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Rapport sur l'étude et la conservation des blocs erratiques en Suisse

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Rapport sur l'étude et la conservation des blocs erratiques en Suisse

FAVRE, Alphonse, SORET, Jacques-Louis

FAVRE, Alphonse, SORET, Jacques-Louis. Rapport sur l'étude et la conservation des blocs erratiques en Suisse. Actes de la Société helvétique des sciences naturelles , 1868, vol.

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Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108627

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~apport sur

l'étude et la conservation des blocs erratiques

en Suisse, présenté par

~m. Alphonse Favre et Louis Soret,

à la Société helvétique des Sciences naturelles

réunie

à Einsiedeln le 24 Août 1868.

Monsieur le Président et Messieurs!

Vous savez qu'à un certain point de vue l'homme est un grand destructeur. Je viens vous entretenir des ravages qu'il exerce parmi les blocs erratiques et surtout des efforts que nous avons faits pour atténuer cette œuvre de destruction.

Anciennement, avant que l'homme se fut accordé le luxe des habitations lacustres, il vivait dans des cavernes ou sous des rochers, ceux-ci protégeaient donc les hommes, mainte- nant le monde est renversé, nous devons protéger les rochers, et le cri d'alarme poussé l'année dernière à Rheinfelden, au sujet de la destruction des blocs eàatiques, publié sous le nom d'Appel aux Suisses*), a été entendu au loin, comme je vais vous le dire.

•) Actes de la Société helvétique ùes Sciences naturelles. Session de Rheinfelden, 1867, p. 153.

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Messieurs, nous avons distribué en Suisse onze cents exemplaires de ceL A

vve

l, imprimés en français ou en allemand, et nous sommes prêts à continuer cette distribu- tion, ainsi que celle des Instructions qui l'accompagnent.

Nous l'avons d'abord adressé au Conseil f~d~ra.l, qui a bien voulu en faire parvenir un exemplaire à chacun des gouver- nements cantonaux. Plusieurs de ces gouvernements ont re- commandé, par des circulaires, à leurs agents, la conservation des blocs. Nous avons envoyé cet Appel à toutes les So- ciétés suisses d'histoire naturelle , aux clubs alpins, à toutes les municipalités des communes, qui nous ont été indiquées, et à toutes les personnes, qui semblaient devoir s'intéresser à notre entreprise; mais sa publicité a été plus grande encore; il a été reproduit par plusieurs journaux en langue allemande, française et italienne, de manière à atteindre plusieurs milliers de lecteurs. Cette grande publicité était nécessaire, car ce travail, qui a pour but la conservation et la carte des blocs erratiques dans la région figurée sur la carte fédérale, présente un caractère qui ne se trouve dans aucune autre. entreprise scientifique, il repose sur la bonne volonté des habita.ns rle notre pays. Or, dans notre pays les blocs erratiques ont l'air de dire à tous ceux qui les voient: Devine, comment je suis arrivé ici? et la population suisse est assez instruite pour concourir à ré- soudre le problème posé par la présence des blocs, pour qu'on lui demande de s'intéresser à leur eonservation et pour que la bonne volonté que vous réclamez d'elle~se fasse jour aisément.

L'Appel n'a été largement répandu en Suisse qu'à la fin de l'automme dernier (1867), dans une saison trop tardive pour qu'on ait pu beaucoup travailler, en sorte que cette année peut-être regardée comme préparatoire; mais nous en savons assez pour constater la sympathie du public pour les blocs

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erratiques eCle regret causé par leur destruction.*) L'inter~

ven ti on du Conseil fédéral,· celle . des Gouvernements • cantO~

naux et la reproduction de notre Ap p e 1 par les journaJIX prouvent l'intérêt inspiré par notre entreprise. Les Sociétés d'histoire natùrelle se sont occupées de cet Appel. Plu- sieurs comités cantonaux se sont formés pour concourir but, que nous nou·s proposons d'atteindre. Des personnes, qui n'avaient jamais étudié l'histoire naturelle,· ont travaillé avec ardeur à .la càrte des blocs. D'àutres ont' organisé des souscriptions afin d'acheter des pierres erratiques pour en faire don à des Sociétés qui les conserveront. Je sais qu'il se prépare des travaux spéciaux sur le terrain quaternaire;

ils seront conrius s'oit par riotre intermédiaire, soit par des publications particulières. La question des blocs erratiques est donc à l'ordre du jour, mieux que jamais le·public suisse a compris qu'il devait porter un prompt remède à la terrible épidémie qui ravage les blocs, ·et que l'on peut nommer la

mrila'die du coin, car' c'est avec des coins de fer qu'on les fait éclater. ·

A l'étranger notre A pp e 1 a trouvé de l'écho: à Lyon MM. Falsan et Chantre ont publié un Appel aux a·mit!

des Sciences naturelles pour le tracé d'une carte géologique du terràin et des blocs erratïques des environs de' Lyon, du nord du Dauphiné, d·e la Dombes et du midi du Bugey,·et pour la conser- vation des· blo'cs erratiques' dans. le's mêmes ré- gion s. Ces Messieurs rendent très aimablement justice à l'initiative que vous avez prise sur cette question. Ils tra- vaillent dès à .présent à une carte qui, je l'espère, se joindra

•) Notre A pp e 1 offre un moyen de conserver le souvenir des blocs qui vont disparaltre, il suftlt de' nous adresser quelques détails pour être certain que la masse erratique à-laquelle ils se rapportent figurera sur la carte que nous préparons.

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à la nôtre de manière à permettre de suivre les tracés de l'agent. du transport des blocs erratiques de la Furka au département du Rhône.

Les idées émises par notre Appel ont eu encore plus de retentissement en France: la grande Association scien- tifique de ce pays s'est occupée de ce sujet; elle a chargé M. Delesse de lui faire un rapport après la lecture duquel elle a décidé ceci: Nous demandons, publie-t-elle dans son soixante-troisième Bulletin hebdomadaire, à nos co 1- lègues les Géologues, les Ingénieurs de l'Etat;

les -Présidents des Commissions météorologiques départementales ·de nous donner, dans le délai d'un mois un premier avis sur l'existence et la nature des blocs erratiques connus dans leurs dé- partements respectifs. Nous transmettrons ces ré- ponses à Mr. Delesse, et il sera dès lors procédé à une organisa ti on régulière du travail.

Lorsque dans un espace de moins d'une année, les idées que nous avons émises au sujet des blocs se répandent .autant, on peut .assurer qu'elles ont trouvé un terrain bien préparé

et qu'elles porteront des fruits.

Voyons maintenant ce qui a été fait en Suisse.

Le tracé de la carte des blocs nous a été singulièrement facilité par l'obligeance, avec laquelle M. le Colonel Sieg- fried de l'Etat Major fédéral a mis à notre disposition un certain nombre d'exemplaires de rebut de la carte fédérale pour les distribuer à nos collaborateurs.

Les renseignements nous manquent sur le Nord ùe la Suisse où par des circonstances indépendantes, de notre volonté, les A pp e 1 s ont été répandus tardivement. Cepen-

dant nous avons reçu quelques notes de M. P. Merian sur le canton de Bâle. Il s'est formé un comité à St. Gall sous la direction de M. Deicke, ce dernier nous a adressé une notice sur l'époque glaciaire dans la partie septentrionale de la

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Suisse. Plus au Nord, car nos recherches s'étendent dans tout le cadre de la carte fédérale, M. Steudel, de Ravensbourg, nous a communiqué une nouvelle carte du terrain erratique de la Souabe, dans laquelle les moraines de l'ancien glacier du Rhin sont tracées jusque dans les environs de Biberach à 70 kilomètres au Nord de Lindau. M. Vogelgesang, qui nous a déjà montré sa parfaite obligeance en nous fournis- sant des matériaux pour la feuille III de la carte géologique de la Suisse , nous a promis des documents sur le terrain erratique du Grand Duché de Bade. Dans les Grisons la Société d'histoire naturelle et le club alpin, se sont occupés d'un projet d'étude du terrain erratique, M. Coaz a été chargé de réunir les documents. D'autres personnes y tra- vaillent également. Nous ne les nommons pas pour abréger ce rapport; nous ferons connaître seulement les noms de celles qui. nous ont déjà fourni des résultats positifs. A ce titre nous pouvons dire, qu'une énorme quantité de docu- ments sur le canton de Zurich est entre les mains de notre collègue M. le Professeur Escher de la Linth, qui les mettra à notre disposition. D'autres personnes y ajouterons quelques détails.

Dans le canton d'Argovie le gouvernement a bien voulu s'intéresser à la question qui nous occupe, et le Département de l'Instruction publique a publié une circulaire; .M. Muhl- berg réunira tous les documents, les vérifiera et en fera: un travail où nous pourrons puiser largement. Il est assoeié à d'autres personnes pleines de zèle.

Nous avons peu de renseignements sur le canton de Soleure, nous· savons cependant que MM. les géologues, Jes géométres et les forestiers ·de cette contrée s'intéressent aux blocs. On vient de nous assurer que 200 ou 300 de ceux-ci seront conservés dans les propriétés de la ville ,de Soleure.

A Lucerne on a manifesté de l'intérêt , pour les blocs, mais nous ne connaissons pas de résultats.

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Dans le canton de Berne, le gouvemement a adressé une circulaire aux forestiers, régents, gardes champêtres, etc.

pour la conservation des blocs; nous lui devons des remer- ciements ainsi qu'au Conseil de la Bourgeoisie de la ville, qui par l'intermédiail"e de son forestier, M. de Greyerz fera conserver un certain nombre de blocs. M. 1. Bachmann prépare un travail, dont l'ébauche a reçu le prix Schlrefli à Neuchâtel. M. Burki, ancien membre du Grand Conseil, a déployé une grande activité; il nous a fait connaître la dis- tribution des blocs exotiques sur la crête des montagnes qui séparent l'Entlibuch de la vallée de l'Aar et dans les envi- rons d'Habkeren près d'Interlacken. Il a acheté dans cette dernière vallée pour le Musée d'histoire naturelle de la Bour- geoisie de Berne, et au moyen du produit d'une souscription, le fameux bloc du Luegiboden. Ce bloc est peut-être la plus belle masse erratique, qui existe en Europe; son volume est compris entre 300,000 et 400,000 pieds cubes. Ce grand rocher est celui, dont notre vieille république a fait détacher un fragment qu'elle a envoyé par de là l'Atlantique, pour faire partie d'un monument déstiné à perpétuer la mémoire du fondateur d'une jeune et puissante république .

. Nous savons qu'on travaille à Fribourg.

A Neuèhâtel une Société de jeunes gens, le Club juras- sien, dont les ramifications s'étendent dans toutes les par- ties du canton, a pris à cœur la tâche que nous avons tracée dans notre Appel: elle la remplira avec un grand luxe de précision, de détails et de dessins.*)

Dans le canton de Vaud par suite de l'Appel, le tra- vail . a été organisé d'une manière excellente, qui devrait servir de modèle dans les autres cantons (Voyez le Bulletin

•) On vient de nons remettre la carte des blocs erratiques du Val de Ruz, dressée ·par la Section de Chézard du Club jurassitJrr; ce travail est fort bien fait.

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rle la Soéiété vaudoise des sciences natm·elles, t. IX. Jl. 660).

Un comité s'est réuni sous la présidence ùe M. Ph. de la Harpe, 11 a établi des divisions dans le canton, et pour chaque division il a nommé un commissaire qui s'adjoint des collaborateurs. . Ce Comité se regarde comme un auxiliaire de la Commission de la Carte géologique de la Suisse.

Nous signalerons un travail :remarquable qui nous a été env?yé par M. Golay de Goumoens-la-Ville, sur les blocs des environs d'Echallens, cent-trente blocs y sont catalogués. M.

Ch. Eynard a bien voulu nous fournir des notes et des échan- tillons de quelques blocs situés dans les environs de Rolle.

M. Risler a enregistré un certain nombre de ceux des en- virons de Nyon. M. Veret, de cette dernière ville, et M.

S. Chavannes, de Bex, nous ont également fait quelques com- munications. On nous a signalé aussi près de Romanel un beau bloc , la Pierre à Cam bot , dont la Commune de Lau- sanne a voté la conservation. Puisse cet exemple ·être sou- vent imité!

Dans le Canton de Genève, il y a peu de blocs, ils sont maintenant presque tous inscrits, quelques personnes cepen- dant travaillent à en augmenter le catalogue. Les blocs sont assez nombreux dans le lac, et je dois à l'obligeance de M.

H. Hentsch de précieux renseignements sur ces derniers.

La carte fédérale s'étend au-delà des frontières de ce canton; on a travaillé à niarquer des blocs en Savoie. Ils ont été signalés dans un second rapport à la Société Géolo- gique de France et à lVI. le Préfet de la Haute-Savoie. Il y a maintenant en tout cent cinquante blocs désignés pour la conservation. Nous vous avons déjà fait connaitre, dans l'Appel, l'accueil favorable, qui était fait en France à ce genre de recherches, et nous avons lieu d'espérer que les blocs marqués seront rangés au nombre des monuments na- tionaux français.

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Le gouvemement du Valais a aussi témoigné de l'intérêt à notre entreprise. M. l'Ingénieur Gerlach a déjà recueilli de nombreux renseignements sur le terrain erratique de ce canton; malheureusement il manque dans ce pays quelqu'un qui s'intérèsse activement à cette question. Nous feronR connaître avec plaisir que par une décision du Grand Conseil du Valais deux blocs de la fameuse moraine de Monthey sont consacrés à la mémoire de deux hommes illustres, Ve- · netz et de Charpentier, inventeurs et propagateurs de la théorie de l'ancjenne extension des glaciers. Par une déci- sion de ce même corps, et sans doute pour faire preuve d'im- partialité scientifique, les noms de deux amis qui ·n'ont cessé de se rechercher et de se combattre, ceux de Léopold de Buch et de de Charpentier seront gravés sur un bloc erra- tique de la colline rle Valère à Sion. Cette inscription sig- nifie que si les idées de l'un de ces deux savants ont pris racine dans la science à l'exclusion des idées de l'autre, leurs noms resteront toujours grands, lors même que le silence de la tombe ait remplacé les orageuses discussions, qui s'éle- vaient entre eux.

Nous avons peu de <~OITespondant.l> sur le nwen; méri- dional des Alpes, nous espérons que les efforts de M. Va- notti du Tessin porteront leurs fruits. M. le Chanoine Carrel d'Aoste nous a aussi fourni quelques notes, malheureusement pas assez nombreuses.

Tels sont, Messieurs, les résultats obtenus depuis que l'Appel a été répandu l'automne dernier. Vous penserez comme nous, qu'ils sont grands et que nous avons trouvé parmi nos concitoyens la bonne volonté, sur laquelle nous avions compté. Si rien ne vient déranger les travaux com- mencés et entraver les promesses qui nous ont été faites, nous verrons dans peu d'années les 25 feuilles de la carte fédérale couvertes de points de couleurs , indiquant la posi- tion des masses erratiques dans notre pays; nous aurons

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un nombre immense de documents sur ce sujet et nous aurons· sauvé cle la destruction des blocs qui perpétuéront le souvenir rlu grand phénomène qui s'est passé en Suisse à une époque peu ancienne des temps géologiques. Ces blocs rappelerons également les efforts qui se font maintenant dans notre pays pour leur conservation.

Nous vous demandons en terminant, Messieurs, de vous joindre à nous pour prier les hommes qui se sont déjà inté- ressés à notre travail de redoubler de zèle et de découvrir de nouveaux eollaborateurs pour explorer les régions où l'on ne travaille pas encore.

N ons vous demandons aussi, Messieurs, de voter des re- merciements soit à eenx qui ont fait preuve de bonne volonté en nous fournissant des documents, soit à ceux qui nous ont promis leur concours. N ons leur témoignons la sincère recon- naissance de la Commission géologique Suisse, nous avons été heureux d'entrer en relation avec eux et nous leur de- mandons 1lP. nous t.P.nir au <:ourant de lems travaux.

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