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a. La territorialisation du développement durable en France

émergence de la ville durable

I.4. a. La territorialisation du développement durable en France

Pour repositionner le contexte français, nous observerons dans un premier temps la territorialisation française du développement durable à l’échelle nationale, régionale et locale, notamment à travers l’évolution des politiques publiques. Ce bref cadrage nous permettra ensuite de contextualiser l’interprétation française du paradigme de ville durable. Concrètement, la traduction dans les politiques publiques du développement durable puis de la ville durable sur le territoire français va s’articuler autour de trois mouvements (Villalba, 2015) :

- Une codification, qui va transposer les grands principes onusiens en règles : juridiques, législatives, normes administratives, etc. ;

- Une institutionnalisation, qui va créer des politiques publiques de développement durable et de

ville durable à différentes échelles (nationale, régionale, locale…) ;

- Une professionnalisation, qui va favoriser l’émergence d’une expertise autour du développement

durable et de la ville durable, avec des nouveaux métiers, des formations, des démarches, un

cadre technique et normatif renouvelé, etc.

| L’affiliation de l’environnement à l’aménagement (1970-90) |

En France, la préfiguration d’une approche de développement durable s’opère avec l’émergence des questions environnementales dans l’action publique nationale à la fin des années 1960 (Bertrand, 2005). En effet, il faut se rappeler qu’on est à cette époque dans un contexte sociétal et politique très centralisé et technocratique, où l’État reste le seul garant de la gestion de la société quasiment à toutes les échelles. En France, la préoccupation environnementale par les institutions nationales est intimement liée à l’aménagement des territoires : c’est notamment la DATAR1 (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) qui va créer les premiers parcs nationaux en 1963 puis régionaux en 1965, la première loi sur l’eau en 1964, et même la première politique environnementale transversale avec son programme des « 100 mesures pour l’environnement » en 1969 (Ibid., 2005). Mais ce sont les années 1970 vont représenter un tournant dans la prise en main des questions environnementales par l’État français, avec la création de la première administration

1 La DATAR créée en 1963, est l’administration française qui avait la charge de mettre en œuvre la politique nationale relative à l’aménagement et au développement territorial. Elle fut remplacée en 2014 par le CGET (Commissariat Général à l’Égalité des Territoires), qui fut lui-même remplacé par l’ANCT (Agence Nationale de la Cohésion des Territoires) en 2020 ; ces évolutions étant à l’image de la décentralisation de l’aménagement des territoires en France depuis les années 1980.

centrale dédiée avec le Ministère de la Protection de la Nature et de l’Environnement, en 1971. Preuve de la proximité originelle de l’environnement et de l’aménagement en France, ce ministère vient remplacer le Ministère de l’Équipement, issu lui-même du Ministère des Travaux Publics. Si cette administration créée en 1971 n’a pas eu une action très engagée et n'a pas bénéficié de moyens importants avant les années 20002, elle marque tout de même le début d’une prise de conscience en France. Le terme d’environnement fait alors son arrivée dans le droit français en 1976 et les lois « Montagne » et « Littoral » de 1985 et 1986 viendront appuyer une nouvelle considération des politiques publiques vis-à-vis de l’empreinte environnementale. À l’image de l’évolution des consciences à l’échelle internationale, l’approche française passe alors d’une posture conservationiste de la nature à une logique basée sur la précaution, une « logique d’anticipation » (Ibid., 2005) qui vise à mieux gérer les ressources naturelles. Toute une série de lois environnementales anticipatrices, que l’on connait bien aujourd’hui, va naître ensuite dans le courant des années 1990 : loi sur l’eau (3 janvier 1992), loi « déchets » (13 juillet 1992) ou encore loi « paysage » (8 janvier 1993).

| L’introduction d’un développement durable dans les politiques publiques (1990-2000) | Cette période des années 1990 va marquer l’entrée officielle du développement durable dans les politiques publiques françaises, et va entériner la considération environnementale au profit d’une approche écologique. Dans un premier temps, divers organes publics vont être créés pour développer les réflexions sur les questions environnementales et énergétiques et pour adapter les principes du

développement durable onusien. On peut notamment citer la création de l’ADEME (Agence de

l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie)3 en 1990, qui va aider à la mise en œuvre des politiques publiques autour de ces questions et apporter une compétence d’expertise et de conseil auprès de grandes entreprises et de collectivités locales4. Toutefois, ce n’est qu’en 1995 que le développement

durable est introduit en France, avec la création de la loi « Barnier » relative à la protection de

l’environnement (2 février 1995). Elle fait entrer officiellement le développement durable dans la législation française, avec aussi les principes de précaution, de pollueur-payeur ou encore de participation.

2Ce premier ministère ne tiendra que 4 années avant d’être remplacé par l’ex-Ministère de l’Équipement. Il faudra attendre 2007, pour voir une administration véritablement dédiée à la question environnementale, avec la création du Ministère de l’Écologie et du Développement Durable (renommé depuis 2017 : Ministère de la Transition Écologique et Solidaire). De son côté, l’administration dédiée à l’aménagement ne considérera la question environnementale que de façon brève entre 1997 et 2002, avec le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement.

3L’ADEME est un établissement public, à caractère industriel et commercial.

Dès la fin des années 1990, on assiste à une structuration institutionnelle centralisée de la politique française de développement durable. En 1995, le Comité 21 (Comité français pour l'environnement et le développement durable) est créé pour structurer l’action nationale en faveur d’un développement durable. Concrètement, le Comité 21 a pour mission de mettre en œuvre l’Agenda 21 français au niveau local5. Cette organisation s’appuie sur un réseau d’acteurs divers qui vont être accompagnés pour réaliser les objectifs souhaités d’un développement durable. Avant le début des années 2000, son action va rester relativement limitée, à l’image de l’engagement des collectivités françaises dans la campagne européenne des villes durables.

Les politiques d’aménagement en France ont commencé à considérer officiellement la prénotion onusienne de développement durable dès le milieu des années 1990. C’est dans un premier temps cette dynamique de structuration territorialisée du développement durable qui va préparer le terrain de la ville

durable. Nous verrons que les projets urbains durables n’ont pu émerger que lorsque le développement durable s’est inscrit au cœur de l’aménagement du territoire français.

C’est la loi « Pasqua » (LOADT du 4 février 1995) qui va introduire la volonté d’un développement durable dans l’aménagement du territoire. C’est un des tout premiers domaines en France qui s’accapare cette injonction (Ibid., 2005). L’année 1999 va définitivement remplacer l’usage du terme environnement dans l’aménagement, par des approches plus spécifiques, avec la loi « Voynet » (LOADDT du 25 juin 1999). L’objectif fondamental de l’aménagement du territoire français devient alors, dans les politiques publiques, le développement durable (Ibid., 2005). Pour se faire, la LOADDT donne la responsabilité de la mise en application de cette injonction aux collectivités, en structurant les intercommunalités. Comme le décrit Bertrand, qui décortique la loi :

« […] selon l’article 22, les groupements de communes devront élaborer une « charte de pays […]

ou d’agglomération », laquelle « exprime le projet commun de développement durable du territoire […], traduction locale des engagements internationaux finalisés lors du sommet de Rio de Janeiro.

» (Bertrand, 2005).

Nous allons voir que l’évolution législative de l’organisation des compétences publiques en matière d’urbanisme, et que la restructuration territoriale française des années 2000 vont participer de la territorialisation du développement durable. Le nouveau fonctionnement de la planification locale va donner une réelle transversalité des enjeux dans l’aménagement du territoire français, et de fait intégrer un projet de développement durable qui se voudra cohérent entre les échelles globales et locales (États, Régions, Intercommunalités, Communes). La France, en étant maillée par un échelon intercommunal comme autant de « territoires de projets », cherche ainsi à faire du développement durable le

« principe organisateur de l’aménagement du territoire » (Ibid., 2005). Or, à l’exemple du flou international autour de la prénotion onusienne, ce « principe organisateur » se traduit plutôt comme un vœu pieux sans contraintes (juridiques ou autre) à l’échelle locale.

La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000, a redéfini les bases de la loi LOF de 1967 qui structurait pour la première fois l’aménagement du territoire. S’inscrivant dans la continuité des lois de décentralisation des années 1980, la loi SRU a généré la nécessité pour les communes de se doter d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU)6 dans l’objectif affiché de réduire l’étalement urbain immodéré des agglomérations à l’œuvre depuis la fin des années 1950. Le paradigme français du développement urbain en extension évolue alors vers une logique de resserrement et de renouvellement du foncier et du bâti. La loi SRU ajoute ainsi la question foncière au cœur des réflexions sur la préservation des ressources territoriales, et donc du développement durable

urbain. Elle renouvelle aussi profondément les documents d’urbanisme, en recherchant une plus

grande transversalité (notamment entre les politiques d’aménagement, de l’habitat et des transports) et créée en somme des outils juridiques à destination des collectivités locales. Si ce texte a permis de participer à la restructuration territoriale française, il a aussi multiplié les normes et complexifié les réglementations et procédures d’urbanisme.

En juin 2003, l’accompagnement à l’échelle nationale des politiques de développement durable par le Comité 21 (créé en 1995) va se traduire par la mise en place d’une Stratégie Nationale pour le Développement Durable (SNDD). Elle se construit autour de 6 orientations stratégiques, qui définissent aussi bien la participation des citoyens, que le rôle de l’État et des collectivités. La SNDD est mise en cohérence avec la Stratégie Européenne de Développement Durable (SEDD) (révisée en 2006), qui met la priorité sur : les changements climatiques, les transports, la pauvreté, la santé publique, la gestion responsable des ressources naturelles, la consommation et la production durables, et l’action internationale. Cette stratégie française pour le développement durable va provoquer la création d’un Conseil National du Développement Durable (CNDD)7. Par ailleurs, il est intéressant de noter la création en 2004 de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité (SNB) qui concrétise l’engagement de la France par rapport à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) ratifiée en 19948. Le décalage chronologique est parfois conséquent entre les promesses du débat international, et le début des politiques nationales. Ce foisonnement de programmes et structures institutionnelles censées assoir la vision française du développement durable traduit aussi une volonté affichée de mise en action des grands principes onusiens. En effet, de multiples plans d’action, programmes

6En remplacement des Plans d’Occupation des Sols (POS).

7Le CNDD sera accompagné à partir de 2008 du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) pour apporter des connaissances et des données nécessaires à la bonne orientation de la SNDD.

opérationnels, et autres objectifs ou indicateurs de suivi vont apparaître autour de cette stratégie nationale, qui sera renouvelée tous les 3 ans en moyenne. C’est en quelque sorte la feuille de route de la politique de développement durable française.

| Le tournant du « Grenelle Environnement » (2007) |

Un des évènements majeurs dans l’approche française du développement durable (mais aussi de la ville

durable, nous le verrons ensuite), c’est l’organisation du Grenelle Environnement. Cette série de

rencontres politiques qui s’est déroulée entre septembre et décembre 2007, largement médiatisée à l’échelle nationale, a permis d’aborder conjointement de nombreux sujets transversaux : développement

durable, restauration de la biodiversité, diminution des gaz à effet de serre, amélioration de l’efficacité

énergétique à tous les niveaux, etc9. L’objectif, selon le gouvernement, était « […] de définir une feuille

de route en faveur de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables. » 10. Les rencontres se sont déroulées sous la forme de débats multipartites impliquant des membres du gouvernement (État)11, des collectivités territoriales, des associations professionnelles et des ONG, des syndicats, ainsi que des représentants du patronat. Certains ont pu parler d’une gouvernance à cinq. Ces débats thématisés touchaient autant aux questions environnementales, qu’aux sujets de gouvernance, en passant les modes de développement économique du pays. Officiellement, le Grenelle a été lancé autour de six grands objectifs (MEDDTL, 2010a) :

- « Lutter contre le changement climatique et maîtriser la demande d’énergie ; - Préserver la biodiversité et les ressources naturelles ;

- Instaurer un environnement respectueux de la santé ;

- Adopter des modes de production et de consommation durables ;

- Construire une démocratie écologique ;

- Promouvoir des modes de développement écologique favorables à l’emploi et à la compétitivité. »

Dès le mois d’octobre 2007, une série d’environ 270 engagements fait consensus et est adoptée. Elle donne naissance le 3 aout 2009 à la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de

9 À noter que l’insertion de la question environnementale dans la législation française est alors assez récente, en témoigne la naissance (publication) du Code de l’Environnement à partir de 2005.

10 https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/

11 Sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012), et piloter officiellement par Jean-Louis Borloo, alors en charge du ministère de l’écologie (2007-2010).

l’Environnement I, dite loi Grenelle I12. La promulgation de cette loi a pour objectif d’assurer la mise en œuvre des engagements issus du Grenelle Environnement de 2007. Ce texte législatif va inciter à la considération plus grande des premiers outils de développement durable, notamment au sein des politiques publiques (SNDD, SNB). Elle repose sur six grands principes (Ibid., 2010a) :

- « Lutte contre le changement climatique ; - Biodiversité, écosystèmes et milieux naturels ;

- Prévention des risques, santé et déchets ;

- État exemplaire ;

- Gouvernance, formation et information ;

- Outre-mer »

La lutte contre le changement climatique s’accompagne de trois objectifs précis : diviser par quatre les émissions de GES pour 2050 par rapport à 1990 (Facteur 4), réduire de 20% les émissions de GES pour 2020, et atteindre les 23% d’énergies renouvelables (EnR) dans le mix national pour 2020. Ce principe de lutte contre le changement climatique s’appuie sur l’évolution de cinq domaines majeurs, avec de nombreux objectifs chiffrés et précis : le bâtiment (par exemple tous les PC de Bâtiments Basse Consommation (BBC) devront afficher une consommation inférieure à 50 kWh/m²/an (EP) pour fin 2010), l’urbanisme (mise en place de « Plans-Climat Énergies » territoriaux et d’un Plan Ville durable), les transports (réduction de 20% des GES dus aux transports pour 2020, ou encore développement des TCSP), l’énergie (mise en place de Schémas Régionaux d’EnR entre autres), et enfin la recherche (financement accru de certaines thématiques prioritaires : EnR, santé, environnement, etc.).

La biodiversité, les écosystèmes et les milieux naturels sont abordés sous différents angles. Tout d’abord la question de la biodiversité (avec la valorisation de Trames Vertes et Bleues (TVB) pour 2012 notamment), de l’eau (avec la volonté d’atteindre « un bon état écologique des eaux » pour 2025), de l’agriculture et sylviculture (atteindre 20% de production agricole biologique en 2020 par exemple), de la mer et du littoral (« éco-labellisation » des produits issus de la mer, etc.).

La prévention des risques, la santé et la gestion des déchets est un autre principe important défendu par la loi Grenelle I. Ce principe se décline sous deux aspects : l’environnement et la santé (avec

notamment la mise en œuvre des principes de précaution, de substitution, et de « pollueur-payeur »), et les déchets (avec la création de plans de gestion des déchets de chantier par exemple).

Les deux derniers principes défendus par la loi Grenelle I s’attachent aux questions démocratiques de la durabilité, en y abordant deux aspects majeurs : l’exemplarité de l’État (avec par exemple l’adaptation des marchés publics pour un plus grand respect des critères environnementaux), et la gouvernance, la formation et l’information (avec une volonté affichée de pérenniser la gouvernance à cinq proposée lors du Grenelle Environnement).

La loi Grenelle I sera rapidement suivie de la loi portant engagement national pour l’environnement, le 12 juillet 2010 et appelée loi Grenelle II. Les objectifs précis de la loi Grenelle I de 2009 seront ici traduits sous la forme de mesures et dispositions regroupées autour de 57 articles de loi. Ce texte a pour objectif de pose le cadre et les modalités d’application concrètes de la première loi, avec des outils de simplification, d’accélération des démarches, et de prévention (Ibid., 2010a). Elle repose encore une fois sur six volets majeurs : le bâtiment et l’urbanisme, les transports, l’énergie et le climat, la biodiversité, les risques comprenant la santé et les déchets, et la gouvernance.

Une décennie plus tard, si l’on considère les résultats, le bilan des engagements pris lors du Grenelle Environnement est très mitigé. Cependant, ces grandes rencontres largement médiatisées, et les deux lois qui en ont découlé ont permis de mettre la préoccupation environnementale et le développement

durable dans le débat national, auprès du grand public, tout en faisant évoluer les discours politiques.

Aujourd’hui, la politique nationale autour du développement durable s’accompagne d’autres stratégies voisines, aussi portées par le gouvernement, et qui ont tendance à rendre la position française un peu floue. Ainsi, la prénotion de développement durable semble perdre du terrain face à la plus récente stratégie nationale de transition écologique. En témoigne la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) promulguée en 2015, qui engage officiellement la France dans la recherche d’une Transition Énergétique et Écologique (TEE) tout en soutenant l’hypothèse d’une croissance économique forte et « verte ».

Depuis le début des années 2010, la politique française de développement durable est plus restreinte, et a tendance à intégrer sommairement les ODD onusiens. Ainsi, le gouvernement français a décidé de suivre un principe de « redevabilité » à l’égard de l’Agenda 2030 adopté par l’ONU en 2015 (Monnoyer-Smith, 2018). Cela signifie que l’État français fixe ses objectifs en fonction des ODD, et se doit de les atteindre sans quoi il assumera les sanctions éventuelles vis-à-vis de l’ONU13. C’est une sorte

13L’évaluation de ces objectifs repose sur une sélection de 98 indicateurs parmi les 200 proposés par l’ONU. Cette sélection et sa validation sont assurées principalement par une branche de l’INSEE (CNIS). Chaque année depuis

d’engagement à la carte. En 2018, parmi les 17 ODD de l’Agenda 2030 onusien, cinq objectifs de

développement durable ont été examinés et validés (Ibid., 2018) : la gestion de l’eau (ODD 6), l’énergie

(ODD 7), la ville durable (ODD 11), la consommation et la production (ODD 12), et la vie terrestre (ODD 15).

I.4. b. La construction d’un cadre : Grenelle Environnement et Plan Ville Durable

Si nous avons vu que la prénotion de développement durable s’est installée dès les années 1990 dans les politiques publiques françaises, l’apparition de la ville durable, dans les politiques d’aménagement notamment, semble intervenir plus tard au cours des années 2000.

Les villes et collectivités françaises se sont peu impliquées dans l’amorce de la campagne européenne des villes durables. L’échelon local n’a pas été l’initiateur de l’approche française du développement urbain durable, et on a assisté dans un premier à une large « résistance des élus » (Émélianoff, 2007). Suite à l’intégration des principes d’un développement durable dans les politiques nationales, avec la loi LOADDT de 1999, et SRU de 2000, les agglomérations urbaines françaises ont commencé à expérimenter une ville durable :

« Dans leur grande majorité, les villes françaises ont attendu le feu vert de l’État pour agir. » (Émélianoff, 2007).

Ainsi, depuis le début des années 2000 on assiste à des initiatives variées de la part des collectivités et des associations de collectivités françaises : création de politiques locales de durabilité, Agendas 21 locaux, élaboration de plans climat, etc. L’approche française devient alors largement décentralisée et de multiples échelons territoriaux prennent le virage du développement durable et de la ville

durable : agglomérations, pays, intercommunalités (syndicats, communautés de communes,

communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles), départements, régions. Cette situation décentralisée, mais issue d’un cadrage et d’un lancement gouvernemental est très spécifique au cas français, et se retrouve peu dans la campagne européenne des villes durables (Ibid., 2007).

2016, le Forum Politique de Haut Niveau (FPHN) se charge de faire un point d’étape et d’examiner l’avancée des objectifs (Monnoyer-Smith, 2018).

La décennie 2000 marque alors le début des expérimentations grandeur nature de la ville durable en France. De nombreuses collectivités souhaitent avoir leur propre « quartier durable », comme le souligne T. Souami :

« Début des années 2000, une fièvre inconnue s’empare des maires et des élus municipaux de France.

Les uns après les autres, ils décident de lancer sur « leurs » territoires la construction d’un écoquartier. À Rennes, Nantes, Grenoble et Narbonne, des projets sont inaugurés. » (Souami,

2011).

En parallèle de la diffusion des termes, une tension s’installe « entre fuite en avant éco-technologique et

arbitrages de nature politique » (Émélianoff, 2007). La compétitivité de la France sur l’échiquier européen