• Aucun résultat trouvé

L'accès à la télévision

Les caractéristiques du meuble, sa fonction, son esthétisme, le lieu d'installation, la configuration de la pièce sont autant d'éléments s'imbriquant les uns dans les autres et se répercutant sur le choix du support.

Si des motivations d'ordre esthétique ou de rangement sont exprimées par les enquêtés pour expliquer leur choix, elles sous-tendent explicitement l'idée du contrôle de l'image de soi. Le meuble permet la mise en valeur ou la mise en retrait de la télévision, l'exposition ou la dissimulation de certains objets. Objet identitaire, il permet à l'individu de gérer son image, de la contrôler. De la même façon que l'individu cultive son identité, l'image qu'il veut renvoyer, il gère par le biais du meuble l'accès à la télévision. Un second type de contrôle s'opère. Le choix du support est en corrélation directe avec le lieu d'installation, certaines installations sont privilégiées dans les chambres. De nouveaux supports introduits dans les foyers. La salle à manger/salon et les chambres sont les pièces

où l'on retrouve le plus fréquemment installés les postes de télévision. Il existe trois niveaux de support.

Le premier à même le sol, semble être un mode transitoire plutôt interdit par le "bon usage" de l'aménagement. Seuls les deux niveaux restants apparaissent comme légitimes, une légitimité toute relative en fonction de leur emplacement.

Le recours à un type de meuble, à une certaine hauteur permet de contrôler l'accès à la télévision. Les supports hauts semblent être privilégiés dans les chambres. La configuration des lieux, l'équipement télévisuel influencent l'installation. Deux types de support sont utilisés, les meubles existants (armoire, étagère…) ainsi que des meubles systèmes, bras télescopiques. Le recours à l'un et à l'autre est en partie expliqué par le manque de place, l'exiguïté des lieux. La télévision est posée, une solution rendue possible par le faible équipement audiovisuel entourant l'objet. Statistiquement les chambres sont plus faiblement équipées en magnétoscope, DVD. Ainsi dans les chambres, la chaîne d'objets concrets d'ordre technologique est réduite. La TV est seule, son installation est plus simple, l'absence d'objet à raccorder facilite l'installation. La fonction de stockage attendue dans certaines pièces pour faciliter le rangement, maquer certains éléments, devient secondaire.

Le recours au bras mécanique, système soutenant le téléviseur, s'observe dans un certain nombre de foyers. Objet économique, financièrement et physiquement, il investit les chambres. Objet de confort, son installation est effectuée à la hauteur souhaitée par l'utilisateur, il est orientable à souhait, permet une certaine mobilité. Le bras télescopique, qui est un équipement présent dans les chambres d'hôpital, dans les hôtels, entre dans les foyers, passe de l'univers public impersonnel au domaine du privé Dès lors, il équipe les chambres, des lieux publics autant que des lieux privés. En investissant un nouveau domaine, celui du privé, son champ d'investigation reste limité aux chambres, à la présence de lit, de lieux faiblement équipés en matériel audiovisuel. Son utilisation n'évolue pas : la nature de l'espace, les activités qui l'entourent, sont similaires.

Dans les chambres pour enfants, la hauteur, synonyme de la même façon que chez les adultes de gain de place est aussi utilisée comme stratégie de contrôle. Placée hors de portée de l'enfant, la hauteur va en partie réguler la consommation de ce dernier. Le parent allume, sélectionne le programme que l'enfant va regarder, puis coupe la TV lorsque le temps permis est épuisé. Tout en acquérant une certaine indépendance en ayant

accès à son propre téléviseur, l'enfant reste directement dépendant du bon vouloir de ses parents. Le choix du meuble, l'installation en hauteur est un obstacle au contrôle de l’objet par l’enfant.

L'augmentation du sur équipement influe sur les tensions, permet de calmer certaines frictions, les conflits autour de l'accès à la télévision mais fait simultanément apparaître d'autres enjeux. Chez les parents, une nouvelle angoisse, un stress, une perte de leur contrôle. Le meuble est alors utilisé comme un outil de contrôle social.

Dans le salon, une hauteur moyenne, la mi-hauteur est privilégiée. Que la télévision soit posée ou encastrée, les meubles offrent à l'utilisateur un certain nombre de possibilités, des capacités de rangement, de confort, parfois une certaine mobilité, et ils ajoutent à la pièce un aspect esthétique.

La télé est sur un plateau orientable (droite, gauche, avance). Comme ça où que l’on soit, on peut regarder la télé. Je suis tombée en extase devant ces meubles anglais. C’est le meuble vraiment pratique, c’est pas le meuble où tu cases seulement la télé puis ça bouge plus. Moi ce que je fais le soir, comme avec l’âge, j’ai une moins bonne vue, je tire la télé, comme ça je gagne quelques centimètres, ça n’a l’air de

rien mais c’est quand même appréciable. (Mireille, 77 ans)

Choisi pour son esthétique et son aspect fonctionnel, le meuble accompagne le d’être avancée mais aussi orientée pour permettre une meilleure visibilité. Le meuble accompagne la consommation du téléspectateur. Il s'inclut dans l'activité télévisuelle, tout comme il participe à l'esthétisme de la pièce. Quand la télé est éteinte, elle est rangée : les portes du meuble sont refermées, la télévision disparaît entièrement, une disparition qui donne selon Mireille un caractère rangé à la pièce.

Le choix du meuble va conditionner l'accès au téléviseur. L'installation de l'espace télévisuel permet une restriction du champs de réception à un coin, un endroit précis de la pièce ou au contraire, elle pourra être placée de sorte que son champs de réception soit le plus vaste possible. Elle peut être regardée du "coin télé", du canapé, mais encore de l'espace salle à manger où est disposée la table du salon. Le meuble permet au consommateur de maîtriser le champ de réception de la télévision. Des systèmes comme les plateaux tournants permettent d'orienter la télévision au gré des activités, le consommateur choisit quand, comment, d'où il veut suivre son programme.

Les meubles encastrant les téléviseurs les font disparaître symboliquement derrière des portes vitrées ou complètement derrière des portes en bois. Le téléviseur peut être masqué, car enfermé, ou mis sous clé, le meuble permet alors vis à vis d'enfants par exemple de marquer l'interdiction de l'accès. Il offre une possibilité de contrôle d'accès du champ de réception et des individus

Le meuble donne à la télévision sa dimension centrale ou secondaire. Il va alors conditionner les pratiques, la façon de la regarder. Chez Françoise, bien qu'au centre de deux espaces, le salon et la salle à manger, la télévision est orientée de sorte à être regardée de la salle à manger, à une exception près, un fauteuil du salon. Disposée sur un plateau tournant, l'orientation de la télévision peut être modifiée d'un simple mouvement de main, pourtant dans la pratique l'option n'est pas utilisée, et les membres de la famille ne s'installent pas dans le salon pour regarder la télévision. Le positionnement volontaire de la télévision induit que la télévision n'est regardée qu'assis, soit sur des chaises soit sur le fauteuil. Le canapé, où le corps peut s'allonger, s'avachir devant le programme, n'est pas interdit mais ne fait pas partie des usages prescrits de cette famille. Françoise dit elle même "on n'est pas installés confortablement pour regarder la télévision". L'agencement de la pièce va dans ce sens. La zone de réception de la télévision se situe là où sont disposées les chaises. Du salon, espace plus confortable, la télévision n'est pas visible.

Pour Françoise, regarder la télévision n'est pas une activité en soi, on ne s'installe pas devant, on ne se laisse pas aller. La configuration de la pièce, le choix du meuble, son emplacement s'y prête. Les chaises n'ont pas le caractère piègeux du canapé ou l'on peut se mettre à somnoler devant la télévision. Bien que cela ne se fasse pas, regarder la télévision du salon n'est pas interdit. Posée sur un plateau tournant, la télévision possède une certaine mobilité, la configuration du meuble la rend accessible autant du salon que

de la salle à manger. Avec ce nouveau meuble, Françoise et son mari se sont offerts de nouvelles possibilités, ils ont accru la zone de réception de leur téléviseur. Leurs pratiques n'ont pas changé mais l'accès à la télévision s'est modifié, cette dernière peut selon son inclinaison imprégner différemment la pièce de sa présence.

Le support TV, qu'il soit ou non un "vrai meuble de télévision" est utilisé comme un outil de contrôle permettant de gérer l'accès à la télévision, de maîtriser sa zone de réception, et le temps qui lui est accordé.