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/¶°XYUHG¶XQHfemme naît des stimuli extérieurs qui, à son insu, la guident dans la conception et

O¶pODERUDWLRQ GH © son » projet. Par voie de conséTXHQFH OD IRUFH GH O¶LPSUHVVLRQ TXH SHXYHQW DLQVL

produire les textes des auteurs-IHPPHVQHUpVXOWHGHULHQG¶DXWUHTXHGHODFRQFRUGDQFHQDWXUHOOHTXL

H[LVWHUDLWHQWUHO¶RUGUHGHVFKRVHVOHWUDLQGHODYLHPDWpULHOOHHWXQHpFULWXUHIpPLQLQHTXLVHODLsse

aller au gré des événements : « Pour PHGRQQHUO¶LQVSLUDWLRQG¶pFULUHLOIDXWTXHOTXHFKRVHG¶H[WpULHXU :

XQrWUHXQIDLWXQDVSHFWGHODQDWXUHP¶DLWpPXHSDVVLRQQpHRXPrPHDPXVpH-¶pSURXYHDORUVOH

désir de traduire mon impression et y trouve un vrai plaisir. »91 On salue ainsi dans les textes féminins

ODPDQLIHVWDWLRQGHFHGRQG¶H[TXLVHVHQVLELOLWpTXHWRXWHIHPPHSRVVqGHUDLWGqVODQDLVVDQFH :

/HVVHQVFKH]ODIHPPHVRQWG¶XQHJUDQGHILQHVVH/HVRGHXUVRQWEHDXFRXSG¶HPSLUHVXUHOOH :

les VXDYHV SDUIXPV O¶HQLYUHQW ; les odeurs fétides la calment et la maîtrisent. Le grand bruit épouvante les femmes, la simple parole les trouve indifférente ou distraite ; mais un chant mélodieux les émeut, un cri perçant excite leur commisération, une plainte les afflige ; la vue est

DXVVLSOXVSHUoDQWHFKH]OHVIHPPHVG¶XQFRXSG¶°LOHOOHVYRLHQWOHGpWDLOGHVFKRVHVGpFKLIIUHQW

ODSK\VLRQRPLHFRPSUHQQHQWODVLJQLILFDWLRQG¶XQVRXULUHG¶XQJHVWHG¶XQHFRQWHQDQFH92

2UODFpOpEUDWLRQVLQRQO¶H[DOWDWLRQdans le discours critique contemporain, de cette sensibilité supposément prodigieuse des femmes-artistes, va de pair avec une dévalorisation de leur intelligence, perçue comme faible et veule, traits qui auraient pour corollaire le manque de caractère personnel des

°XYUHVUpDOLVpHVSDUOHs femmes. A fortioriODPLVHHQDYDQWGHO¶DSHUFHSWLELOLWpIpPLQLQHYLVHjIRXUQLU

une explication, une justification même, aux traits distinctifs des textes produits par ces esprits lourds et

OHQWV/¶DSSURFKHHVWGRQFà double tranchant, puisque dans le même geste, on affirme la recevabilité des productions littéraires féminines, et on en réduit drastiquement la portée :

Selon les conclusions générales, la mémoire des femmes serait moins puissante à tous égards que celle GHO¶KRPPH/¶DVVRFLDWLRQGHVLGpHVSDUFRQWLJuïté O¶HPSRUWHUDLWFKH]HOOHVVXUO¶DVVRFLDWLRQ

par ressemblance, ce qui laisserait croire à SOXVG¶DXWRPDWLVPHHWPRLQVGHMXJHPHQW. Leur attention

VHUDLWG¶XQFKDPSSOXVUHVWUHLQWHWLOOHXUVHUDLWGLIILFLOe de la partager entre plusieurs objets.

0DLVVLOHVIHPPHVVHPRQWUHQWDLQVLQHWWHPHQWGpVDYDQWDJpHVGDQVOHGRPDLQHGHO¶LQWHOOLJHQFH

quelle supériorité, en revanche, dans le domaine sensible !

Elles réagissent à des excitations très faibles. Mises avec O¶KRPPH HQ SUpVHQFH GHV PrPHV

excitations, elles subiraient des émotions plus vives.93

Ainsi la VSpFLILFLWpGHOHXUVSHUFHSWLRQVFDQWRQQHOHVIHPPHVGDQVOHGRPDLQHGHO¶LPPDQHQWGH

O¶HPSLULTXH GX VHQVLEOH GDQV OD PHVXUH R PrPH OHV HQYROpHV HW OHV pODQV GH O¶LPDJLQDWLRQ TXL YLHQQHQW VSRQWDQpPHQW j OHXUV SDLUV PDVFXOLQV QH OHXU FR€WHQW SDV PRLQV G¶HIIRUWV HW QH OHXU VRQW

91 Marie Allo dans Elie Moroy, La Littérature définie par les femmes écrivains, op.cit., p.2.

92 Gaston Cerfberr de Médelsheim, M.V. Ramin, Dictionnaire de la femme : encyclopédie-manuel des connaissances utiles à la femme, Paris, Firmin-Didot, 1897, p.362.

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JXqUHSOXVDFFHVVLEOHVTXHOHWUDYDLOGHO¶DQDO\VHHWGHO¶DEVWUDFWLRQ/HVIHPPHVFUpDWULFHVVRQWDLQVL GHV F°XUV VLPSOHV TXL Q¶Rnt guère plus de facXOWp G¶LPDJLQDWLRQ TXH G¶HVSULW FULWLTXH : « -¶DL SHX G¶LPDJLQDWLRQ FUpDWULFH PDLV XQH WUqV YLYH VHQVLELOLWp -¶DLPH FH TXL HVW VLPSOH FODLU VLQFqUH KDUPRQLHX[ -¶DL KRUUHXU GX IDFWLFH GH O¶REVFXU GX EL]DUUH GX IRUFHQp -H VXLV Uéaliste plutôt que

P\VWLTXH-¶DLOHJR€WHWMHFURLVDXVVLO¶LQVWLQFWGXSLWWRUHVTXH »94

,QFDSDEOHVG¶XQHGpPDUFKHLQWHOOHFWXHOOHULJRXUHXVHles femmes-écrivains ont donc beau jeu de

vouloir présenter cette faiblesse comme un mode de connaissance altHUQDWLI TXL V¶RSSRVHUDLW j OD

rigidité du rationalisme réducteur si prégnant dans les écrits des écrivains-hommes :

1RQ VHXOHPHQW GH UpGXLUH DLQVL OH PRUDO DX SK\VLTXH HW O¶LQWHOOLJHQFH j OD VHQVDWLRQ OHV

femmes-écrivains de notre époque veulent prouver que ce mode primitif de la connaissance est

VXSpULHXU j O¶DXWUH VL SpQLEOH VL ORQJ (OOHV YHXOHQW UHQYHUVHU j OHXU SURILW O¶pFKHOOH GHV

valeurs intellectuelles. « Est-FH TXH VHQWLU Q¶HVW SDV SOXV TXH FRPSUHQGUH ? ª V¶pFULH 0PH

Delarue-Mardrus. Et touteV V¶DSSOLTXHQW j UDLOOHU O¶HVSULW PDVFXOLQ JpRPpWULTXH HW OHQW

incapable de ces intuitions foudroyantes dont les femmes ont le secret.95

,O IDXW LFL UDSSHOHU TXH FH JHQUH G¶LQWHUSUpWDWLRQV GHV °XYUHV GH 1DWKDOLH 6DUUDXWH HVW H[WUrPHPHQWUpSDQGXjO¶pSRTXH. Les critiques ne manquent pas, en effet, de souligner à quel point la

femme-pFULYDLQQHFHVVHGHFpOpEUHUHWGHPDJQLILHUFHWWHDXWUHFRQQDLVVDQFHGXPRQGHTX¶HOOHSU{QHj

travers ses écrits ± une connaissance intuitive, empirique et subjective. Les exemples les plus éloquents

de cette approche de la critique nous sont fournis par la réception de « disent les imbéciles » : « Bref,

O¶HQVHPEOHGXOLYUHH[DOWHO¶LQWXLWLRQIORXHGHV© imbéciles » face au bluff technocratique, les droits et les chances de la connaissance dite naïve, ou vulgaire, contre une science élitiste et sclérosante, la vie

GXSDSLOORQFRQWUHO¶°XYUHGHPRUWG¶HQWRPRORJLVWH »96

Toutefois, en dépit de toutes les tentatives de revêtir ainsi de belles justifications théoriques le sensualisme très terre-à-terre de la littérature féminine, force est de reconnaître que, du point de vue des

FULWLTXHVGHO¶pSRTXHOHV°XYUHVGHVIHPPHVGHPHXUHQWLPSURSUHVjTXLWWHUOHGRPDLQHUHVWUHLQWGHOD YLH TXRWLGLHQQH HW TX¶HOOHV WLHQQHQW GH FH IDLW GDYDQWDJe du bricolage, du petit bibelot, objet de

curiosité et de distraction pour la ménagère, que des sublimes UpDOLVDWLRQV GH O¶HVSULW GpPLXUJH

Exemplaire à ce point de vue, la critique du Trille du diable de Suzanne Roland-Manuel par Robert

Kemp, membre de l¶$FDGpPLHIUDQoDLVHMRXUQDOLVWH de Demain, de La Liberté et du Monde, dévoile

ainsi le double-IRQG O¶DPELJXwWp IRQGDPHQWDOH GH O¶DSSDUHQWH DSSUpFLDWLRQ GHV ULFhesses de la

sensibilité féminine :

« -¶DLPLVGXWHPSVjP¶HPEDOOHU ». Et puis, ce fin travail G¶DUDLJQpHP¶DILOjILOHQYHORSSp

ligoté. Mme Roland-Manuel, flaubertienne encore trop méfiante de soi-même pour composer par grandes masses, et dont le travail menu fait penser au toc-toc de la machine à coudre, nous

RIIUHXQSRUWUDLWGHIHPPHG¶XQHVROLGLWpHWG¶XQ© fouillé » remarquables.

94 Marie Allo dans Elie Moroy, La Littérature définie par les femmes écrivains, op.cit., p.2.

95 Jean Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, op.cit., p.240.

96 Bertrand Poirot-Delpech, « &¶HVWFHOXLTXLOHGLWO¶HVW ! : « disent les imbéciles », de Nathalie Sarraute » dans Le Monde, 24 septembre 1976, p.19.

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Ce gros volume est une « somme ªG¶H[SpULHQFHVIpPLQLQHV/¶H[SpULPHQWDWULFHQHVHSUHQG

pas au jeu des passions, domine les modes, ne se perd pas dans les tourbillons. Sa lucidité un peu myope,- elle voit comme avec une loupe,- ne subit aucune défaillance.97

5pGXLWHjODUHWUDQVFULSWLRQGHVFKRVHVYXHVO¶pFULWXUHIpPLQLQHHVWQRQVHXOHPHQWP\RSHPDLV

aussi comme frappée GHSDUDO\VLHILJpHLQFDSDEOHGHODPRLQGUHWUDQVIRUPDWLRQRXpYROXWLRQTX¶HOOH

VRLW G¶RUGUH épistémique, stylistique ou narratif. Elle se situe ainsi exactement aux antipodes de

O¶pFULWXUHPDVFXOLQHTXLHVWTXDQWjHOOHPRELOHG\QDPLTXHLQYHQWLYHSXLVTXHWRXMRXUVHQJDJpHGDQV

la voie de la recherche, que celle-ci relève du questionnement métaphysique ou de la quête (ou hantise)

SHUVRQQHOOH /¶pFULWXUH IpPLQLQH j O¶LQYHUVH QH SRVH SDV GH TXHVWLRQV QL QH FKHUFKH j WURXYHU GHV UpSRQVHV2TX¶HOOHFKHUFKHjVHGpSOR\HUVXUTXHOTXHWHUUDLQTX¶HOOHFKRLVLVVHG¶DOOHU elle se trouve,

ou se retrouve, WHOOH TX¶HQ HOOH-PrPH F¶HVW-à-dire toute faite, prédéterminée, toujours déjà là, figée

dans son essence, avant même que la femme-pFULYDLQQHSUHQQHODSOXPH&¶HVWSRXUTXoi

[u]n dernier fait doit attirer notre attention : le manque de renouvellement de la littérature féminine. Depuis la guerre, tandis que les hommes ont cherché, de tous côtés, une voie

QRXYHOOHRV¶HQJDJHUOHVIHPPHVVHVRQWODLVVpHVSRUWHUVXUOHVURXWHVDQFLHQQHV$XFXQJUDQG

QRPQHV¶HVWUpYpOpVXUXQSODQQRXYHDX98

$LQVLO¶LGpHGHODOLWWpUDWXUHIpPLQLQHHVWLQVpSDUDEOHG¶XQHFHUWDLQHLQHUWLH/¶pFULWXUHIpPLQLQH Q¶DYDQFHUDLWRXQHSURJUHVVHUDLWTXHSDUVDFFDGHVHQV¶DSSURSULDQWGHVHFRQGHPDLQOHVLQQRYDWLRQV

littéraires des auteurs masculins, avant de retomber à nouveau dans une forme de torpeur, répétant et

UHVVDVVDQWjO¶LQILQLOHVPrPHVYLHLOOHVIRUPHVSpWULILpHs. C¶HVWSRXUTXRLLOQ¶HVWJXqUHVXUSUHQDQWTXH

les femmes-pFULYDLQV TXL VRXKDLWHQW V¶LPSRVHU FRPPH LQWHOOHFWXHOOHV RX pUXGLWHV FKHUFKHQW j VH

démarquer à toute fRUFHGHVkPHVVHQVLEOHVGHOHXUVFRQV°XUVFRPPHHQWpPRLJQHSDUH[HPple, cette

profession de foi de Renée Dunan :

La littérature féminine, posée par celle des hommes, reste volontairement inintellectuelle et de pure sensibilité. Or, je tiens exclusivemenW j O¶LQWHOOLJHQFH HW M¶RVH PH GLUH OD VHXOH IHPPH

écrivant des romans qui ne tombent jamais dans la sentimentalité ni dans la tendresse et autres « sensibleries ª-HQHP¶LQWpUHVVHTX¶DX[LGpHVSXUHV>@6LMHUHIXVHGHP¶DSSDULHUDYHFWDQW G¶DXWUHVIHPPHVpFULYDLQVGRQWFHUWDLQHVVHPEOHQWSRXUWDQWFRQVLGpUDEOHVF¶HVWTXHPHVYUDLHV V°XUVGHSHQVpH°XYUHQWGDQVOHVPDWKpPDWLTXHVODSKLORVRSKLHO¶pUXGLWLRQO¶KLVWRLUHHWQH

font point de romans.99

Ainsi, rWUH VLPSOHPHQW XQ ERQ pFULYDLQ Q¶HVW JXqUH VXIILVDQW GqV ORUV TX¶LO HVW TXHVWLRQ GH OD

femme-écrivain : pour se tailler une place dans le champ littéraire, il lui faut aussi prouver ses aptitudes dans le domaine intellectuel. Pour toute femme qui souhaite, en dépit pourrait-on dire de sa féminité, produire des romans analytiques et réflexifs, il devient donc indispensable de faire la démonstration de

VDOpJLWLPLWpGDQVOHFKDPSGXVDYRLUHQUHYrWDQWG¶DXWUHVFDVTXHWWHVTXHFHVRLWFHOOHG¶KLVWRULHQQH

(Marguerite Yourcenar), de philosophe (Simone de Beauvoir) ou de théoricienne du langage littéraire (Nathalie Sarraute).

97 Robert Kemp, « La vie des livres. Prismes sombres » dans Les Nouvelles littéraires, 1947, n°1014, p.11.

98 Jean Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, op.cit., p.242.

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b) Les empreintes émotives : le sentimentalisme

Non moins marquantes que les empreintes du monde sensible sont pour la femme les expériences

de la vie sentimentale. Formalisée par Pierre 5RXVVHOjO¶DXEHGHO¶pSRTXHFRQWHPSRUDLQH100O¶LGpHGHOD

prédominance des affects dans le psychisme féminin traverse tout le XIXe siècle, et ne perd guère de sa

vigueur au long du siècle dernier. Selon ce point de vue, la vie émotive des femmes est caractérisée par

ODSUpVHQFHG¶XQHXQLTXHGRPLQDQWHTXLHVWODSDVVLRQDPRXUHXVHVHQWLPHQWTXLSRODULVHO¶HQVHPEOH

des expériences vécues et structure la vision du monde de la femme. Dans un roman conçu comme une

pWXGHG¶DQWKURSRORJLHVRFLDOHDERUGDQWODTXHVWion de la solitude féminine, Juliette Debry résume ainsi

FHWpOpPHQWHVVHQWLHOGHO¶rWUH-femme : « /¶DPRXUWXOHUHQFRQWUHUDLVSHXW-être dans un an, dans deux

ans, dans dix ans /¶DWWHQWHQHFRPSWHSDV&HTXLHVWLPSRUWDQWF¶HVWDLPHU ! »101

A la pluridiPHQVLRQQDOLWpGHO¶pJRPDVFXOLQSRXUTXLOH« je » est toujours un autre) correspond

ainsi chez les femmes une structure psychique monolithique, ou mononucléaire, focalisée sur le

VHQWLPHQWDPRXUHX[DX[GpSHQVGHWRXWDXWUHFHQWUHG¶LQWpUrWpYHQWXHO&¶HVWDLQVLTX¶$OEHUW&DPXV HQ PHW GDQV OD ERXFKH G¶XQH GH VHV KpURwQHV GUDPDWLTXHV OD 0DULD du Malentendu) cette déclaration révélatrice :

1RQOHVKRPPHVQHVDYHQWMDPDLVFRPPHQWLOIDXWDLPHU5LHQQHOHVFRQWHQWH7RXWFHTX¶LOV

VDYHQWF¶HVWUrYHr, imaginer de nouveaux devoirs, chercher de nouveaux pays et de nouvelles

GHPHXUHV7DQGLVTXHQRXVQRXVVDYRQVTX¶LOIDXWVHGpSrFKHUG¶DLPHUSDUWDJHUOHPrPHOLW

VHGRQQHUODPDLQFUDLQGUHO¶DEVHQFH4XDQGRQDLPHRQQHUrYHjULHQ102

/¶H[FOXVLYLWp GH O¶LQWpUrW TXH OHV IHPPHV SRUWHQW j O¶DPRXU QH OHXU SHUPHW SDV GH IL[HU OHXU

attention sur autre chose, ni de choisir elles-PrPHV GH IDoRQ SOHLQHPHQW GpOLEpUpH O¶REMHW GH OHXU

SHQVpHHWGHOHXUDFWLRQ/¶DPRXUHVWOHVHXOPR\HQGHV¶RXYULUjO¶LQILQLHt de connaître la dimension

WUDQVFHQGDQWHGHO¶H[LVWHQFHTXLVRLWjODSRUWpHGHOa femme :

>«@FDUFHTXLFRQVWLWXHXQHGHVIDFXOWpVGHO¶KRPPHHVWOHWRXWSRXUODIHPPH&HQ¶HVWSDVSDU OHV YRLHV ODERULHXVHV GX UDLVRQQHPHQW TX¶HOOH GRLW V¶HIIRUFHU G¶DWWHLQGUH O¶LQILQL FDU OD IHPPH Q¶HVWSDVQpHSRXUOHWUDYDLOPDLVF¶HVWSDUOHVYRLHVIDFLOHVGHO¶LPDJLQDWLRQHWGXF°XUTX¶HOOH GRLWOH VDLVLU3RXU XQHMHXQH ILOOHO¶LQILQLHVWDXVVL QDWXUHO TXHO¶LGpHTXHWRXWDPRXUGRLWrWUH

heureux. Partout où une jHXQHILOOHVHWRXUQHHOOHWURXYHO¶LQILQLDXWRXUG¶HOOHHWHOOH\SDVVHG¶XQ VDXWPDLVELHQHQWHQGXG¶XQVDXWIpPLQLQHWQRQSDVPDVFXOLQ(QHIIHWTXHOHVKRPPHVVRQW

G¶RUGLQDLUHPDODGURLWV3RXUVDXWHULOVSUHQQHQWGHO¶pODQLOVRQWEHVRLQGHORQJs préparatifs, ils

FDOFXOHQW OD GLVWDQFH DYHF OHV \HX[ LOV FRPPHQFHQW SOXVLHXUV IRLV V¶HIIUD\HQW HW UHYLHQQHQW

)LQDOHPHQWLOVVDXWHQWHWWRPEHQWGHGDQV8QHMHXQHILOOHVDXWHG¶XQHDXWUHPDQLqUH103

&¶HVW WRXMRXUV FHWWH PrPH GLIIpUHQFH HQWUH OHV GHX[ VH[Hs qui est implicitement postulée par

$OEHUW&DPXVORUVTX¶LOIDLWUpWRUTXHUjVRQ&DOLJXODIDFHDX[DUJXPHQWVDYDQFpVSDU&DHVRQLD : « Et

ne peux-WXLPDJLQHUTX¶XQKRPPHSOHXUHSRXUDXWUHFKRVHTXHO¶DPRXU">«@/HVKRPPHVSOHXUHQW

100 Voir à ce sujet : Pierre Roussel, Système physique et moral de la femme ou Tableau philosophique de la constitution, de

O¶pWDWRUJDQLTXHGXWHPSpUDPHQWGHVP°XUVHWGHVIRQFWLRQVSURSUHVDXVH[H, texte numérisé par Micro Graphix, 1992 (édition originale chez Vincent 1775).

101 Juliette Debry, La Femme seule, Paris, Editions J. Ferenczi et Fils, 1937, p.11.

102 Albert Camus, « Le malentendu » dans Albert Camus, Caligula suivi de Le malentendu, Paris, Gallimard, 1996 (édition originale 1938 pour la première pièce, 1944 pour la seconde), p.172.

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parce que les choses ne VRQWSDVFHTX¶HOOHVGHYUDLHQWrWUH »104 La littérature féminine se voit ainsi

vouée à transmettre, sinon à affirmer ou même à imposer, la vision « féminine » du monde, fondée sur

ODUHFRQQDLVVDQFHGHODYDOHXUVXSUrPHGHO¶DPRur :

Mais les plumes féminines auront eu encore un autre rôle. Tandis que la sensibilité masculine émoussée, usée, disparaît des romans des jeunes écrivains, pour ne laisser subsister que le

UpVLGX GpVHQFKDQWp GH O¶DPRXU &¶HVW VDQV GRXWH DX[ IHPPHV- LO IDXW O¶HVSpUHU- que nous

devURQVOHUHWRXUGDQVODOLWWpUDWXUHjODWHQGUHVVHjO¶KRQQrWHWpGXF°XUjO¶DPRXUFRQMXJDO

HWWRXWVLPSOHPHQWjO¶DPRXUPDLVjO¶DPRXUUHVVHQWLSDUO¶kPHHWQRQXQLTXHPHQWSDUOHVVHQV

comme celui de nos confrères masculins.105

Or cette tâche ne peut semble-t-il que gagner encore en importance à une époque où les progrès

G¶XQH PL[LWp GH SOXV HQ SOXV XELTXLWDLUH TXL WRXFKH SHX j SHX WRXV OHV VHFWHXUV GH OD VRFLpWp HQ YLHQQHQWjEDQDOLVHUOHVUDSSRUWVHQWUHOHVVH[HVVXEVWLWXDQWjO¶LPDJHLGpDOHGXSDrtenaire amoureux une vision des choses plus réaliste, plus prosaïque et moins exaltée :

/DIDPLOLDULWpDYHFO¶DXWUHVH[HDH[HUFpVRQLQpYLWDEOHLQIOXHQFH : elle a amorti la surexcitation

UpFLSURTXH'¶DERUGHQFDOPDQWO¶HVSULWO¶LPDJLQDWLRQQHEURGHSlus de séduisantes chimères

sur un canevas où la réalité de tous les jours dessine des arabesques bientôt aussi connues, aussi vulgarisées, aussi « en série ªTXHFHOOHVGHVPRTXHWWHVG¶HVFDOLHU106

&HVRQWDLQVLO¶KDELWXGHO¶LQWpUrWHWOHFDOFXOSUDJPDWLTXe qui régissent désormais les relations

HQWUHO¶KRPPHHWODIHPPHGHYHQXHVIRQFLqUHPHQWXWLOLWDLUHV ; comme par contrecoup, les

écrivains-femmes semblent donc appelés à récréer, dans leurs romans O¶HVSDFH IDQWDVPDWLTXH GH ODromance,

FRPPH VL O¶RQ DWWHQGDLW SUpFLVpPHQW G¶HOOHV TX¶HOOHV V¶DWWDFKHQW DYDQW WRXW j Up-HQFKDQWHU O¶LGpH GH O¶DPRXUSURIDQpHSDUODOLWWpUDWXUHHWO¶DUWG¶XQHDYDQW-JDUGHTXLHVWjQ¶HQSDVGRXWHUPDVFXOLQHSDU HVVHQFH /H UHPqGH SDUDvW G¶DLOOHXUV pYLGHQW DX[ DXWHXUV GH OLWWpUDWXre féminine : ne suffit-il pas

VLPSOHPHQW GH WUDQVSODQWHU OD PDWULFH LGpDOLVWH GH OD URPDQFH GDQV OH VRO SOXV DFLGH GH O¶pSRTXH

contemporaine, en ayant bien pris soin au préalable, pour faciliter la greffe, de redoubler chacune de ses composantes idéales par des « effets de réel » ancrés dans la modernité ?

>«@MHP¶LQFOLQHUDLGHYDQWFHWWHDGRUDEOHPrincesse de ClèvesOHW\SHHWO¶LGpDOGHODOLWWpUDWXUH

féminine de tous les temps. Mais nous devons y ajouter une note présente en accord avec notre siècle et celui qui devient à tout instant F¶HVWSRXUTXRLLOQRXVIDXWFKHUFKHUFRQWLQXHOOHPHQW

une expression qui forme synthèse entre notre sentiment et la réalité, notre idéal et les besoins modernes.107

Cet horizon G¶DWWHQWHnous permet de jeter un regard neuf sur le caractère secondaire, sinon

diaphane ou évanescent, des intrigues sentimentales dans les romans de nos auteurs, et de mieux saisir

FHTXLV¶\MRXH/HXU volonté G¶pYLWHURXGHPHWWUHjGLVWDQFHWRXWFHTXLSRXUUDLWrWUHUDSSURFKpGHOD

« littérature féminine ªDSSDUDvWWUqVQHWWHPHQWGDQVOHVH[SOLFDWLRQVTX¶HOOHVGRQQHQWjFHVXMHWGDQV

leurs interviews et leurs commentaires à la presse :

-HQHSHQVHSDVFRPPHO¶D FUXXQHSDUWLHGHODOLWWpUDWXUHIUDQoDLVHTXH ©O¶DPRXU » soit le

centre de la vie, GH O¶H[LVWHQFH KXPDLQH GX PRLQV SDV FRQWLQXHOOHPHQW ; il en serait plutôt

O¶DEvPHRXOHVRPPHW,O\DGHERQVHWGHPDXYDLVPRPHQWVDSSRUWpVSDUO¶DPRXUPDLVFH

Q¶HVWSDVQpFHVVDLUHPHQWFHTXLLPSRUWHOHSOXV-HFURLVTXHF¶HVWVXUWRXWHQ)UDQFHTX¶RQD

104 Albert Camus, « Caligula » dans Albert Camus, Caligula suivi de Le malentendu, op.cit., p.39.

105 Dominique Dunois dans Elie Moroy, La Littérature définie par les femmes écrivains, op.cit., p.50-51.

106 Marcel Prévost, Nouvelles lettres à )UDQoRLVHRXODMHXQHILOOHG¶DSUqV-guerre, Paris, Flammarion, 1928, p.41.

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GpYHORSSpXQpWDWG¶HVSULWTXLPDOKHXUHXVHPHQWDWUqVVRXYHQWFORVODSHQVpHIUDQoDLVHjDXWUH FKRVH )UpGpULF 0RUHDX V¶RFFXSH GH 0PH $UQRX[ LO D j SHLQH OH WHPSV GH V¶RFFXSHU GX

reste.108

On UHPDUTXH G¶HPEOpH OH GXDOLVPH UDGLFDO GH O¶pFULYDLQ TXL Rppose Mme Arnoux à tout le

« reste ªO¶DPRXUjODSHQVpHOHVSUpRFFXSDWLRQVSHUVRQQHOOHVDX[YLVpHVWUDQVFHQGDQWHV/HFDUDFWqUH

WUDQFKDQWHWSpUHPSWRLUHGHFHVRSSRVLWLRQVELQDLUHVHVWVDQVGRXWHOLpDXUHMHWG¶XQHFHUWDLQH « partie de

la littérature française » TX¶pYRTXHLFLREOLTXHPHQW0DUJXHULWH<RXUFHQDURXWRXWDXPRLQVjXQIRUW

GpVLUGHV¶HQGpPDUTXHU