• Aucun résultat trouvé

États-Unis

Dans le document LES FONDS SOUVERAINS02 (Page 137-141)

13. Mesures nationales de protection

13.4. États-Unis

13.4.1. CFIUS

Les États-Unis ont renforcé leur législation sur les investisse-ments étrangers aux termes du Foreign Investment and National Security Act (FINSA), entré en vigueur le 24 octobre 2007 et mis en œuvre par des regulations en date du 14 novembre 200827. Les investissements étrangers présentant un risque pour la « sécurité »

27 Le FINSA a modifié le Defense Production Act de 1950, tel qu’amendé par l’Om-nibus Trade and Competitiveness Act de 1988 (dit amendement Exon-Florio).

© Groupe Eyrolles – © Les Echos Editions

du pays sont examinés par un comité interministériel, placé sous la présidence du Département du Trésor – Committee on Foreign Investments in the United States ou CFIUS –, et peuvent être sus-pendus ou interdits par le président des États-Unis.

La notion de sécurité nationale est interprétée de manière extensive et englobe la défense, les infrastructures et les tech-nologies critiques, l’énergie, les techtech-nologies duales, ainsi que les opérations des investisseurs contrôlés par un gouvernement étranger. Le CFIUS peut considérer tout autre facteur qu’il estime approprié pour déterminer si une opération présente un risque pour la sécurité nationale28.

Les opérations visées sont celles permettant à un investisseur étranger de prendre le contrôle d’une entreprise américaine. Le contrôle est défini comme le pouvoir de prendre les décisions importantes par le niveau de participation au capital, le nombre de sièges au conseil d’administration ou tout autre moyen. Les prises de participations n’excédant pas 10 % des droits de vote d’une société américaine sont exclues du champ d’application de la procédure, à condition toutefois que la participation soit exclu-sivement détenue à des fins d’investissement passif.

L’investisseur étranger peut notifier son projet d’investissement au CFIUS. Un processus de consultation préalable est possible et même encouragé pour que le dossier de notification soit com-plet. Le CFIUS peut aussi diligenter une procédure de sa pro-pre initiative, y compris après la réalisation d’une opération. Il a trente jours à compter de sa saisine pour décider, sur la base d'une analyse fournie par la direction des renseignements généraux, si l’opération présente des risques pour la sécurité nationale. Si tel est le cas, il doit conduire une enquête complémentaire dans un délai de quarante-cinq jours.

28 Department of the Treasury, « Guidance concerning the national security review conducted by the CFIUS », Billing code 4810-25.

© Groupe Eyrolles – © Les Echos Editions

Le CFIUS peut recommander de suspendre ou interdire l’opé-ration ; la décision finale appartient alors au président des États-Unis, qui a quinze jours pour statuer. Le CFIUS peut aussi sou-mettre l’opération à conditions ou conclure un accord de limita-tion des risques avec l’investisseur. En cas de non-respect, il peut imposer des mesures pour mettre fin aux risques, telle que la vente de certaines activités, ou annuler l’opération.

Le CFIUS doit rendre compte de son activité au Congrès, après la conclusion de chaque procédure, en certifiant l’absence de pro-blèmes non résolus de sécurité nationale, et dans des rapports annuels détaillés. Cent quarante-sept opérations lui ont été sou-mises en 2007.

13.4.2. Application aux fonds souverains

Le dispositif américain de contrôle des investissements est peu favorable aux fonds souverains. En effet, le contrôle public des fonds établit une sorte de présomption de risque pour la sécurité nationale des États-Unis.

La réforme de 2007 a été adoptée notamment pour faire face à l’intensification des activités des investisseurs publics étrangers aux États-Unis. Elle résulte d’intenses débats au Congrès, suscités par deux opérations controversées. La première est le projet d’ac-quisition en 2005 par CNOOC, une entreprise d’État chinoise, de la société américaine d’énergie Unocal. Plusieurs parlementaires se sont opposés au projet, aux motifs que CNOOC utilisait des fonds publics pour faire son enchère et qu’Unocal disposait d’une technologie sensible. CNOOC a été contrainte de se retirer.

La seconde opération est l’acquisition en 2006 par Dubaï Ports World (DPW), filiale du fonds souverain de Dubaï ICD, d’une société britannique (P&O) contrôlant l’exploitation des ports de New York, Newark, Philadelphie, Baltimore, Miami et la Nouvelle-Orléans. Alors que l’opération avait initialement reçu l’aval du

© Groupe Eyrolles – © Les Echos Editions

CFIUS dès la première période d’examen de trente jours, elle a subi le feu croisé de membres du Congrès, notamment en rapport avec les attentats du 11 septembre 2001. Devant la polémique, DPW a dû céder, pour des raisons de sécurité nationale, les acti-vités américaines au groupe américain AIG.

La nouvelle règlementation a renforcé le contrôle des investisse-ments publics étrangers. Toute opération dans laquelle l’acquéreur est un gouvernement étranger ou une entité contrôlée par un gou-vernement étranger, notamment un fonds souverain, doit être sou-mise au CFIUS pour examen et, sauf exception, pour enquête.

Le CFIUS s’attache en particulier aux considérations suivan-tes29 :

quelle est l’attitude de l’État concerné au regard des accords de

non-prolifération ?

la politique d’investissement de l'acquéreur étranger est-elle

fondée sur des motifs exclusivement commerciaux ?

ses décisions sont-elles prises de manière indépendante du

gouvernement et sa structure de gouvernance permet-elle de garantir cette indépendance ?

l’investisseur est-il transparent quant à ses objectifs, son cadre

institutionnel et son information financière ?

se conforme-t-il aux normes des pays dans lesquels il investit,

notamment en matière de communication ?

Plus généralement, le dispositif américain laisse à l’administra-tion une latitude importante dans l’interprétal’administra-tion des nol’administra-tions de

« sécurité nationale », de « contrôle » ou d’« infrastructures critiques », ce qui compromet la sécurité et la prévisibilité juridiques.

29 Department of the Treasury, « Guidance concerning the national security review conducted by the CFIUS », Billing code 4810-25.

© Groupe Eyrolles – © Les Echos Editions

Enfin, la procédure est longue : si l’examen et l’enquête du CFIUS sont enfermés dans des délais stricts de soixante-quinze jours au total, la phase de pré-notification, qui précède géné-ralement la notification définitive pour s’assurer que le CFIUS dispose de toutes les informations nécessaires lorsqu’il commence son examen officiel, peut rallonger les délais de plusieurs mois.

En janvier 2009, le CFIUS a autorisé la création d'une joint-ven-ture entre la société américaine de haute technologie AMD et un fonds souverain d'Abu Dhabi (voir 18.3.).

Si les interdictions sont très rares, la menace d’un veto pré-sidentiel peut décourager des projets d’acquisition ou permettre d’imposer des modifications substantielles.

Dans le document LES FONDS SOUVERAINS02 (Page 137-141)