 44).

Ce qui vaut pour le corps vaut pour l’esprit : ce qui est commun contamine et il vaut mieux l’éviter au profit de ce qui est propre. La pensée, par exemple, doit éviter de se laisser contaminer par le cliché devenu impropre à force d’avoir été partagé, et se déployer selon des lignes qui lui appartiennent en propre. Le commun, il est déjà possible de le voir, plutôt que d’exprimer une valeur spécifique, manifeste dans les textes les plus anciens un usage équivoque.

1.4.5. Κοινόν – Héraclite

Parmi les fragments d’Héraclite recensés, le fragment DK B2 opère une distinction entre le propre (ἰδίαν) et le commun (où l’ionien ξυνοῦ signifie κοινός dans le dialecte attique) :

il faut obéir à ce qui est partagé, mais alors que la raison [τοῦ λόγου] est en commun [ξυνοῦ], la plupart des hommes vivent comme s’ils possédaient une réflexion particulière [ἰδίαν] (2002 : 175)49.

Cette distinction aura une destinée politique riche et significative en occident lors des deux mille cinq cents ans qui suivront. Werner Jaeger l’inscrit en amont de l’usage que fait Platon de « ἰδιώτης », dans sa discussion sur la fondation de la πόλις grecque, c’est-à-dire aux sources de l’émergence de la pensée politique chez les Grecs : « In Plato’s language, e.g. In the Republic, ἰδιώτης means the individual, so far as he has no influence on public opinion and life. » (1946 : 111, note 45). L’écho de cette distinction se réverbère aujourd’hui jusque dans la valeur péjorative associée au qualificatif « idiot », ainsi que dans les débats contemporains sur la confusion croissante des sphères publiques et privées.

Dans ce fragment, Héraclite identifie en outre le commun au λόγος. Qu’il soit question de raison ou langage — le terme est notoirement difficile à traduire —, l’ambivalence ressurgit lorsque cette qualité est utilisée afin de déterminer le « propre » de l’être humain. Si le λόγος est ce qui est commun, commet peut-il être en même temps la propriété qui « nous » distingue décisivement des autres êtres? Que peut impliquer de faire du commun une propriété? Quelques millénaires plus tard, Agamben peut suggérer que c’est précisément cette modalité problématique qui permet

l’expropriation du λόγος par le capitalisme, dont « la forme extrême » est la « politique dans laquelle nous vivons » (1990 : 82). La neutralisation de cette expropriation demande que le commun ne soit plus pensé comme une propriété, ou alors de trouver les moyens de faire un usage commun du propre. Agamben se tourne vers Hölderlin pour souligner le caractère crucial de cet enjeu : « l’usage libre du propre est la tâche la plus lourde » (2006 : 272)50.

1.4.6. Κοινωνία – Platon

Chez Platon, κοινωνία est employé dans une grande variété de contexte, de la réunion de buveurs aux rapports entre les dieux et les hommes. Toutefois, deux sens généraux à ces emplois variés se dégagent, deux sens qui sont par ailleurs conservés chez Aristote : celui d’avoir en commun et celui de participer (Sieben, 1975 : 15). Ces