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Introduction. Évolution des pratiques et ville durable

II.1. a. La discipline et la posture de praticien

Définir ce qu’est l’urbanisme, et le rôle d’un urbaniste, est une tâche difficile et hasardeuse. Avant toute considération, il est primordial de rappeler que l’urbanisme relève de manière générale de l’action d’organiser un territoire. La définition donnée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, bien que rudimentaire, a le mérite de cadrer le sujet :

« Urbanisme - subst. masc. : Ensemble des sciences, des techniques et des arts relatifs à l'organisation

et à l'aménagement des espaces urbains, en vue d'assurer le bien-être de l'homme et d'améliorer les rapports sociaux en préservant l'environnement. ». (CNRTL, 1994c).

Outre cette interprétation générique, et comme le rappel J.-M. Guenod (2017) – ancien dirigeant de grands projets d’aménagement comme Euroméditerranée – l’urbanisme ne bénéficie pas d’une définition concise et partagée. Si certaines maximes ont marqué la pratique de nombreuses générations d’architectes, comme le « firmitas, utilitas, venustas » de Vitruve, ou le « jeu savant, correct et

magnifique des volumes sous la lumière » de Charles-Édouard Jeanneret-Gris, Le Corbusier, la pratique

urbanistique semble plus diffuse. Pour clarifier la question, il est possible de s’appuyer sur la contribution de Paul Randet (1981), dans son travail sur l’évolution de la discipline urbanistique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il distingue ainsi l’urbanisme réglementaire et l’urbanisme opérationnel. Il est important de considérer que la pratique urbanistique opérationnelle en France est liée à l’évolution de ces approches stratégiques et politiques. En outre, nous parlerons fréquemment d’aménagement opérationnel, entendu comme l’action d’organiser l’espace dans le cadre d’un projet opérationnel. Par ailleurs, l’action d’organiser l’espace dans un aménagement opérationnel sous-entend la considération d’un développement urbain1. Ce dernier peut être diffus et non maîtrisé, ou organisé et réfléchi. Il est entendu dans cette recherche comme un phénomène d’urbanisation réfléchi, poursuivant l’objectif de répondre aux besoins d’une démographie et d’une économie croissante en ville. Il se traduit alors par des stratégies et politiques prospectives, ainsi que des aménagements opérationnels. Un développement urbain peut répondre à des enjeux réels et des besoins fondés, ou s’utiliser plutôt comme un levier d’attraction pour de nouveaux investissements. Notre rôle n’est pas ici de juger de ce choix politique et idéologique. La forme prise par un développement urbain est plurielle, et peut se présenter comme une extension urbaine ou proposer un renouvellement d’un morceau de ville existant.

1Concernant la notion de développement, nous nous réfèrerons au cadrage réalisé dans la première partie de cette thèse.

En considérant l’urbanisme comme une discipline, on peut observer la grande diversité des acteurs et des métiers qu’elle recouvre. La catégorisation basée sur la dualité maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, est très répandue dans le milieu de l’urbanisme, de l’architecture et de la construction. Pour de nombreux professionnels, il y a le faire et le faire-faire, le commanditaire du projet et les exécutants. D’autres classifications sont aussi largement répandues : la transposition de la classification de Randet au milieu professionnel en distinguant strictement l’urbaniste qui fait du réglementaire et l’urbaniste qui fait de l’opérationnel ; ou bien la distinction entre organisme privé, public ou parapublic par exemple. Néanmoins, cette vision des métiers de l’urbanisme est un peu restrictive, et ne considère pas les approches parallèles hors du circuit classique des marchés publics visant la production de projets urbains. Si l’on dépasse ces considérations, on remarque que la posture d’urbaniste peut se retrouver dans toutes les étapes et tous les niveaux du projet urbain, mais aussi en dehors dans la prospective ou la gestion territoriale, le conseil, la communication, la politique, etc. Le CNJU (Collectif National des Jeunes Urbanistes)2 a proposé une liste relativement bien fournie, bien que non-exhaustive, des métiers de l’urbanisme : collectivités territoriales et leurs groupements ; entreprises de conseil en assistance à maîtrise d’ouvrage (cabinets de conseil et bureaux d’études) ; agences d’architecture et/ou de paysage en conception urbaine ; agences de développement et d’urbanisme parapubliques ; entreprises publiques locales (SEM, SPL, SPLA) ; bailleurs et organismes de l’habitat social (offices publics, entreprises, coopératives…), établissements publics d’aménagement et fonciers (EPA, EPF) ; administrations d’État (services centraux et déconcentrés) et agences nationales ; établissements d’enseignement et de recherche ; associations, fondations, laboratoires d’idées et ONG ; centres de ressources locaux et opérateurs spécifiques (SOLIHA, CAUE, centres de ressources de la politique de la ville…) ; opérateurs de services publics en réseau (transports, eau, déchets…) ; entreprises de la promotion immobilière et aménageurs privés ; établissements consulaires (chambres de commerce et d’industrie, d’agriculture, des métiers et de l’artisanat) ; cabinets de géomètres-experts ; presse spécialisée.

Au carrefour de l’action politique, économique et sociale, l’acte d’aménager en urbanisme tend toujours à défendre un intérêt général. L’urbanisme poursuit l’objectif de répondre en partie aux besoins et aux enjeux créés par nos sociétés urbaines, tout en s’efforçant de préserver au mieux les ressources et l’environnement existants. Par ailleurs, l’urbanisme est nécessairement pensé et réalisé à différentes échelles spatiales et temporelles, et se justifie par rapport à des enjeux sociaux, environnementaux, politiques ou économiques. C’est en cela une affaire de compromis, de choix ; et nonobstant la recherche d’un intérêt général, toute approche ou action en urbanisme se fonde sur une idéologie particulière, des valeurs défendues. C’est une discipline en constante évolution, une

2 Association créée en 2010 pour aider à l’insertion professionnelle des nouveaux diplômés en urbanisme. Ce collectif participe notamment aux échanges sur la reconnaissance et l’organisation de la profession en France, avec les grandes fédérations professionnelles concernées et les pouvoirs publics.

matière malléable qui change au grès des enjeux nos sociétés urbaines. Comme l’exprime avec pertinence J.M. Guenod (2017), l’urbanisme s’inscrit dans : « […] un monde urbain dont les paradigmes,

autant que les formes, évoluent fortement, à hauteur des changements économiques, politiques et sociétaux de notre époque ».

De manière pragmatique, l’urbanisme peut être considéré à la fois comme une discipline et comme une pratique. L’urbanisme peut alors avoir un rôle d’étude, d’observation et d’analyse, ou un rôle interventionniste, d’action sur le territoire. L’urbaniste a donc pour mission d’étudier les phénomènes urbains, le fonctionnement et l’organisation de la ville et des territoires où l’Homme est présent. Initiateur et garant de cette discipline, l’urbaniste traduit une posture, un certain regard, une vision particulière des mouvements de la ville. Chaque urbaniste est marqué par une approche sensible du fait urbain, et de ce fait chaque urbaniste à un regard différent sur la ville. Les sujets considérés dans le travail d’un urbaniste sont d’ailleurs nombreux : politique, économie, géographie, sociologie, fondements idéologiques, etc. Et les professions qui sont en lien direct avec l’urbanisme sont toutes aussi nombreuses : architectes, ingénieurs, économistes, juristes, sociologues, paysagistes, environnementalistes, géographes, etc. D’aucuns considèrent à juste titre que l’urbaniste, tel un chef d’orchestre du développement de l’urbain, doit composer avec l’ensemble de ces sujets et de ces professions. On parle ainsi souvent d’urbaniste ensemblier. Cette notion a le mérite d’aborder un sujet au combien sensible dans la sphère de l’aménagement opérationnel : la confusion des genres. En effet, indissociable de l’architecture et du paysage en tant que disciplines, l’urbanisme dans sa pratique est revendiqué par de multiples acteurs aux profils divers : architectes-urbanistes, ingénieurs-urbanistes, etc. L’objet de ce chapitre n’est pas de juger de l’aptitude et de la légitimité de revendiquer une pratique de l’urbanisme pour chacune de ces professions aux formations différentes, mais bien de dresser un portrait clair et objectif de la pratique en France. De façon caricaturale, nous pourrions dire qu’il apparaît vain de cadrer une discipline qui est par essence pluridisciplinaire. Selon Marcel Roncayolo (Ingallina, 2010), « l’urbanisme est sans doute moins une discipline qu’un domaine de réflexion et

d’action au carrefour de savoirs multiples ».

L’urbanisme peut être vu comme un guide pour le développement organisé des territoires urbanisé. Toutefois, si cette discipline est indispensable à l’organisation réfléchie d’une urbanisation, elle n’est pas indispensable au développement urbain en soi. Certaines formes d’urbanisation se font sans urbanisme et sans urbaniste, comme l’exemple bien connu de la favela de Paraisópolis à São Paulo, ou bien les recherches effectuées autour du concept italien de la Città Diffusa mis en avant par Francesco Indovina (1990) et Bernardo Secchi (2002) sur la région de Venise notamment. Cette région est marquée par une forte dispersion urbaine sans définir un seul et unique véritable centre prédominant. Ils constatent ainsi la formation d’une « ville diffuse » et questionnent cette périurbanisation qui se

développe sans aucune réflexion organisatrice. Considérant les différentes stratégies qui peuvent être suivies par les autorités locales en matière d’aménagement, Vilmin (2015) parle à ce sujet de «

laisser-faire en diffus » comme d’une action publique qui s’attache simplement à assurer le tracé des voies

publiques sans plan d’urbanisme spécifique. Outre le diffus, il définit par ailleurs trois autres stratégies pouvant être choisies par l’autorité publique locale, de la plus basique à la plus interventionniste, en parlant de « filières de l’aménagement » : l’ « aménagement négocié » où la collectivité échange avec les acteurs privés pour qu’ils assument l’aménagement d’un secteur donné, le projet précède alors le plan ; l’ « incitation réglementaire » qui définit un cadre réglementaire et juridique pour « inciter à la mutation sans

intervention directe », le plan précède alors le projet ; et l’ « aménagement public » où la collectivité aménage

directement un périmètre et assume les risques financiers, parfois aidée par une structure publique dédiée (aménageur public). Si l’urbanisation diffuse peut avoir un rôle dans la mise en pratique d’une

ville durable, nous observerons principalement des projets clairement pensés et structurés à l’échelle

urbaine (filières négociée, d’incitation réglementaire, ou d’aménagement public).

Il est primordial d’appréhender la grande pluridisciplinarité qui caractérise l’urbanisme pour comprendre sa mise en pratique en France. Dans le champ professionnel, on peut donc retrouver des profils divers : urbanistes, architectes, ingénieurs, paysagistes-concepteurs, géomètres experts, développeurs économiques, environnementalistes, géomaticiens, etc. Au dire du CNJU, on constate une spécialisation des modes d’exercices depuis une dizaine d’années. Interrogé par la diversité des métiers de l’urbanisme, il est légitime de se questionner sur les formations qualifiantes pour ces postes. Aujourd’hui, l’urbanisme est une discipline universitaire reconnue à l’échelle nationale, relevant de la section 24 « Aménagement de l’espace, Urbanisme » du Conseil National des Universités. Elle se définit, dans la sphère universitaire, comme étant en étroite filiation avec les Sciences Humaines et Sociales. Le CNU indique d’ailleurs les nombreuses disciplines « voisines » de l’urbanisme : architecture, sociologie, anthropologie et ethnologie, histoire et civilisations, géographie, droit public, science politique, sciences économiques, génie civil, ou encore biologie des populations et écologie. Il existe en conséquence un diplôme national de Master « Urbanisme et Aménagement », inscrit au Répertoire National des Certifications Professionnelles depuis 20183, qui fait de ce diplôme une qualification reconnue au sein de l’Union Européenne. Il peut être délivré au sein d’Instituts d’Urbanisme, mais aussi d’Institut d’Études Politiques (« Sciences Po »). Cependant, ce n’est pas le seul diplôme envisageable pour pratiquer l’urbanisme. En effet, outre les Instituts d’Urbanisme affiliés à certaines universités françaises, de nombreuses autres écoles proposent des formations diplômantes fléchées pour l’urbanisme : les Écoles Nationales Supérieures d’Architecture et de Paysage, les grandes écoles d’ingénieurs comme l’École Nationale des Ponts ParisTech, ou bien certaines écoles

3 Le diplôme de Master « Urbanisme et Aménagement » est délivré par vingt-trois établissements d’enseignement supérieur français selon le RNCP. Selon le CNJU, plus de 20 000 urbanistes ont été diplômés depuis la fin des années 1980.

polytechniques. La spécificité de la formation des urbanistes en France relève en effet de cette grande proximité avec les sciences humaines et sociales, qui peut présenter aujourd’hui certaines faiblesses dans la pratique opérationnelle de la discipline. En Suisse, en Allemagne, ou en Italie, l’urbanisme est enseigné au sein d’Instituts Polytechniques qui croisent les sciences et les techniques, comme l’architecture et l’ingénierie, avec les sciences sociales. En Angleterre, les nombreuses formations de

town planning se complètent par les enseignements d’urban design dans les écoles d’architectures. Ainsi,

il apparaît que dans ces contextes étrangers, où la technique est abordée de concert avec les sciences sociales, que la profession d’urbaniste est mieux reconnue. Par ailleurs, cette pléiade de formations qualifiantes pour devenir urbaniste ne reflète même pas à elle seule la réalité des acteurs professionnels en France. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui ont une pratique urbanistique, revendiquée ou non, sans pour autant être issus des formations spécialisées précédemment citées. Contrairement à la pratique architecturale, la pratique urbanistique n’est pas protégée et réservée aux seuls détenteurs du diplôme inscrit au RNPC. C’est alors l’accumulation des expériences qui va être source d’apprentissage. Le « terrain » reste aujourd’hui en France une formation indispensable et reconnue dans le milieu professionnel de l’urbanisme. Cette réalité est principalement vérifiable pour les architectes, ingénieurs et paysagistes. Si certains urbanistes, titulaires d’une formation reconnue, sont assez critiques à l’égard de ces personnes formées « sur le tas » (Guenod, 2017)4, il n’en reste pas moins vrai que la qualité d’un urbaniste peut se juger à l’aune de ses compétences, de ces réalisations, ou de ses travaux de réflexions.

Dans le milieu de l’aménagement opérationnel et de la construction, la pratique de l’urbanisme est en étroite relation avec la mise en œuvre des politiques publiques urbaines, sur des thématiques aussi variées que le logement, le transport, l’environnement, ou encore le dynamisme économique. Cette dimension opérationnelle relève d’actions concrètes spatialisées allant de la planification du territoire jusqu’à la conception de morceaux de ville, en passant par la gestion urbaine (organisation de la Cité, logique présente depuis l’Antiquité). L’urbaniste ne peut se cantonner à l’étude et l’action sur l’urbain aggloméré, ce que l’on entend communément par la ville, mais on peut plutôt parler d’action sur le territoire. En effet, les territoires non urbanisés nécessitent aussi une réflexion prospective sur leur développement. La ville reste l’objet préférentiel des urbanistes, à l’image des grandes métropoles, mais toute trace de société humaine est affaire d’urbanisation et donc d’urbanisme, même dans nos campagnes. Surtout avec les enjeux actuels de mitages des territoires périphériques, de recul des terres arables agricoles et d’étalement urbain. La mission d’un urbaniste est donc complexe. Il doit être capable de proposer une lecture claire du territoire pour ses usagers, ses acteurs et ses décideurs. Loin de se réduire à un simple aspect analytique et réglementaire, le travail d’urbaniste est aussi de modeler

4 Guenod (2017), se questionne sur la capacité des « « zurbanistes » […] d’origines disciplinaires diverses » à « revendiquer un savoir et savoir-faire ‘forcément légitime et opératoire’ ? » ; et d’ajouter : « Une mauvaise nouvelle : cette pandémie s’est récemment mais très vigoureusement étendue aux paysagistes, avec des résultats souvent aussi dramatiques ».

et de rendre concret les orientations politiques des décideurs locaux. Les stratégies territoriales définies peuvent alors se muer en projet territorial pour les collectivités. Le travail d’urbaniste dans le champ opérationnel peut alors passer par une commande publique ou privée. Ces commandes sont variées, et peuvent être plus ou moins opérationnelles : analyse ou prospective territoriale, conception et maîtrise d’œuvre urbaine, production d’opérations, gestion territoriale, coordination et conduite de projets, animation de projets territoriaux, expertises ou production de savoirs et d’enseignements. Cependant, l’urbaniste ne peut être un simple exécutant, un concepteur d’aménagements et de projets urbains à l’écoute spécifique des pouvoirs publics et des décideurs privés. Son rôle est plus large, et marque une spécificité déontologique propre à l’urbanisme : il a le devoir de prendre du recul sur le contexte territorial et sur son action. L’urbaniste traduit une posture et doit chercher à anticiper les besoins des populations concernées, en proposant un fonctionnement efficace et viable sur le plan socio-économique et environnemental. En ce sens, il est garant d’un certain développement durable. Ses missions de conception vont de l’aménagement des espaces publics et privés, à l’organisation du bâti et des activités économiques, en passant par la répartition des équipements et des services publics. En ce sens, son action porte directement sur la morphologie urbaine et l’organisation des réseaux qui composent la ville. L’urbanisme revêt donc une portée éthique en cherchant fondamentalement à améliorer l’organisation et le développement des sociétés humaines et donc les rapports et les conditions de vie des populations. La pratique de l’urbanisme se doit alors d’évoluer en parallèle des changements sociétaux, et de s’adapter aux nouveaux besoins des sociétés humaines. Ainsi, depuis quelques années l’urbanisme prend en compte de nouvelles problématiques, comme l’intégration de la question environnementale ou des problématiques énergétiques.

Si la limite entre l’action publique et privée tend à se réduire aujourd’hui, les pratiques restent sensiblement différentes entre ces deux cadres. Dans un cadre public, l’urbaniste contribue à l’élaboration de documents d’urbanisme pour une collectivité territoriale ou pour les services de l’État, en planifiant les équipements et services publics nécessaires au bon fonctionnement de la Cité : espaces publics, espaces verts, réseaux d’eau potable et d’assainissement, éclairage public, électricité, gaz, ou réseaux de communication, etc. Dans un cadre privé, l’urbaniste peut exercer des missions de maîtrise d’œuvre ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la conception de projets urbains spécifiques, au sein d’un bureau d’étude privé. Il se rapproche alors des champs professionnels de l’architecture, de l’ingénierie territoriale, du paysagisme, voire de l’économie de projet ou du droit. L’urbaniste doit être capable de faire appel à des profils professionnels variés pour élaborer un document d’urbanisme, développer une stratégie territoriale, ou concevoir un projet d’aménagement : architectes, paysagistes, ingénieurs, économistes, juristes, environnementalistes, écologues, sociologues, ou géographes. Comme l’explique Philippe Clergeau (2015) : « l’action d’urbanisation

culture large pour diriger, arbitrer et valoriser chacune des compétences qui doit former son équipe ». Les urbanistes,

ayant suivi les formations de Master en urbanisme ou ayant une expérience professionnelle suffisante, ont souvent plusieurs compétences transversales et une base de connaissances suffisamment large qui leur permettent de dialoguer avec tous les acteurs impliqués dans la fabrique de la ville, mais ne peuvent maîtriser de manière approfondie l’ensemble des connaissances et techniques nécessaires à l’action d’urbanisation. Pour l’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes : « les professionnels

de l’urbanisme ont toujours plusieurs compétences urbaines, mais ils ne les ont jamais toutes. Plutôt que la somme des techniques, des arts et des sciences, ils en maîtrisent l’entrecroisement. ». En effet, la plus grande compétence

d’un urbaniste se situe dans cette capacité à coopérer, à dialoguer et manager les multiples professions impliquées dans l’aménagement. Il n’y a pas d’urbaniste « type », de profil professionnel unique. Les domaines d’activité sont variés, les disciplines engagées aussi, les spécialistes diverses ont autant leur rôle à jouer que les « généralistes ».

II.1. b. L’émergence d’un urbanisme de grandes opérations

L’urbanisme est une discipline relativement ancienne et sa pratique l’est encore plus. Elle tire ses racines de l‘époque où les hommes ont commencé à organiser la vie de leur communauté, en se rassemblant autour des premières sociétés humaines. L’on peut considérer que les hommes se sédentarisent et se regroupent dès le Néolithique avec le développement de l’agriculture et de l’élevage (Benevolo, Peyre, 2004), mais l’histoire de la ville pensée et organisée débute indéniablement avec la constitution des premières cités antiques, autour de la polis. L’histoire de la ville est directement corrélée avec l’histoire des civilisations humaines, et de fait tire son origine sémantique du latin civis : la ville. Les grandes cités de la Rome antique sont ainsi fondées sur des principes d’aménagement