• Aucun résultat trouvé

a. Concentration et taille des embryons chargés

I.1. Rôle déterminant des ions positifs au PDD

Les résultats présentés dans ce paragraphe constituent la suite de l’étude introduite dans le paragraphe I.1 du Chapitre 4 de ce manuscrit et publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics sous la référence « Long-term observations of cluster ion concentration, sources and sinks in clear sky conditions at the high altitude site of the puy de Dôme, France » (Rose et al., 2013). Au vu de la fréquence accrue de nucléation en altitude, l’objectif était de déterminer si les ions, plus concentrés en altitude, avaient un rôle dans ces événements, et quelles étaient leurs caractéristiques, sources et puits dans ce type d’environnment.

I.1.a. Concentration et taille des embryons chargés

Avant de procéder à l’étude des propriétés des embryons, un contrôle qualité a été effectué sur les mesures afin de filtrer les données pour lesquelles les concentrations en embryons présentaient des valeurs incohérentes. De plus, afin de s’affranchir du puits important que représente le nuage vis-à-vis des embryons (Lihavainen et al., 2007 ; Venzac et al., 2007), les passages nuageux ont été filtrés pour la suite de cette étude. 842 jours ont ainsi été analysés, répartis de la manière suivante selon les saisons : 175 en hiver, 230 au printemps, 248 en été et 189 en automne.

La Figure 5-1 représente les variations mensuelles des concentrations médianes en embryons positifs et négatifs de diamètre compris entre 0.8 et 1.9 nm. On remarque en premier lieu la présence permanente des embryons chargés au PDD, avec des concentrations typiquement comprises entre 200 et 600 cm-3. Il apparait également que les concentrations mensuelles des deux polarités suivent des variations similaires, avec des valeurs globalement plus faibles en fin d’hiver et au début du printemps par rapport au reste de l’année. La

Figure 5-1 Variations mensuelles de la concentration en embryons chargés (0.8 – 1.9 nm). La ligne rouge représente la médiane mensuelle, les extrémités inférieure et supérieure du rectangle bleu représentent le 1er

Chapitre 5 Vers une meilleure compréhension du processus de FNP

123

présence continuelle des embryons chargés n’est pas spécifique au PDD et a déjà été rapportée dans la littérature pour des environnement variés (Hirsikko et al., 2011), depuis la haute altitude (Boulon et al., 2010) aux stations côtières (Komppula et al., 2007 ; Vana et al., 2008), en passant par des stations continentales de basse altitude (Kulmala and Kerminen, 2008 ; Manninen et al., 2009). Les variations mensuelles de la concentration en embryons observées au PDD sont en outre similaires à celles décrites par Boulon et al. (2010) au Jungfraujoch. Ces variations diffèrent par contre de celles observées à Hyytiälä où l’on distingue deux maxima en Août et Octobre et deux minima en Février et Juillet (Hirsikko et al., 2005).

Une comparaison plus approfondie des deux polarités révèle que les embryons négatifs présentent des concentrations plus dispersées, et en général légèrement supérieures à celles des embryons positifs. Ce constat confirme les résultats de l’étude menée par Venzac et al. (2007) au PDD et est en accord avec les observations rapportées pour d’autres sites (Vana et al., 2006 ; Komppula et al., 2007 ; Vana et al., 2008). Ces observations vont toutefois à l’encontre des conséquences attendues de l’effet d’électrode atmosphérique. Cet effet prévoit que par temps calme, des concentrations en embryons positifs supérieures devraient être détectées depuis le sol jusqu’à quelques mètres de haut à cause de la charge négative de la Terre (Hoppel et al., 1986). Au PDD, on peut supposer que ce sont les vents verticaux et horizontaux, souvent observés, qui créent une turbulence entrainant le mélange de la masse d’air et la suppression des effets du champ électrique.

Lorsque l’on considère séparément les jours présentant un évènement de FNP de ceux n’en présentant pas (d’après le classement du paragraphe I.1, Chapitre 4 de ce manuscrit), on observe que les différences de concentration entre les deux polarités sont réduites les jours d’évènement. En effet, la valeur médiane du rapport des concentrations en embryons positifs sur celles des embryons négatifs est de 0.91 les jours sans évènement et

Figure 5-2 Variation journalière de la concentration en embryons positifs selon la saison pour les jours a) avec évènement de FNP et b) sans évènement. La ligne rouge représente la médiane mensuelle, les extrémités inférieure et supérieure du rectangle bleu représentent le 1er et le 3ème quartile, respectivement, et les extrémités des lignes noires représentent le 10eme et le 90eme percentile.

Chapitre 5 Vers une meilleure compréhension du processus de FNP

124 atteint 0.96 les jours de FNP.

Afin de mener plus loin la comparaison entre les jours avec et sans évènement, la Figure 5-2 représente la variation journalière de la concentration en embryons positifs en fonction des saisons et séparément pour les jours avec et sans évènement. Il apparait que les jours sans évènement, et ce quelle que soit la saison, on ne distingue aucune variation journalière marquée de la concentration en embryons positifs. Au contraire, les jours pour lesquels on détecte un évènement de FNP semblent présenter un maximum de concentration autour de 12:00 UTC, suggérant une augmentation de la concentration éventuellement liée à l’occurrence du processus de FNP.

Afin d’évaluer si les concentrations en embryons positifs obtenues les jours avec et sans évènement présentent des différences statistiquement significatives, le test U des médianes de Mann – Whitney a été appliqué aux deux ensembles de concentrations. Le résultat de ce test, présenté Figure 5-3, révèle que, pour toutes les saisons, l’hypothèse nulle selon laquelle les deux ensembles présentent des médianes différentes ne peut être rejetée avec un seuil de 5% sur la plage horaire 10h00-16h00. Cela confirme donc que les jours d’évènement, la concentration en embryons positifs est significativement plus élevée que les jours sans évènement entre 10h00 et 16h00, et pour une période horaire encore plus élargie en hiver et au printemps. Les différences les plus significatives sont observées en hiver entre 10h00 et 16h00, avec des concentrations multipliées par des facteurs compris entre 1.24 et 1.92 les jours d’évènements. C’est au contraire en automne que l’on obtient les différences les plus faibles, avec des concentrations multipliées par des facteurs de l’ordre de 1.08-1.20 les jours d’évènement.

Une analyse similaire réalisée sur la concentration en embryons négatifs révèle qu’il est délicat de distinguer une variation journalière marquée de la concentration, et ce quelle que soit la saison et le type de jour, avec ou sans évènement de FNP. De plus, après application du test de Mann-Whitney, des différences significatives de la concentration entre les jours avec et sans évènement ne sont visibles qu’en hiver et au printemps sur toute la journée (Figure 5-4), ce qui suggère que ces différences pourraient ne pas être liées à l’occurrence du processus de FNP.

L’observation d’une augmentation de la concentration en embryons les jours d’évènements a déjà été rapportée dans la littérature, que ce soit à haute altitude au

Figure 5-3 Résultat du test de Mann – Whitney appliqué aux concentrations en embryons positifs mesurées les jours avec et sans évènement de FNP séparément pour chaque saison. Les carrés sont coloriés lorsque pour l’heure correspondante l’hypothèse nulle d’échantillons présentant des médianes différentes ne peut être rejetée avec un seuil de 5%.

Chapitre 5 Vers une meilleure compréhension du processus de FNP

125

Jungfraujoch avec des concentrations multipliées par 1.5 entre 09h00 et 12h00 UTC (Boulon et al., 2010), ou à basse altitude à Hyytiälä (Hõrrak et al., 2008). Toutefois, contrairement à ce qui est observé au PDD, les deux études citées précédemment ne mentionnent pas de comportement spécifique pour l’une ou l’autre des polarités. La variation journalière de la concentration en embryons avec un minimum stable durant la nuit et un maximum aux alentours de midi observée au PDD a également été décrite au Jungfraujoch (Boulon et al., 2010) et semble être caractéristique des sites de haute altitude. Elle s’oppose à la variation présentant un maximum de nuit rapportée pour plusieurs sites de basse altitude (Hõrrak et al., 2003 ; Hõrrak et al., 2008 ; Yli-Juuti et al., 2009). Pour ces sites de basse altitude, il semblerait que la concentration en embryons suive une variation journalière similaire à celle de la concentration en radon (qui est une source d’embryons chargés, plus de détails dans le paragraphe suivant) : on observe en effet une accumulation fréquente du radon près du sol durant la nuit, favorisée par de faibles vents et par une hauteur de couche de mélange faible qui « emprisonne » les composés émis par la surface. Au contraire, pour les sites d’altitude, l’intensité des émissions de surface, incluant le radon, est plus forte en journée sous l’influence de vents catabatiques ou lorsque la CLA atteint l’altitude du site de mesure par des phénomènes de convection.

Si les caractéristiques concernant la concentration en embryons positifs relevées au PDD semblent être communes à d’autres sites, en particulier d’altitude, la dissimilarité observée entre les variations journalières des concentrations en embryons des deux polarités n’a, semble-t-il, pas été observée ailleurs de manière aussi significative (ex : Yli-Juuti et al., 2009). Ces différences observées au PDD, en particulier en été en en automne, pourraient indiquer des implications différentes des embryons dans le processus de FNP selon leur polarité.

Afin d’étudier les variations du diamètre des embryons, une distribution log-normale a été ajustée à chaque médiane horaire de la distribution en taille des embryons. Le diamètre du mode (d+, pour les embryons positifs, d- pour les négatifs) correspond à la valeur du paramètre µ de la loi log-normale. La Figure 5-5 présente la variation journalière de d+

séparément pour chaque saison et pour les jours avec et sans évènement de FNP. Il n’apparait pas de différence majeure entre les saisons mais on observe par contre une variation journalière de d+ les jours d’évènement avec un maximum en milieu de journée qui n’est pas visible les jours sans évènement. Cette observation est confirmée par l’application

Figure 5-4 Résultat du test de Mann – Whitney appliqué aux concentrations en embryons négatifs mesurées les jours avec et sans évènement de FNP séparément pour chaque saison. Les carrés sont coloriés lorsque pour l’heure correspondante l’hypothèse nulle d’échantillons présentant des médianes différentes ne peut être rejetée avec un seuil de 5%.

Chapitre 5 Vers une meilleure compréhension du processus de FNP

126

du test des médianes de Mann – Whitney (Figure 5-6), qui révèle que le diamètre du mode des embryons positifs est significativement augmenté en milieu de journée (au moins entre 12h00 et 14h00 pour toutes les saisons) les jours présentant un évènement de FNP.

La figure présentant les variations de d- n’est pas présentée ici mais il apparait que les valeurs de d- sont typiquement comprises entre 0.9 et 1.1 nm, et sont en moyenne inférieures aux valeurs de d+, comprises entre 1.2 et 1.3 nm. Les embryons négatifs semblent présenter des diamètres légèrement plus faibles en hiver et au printemps par rapport aux deux autres saisons, et ce en particulier les jours sans évènement. Il est possible de distinguer une variation journalière marquée de d- uniquement les jours d’évènement en été, avec un maximum obtenu aux alentours de 12 :00. L’application du test de Mann – Whitney confirme les différences de diamètre observées en été et suggère également qu’il existe des différences de diamètres significatives entre les jours avec et sans évènement en hiver et au printemps (Figure 5-7). Cependant, pour ces deux dernières saisons, les différences sont observées sur des périodes restreintes qui ne coïncident pas forcément avec les heures de FNP, ce qui

Figure 5-5 Variation journalière du diamètre du mode des embryons positifs selon la saison pour les jours a) avec évènement de FNP et b) sans évènement. La ligne rouge représente la médiane mensuelle, les extrémités inférieure et supérieure du rectangle bleu représentent le 1er et le 3ème quartile, respectivement, et les extrémités des lignes noires représentent le 10eme et le 90eme percentile.

Figure 5-6 Résultat du test de Mann – Whitney appliqué aux diamètres du mode des embryons positifs obtenus les jours avec et sans évènement de FNP séparément pour chaque saison. Les carrés sont coloriés lorsque pour l’heure correspondante l’hypothèse nulle d’échantillons présentant des médianes différentes ne peut être rejetée avec un seuil de 5%.

Chapitre 5 Vers une meilleure compréhension du processus de FNP

127

suggère que le lien entre l’augmentation du diamètre des embryons négatifs et le processus de FNP doit être faible, alors qu’il pourrait potentiellement être plus élevé dans le cas des embryons positifs.

Des diamètres d’embryons similaires (1.1 – 1.3 nm) ont été observés par Manninen et al. (2009) à Hyytiälä, avec là aussi une tendance pour les embryons négatifs à être plus petits que les positifs. De même, l’augmentation du diamètre des embryons (et de leur concentration) consécutive au déroulement du processus de FNP les jours d’évènement a été rapportée par Boulon et al. (2010) au Jungfraujoch. Par contre, le fait qu’au PDD ce soit les propriétés (concentration et taille) des embryons positifs qui montrent le plus de différences entre les jours avec et sans évènement semble plutôt inhabituel. En effet, ces observations suggèrent que les embryons positifs pourraient être impliqués de manière plus significative que les négatifs dans le processus de FNP et s’opposent donc à une tendance observée dans la littérature. En effet, plusieurs études affirment que les embryons négatifs serait souvent préférés aux embryons positifs dans le processus de FNP (ex : Wilhelm et al., 2004 ; Laakso et al., 2007 ; Enghoff and Svensmark, 2008). On rappellera toutefois que la littérature propose également des études dont les résultats ne semblent pas mettre pas en avant d’implications inégales des deux polarités dans le processus de FNP (Hõrrak et al., 2008; Boulon et al., 2010). Il semblerait ainsi que ce ne soit pas la polarité des embryons en elle-même qui influence la FNP, mais plutôt une polarité dans un environnement donné.

Afin d’essayer de mieux interpréter les variations des propriétés des embryons positifs observées entre les jours avec et sans évènement, une étude des sources de ces embryons a été menée par deux méthodes différentes. La première méthode consiste à calculer l’intensité des sources à partir des puits connus en utilisant une équation d’équilibre appliquée à la concentration des embryons. La seconde méthode consiste en une mesure plus directe des sources identifiées comme telles. Les résultats de l’application de ces deux méthodes sont présentés dans les deux paragraphes suivants.

I.1.b. Calcul du taux d’ionisation des embryons positifs à partir de l’équation