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3. Analyse descriptive : évolution des arrivées en fin de droits

3.3. La conjoncture économique

3.3.3. Évolution du chômage au sens du BIT

Les analyses précédentes sont basées sur la définition administrative du chômage, ce qui les rend fortement dépendantes des révisions législatives. En effet, la mesure du chômage est affectée par tous les changements législatifs ou les procédures administratives modifiant les incitations ou les critères pour être inscrits comme demandeur d’emploi. Par exemple, une réforme législative qui diminue les incitations à s’inscrire au chômage peut provoquer une diminution des chômeurs inscrits sans que la situation des individus à la recherche d’un emploi ait réellement changé. Par conséquent, il est utile de prendre en compte une autre mesure du chômage qui soit indépendante de ces changements administratifs.

À cet effet, nous utilisons ici la définition du chômage donnée par le Bureau International du Travail (BIT). Celle-ci comprend toutes les personnes n’ayant pas d’emploi, n’ayant pas travaillé durant la semaine de référence, étant disponibles sur le court terme à travailler et s’engageant activement dans la recherche d’une activité professionnelle. Une telle caractérisation devrait rendre mieux compte du phénomène réel du chômage par rapport à la définition administrative adoptée par le SECO.

En Suisse, les données sur le chômage au sens du BIT sont récoltées dans le cadre de l’Enquête suisse sur la population active (ESPA). Il s’agit d’une enquête basée sur un échantillon de la population suisse.

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Elle ne fournit cependant pas des informations sur le taux de chômage au sens du BIT pour le canton de Genève, mais seulement pour la région lémanique.

La figure 13 présente une comparaison du taux de chômage au sens du SECO avec celui au sens du BIT dans la région lémanique. On constate que, au cours de l’ensemble de la période, les inscriptions auprès des ORP sous-estiment les chômeurs réels. Ces deux indicateurs suivent globalement des tendances similaires, les hausses et les baisses des deux ayant lieu plus ou moins aux mêmes moments.

Cependant, l’écart entre ces mesures augmente à partir de 2010. Entre février 2007 et septembre 2008, l’écart entre les moyennes des deux taux de chômage équivaut à 0.45 alors qu’il vaut 1.69 entre mars 2010 et décembre 2013. On remarquera que la 4e révision de la LACI amène à une diminution du chômage selon le SECO, alors que la même tendance n’est pas observée pour le chômage au sens du BIT.

Celui-ci reste relativement stable si l’on omet les petites fluctuations. On peut ainsi identifier trois phases entre 2007 et 2014. Une première période avec un faible niveau de chômage, suivie par un pic fin 2009 qui ne se résorbe que partiellement. Le niveau de chômage reste ensuite relativement constant.

Figure 13 – Taux de chômage au sens du SECO et au sens du BIT dans la région lémanique Source : SECO, statistique du marché du travail et ESPA, Enquête suisse sur la population active

Conclusion

On peut résumer les évolutions de la conjoncture économique dans le canton de Genève en trois grandes périodes. Entre 2007 et la première moitié de 2008, le canton de Genève a connu une conjoncture économique favorable avec une croissance relativement élevée et une baisse du chômage.

La période allant du deuxième semestre 2008 à début 2010 est caractérisée par une diminution du PIB et une hausse du chômage. Finalement, la dernière période se caractérise par une hausse du PIB et un taux de chômage relativement constant plus bas que durant la crise de 2009.

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Nous devons tenir compte de ces évolutions dans les analyses suivantes. Puisque les effets de la conjoncture économique se manifestent sur le marché de l’emploi avec un certain décalage temporel la crise économique entre 2008 et 2010 devrait influencer les tendances observées dans la deuxième cohorte, mais également celles de la troisième. On peut ainsi s’attendre à observer un taux moindre de retour en emploi pendant ces deux périodes.

Nous avons aussi vu que la mesure du chômage à l’aide de la définition du BIT se distingue de celle basée sur la définition administrative du chômage. Cette dernière tend à sous-estimer le phénomène réel du chômage et est trop dépendante des variations légales et administratives. Dès lors, il nous semble nécessaire d’inclure également l’indicateur du BIT dans les outils de monitoring des mesures sur le chômage.

Points clés

- La période entre 2007 et 2013 est caractérisée par trois grandes phases conjoncturelles : o Entre 2007 et la première moitié de 2008 : hausse du PIB et baisse du taux de

chômage.

o Entre la deuxième moitié de 2008 et la fin de 2009 : baisse du PIB et hausse du taux de chômage.

o Entre la fin de 2009 et les premiers mois de 2013 : hausse du PIB et baisse rapide du taux de chômage.

- Ces évolutions doivent être prises en compte dans les analyses suivantes. Il s’agit notamment de considérer l’impact de la conjoncture économique particulièrement défavorable pour la deuxième et la troisième cohorte.

- La définition administrative du chômage sous-estime le phénomène réel du chômage.

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3.4. Conclusions

Dans cette étude, nous sommes amenés à comparer des cohortes de CFD afin d’évaluer l’impact de différents cadres légaux. Cependant, ces derniers ne sont pas la seule différence que l’on observe entre nos cohortes. Comme nous l’avons montré dans ce chapitre, le rythme des AFD, la conjoncture économique ou encore les caractéristiques sociodémographiques des CFD ont beaucoup évolué sur la période. Rappelons brièvement les principales évolutions que nous avons constatées.

L’évolution des AFD est marquée par trois changements législatifs. En mars 2007, on observe un premier pic d’AFD qui fait suite à la fin du droit de prolongation des indemnités de 120 jours pour les chômeurs âgés de plus de 50 ans. Entre novembre 2009 et mai 2010, on observe une baisse, suivie par une hausse des AFD qui culmine en septembre 2010. Ces mouvements sont liés à la réintroduction de manière rétroactive du droit de prolongation de 120 jours, mais cette fois pour les plus de 30 ans uniquement. Finalement, un deuxième pic de 2’258 AFD par mois est observé en mars 2011. Ce pic fait suite à l’entrée en vigueur de la 4ème révision de la LACI en avril 2011. Rappelons que cette révision diminue de manière rétroactive le nombre d’indemnités auxquelles ont droit un nombre important de chômeurs. L’impact de la révision est renforcé par la fin de la prolongation de 120 jours des indemnités de chômage pour les individus de plus 30 ans et plus à partir de fin mars 2011.

Si l’on excepte les changements observés dans ces moments particuliers, on observe une augmentation de l’ordre de 30 % des AFD par mois (comme du taux d’AFD) sur la période. Cette augmentation peut, à notre sens, être mise en relation avec la quatrième révision de la LACI et elle est, pour cette raison, vraisemblablement durable.

La conjoncture économique a également connu des évolutions importantes sur la période. Entre 2007 et la première moitié de 2008, la situation économique était favorable. Ensuite, à partir du deuxième semestre de 2008, on observe une diminution du PIB et une hausse du chômage. Finalement, à partir de début 2010, on observe une reprise du PIB et un taux de chômage relativement constant qui baisse par rapport à la crise de 2009.

Les caractéristiques des chômeurs en fin de droits ont également changé sur la période. On observe une augmentation de la part des CFD étrangers, jeunes, avec un niveau de formation et un gain assuré élevés.

On peut penser que ces évolutions auront de fortes influences sur nos analyses ultérieures.

Premièrement, il est possible que les brusques changements d’AFD, notamment le pic observé en mars 2011, aient amené certaines institutions à être débordées par le nombre de cas à traiter. Cette capacité à gérer les AFD fait partie intégrante de l’évaluation. Dès lors, ceci ne devrait pas biaiser nos résultats, mais la question mérite à notre sens d’être posée.

Deuxièmement, nous avons observé une conjoncture économique particulièrement défavorable pendant la deuxième cohorte. En raison du décalage temporel associé aux effets de la situation économique sur le marché de l’emploi, cette période économiquement difficile devrait affecter les tendances que l’on observe dans la deuxième, mais également dans la troisième cohorte. Pour cette raison et indépendamment du cadre légal, on peut s’attendre à un taux de retour en emploi plus faible pendant ces deux périodes. Il est nécessaire d’en tenir compte.

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Finalement, les évolutions sociodémographiques nous amènent à penser que les dernières cohortes devraient afficher un taux de retour en emploi plus élevé que les autres. En effet, la littérature montre que les jeunes, les personnes formées et celles disposant d’un gain assuré élevé sont celles qui se réinsèrent le plus facilement sur le marché du travail après l’AFD (OFS, 2009 ; Simonet et al., 2013).

Concrètement, ceci implique que l’on peut s’attendre à une augmentation du taux de retour en emploi due à ces changements de caractéristiques sociodémographiques, indépendamment des changements dans la politique publique de réinsertion (PPR).

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