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Reference
Les infractions boursières comme infractions sous-jacentes au blanchiment d'argent: réflexions de droit international et comparé et
de droit suisse (de lege ferenda)
FREI, Lorenzo
Abstract
Ce mémoire de maîtrise s'inscrit dans le cadre du séminaire d'Aspects choisis du droit pénal économique sous la direction de la Professeure Ursula Cassani. Il porte sur le projet de criminaliser les infractions boursières prévu dans le projet de modification de la Loi sur les bourses et le commerce de valeurs mobilières (LBVM) soumis au Parlement en 2012. La première partie (II) de ce travail consiste en une analyse des standards internationaux (A) ainsi que du droit international (B) ayant déterminé le législateur à criminaliser les infractions boursières, ainsi qu'une brève étude de droit comparé (C). La seconde partie (III) examine le projet de modification de la LBVM en rapport avec le système suisse de lutte contre le blanchiment d'argent (A), ainsi que le détail du projet (B), avant d'esquisser quelles seront les conséquences pratiques de son adoption.
FREI, Lorenzo. Les infractions boursières comme infractions sous-jacentes au
blanchiment d'argent: réflexions de droit international et comparé et de droit suisse (de lege ferenda). Master : Univ. Genève, 2012
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Mémoire de séminaire Université de Genève
Les infractions boursières comme infractions sous-‐
jacentes au blanchiment d’argent : réflexions de droit international et comparé et de droit suisse (de lege
ferenda)
présenté par Lorenzo Frei,
sous la direction de la Professeure Ursula Cassani et de Madame Maria Ludwiczak, dans le cadre du séminaire Aspects choisis du droit pénal économique.
22 juin 2012
Table des matières
I. Introduction ... 3
II. Droit international et comparé ... 5
A. Recommandations du GAFI ...6
B. Convention du Conseil de l’Europe STE n°198...9
C. Droit comparé ... 10
1. France ... 11
2. Allemagne ... 12
III. Droit suisse ...13
A. La lutte contre le blanchiment d’argent... 14
1. L’art. 305bis CP ... 14
2. Le devoir de communication des intermédiaires financiers ... 15
B. Les infractions boursières comme crimes préalables au blanchiment d’argent... 16
1. Le processus de modification des infractions boursières... 17
2. La définition des crimes préalables en matière boursière ... 19
C. Le blanchiment des valeurs patrimoniales issues de crimes boursiers ... 24
1. Quelles conséquences en lien avec l’art. 305bis CP ? ... 25
2. Quelles nouvelles exigences pour l’intermédiaire financier ?... 27
IV. Conclusion ...29
Bibliographie...30
I. Introduction
Notre sujet se situe au croisement de deux emblèmes de la criminalité économique : le blanchiment d’argent et les infractions boursières. A l’égard du premier, QUELOZ, BOLLER
et HAAG affirment que « [l]e blanchiment d’argent constitue le symbole par excellence de la criminalité économique et financière. »1 Il consiste à dissimuler la provenance illicite de valeurs patrimoniales dans le but de faire apparaître ces dernières comme acquises de manière légitime2.
Dans la plupart des ordres juridiques, le blanchiment d’argent est une infraction pénale.
Cette dernière se construit toujours en rapport avec une autre infraction, commise en amont, qu’on appelle infraction préalable, infraction sous-jacente ou infraction principa-
le3 et dont proviennent les valeurs patrimoniales illicites. Ainsi, seules les valeurs patri-‐
moniales provenant d’une infraction préalable typique et illicite sont « blanchissables »4. En Suisse, la répression du blanchiment d’argent vise, en premier lieu, la protection de l’administration de la justice pénale5, mais, et c’est d’ailleurs une de ses caractéristiques principales, elle a également pour but de protéger les biens juridiques lésés par l’infraction préalable. On lui reconnaît ainsi un effet de protection supplémentaire, com-‐
parable à une muraille, à l’égard des biens lésés en amont6. Au demeurant, c’est parce qu’elle touche aux valeurs patrimoniales qui constituent le « nerf de la guerre » en ma-‐
tière de criminalité économique qu’on dit que la répression du blanchiment d’argent fait partie des stratégies de lutte contre la criminalité basées sur les profits illicites. Toute-‐
fois, ce bouclier n’agit pas contre toutes les infractions, en Suisse du moins. En effet, le législateur suisse s’est prononcé pour une approche limitée des infractions préalables.
L’art. 305bis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (ci-‐après « Code pénal » ou
« CP ») réprimant le blanchiment d’argent prévoit que seuls les crimes au sens de l’art.
10 al. 2 CP, c’est-‐à-‐dire les infractions passibles d’une peine privative de liberté de plus
1 QUELOZ/BOLLER/HAAG, p. 1.
2 CASSANI, 1996, ad art. 305bis CP, n. 1.
3 Ci-‐après lorsque ces expressions seront utilisées, le sens sera toujours le même, c’est à dire d’infraction préalable, sous-‐jacente ou principale au blanchiment d’argent.
4 CASSANI, 2009, p. 17.
5 L’art. 305bis CP réprimant le blanchiment d’argent est rangé dans la systématique du Code pénal suisse sous le titre 17 de la partie spéciale réprimant les crimes ou délits contre l’administration de la justice ; CORBOZ, vol. II, p. 630, n. 3.
6 CASSANI, 2009, p. 17.
de trois ans, peuvent être des infractions sous-‐jacentes7. Notre législateur définit donc le champ des infractions préalables lorsqu’il fixe la peine maximale encourue par l’auteur d’une infraction.
A cet égard, CASSANI n’hésite pas à qualifier d’ « […] enjeu crucial de la politique criminel-‐
le […] »8 la définition des infractions préalables. Pourquoi cela ? Tout d’abord, parce qu’elle élargit le champ de la répression pénale, au-‐delà des auteurs de l’infraction pré-‐
alable, aux personnes qui se livrent à des actes de dissimulation sur les valeurs patrimo-‐
niales provenant de la première infraction. Ensuite, et surtout, parce qu’elle trace les contours des devoirs des intermédiaires financiers dans la lutte contre le blanchiment d’argent9. Ces conséquences, et notamment la dernière qui a beaucoup fait débat, seront examinées plus tard (cf. infra III C).
Maintenant, passons au deuxième emblème que représentent les infractions boursières.
Celles-‐ci ont été popularisées par Gordon Gekko, personnage du film Wall Street, sorti en 1987, et son célèbre leitmotiv « Greed is good », ainsi que par différents scandales, comme le dernier en date concernant Rajat Gupta10, ancienne « Star » de Wall Street, récemment condamné pour délit d’initié, ou encore celui de Jeffery Skilling11, ex-‐PDG d’Enron. Les infractions boursières font également figure de symbole de la criminalité économique et financière, au même titre que le blanchiment. Cela est sûrement dû, d’une part, à l’environnement entourant ces infractions ; les marchés boursiers, lieux par es-‐
sence réservés à une élite, et, d’autre part, aux montants faramineux souvent en jeu.
Sous l’appellation « infractions boursières », on classe généralement deux infractions différentes : le délit d’initié et la manipulation de cours. En Suisse, le délit d’initié est ac-‐
tuellement réprimé à l’art. 161 CP sous le titre d’exploitation de la connaissance de faits confidentiels alors que la manipulation de cours l’est à l’art. 161bis CP. En droit positif, ces infractions sont punies par au maximum trois ans de privation de liberté, ce qui en fait des délits selon l’art. 10 al. 3 CP. Ces infractions n’étant par conséquent pas des cri-‐
mes, les valeurs patrimoniales qui en proviennent ne peuvent pas être blanchies au sens de l’art. 305bis CP.
7 CASSANI, 1996, ad art. 305bis CP, n. 11 ; DUPUIS, ad art. 305bis CP, n. 14.
8 CASSANI, 2009, p. 17.
9 CASSANI, ibid., p. 17.
10 CYPEL.
11BARRIONUEVO.
Toutefois, à l’heure où nous écrivons ces lignes, un projet de modification de la Loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières12 (ci-‐après « P-‐LBVM ») est pendant devant les Chambres fédérales13. Après être passé devant le Conseil des Etats, le projet a été approuvé par le Conseil national et seules quelques divergences subsistent14. L’une des modifications essentielles engendrées par ce projet serait de « criminaliser » les in-‐
fractions boursières avec pour conséquence d’en faire des infractions préalables. Cette modification sera l’objet de la présente contribution. Notre approche sera bidirection-‐
nelle. Nous rechercherons d’abord les raisons et les causes de cette criminalisation des délits boursiers, puis nous tenterons d’examiner les conséquences du projet sur notre ordre juridique.
Notre regard portera en premier lieu sur le droit international dans lequel il faut cher-‐
cher les origines du projet de modification. Ensuite, nous examinerons brièvement la façon dont nos voisins ont mis en œuvre les exigences découlant du droit international.
Enfin, nous poursuivrons avec le droit suisse. Il s’agira alors de placer cette modification dans le système suisse de lutte contre le blanchiment d’argent avant d’essayer de définir plus particulièrement comment le projet sera inséré dans l’ordre juridique suisse et quelles en seront les conséquences sur ce dernier.
II. Droit international et comparé
Le blanchiment d’argent n’est pas un phénomène cantonné à la Suisse, bien au contraire.
Il s’agit d’une activité fréquemment transnationale. Dans le monde globalisé actuel, l’argent, qu’il provienne d’activités licites ou non, traverse les frontières sans rencontrer d’obstacles15. La justice pénale, dont l’exercice constitue une expression de la souverai-‐
neté de l’Etat, reste pourtant limitée par les frontières nationales. Cette faille dans la ré-‐
pression de la poursuite pénale est fréquemment exploitée par les blanchisseurs. Elle leur permet ainsi de brouiller les pistes et d’avoir de l’avance sur les autorités pénales16. Afin de combler cette lacune, les Etats ont, depuis plusieurs années, élaboré une straté-‐
gie internationale de lutte contre le blanchiment d’argent. Pour ce faire, ils se sont dotés
12 Loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM) (RS 954.1).
13 Projet de modification de la Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, FF 2011 6369 (cité : Projet LBVM).
14 BO 2012 N 1134.
15 Message Recommandations, p. 5924.
16 CASSANI, 2008, p. 234.
d’instruments plus ou moins contraignants. L’objectif était de fixer un plancher commun de lutte et de répression (« level playing field ») parmi les Etats afin d’empêcher juste-‐
ment que les blanchisseurs d’argent ne puissent profiter des brèches et échapper aux autorités pénales en délocalisant leurs activités dans des pays moins répressifs.
La Suisse, de par l’importance de sa place financière pour les échanges financiers inter-‐
nationaux et sa volonté de lutter contre le crime organisé, s’était très tôt dotée de méca-‐
nismes de lutte contre le blanchiment d’argent. Son rôle a été qualifié de précurseur17, notamment au niveau du régime préventif mis en place. Afin de participer à la lutte contre la criminalité économique transnationale et de rester en concurrence avec les autres places financières, elle s’est associée à ce mouvement d’élaboration d’une straté-‐
gie commune pour la lutte contre le blanchiment. Or, depuis quelques années, la tendan-‐
ce internationale s’est orientée vers un élargissement du champ des infractions préala-‐
bles au blanchiment18. La Suisse n’a pas réagi aussitôt et est restée attachée au critère de gravité de l’infraction, le crime, pour définir le champ d’application de ses instruments de lutte contre le blanchiment. Elle s’est, par conséquent, trouvée dans une situation de retard et doit « rattraper » l’évolution récente des standards internationaux en la matiè-‐
re. C’est là qu’il faut chercher les raisons de la criminalisation des infractions boursières dans le projet de révision de la LBVM. Nous examinerons les deux instruments invoqués par le Conseil fédéral dans son Message relatif à la modification de la LBVM pour justi-‐
fier son projet d’élargir le champ des infractions principales aux infractions boursiè-‐
res19 ; il s’agit des Recommandations émises par le Groupe d’action financière et de la Convention de Varsovie du Conseil de l’Europe.
A. Recommandations du GAFI
Le Groupe d’action financière (ci-‐après « GAFI ») est un organisme intergouvernemental créé en 1989 afin de lutter contre le blanchiment d’argent20. A l’origine composé des pays industrialisés les plus riches, le cercle de ses membres s’est agrandi pour compter aujourd’hui de trente-‐six membres, parmi lesquels se trouvent notamment la Suisse, l’Allemagne et la France21. Initialement, le mandat du GAFI consistait en l’élaboration de
17 CASSANI, 2008, p. 272.
18 CASSANI, 2009, p. 19 ; MOLO, p. 195 ss.
19 Message LBVM, p. 6336.
20 NOBEL, p. 303.
21 Pour une liste complète actuelle cf. (http://www.fatf-‐gafi.org/fr/pays/) (19.03.2012).
normes de lutte contre le blanchiment et le contrôle de leur mise en œuvre. Pour cela, le GAFI publia en 1990 quarante recommandations22 (ci-‐après « Recommandations »), qui doivent être respectées par les Etats membres afin de pouvoir lutter de façon efficace contre le blanchiment d’argent23. Par la suite, les Recommandations ont été révisées en 1996, 2003 et 2012 et complétées par un volet de lutte contre le financement du terro-‐
risme24. Elles sont désormais considérées comme le standard international de lutte contre le blanchiment d’argent et sont appliquées bien au-‐delà du cercle des Etats mem-‐
bres25.
La mise en œuvre des Recommandations parmi les membres est contrôlée au moyen d’un mécanisme de suivi basé sur l’évaluation de la conformité des systèmes nationaux de lutte contre le blanchiment avec les Recommandations. Il s’articule autour de cycles d’évaluation d’un système national effectuée par d’autres Etats membres, aboutissant à un rapport d’évaluation mutuelle. Les rapports sont par la suite adoptés en séance plé-‐
nière du GAFI et publiés26. Quand bien même les Recommandations émises peuvent être qualifiées de soft-law et sont ainsi non contraignantes pour les membres27, cette métho-‐
de de vérification de la mise œuvre représente un moyen de pression considérable28. En effet, la révélation d’éventuels manquements au respect des Recommandations met en jeu la réputation des Etats membres et de leurs places financières ; cette réputation est très importante dans la concurrence à laquelle se livrent les places financières et compte dès lors beaucoup pour les Etats membres29. On parle à cet égard de « peer pressure » exercée par les autres membres du GAFI.
Ainsi que nous l’avons précédemment indiqué, les Recommandations ont été révisées en 2003. Le GAFI décida alors d’étendre la protection contre le blanchiment d’argent. En vertu de la Recommandation 3 (anciennement Recommandation 1), les Etats doivent inclure dans le champ des infractions préalables toutes les infractions graves selon leur droit interne ainsi qu’une gamme d’infractions parmi une liste de catégories désignées
22 Cf. Recommandations GAFI 2012 pour la dernière version.
23 NOBEL, p. 303.
24 Recommandations GAFI 2012, Introduction, p. 7-‐8.
25 Message Recommandations, p. 5960.
26 BOLLAG, p. 276.
27 CASSANI, 2008, p. 236.
28 CASSANI, 2009, p. 21 ; CASSANI, 2008, p. 236 ; cf. BOLLAG, p. 276 pour des exemples concrets.
29 CASSANI, 2008, p. 237 ; Message Recommandations, p. 5924.
d’infractions définies dans le Glossaire30. En 2003, cette liste a été modifiée et comprend désormais les opérations d’initiés et la manipulation de cours31.
Cependant, le droit suisse ne réprime pas le blanchiment d’argent provenant des infrac-‐
tions boursières, et cela n’a pas échappé aux experts du GAFI chargés de son évalua-‐
tion32. Suite à cela, la Suisse a été placée dans un régime dit de « suivi régulier » de la conformité de son système de lutte contre le blanchiment avec les Recommandations33. Souhaitant combler les lacunes afin de mieux respecter les Recommandations, le législa-‐
teur suisse a alors adopté une loi fédérale34. Toutefois, durant la phase de consultation de l’avant-‐projet de cette loi, l’élargissement du cercle des infractions préalables au blanchiment aux infractions boursières a rencontré une forte opposition35. Ce point a donc été retiré du projet dans l’attente d’une révision plus conséquente du droit des in-‐
fractions boursières36. Cette dernière s’est concrétisée par le projet de modification de la LBVM37 actuellement en discussion devant les Chambres fédérales. C’est donc dans le souci de se mettre en conformité avec les Recommandations du GAFI que notre législa-‐
teur a décidé de criminaliser les infractions boursières.
Il faut savoir que, dans la mise en œuvre de cette obligation d’inclure un minimum d’infractions dans le champ des infractions sous-‐jacentes selon les Recommandations du GAFI, la Suisse n’est pas pieds et poings liés. Une importante marge de manœuvre est accordée aux Etats membres dans la définition précise du champ des infractions préala-‐
bles, et cela à deux égards. D’abord, les catégories désignées d’infractions listées à l’annexe des Recommandations ne sont pas définies et sont donc sujettes à interpréta-‐
tion38. Ensuite, le Glossaire des Recommandations prévoit que les Etats membres sont libres de concrétiser comme ils le veulent la définition des infractions sous-‐jacentes ap-‐
partenant aux catégories listées, ainsi que les éléments qui en font des infractions gra-‐
30 Cf. Recommandations GAFI 2012, note interprétative à la Recommandation 3, ch. 4 ; Message Recom-‐
mandations, p. 5927.
31 Recommandations GAFI 2012, Glossaire sous « catégories désignées d’infractions », p. 121.
32 3ème Rapport d’évaluation mutuelle du GAFI de novembre 2005 sur la Suisse, p. 49, n°129.
33 4ème Rapport de suivi de la Suisse en vue d’intégrer le processus de suivi bisannuel du GAFI du 27 octobre 2009, p. 4, n°1.
34 Loi fédérale du 3 octobre 2008 sur la mise en œuvre des recommandations révisées du Groupe d’action financière, RO 2009 361 ; Message Recommandations, p. 5924 et 5925.
35 CASSANI, 2007; DFF, Recommandations à l’étranger, p. 109.
36 Message Recommandations, p. 5932.
37 Projet LBVM.
38 CASSANI, 2008, p. 306.
ves39. Ainsi, la Suisse reste relativement libre de fixer les éléments constitutifs des in-‐
fractions boursières préalables.
On trouve donc dans l’évolution des Recommandations du GAFI une partie des causes de la criminalisation des infractions boursières selon la révision pendante.
B. Convention du Conseil de l’Europe STE n°198
La criminalisation des infractions boursières est posée dans le Message du Conseil fédé-‐
ral relatif à la modification de la LBVM40 comme une condition nécessaire à la ratifica-‐
tion de la Convention du Conseil de l’Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du ter-‐
rorisme41 (ci-‐après « Convention de Varsovie » ou « CBlFT »). Cette convention n’est pas la première en la matière. Elle a été adoptée afin de moderniser la Convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 199042 (ci-‐après « Convention de Strasbourg » ou « CBl ») qui traitait déjà du blanchiment d’argent et avait été ratifiée par la Suisse en 199343. La question se pose donc de savoir pourquoi le Conseil fédéral fait dépendre la ratification de la Convention de Varsovie de la criminalisation des infractions boursières.
Les deux conventions imposent aux Etats de réprimer le blanchiment d’argent aux arti-‐
cles 6 CBl et 9 CBlFT. Selon la teneur des deux textes, le cercle des infractions préalables est défini très largement, car toutes les infractions doivent être sous-‐jacentes44. Toute-‐
fois, en 1990, afin de permettre à un grand nombre d’Etats de ratifier la Convention de Strasbourg45, les auteurs ont prévu à l’art. 6 par. 4 CBl une réserve possible, autorisant aux Etats de limiter la répression au blanchiment de valeurs provenant de certaines in-‐
fractions ou catégories d’infractions principales. La Suisse a fait usage de cette réserve et limité l’application de l’art. 6 par. 1 CBl aux cas où l’infraction principale est un crime au
39 Recommandations GAFI 2012, Glossaire sous catégories désignées d’infractions p. 121.
40 Message LBVM, p. 6336.
41 Convention du Conseil de l’Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STE n°198) (cité : Convention 198).
42 Convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n°141) (RS 0.311.53) (cité : Convention 141).
43 Rapport explicatif Convention 198, ch. 20 et 21.
44 Rapport explicatif Convention 141, ch. 27 (par renvoi du ch. 34) ; Rapport explicatif Convention 198, ch.
99.
45 Rapport explicatif Convention 141, ch. 27 (par renvoi du ch. 34).
sens de son droit46. Là où la Convention de Varsovie diffère, c’est qu’elle limite cette pos-‐
sibilité. L’art. 9 par. 4 CBlFT renvoie à une des catégories d’infractions listées en annexe que les Etats doivent ériger en infractions sous-‐jacentes. Cette liste reproduit celle contenue dans le Glossaire des Recommandations révisées du GAFI de 2003 et mention-‐
ne donc les infractions boursières47. C’est la raison pour laquelle la Suisse n’a pas pu ra-‐
tifier la Convention de Varsovie. En effet, contrairement aux Recommandations, la Convention est un traité international contraignant. La Suisse ne peut s’engager à res-‐
pecter la CBlFT tant qu’elle ne réprimera pas le blanchiment d’argent portant sur des valeurs patrimoniales provenant des infractions boursières.
Ainsi, la Convention de Varsovie reprend, pour ce qui est du champ des infractions sous-‐
jacentes, les exigences minimales apportées par les Recommandations du GAFI révisées de 2003.
Nous avons vu que ces dernières années les instruments internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent ont évolué et que les exigences minimales de répression du blanchiment par les Etats se sont étendues à de nouvelles catégories d’infraction. Le lé-‐
gislateur suisse est actuellement en train de s’aligner sur ces nouvelles exigences afin non seulement de participer à la lutte contre le blanchiment d’argent, mais aussi, à notre avis, par crainte d’être pointé du doigt par ses pairs et dès lors de perdre de sa crédibili-‐
té. Le Conseil fédéral ne le cache pas, dans son Message sur la mise en œuvre des re-‐
commandations révisées du Groupe d’action financière il évoquait déjà les intérêts de se conformer aux standards internationaux afin de « […] bénéficier de conditions concur-‐
rentielles similaires au niveau international et d’éviter toute discrimination. »48 C. Droit comparé
La Suisse n’est pas la seule à devoir mettre en œuvre les évolutions des standards inter-‐
nationaux en matière de blanchiment. Nous allons nous pencher brièvement sur les so-‐
lutions adoptées par deux Etats voisins, afin de voir si nous pouvons en retirer quelques pistes intéressantes pour la Suisse. Etant donné qu’une analyse poussée du droit compa-‐
ré dépasserait largement le cadre de cette contribution, notre examen se concentrera sur la question de savoir si les Etats considèrent les infractions boursières comme pré-‐
46 Convention 141, réserve relative à l’art. 6 ch. 1.
47 CASSANI, 2008, p. 262.
48 Message Recommandations, p. 5926 ; cf. également Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 108.
alables au blanchiment d’argent. Le cas échéant, nous examinerons les mesures adop-‐
tées afin de mettre en œuvre le système préventif et répressif de la lutte contre le blan-‐
chiment d’argent provenant d’infractions boursières.
1. France
Le blanchiment d’argent est réprimé en droit français à l’art. 324-‐1 du Code pénal49. La répression du blanchiment porte sur toutes les valeurs provenant des crimes et des dé-‐
lits. Il en résulte que le champ des infractions préalables est relativement large. Les in-‐
fractions boursières sont réprimées dans le Code monétaire et financier50 (ci-‐
après « CMF ») à l’art. L465-‐1 pour le délit d’initié, et à l’art. L465-‐2 pour la manipulation de cours. Ces deux infractions constituent des délits et entrent, par conséquent, dans le champ des infractions préalables au blanchiment d’argent. Ce champ comprend toutes les infractions boursières et non pas uniquement une forme qualifiée.
Le système préventif de lutte contre le blanchiment est organisé et règlementé aux art.
L561-‐1 et suivants du CMF. Les personnes assujetties à ce système ont un devoir de communication à l’autorité compétente en cas de soupçons de blanchiment. Alors qu’auparavant ce devoir n’existait qu’en cas de soupçons portant sur certaines infrac-‐
tions51, il dépend actuellement de la provenance des valeurs patrimoniales d’une infrac-‐
tion dont la peine privative de liberté est supérieure à un an ou de la destination des valeurs au financement du terrorisme52. Ce changement s’est fait suite à la transposition de la 3ème Directive européenne sur le blanchiment d’argent53. Face à des fonds prove-‐
nant d’une infraction boursière, les personnes assujetties sont donc dans l’obligation d’effectuer une déclaration. Cette modification étant récente, nous n’avons pas encore trouvé d’informations concrètes sur sa mise en œuvre.
49 Consultable à l’adresse
(http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=2012062 1) (21.06.2012).
50 Consultable à l’adresse
(http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=2012062 1) (21.06.2012).
51 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 46 et 47.
52 Art. 561-‐15 Code monétaire et financier français (pour le consulter cf. note de bas de page n°49).
53 Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 du Parlement européen et du conseil relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terroris-‐
me. Pour consulter l’article concernant les obligations antérieures à la transposition de la Directive cf.
ancienne version de l’art 562-‐2 du Code monétaire et financier français consultable à
l’adresse (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=63CF21F214B32517C55BEE5 86B8EA0BA.tpdjo13v_1?idArticle=LEGIARTI000006658407&cidTexte=LEGITEXT000006072026&date Texte=20090131) (21.06.2012).
Un élément intéressant, en lien avec les infractions boursières et plus précisément le délit d’initié, réside dans l’introduction par la France à l’art. 621-‐18-‐4 du CMF de l’obligation pour chaque émetteur de valeurs mobilières d’établir et de tenir à jour des listes d’initiés qui sont transmises à l’Autorité des marchés financiers. Nous n’avons pu trouver si l’Autorité utilisait ou non ces listes pour la surveillance des marchés, toutefois l’hypothèse d’une surveillance électronique sur la base de ces listes nous paraît tout à fait valable.
Ainsi, la France dispose d’un système légal qui respecte les Recommandations du GAFI sur la question des infractions préalables au blanchiment. En cas d’adoption du projet de révision de la LBVM, les intermédiaires financiers suisses auront donc intérêt à exami-‐
ner la situation en France.
2. Allemagne
L’Allemagne réprime la Geldwäsche à l’art. 261 du Strafgesetzbuch54 allemand (ci-‐après
« StGB »). L’approche allemande des infractions préalable consiste en un mélange entre l’approche de liste et celle du seuil55. En effet, tous les crimes (Verbrechen) constituent des infractions préalables et l’art. 261 StGB contient de plus une liste des délits (Verge-
hen) qui sont des infractions sous-‐jacentes56. Quant aux infractions boursières, elles se situent dans l’équivalent allemand de notre LBVM, la Wertpapierhandelgesetz57 (ci-‐après
« WpHG ») aux art. 14 et 20a qui doivent être lus en lien avec l’art. 38. Jusqu’à récem-‐
ment ces infractions n’étaient pas des infractions préalables58, mais, suite à une révision, le délit d’initié réprimé à l’art 14 WpHG est apparu dans le catalogue des délits énumé-‐
rés à l’art. 261 StGB ce qui en fait une infraction sous-‐jacente. La manipulation de cours selon l’art. 20a WpHG reste exclue, pour le moment, du champ des infractions sous-‐
jacentes.
En Allemagne c’est la Gesetz über das Aufspüren von Gewinnen aus schweren Straftaten59 (ci-‐après « GwG ») qui concrétise le volet préventif de la lutte contre le blanchiment d’argent. Un devoir de communication analogue à celui existant en Suisse est prévu à
54 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/stgb/) (21.06.2012).
55 Pour plus de détails sur les différentes approches cf. Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 20.
56 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 22.
57 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/wphg/) (21.06.2012).
58 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 22.
59 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/gwg_2008/) (21.06.2012).
l’art. 11 GwG dès que la personne assujettie a des soupçons de blanchiment d’argent.
L’extension du champ des infractions préalables au délit d’initié étant récente, nous n’avons pu obtenir d’informations sur sa mise en œuvre. Toutefois, la Suisse aurait de nouveau intérêt, en cas d’adoption du projet de révision de la LBVM, à examiner com-‐
ment nos voisins allemands s’acquittent de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
III. Droit suisse
Après notre examen du traitement des infractions boursières en tant qu’infractions principales chez nos voisins, portons à présent notre attention sur la situation en Suisse.
Nous avons conclu ci-‐dessus que la procédure législative actuellement en cours résulte d’une volonté de s’aligner sur les standards internationaux pour des raisons de politique criminelle, la lutte contre la criminalité transfrontière, mais aussi et surtout pour conserver sa réputation et de bonnes conditions cadres pour sa place financière.
La Suisse dispose d’une place financière importante à de nombreux égards. Selon un rapport de l’Association suisse des banquiers datant de juillet 201160, le secteur finan-‐
cier représente plus de 10% du produit intérieur brut (PIB). A titre de comparaison, les activités financières ne représentent que 4.4% du PIB français61. Ensuite, sur le plan in-‐
ternational, les centres financiers suisses, notamment Zurich et Genève, sont classés parmi les centres les plus importants62. Cependant, en 2006, le DFF, dans son rapport sur la mise en œuvre des Recommandations du GAFI à l’étranger et leurs conséquences économiques, mettait en garde contre les conséquences d’un trop grand retard de la Suisse par rapport aux standards internationaux et prévoyait, dans l’hypothèse du statu quo, des conséquences économiques pénibles pour la place financière63. Dès lors, on peut comprendre pourquoi le Conseil fédéral affirme vouloir défendre la place financiè-‐
re suisse en mettant en œuvre les politiques internationales de lutte contre le blanchi-‐
ment d’argent dans notre ordre juridique64. Pourtant, comme nous allons le voir ci-‐
dessous, les acteurs de la place financière suisse se sont opposés au projet
60 ASB, L’importance de la place financière suisse, p. 1.
61 GAFI, Rapport d’évaluation mutuelle de la France du 25 février 2011, p. 29.
62 YEANDLE, p. 4.
63 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 108.
64 Message Recommandations, p. 5926.
d’élargissement du champ des infractions préalables aux infractions boursières. Nous allons nous intéresser aux raisons de cette opposition, à la manière dont le projet du Conseil fédéral tente de résoudre ce conflit d’intérêts, et nous nous efforcerons d’esquisser les conséquences de la mise en œuvre de la révision en cours. Mais avant tout, il s’agit de dresser le cadre légal dans lequel s’inscrit la révision de la LBVM.
A. La lutte contre le blanchiment d’argent
En Suisse, la lutte contre le blanchiment d’argent s’organise selon un système fondé sur deux volets : la prévention et la répression. Cette dernière est mise en œuvre par les dis-‐
positions prévues dans le Code pénal dont l’art. 305bis. Quant à la prévention, elle passe par la superposition de deux instruments : premièrement, une surveillance administra-‐
tive des activités du secteur financier et deuxièmement, un système d’autorégulation élaboré et mis en œuvre par les professions exposées elles-‐mêmes65.
1. L’art. 305bis CP
L’art. 305bis CP, siège de la répression pénale du blanchiment d’argent, est entré en vi-‐
gueur le 1er août 1990 dans le cadre du premier train de mesures pour la lutte contre le crime organisé. L’origine de la volonté de répression du législateur suisse se situe aussi bien sur le plan international que sur le plan national. Tout d’abord, l’impulsion vint des autorités cantonales de poursuite pénale qui étaient confrontées à d’importantes diffi-‐
cultés dans la mise en œuvre de l’entraide internationale dans la lutte contre le crime organisé66. Sur le plan national, différentes affaires et notamment le scandale de la
« Lebanon Connection », dont les incidences politiques menèrent jusqu’à la démission de la Conseillère fédérale Kopp, poussèrent les autorités à se doter rapidement d’une ré-‐
glementation pour lutter contre le blanchiment d’argent67.
Le projet adopté, rédigé par Paolo Bernasconi, conçoit l’infraction « […] comme un ins-‐
trument de lutte contre les organisations criminelles qui s’enrichissent au moyen de leur activité illicite […] »68, la réintégration des valeurs acquises illégalement dans l’économie légale constituant le talon d’Achille des organisations criminelles69.
65 QUELOZ/BOLLER/HAAG, p. 24 et 25.
66 SCHWAB/STUPP, in WATTER /VOGT (édit.), ad art. 305bis CP, n. 1.
67 CASSANI, 2008, p. 275 ; BSK Strafrecht II – PIETH, Vor Art. 305bis, n. 16 – 17.
68 CASSANI, 1996, ad art. 305bis CP, n. 2.
69 CASSANI, ibid, n. 2.
L’objet de l’infraction se limite aux valeurs patrimoniales provenant d’un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP, c’est-‐à-‐dire la catégorie des infractions les plus graves qui sont pas-‐
sibles d’une peine privative de liberté supérieure à trois ans70. Le législateur suisse a donc opté pour une approche selon la méthode dite du seuil pour définir la notion d’infractions préalables71.
De là découle la nécessité de « criminaliser » les infractions boursières pour les inclure dans le champ d’application du système suisse de lutte contre le blanchiment d’argent.
En pratique, il suffit donc au législateur de fixer une peine menace privative de liberté supérieure à trois ans pour ériger un comportement en infraction préalable.
2. Le devoir de communication des intermédiaires financiers
Dans notre analyse du volet préventif, notre examen se limitera à la surveillance admi-‐
nistrative découlant de la Loi sur le blanchiment d’argent72 (ci-‐après « LBA ») et insti-‐
tuant des devoirs pour les intermédiaires financiers. En effet, c’est en lien avec ces der-‐
niers que se situe le principal enjeu de l’extension du champ des infractions sous-‐
jacentes aux infractions boursières prévue par la révision en cours73.
La surveillance administrative concrétisée par la LBA et les ordonnances en découlant fait reposer une partie de la lutte contre le blanchiment sur les épaules des intermédiai-‐
res financiers (art. 1 et 2 al. 1 LBA). L’objectif est donc de fixer les obligations incombant aux acteurs de la place financière – qu’on nomme intermédiaires financiers – afin de lut-‐
ter contre le blanchiment d’argent et ainsi préserver l’intégrité de la place financière suisse74. Pourquoi imposer cette tâche aux intermédiaires financiers? Parce que ce sont ces derniers qui sont en contact avec les valeurs patrimoniales susceptibles d’être blan-‐
chies.
Les intermédiaires financiers supportent donc une charge importante de la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette charge se concrétise par des obligations de diligence
70 CASSANI, 2009, p. 21 ; au moment de l’entrée en vigueur de la disposition, il s’agissait des infractions passibles de la réclusion.
71 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 21.
72 Loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (LBA ; RS 955.0).
73 CASSANI, 2008, p. 329.
74 ATF 134 III 529, consid. 4.3.
fixées aux art. 3 à 8 LBA qui doivent être mises en œuvre par les intermédiaires finan-‐
ciers dans toutes leurs relations.
La clé de voute du système est l’art. 9 LBA – qui contient ce que l’on appelle « le devoir de communication de l’intermédiaire financier » – lequel oblige l’intermédiaire financier à alerter les autorités de poursuite pénale lorsqu’il se trouve dans une situation prévue par cet article75. Cette obligation de dénoncer est présente notamment dans les cas où l’intermédiaire financier sait ou présume, sur la base de soupçons fondés, que les va-‐
leurs patrimoniales étant impliquées dans la relation d’affaires ont un rapport avec une infraction de blanchiment d’argent (art. 9 al. 1 let. a ch. 1 LBA). De plus, dans une telle situation afin d’éviter que les valeurs patrimoniales ne disparaissent, elles doivent être bloquées par l’intermédiaire financier (art. 10 LBA) et ce dernier ne doit pas en informer les personnes concernées ni aucun tiers, sauf exception (art. 10a LBA).
La violation de l’obligation de communiquer (art. 9 LBA) constitue une contravention pénale, qu’elle soit intentionnelle ou par négligence (art. 37 LBA)76. Ainsi les intermé-‐
diaires financiers ne peuvent plus se permettre de rester passifs face à leurs clients, mais doivent, au contraire, se montrer proactifs afin de ne pas risquer de se voir infliger des amendes pour violation du devoir de communication.
Ce système reposant sur les intermédiaires financiers engendre des coûts supplémentai-‐
res importants pour ces derniers. Les notions juridiques sont loin d’être aisées à mani-‐
puler pour des personnes sans formation juridique et représentent un investissement en temps important de la part de l’intermédiaire financier77. L’objectif est donc d’arriver à un compromis entre l’efficacité apportée par le système et les coûts engendrés par celui-‐
ci78.
B. Les infractions boursières comme crimes préalables au blanchiment d’argent Après ce rapide tour du système suisse de lutte contre le blanchiment d’argent, portons notre regard sur le projet de révision de la LBVM. Nous commencerons par nous pen-‐
75 GRABER, in GRABER/OBERHOLZER (édit.), ad art. 9 LBA, n. 1.
76 CASSANI, 2008, p. 371.
77 BERNASCONI, p. 65. Pour une analyse plus précise des coûts et de l’utilité des mesures voir Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 102 ss.
78 Message Recommandations, p. 5926.