Université Claude Bernard Lyon 1 Semestre printemps 2016 - 2017 Préparation aux épreuves écrites du CAPES
Fiche 5 CALCUL INTÉGRAL
Partie I : Intégrale de Riemann Notions abordées
• Sommes de Darboux, définition de l’intégrabilité au sens de Riemann, exemples.
• Critères d’intégrabilité (continuité, monotonie, produit et limite uniforme).
• Linéarité de l’intégrale, relation de Chasles.
• Résultats de positivité.
• Théorème fondamental du calcul intégral.
• Éléments techniques : changement de variable, intégration par parties, formules de la moyenne, théorème de Cauchy-Schwarz.
• Applications : lien avec l’aire, seconde formule de la moyenne, intégrales de Wallis.
PARTIE I : Intégrale de Riemann
Dans cette partie, on s’intéresse à la notion de Riemann intégrabilité de fonctions bornées défi- nies sur des intervalles [a, b] avec a, b ∈ R, a < b. Pour tous a, b réels vérifiant a < b, on notera S(a, b) l’ensemble des subdivisions de l’intervalle [a, b], c’est à dire l’ensemble des suites finies du types={x0 =a < x1<· · ·< xn=b}.
A - PREMIÈRES DÉFINITIONS ET EXEMPLES
Définition (sommes de Darboux). Soitf une fonction bornée[a, b]→R. Étant donnén∈N∗ et une subdivision s = {x0 <· · ·< xn} ∈ S(a, b), on définit les sommes de Darboux inférieure D−s (f) et supérieureD+s (f) par :
Ds−(f) =
n
X
k=1
(xk−xk−1)mk , mk = inf
x∈[xk−1,xk]f(x), Ds+(f) =
n
X
k=1
(xk−xk−1)Mk , Mk = sup
x∈[xk−1,xk]
f(x).
1 - On dit ques0 ∈S(a, b)est unraffinementdes∈S(a, b)si l’ensemble des points qui constituent sest inclus dans l’ensemble des points qui constituents0. On note alorss⊂s0.
On considère deux subdivisions s = {x0 <· · ·< xn} et s0 = {y0<· · ·< ym} (où n, m ∈N∗) d’un intervalle[a, b]telles que s⊂s0. Pour toutk∈ {0,· · ·, n}, l’élémentxk est donc aussi un élément de l’ensemble {y0,· · · , ym}, et on note ϕ(k) l’entier i vérifiant xk = yi. En d’autres termes,yϕ(k)=xk pour toutk∈ {0,· · · , n}. Notons que l’on aϕ(0) = 0etϕ(n) =m.
(a) Pour toutp∈J0, mK, on posem0p = inf
x∈[yp−1,yp]f(x). Montrer que pour toutk∈J1, nK, on a :
ϕ(k)
X
p=ϕ(k−1)+1
(yp−yp−1)m0p ≤(xk−xk−1) inf
x∈[xk−1,xk]f(x).
Indication : on pourra remarquer que pour tout entierpvérifiantϕ(k−1) + 1≤p≤ϕ(k), on a[yp−1, yp]⊂[xk−1, xk].
(b) En déduire queD−s (f)≤ D−s0(f).
Indication :
m
X
p=1
(yp−yp−1)m0p =
n
X
k=1
ϕ(k)
X
p=ϕ(k−1)+1
(yp−yp−1)m0p
.
(c) Par un raisonnement similaire, montrer queDs+(f)≥ Ds+0(f).
On considère à présent deux subdivisions quelconques s1 et s2 de [a, b]. On note s1 ∪s2 la subdivision de[a, b]constituée des points distincts de s1 ets2. Notons que s1∪s2 est à la fois un raffinement des1 et un raffinement de s2.
(d) Montrer que l’on a :
D−s1(f)≤ D−s1∪s2(f)≤ D+s1∪s2(f)≤ Ds+2(f). (e) En déduire que sup
s∈S(a,b)
D−s (f)≤ inf
s∈S(a,b)
Ds+(f).
Définition (fonction Riemann intégrable). Soitf une fonction bornée[a, b]→R. On note R−(f) = sup
s∈S(a,b)
Ds−(f) , R+(f) = inf
s∈S(a,b)
D+s (f).
On dit que f est Riemann intégrable si R−(f) = R+(f). On définit alors l’intégrale de f (au sens de Riemann) par Z b
a
f(t)dt=R−(f) =R+(f).
Exemples.
2 - On se place sur l’intervalle[0,1]et on s’intéresse à la fonctionf définie parf(x) =xpour tout x∈[0,1].
(a) Soitn∈N∗.On considère une subdivisions={x0 = 0<· · ·< xn= 1} ∈S(0,1). Donner l’expression des sommes de Darboux (inférieure et supérieure) associées à cette subdivi- sion.
(b) Soitn∈N∗.On considère la subdivisionsndéfinie par les points(xi)i=0,···,n, avecxi =i/n pour touti. Calculer les sommes de Darboux associées à cette subdivision.
(c) Montrer queR−(f) = R+(f). En déduire que la fonctionf est Riemann intégrable sur [0,1], avec
Z 1 0
f(t)dt= 1 2.
3 - On considère la fonctionf définie sur [0,1]parf(x) =
1si x∈Q 0sinon .
(a) Soits={x0<· · ·< xn} (n∈N∗) une subdivision de[0,1]. Montrer que : Ds−(f) = 0 et D+s (f) = 1.
(b) En déduire quef n’est pas Riemann intégrable.
B - CRITÈRES D’INTÉGRABILITÉ
1 - Monotonie.
Soitf une fonction décroissante sur un intervalle [a, b].
(a) On considère une subdivision de[a, b]quelconques={x0 <· · ·< xn}, oùn∈N∗. Montrer que :
D+s (f)− Ds−(f)≥ R+(f)− R−(f)≥0. (b) Montrer que :
0≤ D+s (f)− D−s (f)≤ max
1≤k≤n(xk−xk−1) (f(a)−f(b)) .
(c) Soitε >0. Montrer qu’il existe une subdivisionsε telle que D+sε(f)− D−sε(f)≤ε .
Indication : distinguer les casf(a) =f(b)etf(a)6=f(b), et limiter le pas de discrétisation desε :max
1≤k≤n(xk−xk−1).
Remarque :Ce raisonnement s’applique aussi aux fonctions croissantes.
(d) En déduire le théorème suivant :
Théorème. Toute fonction monotonef : [a, b]→Rest Riemann intégrable.
2 - Continuité.
On considère une fonctionf continue sur un intervalle [a, b]. Notons que l’intervalle[a, b]étant fermé borné,f est uniformément continue sur cet intervalle :
∀r >0,∃η <0,∀x, y∈[a, b],|x−y|< η ⇒ |f(x)−f(y)|< r .
Etant donnée une subdivisions={x0 <· · ·< xn} ∈S(a, b), oùn∈N∗, on note respectivement mk = inf
x∈[xk−1,xk]f(x) et Mk = sup
x∈[xk−1,xk]
f(x) les bornes inférieure et supérieure de f sur l’intervalle[xk−1, xk], pour tout k∈J1, nK.
(a) Soit s = {x0 <· · ·< xn} ∈ S(a, b), avec n ∈ N∗. Montrer que pour tout k ∈ J1, nK les bornesmk etMk sont atteintes.
Soitε >0. D’après la continuité uniforme def, il existeη >0tel que
∀x, y∈[a, b],|x−y|< η ⇒ |f(x)−f(y)|< ε/(b−a). (b) Soitsε={x0<· · ·< xn}une subdivision de[a, b]telle que max
1≤k≤n(xk−xk−1)< η. Montrer que pour toutk∈J1, nK,Mk−mk< ε/(b−a).
(c) En déduire que0≤ D+s
ε(f)− D−s
ε(f)< ε . (d) En déduire le théorème suivant :
Théorème. Toute fonction continuef : [a, b]→Rest Riemann intégrable.
Nous admettrons les deux résultats suivants : 3 - Limite uniforme.
Théorème. Sif est la limite uniforme d’une suite de fonctions(fn)nRiemann intégrables sur[a, b], alors f est Riemann intégrable sur[a, b].
4 - Produit.
Théorème. Sif etg sont Riemann intégrables sur[a, b], alors leur produitf g l’est aussi.
C - THÉORÈMES FONDAMENTAUX
1 - Linéarité de l’intégrale(admis).
Théorème. L’ensemble des fonctions Riemann intégrables sur[a, b]est un Respace vecto- riel sur lequel l’intégrale définit une application linéaire. En d’autres termes, pour toutes fonctionsf etg Riemann intégrables sur[a, b], et pour tous réels α, β, on a :
Z b a
(αf(t) +βg(t))dt=α Z b
a
f(t)dt+β Z b
a
g(t)dt .
2 - Relations de Chasles(admis).
Propriété (relation de Chasles). Soitf Riemann intégrable sur[a, b]etc∈]a, b[. Alors f est aussi Riemann intégrable sur[a, c]et[c, b], avec :
Z c a
f(t)dt+ Z b
c
f(t)dt= Z b
a
f(t)dt .
3 - Positivité et corollaires.
(a) Démontrer le théorème suivant :
Théorème. Soitf positive, Riemann intégrable sur [a, b]. On a Z b
a
f(t)dt≥0.
(b) En déduire le résultat suivant :
Corollaire. Soient f et g deux fonctions Riemann intégrables sur [a, b], telles que f ≤g. On a :
Z b a
f(t)dt≤ Z b
a
g(t)dt .
(c) On cherche à établir le résultat suivant :
Propriété. Soitf Riemann intégrable sur[a, b]. Alors|f|est aussi Riemann intégrable, et on a :
Z b a
f(t)dt
≤ Z b
a
|f(t)|dt .
Dans la suite,f désigne une fonction Riemann intégrable sur[a, b].
Résultat préliminaire.
On considère une subdivisions={x0<· · ·< xn} ∈S(a, b). Pour k∈J1, nK, on note : mk= inf
x∈[xk−1,xk]f(x) , Mk= sup
x∈[xk−1,xk]
f(x), m0k= inf
x∈[xk−1,xk]
|f(x)| , Mk0 = sup
x∈[xk−1,xk]
|f(x)|.
Dans les questions (i), (ii) et (iii), k désigne un réel fixé dans J1, nK et on suppose Mk0 > m0k.
(i) Montrer que pour tout réel strictement positif ξ < Mk0 −m0k
2 , il existe ak, bk ∈ [xk−1, xk]tels que :
mk0 ≤ |f(ak)| ≤m0k+ξ < Mk0 −ξ≤ |f(bk)| ≤Mk0 .
(ii) En déduire que |f(bk)| − |f(ak)| ≥Mk0 −m0k−2ξ . (iii) Montrer que |f(bk)−f(ak)| ≤Mk−mk.
(iv) En déduire que Mk0 −m0k≤Mk−mk pour tout k∈J1, nK. Retour à la preuve.
(v) Soit ε > 0. Montrer qu’il existe une subdivision s1 ∈ S(a, b) et une subdivision s2 ∈S(a, b) telles que :
0≤ R−(f)− D−s
1(f)≤ε/2 et 0≤ D+s
2(f)− R+(f)≤ε/2. (vi) En déduire qu’il existe une subdivision stelle que :
0≤ D+s (f)− D−s (f)≤ε . Indication : on pourra, par exemple, prendre s=s1∪s2.
(vii) Utiliser (iv) pour montrer queDs+(|f|)− Ds−(|f|)≤ Ds+(f)− D−s (f). En déduire que
|f|est Riemann intégrable.
(viii) Montrer que :
Z b a
f(t)dt
≤ Z b
a
|f(t)|dt .
(d) Montrer le résultat suivant :
Propriété. Soitf Riemann intégrable sur[a, b], positive, telle que Z b
a
f(t)dt= 0. Alors f prend la valeur 0en tout point où elle est continue.
4 - Théorème fondamental.
Théorème Soit f Riemann intégrable sur[a, b]. On considère l’applicationF : [a, b]→ R définie pour toutx∈[a, b]par :
F(x) = Z x
a
f(t)dt .
On a les résultats suivants : i) F est continue sur [a, b].
ii)Sif admet une limitel(resp. à gauche, à droite)en x0 ∈[a, b], alorsF est dérivable (resp. à gauche, à droite) enx0, et on aF0(x0) =l.
iii)Sif est continue sur[a, b], alorsF est dérivable sur[a, b], etF est l’unique primitive de f qui s’annule ena.
D - ÉLEMENTS TECHNIQUES
1 - Changement de variable - Intégration par parties.
Ces deux propriétés se déduisent aisément du théorème précédent.
Propriété (changement de variable). Soit ϕ : [a, b] → R de classe C1 sur [a, b] et f continue sur l’intervalle ϕ([a, b]). On a :
Z b a
f(ϕ(t))ϕ0(t)dt= Z ϕ(b)
ϕ(a)
f(s)ds .
Propriété (Intégration par parties). Soientf : [a, b]→Retg: [a, b]→Rde classe C1 sur[a, b]. On a :
Z b a
f(t)g0(t)dt= [f(t)g(t)]ba− Z b
a
f0(t)g(t)dt .
2 - Formules de la moyenne.
La première propriété a fait l’objet de l’exercice 1 de laFiche 1. La deuxième formule de la moyenne sera démontrée dans l’exercice 2.
Propriété (Première formule de la moyenne). Soient f : [a, b]→R etg : [a, b]→ R deux fonctions continues sur[a, b], avec g positive. Il existec∈[a, b]tel que
Z b a
f(t)g(t)dt=f(c) Z b
a
g(t)dt .
Propriété (Deuxième formule de la moyenne). Soientf : [a, b]→Retg: [a, b]→R deux fonctions à valeurs réelles, avec f Riemann intégrable et g positive décroissante. Il existe c∈[a, b]tel que
Z b a
f(t)g(t)dt=g(a) Z c
a
f(t)dt .
3 - Théorème de Cauchy-Schwarz.
On désire établir le théorème suivant :
Théorème . Soientf : [a, b]→Retg: [a, b]→Rdeux fonctions Riemann intégrables sur [a, b]. On a :
Z b a
f(t)g(t)dt
≤ Z b
a
(f(t))2dt
1/2Z b a
(g(t))2dt 1/2
.
Soientf : [a, b]→Retg: [a, b]→R, deux fonctions Riemann intégrables sur [a, b].
(a) Soitλ∈R. Montrer que la fonction (λf+g)2 est Riemann intégrable.
Pour toutλ∈R, on pose
P(λ) = Z b
a
(λf(t) +g(t))2dt . (b) Montrer queP est un polynôme de degré 2 en λ.
(c) Montrer que le discriminant deP est négatif ou nul. Conclure.
E - APPLICATIONS
Exercice 1 :Lien avec l’aire
Soitf : [a, b]→Rcontinue. Pour toutx∈[a, b], on noteA(x)l’aire sous la courbe def entreaetx.
1 - Montrer queAdéfinit une fonction dérivable sur[a, b], avec A0(x) =f(x)pour tout x∈[a, b].
2 - En déduire queA(b) = Z b
a
f(t)dt.
Exercice 2 :Deuxième formule de la moyenne
On se place dans les conditions de l’énoncé de la deuxième formule de la moyenne. Pour toutn∈N∗, on introduit les notationshn= b−a
n etxk=a+khn pour 0≤k≤n. On pose : Rn=
n−1
X
k=0
Z xk+1
xk
f(t)g(xk)dt .
1 - Pour toutx∈[a, b]on poseA(x) = Z x
a
|f(t)|dt.
(a) Montrer queA est continue sur [a, b].
Indication : On utilisera le fait que f est Riemann intégrable, donc bornée.
(b) Soitε >0. Montrer qu’il existeN ∈Ntel que, pour tout entier n≥N, on ait :
∀x∈[a, b−hn] , |A(x+hn)−A(x)|< ε .
Indication : A est continue sur [a, b], donc uniformément continue sur cet intervalle.
(c) En déduire que la suite de terme généralan= sup
x∈[a,b−hn]
(A(x+hn)−A(x))converge vers 0.
2 - (a) Montrer que pour toutn∈N∗ :
Rn− Z b
a
f(t)g(t)dt
≤
n−1
X
k=0
Z xk+1
xk
|f(t)|(g(xk)−g(t))dt .
(b) En déduire :
Rn− Z b
a
f(t)g(t)dt
≤
n−1
X
k=0
(g(xk)−g(xk+1)) (A(xk+1)−A(xk)).
(c) En déduire que la suite(Rn)converge vers Z b
a
f(t)g(t)dt.
Indication : utiliser 1-(c) 3 - Pour toutx∈[a, b]on poseF(x) =
Z x a
f(t)dt . (a) Montrer que pour toutn∈N∗ on a l’égalité :
Rn=
n−1
X
k=0
(g(xk)−g(xk+1))F(xk+1) +g(b)F(b).
(b) On notem= inf
x∈[a,b]F(x)etM = sup
x∈[a,b]
F(x). Montrer que pour toutn∈N∗ : g(a)m≤Rn≤g(a)M ,
(c) En déduire l’existence d’un réelc∈[a, b]tel que g(a)F(c) =
Z b a
f(t)g(t)dt .
Exercice 3 :Intégrales de Wallis (extrait du concours 2009).
Pour tout entier n≥0, on pose Wn= Z π/2
0
cosn(x)dx.
1 - Montrer que pour toutn≥0, on aWn= Z π/2
0
sinn(x)dx.
Indication : on pourra, par exemple, utiliser la changement de variablest= π 2 −x.
2 - Montrer que la suite(Wn)n est strictement décroissante.
Indication : pour la décroissance, on pourra comparer les fonctions x 7→ cosn(x) et x 7→
cosn+1(x). Pour la stricte décroissance, on pourra raisonner par l’absurde.
3 - A l’aide d’une intégration par parties, montrer que, pourn≥0, on a : Wn+2=
n+ 1 n+ 2
Wn.
4 - En déduire que, pour tout entierp≥0, on a :
W2p = (2p)!
22p(p!)2 π 2 W2p+1 = 22p(p!)2
(2p+ 1)!
5 - Montrer que, pour toutn≥0, on a :
WnWn+1 = π 2(n+ 1).
Indication : on pourra montrer que la suite de terme général (n+ 1)WnWn+1 est constante.
6 - Prouver que, pour toutn≥0, on a : 1− 1
n+ 2 < Wn+1
Wn
<1,
et en déduire queWn∼Wn+1.
Indication : on pourra utiliser les questions 2et 3.
7 - Montrer finalement queWn∼ r π
2n. En déduire lim
n→+∞Wn .