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Il nous faut commencer par quelques brefs rappels sur la correspondance de Langlands dans le cas local archimédien.

On pose, suivant [Tat79], WC =C× et WR = C×` jC× avec j2 = −1 et jzj−1= ¯z pour z ∈C× – ainsi WRest une extension de Gal(C/R) par WC.

1. Cette dernière terminologie a l’avantage de ne pas spécifier le choix du compact maximal, choix qui n’intervient pas en fait dans la plupart des énoncés.

2. La notion de contragrédiente locale a été définie dans le cas p-adique au paragraphe 1.1, elle est classique pour la place archimédienne et nous ne la rappelons pas.

On introduit le morphisme de groupes εC/R : WR → {±1} qui envoie les éléments deC× sur 1 et ceux de jC× sur −1. Par ailleurs, on peut prolonger le morphisme « module au carré » deC× à WRen imposant |z| = zz pour z ∈C×

et |j| = 1. On a alors un morphisme de groupes | · | : WR→R×

+ et on peut voir que εC/R× | · | donne un isomorphisme de groupes Wab

R

−→R×.

Cela définit, dans le cas local archimédien, l’isomorphisme d’Artin (à rap-procher de (2.2) dans le cas non archimédien) ArtK : K× ' Wab

K (avec K =R ouC).

On s’intéresse ici au groupe GLn(R). Un paramètre de Langlands de GLn(R) est une classe de conjugaison de morphisme admissible (i.e. continu et d’image constituée d’éléments semi-simples) ϕ : WR→ GLn(C). Nous notons Φ(GLn) l’ensemble de tels paramètres.

Un (gln(R), On(R))-module admissible irréductible U admet un caractère infinitésimal inf(U ) que l’on peut voir, suivant Harish-Chandra et Langlands (on renvoie à [Lan67]), comme une classe de conjugaison semi-simple de Mn(C). On appelle poids de U les valeurs propres de cette classe de conjugaison semi-simple. Par abus de langage, on parlera des poids d’une représentation automorphe cuspidale π de GLn pour désigner les poids de sa composante archimédienne π. On note Irr(GLn) l’ensemble des classes d’équivalence de (gln(R), On( R))-modules irréductibles.

Théorème 6.2.1. Correspondance de Langlands locale archimédienne pour GLn ([Lan73], [Kna94])

La construction de [Lan73] définit une bijection canonique : L : Irr(GLn) −→ Φ(GLn)

telle que, pour tout U ∈ Irr(GLn) : 1. (dualité) L (U) 'L (U);

2. (caractère central) detL (U) = ωU◦ Art−1

R , où ωU :R× →C× désigne le caractère central de U ;

3. (caractère infinitésimal) écrivant3

L (U)|C× =

n

M

i=1

zλi¯zµi (6.2) avec λi− µi∈Z, les poids de U soient les λi.

Définition 6.2.2. Un (gln(R), On(R))-module irréductible est dit strictement algébrique si ses poids sont dansZ.

Une représentation automorphe cuspidale π surQ est dite strictement algé-brique si sa composante archimédienne π l’est.

3. En restreignantL (U) au sous-groupe WC' C× d’indice 2, on obtient une somme de ncaractères de C×. Or un tel caractère est de la forme χs,m : reiθ 7→ rseimθ où s ∈ C et m∈ Z. On a donc χs,m(z) =|z|s(z

|z|)m=|z|s−mzm, que l’on peut encore écrire, suivant la notation évocatrice de Langlands, zs+m2 z−m2 avec |z| = (z¯z)12. Tout caractère de C×s’écrit alors, selon cette convention, z 7→ zλz¯µavec λ, µ deux nombres complexes tels que λ − µ ∈ Z.

En particulier, si U est strictement algébrique, alors les λi(et partant les µi) selon l’écriture (6.2) pour L (U), sont tous entiers. Par ailleurs, puisque pour z ∈ C×, on a jzj−1 = ¯z dans WR, les multi-ensembles des λi et des µi sont égaux.

Proposition 6.2.3. Lemme de pureté de Clozel ([Clo88], Lemme 4.9)

Soit π une représentation automorphe cuspidale strictement algébrique de GLn surQ. Notons πsa composante archimédienne. Alors la quantité λi+ µi dans la décomposition (6.2) pourL (π) est constante.

Proposition-Définition 6.2.4. Une représentation automorphe cuspidale π de GLn sur Q est dite algébrique si π est unitaire et si les poids de π sont tous dansZ ou tous dans 1

2Z−Z. On a alors (par le lemme de pureté de Clozel) inf(π) = diag(±w1

2 , · · · , ±wn

2 ), avec les wi entiers naturels de la même parité et w1≥ w2≥ · · · ≥ wn ≥ 0 si on veut. Le poids motivique de π, noté w(π), est alors égal à w1.

On dit de plus que π est régulière (resp. très régulière) si i 6= j ⇒ wi6= wj

(resp. |wi− wj| > 1).

Puisque ce sont des propriétés qui ne dépendent que de π, on dira aussi, en tant que de besoin, que π est algébrique (resp. algébrique régulière, resp. algébrique très régulière).

En particulier, une représentation automorphe cuspidale algébrique de GLn surQ est centrée au sens de la Définition 6.1.2.

Nous introduisons encore quelques définitions qui nous seront utiles au §6.4.2. Par la discussion précédente, il est opportun de s’intéresser aux représentations de WRqui sont triviales sur le sous-groupeR>0. Notons ξ le caractère unitaire z 7→|z|z (soit encore z 7→ z1212 selon la convention rappelée en note 3 supra). Proposition 6.2.5. Les caractères de WRtriviaux sur le sous-groupeR>0 sont le caractère trivial et le caractère εC/R d’ordre 2 et trivial sur WC.

On pose In= IndWR

WCξn pour n ∈Z. Alors — In' I−n;

— I0' 1 ⊕ εC/R;

— In est irréductible pour n > 0.

La donnée des deux caractères précédents et des représentations In pour n > 0 est exhaustive pour les représentations irréductibles de WR triviales surR>0. Les autres représentations irréductibles sont obtenues à partir de celles-ci en les tordant par une puissance (complexe) de la norme.

Puisqu’on s’intéresse aux représentations semi-simples, il est naturel de consi-dérer le groupe libre surZ engendré par de telles représentations.

Définition 6.2.6. On note K l’anneau de Grothendieck surZ de la catégorie des représentations de WR semi-simples, continues, complexes de dimension finie, triviales sur le sous-groupeR>0 de WR.

On constate immédiatement les identités : — In⊗ εC/R ' In,

— εC/R⊗ εC/R' 1,

— In⊗ Im' In+m⊕ I|n−m|,

et on remarque que chacune des 1, εC/R, In pour n > 0, est autoduale et qu’il en est donc de même pour tous les éléments de K.

Corollaire 6.2.7. Soit π une représentation automorphe cuspidale algébrique de GLn sur Q. Alors π est également algébrique et a les mêmes poids que π. (En fait, π et π ont des composantes archimédiennes isomorphes.)

Pour des besoins futurs (cf. §9.4), il est utile d’introduire la filtration sui-vante.

Définition 6.2.8. ([Che20], Definition 3.2)

Soit w un entier naturel. On définit K≤w comme le sous-groupe de K engendré par

— les Iv avec 0 < v ≤ w et v impair si w est impair ;

— les Iv avec 0 < v ≤ w et v pair ainsi que 1 et εC/R si w est pair. Ainsi K≤w est unZ-module libre de rang w+1

2 si w est impair et de rang w2 + 2 si w est pair.

On dira qu’un élément de K≤w est effectif s’il est combinaison linéaire à coefficients positifs des vecteurs de base sus-cités.

D’ores et déjà, nous avons la traduction suivante. Lemme 6.2.9. ([Che20], Lemma 3.8)

Soit π une représentation automorphe cuspidale algébrique de GLn surQ de poids motivique w. AlorsL (π) appartient à K≤w (et est effectif ).