B. Les infractions boursières comme crimes préalables au blanchiment d’argent
2. La définition des crimes préalables en matière boursière
Au niveau de la technique législative, le projet de révision de la LBVM prévoit l’introduction d’une circonstance aggravante pour le délit d’initié à l’art. 40 al. 2 P-‐LBVM
95 Recommandations GAFI 2012, Glossaire sous « catégories désignées d’infractions », p. 121.
96 Rapport commission experts 2009, p. 47 et 59.
97 Rapport commission experts 2009, p. 47 et 59.
98 BO 2011 E 1225 ss.
99 Pas encore publiée au BO mais disponible à
l’adresse (http://www.parlament.ch/ab/frameset/f/n/4904/384841/f_n_4904_384841_384842.htm) (21.06.2012).
ainsi que pour la manipulation de cours à l’art. 40a al. 2 P-‐LBVM100. Ainsi les infractions de base restent des délits au sens du droit suisse, passibles d’une peine privative de li-‐
berté de trois ans au maximum (art. 10 al. 3 CP)101. Quant aux infractions qualifiées, elles deviennent des crimes (art. 10 al. 2 CP), passibles d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus.
La circonstance aggravante commune aux deux infractions, choisie afin de distinguer entre les délits et les crimes, porte sur l’obtention d’un « […] avantage pécuniaire de plus d’un million de francs […] »102. Il faut savoir que c’est à la suite de la phase de consulta-‐
tion que ce chiffre est apparu alors qu’auparavant le résultat devait porter sur un
« avantage pécuniaire notable »103. Cette formulation, qui apparemment devait être pré-‐
cisée par la jurisprudence, posait d’importants problèmes de sécurité juridique notam-‐
ment pour l’intermédiaire financier104. Une telle formulation aurait laissé ce dernier dans l’incertitude la plus totale quant à la situation à partir de laquelle il était soumis au devoir de communiquer de l’art. 9 LBA. La commission d’expert dans son rapport de 2009 avait déjà proposé de fixer un plancher minimum de l’ordre d’un nombre à six chif-‐
fres pour l’infraction qualifiée105. Lors de la procédure de consultation, les mêmes argu-‐
ments furent repris. Un nombre important de participants étant d’avis qu’on « […] ne peut en effet pas exiger des intermédiaires financiers qu’ils décident eux-‐mêmes s’il y a avantage pécuniaire notable et, partant, une éventuelle obligation de communiquer […] »106.
Il s’agit donc de la solution que le projet apporte aux critiques des milieux financiers.
Ainsi, seuls les cas graves seront qualifiés de crimes, et les devoirs de contrôle des in-‐
termédiaires financiers dans la lutte contre le blanchiment ne devraient pas augmenter de façon disproportionnée107.
100 Comme déjà mentionné, les dispositions pénales réprimant les infractions boursières ont migré dans la LBVM.
101 Rapport DFF explicatif 2010, p. 17.
102 Art. 40 al. 2 et 40a al. 2 P-‐LBVM.
103 Rapport DFF consultation 2010, p. 19.
104 SCHWOB, p. 36.
105 Rapport commission experts 2009, p. 47 et 59.
106 Rapport DFF consultation 2010, p. 22.
107 KOENIG, Jusletter, n. 6.
Toutefois, la solution retenue par le législateur n’est pas la panacée à tous les problèmes.
Des questions d’interprétation se posent notamment sur la limite du million de francs.
En effet, les conséquences de la réalisation de cette condition sont d’une importance considérable comme nous le verrons ci-‐dessous (cf. infra III C).
L’intermédiaire financier qui doit agir en vertu de son devoir de communication peut ainsi se trouver dans des situations désagréables. Prenons l’exemple d’une manipulation de cours portant sur le cours d’une valeur dont l’auteur détient des actions placées au-‐
près de différents intermédiaires financiers. Imaginons que l’avantage pécuniaire total dépasse un million de francs, mais que ce ne soit pas le cas individuellement pour les titres détenus par chacun des intermédiaires financiers. L’intermédiaire financier, igno-‐
rant l’ensemble des faits, n’effectuera pas de communication au sens de l’art. 9 LBA alors qu’objectivement, il s’agit d’un cas où il aurait dû effectuer une communication. La viola-‐
tion de l’obligation de communiquer réprimant également la négligence (art. 37 al. 2 LBA), il faudra alors se demander si l’intermédiaire financier a commis une imprévoyan-‐
ce coupable, faute d’avoir usé des précautions commandées par les circonstances et par sa personne (art. 12 al. 3 CP), auquel cas, il pourrait être poursuivi pour violation par négligence de son obligation de communiquer. Lors de cet examen, la question de savoir quelles précautions doivent être prises par les intermédiaires financiers n’est pour le moment pas complètement résolue108.
Les questions d’interprétation ne sont pas insolubles, mais sont complexes, et l’intermédiaire financier ne disposant pas forcément d’une formation juridique complète de droit pénal économique aura de la peine à savoir quel comportement adopter. De cette incertitude résulte, premièrement, une augmentation des coûts pour l’intermédiaire financier qui devra, par exemple, s’adresser à une personne plus compé-‐
tente, ou bien se former et, deuxièmement, une augmentation des communications non fondées – l’intermédiaire financier préférant, dans le doute, communiquer en sachant qu’il n’encourt pas de responsabilité en vertu de l’art. 11 LBA109.
108 Cf. également ZOLLINGER in THELESKLAF et al., ad. art. 37 GwG, n. 5 ss.
109 ZOLLINGER in THELESKLAF et al., ad. art. 37 GwG, n. 10.
a. L’exploitation d’informations d’initiés aggravée
Ce nouveau crime qui sera réprimé à l’art. 40 al. 2 P-‐LBVM protège le bon fonctionne-‐
ment du marché des capitaux et les investisseurs en terme d’égalité des chances110. En dehors de la circonstance aggravante énoncée à l’alinéa 2, les autres éléments constitu-‐
tifs de l’infraction sont ceux de l’art. 40 al. 1 P-‐LBVM par renvoi de l’alinéa 2.
Seuls les auteurs mentionnés à l’alinéa premier peuvent commettre ce crime. Il s’agit donc d’une infraction propre pure111. Le cercle des auteurs est composé des personnes qui sont des organes ou des membres d’un organe d’un émetteur ou d’une société contrôlant ou contrôlée par l’émetteur et des personnes qui ont accès à des informations d’initiés (art. 40 al. 1 P-‐LBVM), l’émetteur étant l’institution qui émet des valeurs mobi-‐
lières112. La question se pose de savoir ce qu’il faut entendre par « personnes qui ont accès à des informations d’initiés » et s’il y a une extension du cercle des auteurs par rapport à l’art. 161 ch. 1 CP. Le projet en allemand est plus explicite et parle des person-‐
nes qui, selon les dispositions en vigueur et en raison de leur participation ou de leur activité, ont accès aux informations d’initiés113. Le Conseil fédéral, dans son Message accompagnant le projet de révision, explique qu’on entend par là les « initiés primaires » et dresse une liste des auteurs potentiels comprenant les responsables de recherche, de fusions et d’acquisition ou du service juridique. Il indique également que les auxiliaires et les mandataires de l’entreprise ainsi que « […] les personnes subordonnées à la haute direction et ayant accès à des informations sensibles, voire les produisant elles-‐mêmes » peuvent être des initiés primaires114. La commission d’experts affirme que les actionnai-‐
res des émetteurs tombent également dans le cercle des initiés primaires et donc dans le cercle des auteurs du crime115. Elle signale aussi que l’information ne doit pas nécessai-‐
rement provenir de l’environnement immédiat de l’auteur et donne comme exemple le cas d’un collaborateur d’une entreprise non émettrice apprenant que son entreprise va conclure un contrat avec un émetteur et utilisant cette information116. Enfin, le Conseil
110 TRIPPEL/URBACH, in WATTER/VOGT (édit.), ad art. 161 CP, n. 52.
111 REINWALD, p. 520.
112 Définition trouvée sur le site de BourseReflex, portail d’information financière et économique, (http://www.boursereflex.com/lexique/emetteur) (21.06.2012).
113 Entwurf des Bundesrates zur Änderung des Bundesgesetzes über die Börsen un den Effektenhandel, BBl 2011 6915, p. 6918.
114 Message LBVM, p. 6360.
115 Rapport commission experts 2009, p. 44.
116 Rapport commission experts 2009, p. 44.
fédéral, reprenant une remarque de la commission d’experts, indique que « les cas dans lesquels l’initié primaire prend connaissance d’une information confidentielle relative à des circonstances extérieures à l’entreprise, mais de nature à influer sur le cours de son action, […] tombent encore sous le coup de l’art. 40 al. 1 P-‐LBVM et sont donc suscepti-‐
bles de représenter une exploitation d’informations d’initiés qualifiée par renvoi de l’art.
40 al. 2 P-‐LBVM117. Par conséquent, d’après REINWALD118, le projet étend le cercle des initiés primaires en comparaison avec la situation en droit positif.
Le crime porte sur une information d’initié, définie à l’art. 2 let. f P-‐LBVM comme
« information confidentielle dont la divulgation est susceptible d’influencer notablement le cours de valeurs mobilières admises au négoce d’une bourse ou d’une organisation analogue à une bourse en Suisse. » Cette notion ne diffère que très peu de celle retenue à l’actuel art. 161 CP, « faits confidentiels »119. De la même manière qu’en droit actuel, la protection offerte est domestique en ce sens que l’infraction ne peut que porter sur des informations susceptibles d’influencer le cours de valeurs mobilières cotées en Suisse.
Le comportement réprimé à l’art. 40 al. 2 P-‐LBVM consiste à exploiter l’information d’initié pour soi, ou à divulguer l’information d’initié à un tiers, ou à recommander à un tiers d’effectuer des opérations. La nouvelle formulation retenue énonce clairement que le fait de recommander à un tiers d’effectuer des opérations sans pour autant transmet-‐
tre l’information elle-‐même est punissable120.
Le résultat, quant à lui, est caractérisé par l’obtention d’un avantage pécuniaire supé-‐
rieur à un million de francs (art. 40 al. 2 P-‐LBVM). Comme déjà mentionné (cf. supra III B 2), cet élément constitutif est problématique en raison des incertitudes sur son interpré-‐
tation. Toutefois, le but annoncé étant de saisir uniquement les comportements graves, il s’agira, à notre avis, d’interpréter cette notion de façon restrictive et de considérer que l’avantage obtenu à partir d’une information d’initié dépasse la limite du million de francs suisses121.
117 Message LVBM, p. 6360 ; Rapport commission experts 2009, p. 44.
118 REINWALD, p. 520 et note de bas de page n°20 pour des références.
119 Message LBVM, p. 6354.
120 REINWALD, p. 521 ; Message LBVM, p. 6341.
121 Message LBVM, p. 6362.
Au niveau des éléments constitutifs subjectifs de l’infraction, à teneur du texte proposé au parlement, l’intention de l’auteur doit porter sur tous les éléments constitutifs objec-‐
tifs de l’infraction122. La question de savoir si le dol éventuel suffit se pose. Elle était théoriquement admise mais débattue pour l’infraction à l’art. 161 CP123.
Enfin, le Conseil national, lors de ses discussions, s’est exprimé en faveur d’une proposi-‐
tion minoritaire du conseiller Daniel Vischer, visant à renoncer au résultat de l’obtention d’un avantage pécuniaire pour l’infraction de base, c’est-‐à-‐dire le délit, selon l’art. 40 al.
1 P-‐LBVM124. Il est difficile de se prononcer sur les éventuelles conséquences d’une mo-‐
dification du texte légal par rapport à celui prévu dans le Message sur la révision de la LBVM. Toutefois, on peut supposer que cela n’aura pas d’effet sur les crimes, la réalisa-‐
tion de ceux-‐ci étant subordonnée à l’obtention d’un avantage pécuniaire supérieur à un million.
b. La manipulation de cours aggravée
Le projet prévoit de réprimer la manipulation de cours qualifiée à l’art. 40a al. 2 LBVM.
Hormis l’exigence de la réalisation d’un avantage pécuniaire supérieur à un million de francs, la définition de l’infraction reprend le contenu de l’art. 161bis CP réprimant ac-‐
tuellement la manipulation de cours, en précisant certaines notions125. C. Le blanchiment des valeurs patrimoniales issues de crimes boursiers
A l’entrée en vigueur de la révision de la LBVM, deux infractions supplémentaires seront ajoutées au catalogue des infractions préalables. Les effets de cet ajout vont se manifes-‐
ter principalement sur deux plans : premièrement, au niveau du blanchiment d’argent en tant que tel et, deuxièmement, au niveau des obligations et des devoirs de l’intermédiaire financier.
122 Cf. également Message LBVM, p. 6362.
123 La doctrine majoritaire exigeant cependant que certains éléments soient réalisés à dessein, cf. DUPUIS et al., ad art. 161 CP, n. 26 ss ; TRIPPEL/URBACH, in WATTER/VOGT (édit.), ad art. 161 CP, n. 35 ss ; BSK Stra-‐
frecht II – PETER, ad art. 161, n. 33.
124 Pas encore publiée au BO mais disponible à l’adresse
(http://www.parlament.ch/ab/frameset/f/n/4904/384841/f_n_4904_384841_384842.htm) (21.06.2012).
125 Message LBVM, p. 6362. Pour une analyse récente de l’infraction, cf. DUPUIS, ad. art. 161bis CP ; TRIP-‐
PEL/URBACH, in WATTER/VOGT (édit.), ad art. 161bis CP. Pour un examen des précisions apportées par le projet, cf. LÜTHY/SCHÄREN, p. 503 et 504 et PFLAUM, p. 83 ss.
1. Quelles conséquences en lien avec l’art. 305bis CP ?
La première conséquence découlant de l’extension du champ des infractions sous-‐
jacentes aux infractions boursières est la punissabilité pour le blanchiment d’argent.
Faute de crime en amont, le comportement réalisant les autres éléments constitutifs de l’art. 305bis CP est atypique126. La répression est donc étendue à d’autres personnes qui acceptent, transfèrent ou dissimulent des fonds provenant d’un crime boursier. Ce peut être, par exemple, le cas d’un gérant de fortune qui transfère les gains provenant d’un crime d’initié sur un compte à l’étranger et se rend donc, pour autant qu’il agisse inten-‐
tionnellement, coupable de blanchiment d’argent. La jurisprudence et la doctrine admet-‐
tent également la possibilité de commettre du blanchiment d’argent par omission, lors-‐
que l’auteur a un devoir de garant127. Enfin, en vertu de la responsabilité pénale directe et parallèle de l’entreprise au sens l’art. 102 al. 2 CP, les entreprises n’ayant pas pris tou-‐
tes les mesures d’organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher la réalisation d’une infraction de blanchiment d’argent sont également punissables. Cette situation doit être distinguée de la participation au crime d’initié ou à la manipulation de cours qualifiée qui est, quant à elle, soumise au régime de l’art. 102 al. 1 CP.
Les conséquences en cas d’infraction principale commise à l’étranger nous intéressent particulièrement, dès lors que les causes de la modification de la LBVM sont à retracer dans les Recommandations du GAFI dont l’objectif est la lutte contre le blanchiment d’argent sur le plan international. L’art. 305bis al. 3 CP étend la répression du blanchi-‐
ment d’argent aux infractions sous-‐jacentes commises à l’étranger à la condition que le comportement préalable soit réprimé à l’étranger et qu’il serait qualifié de crime selon le droit suisse128. Or, les crimes boursiers, de même que les infractions en droit positif, sont construits comme des infractions protégeant les intérêts suisses (cf. supra III B 2 a), en ce sens que seuls actes touchant à des valeurs mobilières admises au négoce d’une bourse ou d’une organisation analogue en Suisse sont réprimés. Plusieurs situations problématiques sont alors envisageables.
1. Tout d’abord, on peut imaginer la situation relativement simple où le crime bour-‐
sier portant sur des valeurs mobilières admises en Suisse est commis dans un
126 CORBOZ, vol. II, p. 632, n. 10.
127 ATF 136 IV 188, consid. 6.2 ; SCHWAB/STUPP, in WATTER/VOGT (édit.), ad art. 305bis CP, n. 32.
128 SCHWAB/STUPP, in WATTER/VOGT (édit.), ad art. 305bis CP, n. 40.
Etat réprimant les infractions boursières portant sur toutes les valeurs. Dans une telle situation, l’infraction est réprimée au lieu de commission et serait un crime en Suisse. La condition de la double incrimination étant réalisée, les actes d’entrave à la confiscation sur les valeurs patrimoniales provenant du crime boursier constituent, à notre sens, une infraction à l’art. 305bis CP.
2. Figurons-‐nous maintenant une affaire semblable à la précédente, sauf que l’Etat dans lequel est commis le crime boursier a une approche semblable à celle de la Suisse et ne réprime que les infractions boursières portant sur des valeurs mobi-‐
lières admises en bourse sur son territoire. L’auteur agit à l’étranger, à travers, par exemple, des moyens électroniques, et commet ce qui serait un crime bour-‐
sier en Suisse, mais pas au lieu de commission. A notre avis, les valeurs patrimo-‐
niales découlant d’une telle infraction devraient donc ne pas être
« blanchissables » en Suisse faute de punissabilité au lieu de commission, et donc de double incrimination.
3. Enfin, imaginons la situation fréquente, où l’auteur commet à l’étranger une in-‐
fraction boursière sur des valeurs qui ne sont pas admises au négoce en Suisse.
Ce comportement n’étant pas réprimé en Suisse, un acte d’entrave sur des va-‐
leurs patrimoniales situées en Suisse et provenant de cette infraction selon le droit étranger ne constituerait pas du blanchiment d’argent en application du principe de double incrimination concrète. Néanmoins, dans une récente affaire de corruption d’agent public étranger, le Tribunal fédéral, suivant une partie de la doctrine, a retenu qu’il fallait appliquer le principe de la double incrimination abstraite à l’art. 305bis CP129. Suite à cette précision de la jurisprudence, il suffit alors que l’infraction commise à l’étranger et qualifiée de crime en Suisse soit ré-‐
primée par une norme similaire au lieu de sa commission pour que le blanchi-‐
ment des valeurs patrimoniales en provenant soit punissable.
Il y a donc, si nos hypothèses sont exactes, au moins une lacune dans la répression. Cette dernière est regrettable au vu de l’argument en faveur de la révision de la LBVM décou-‐
lant du respect des engagements internationaux de la Suisse et notamment du respect des Recommandations du GAFI dans une optique de lutte contre la criminalité transna-‐
129 ATF 136 IV 179, consid. 2.3 = JdT 2011 IV 14 ; confirmé dans l’arrêt 6B_729/2010 du 8 décembre 2011, consid. 4.1.3 (considérant non reproduit dans la version publiée à l’ATF 138 IV 1) ; cf. également, CASSA-‐
NI, 1996, ad art. 305bis CP, n. 17 et références citées
tionale. On peut donc se demander s’il ne faudrait pas adopter une interprétation large de la répression des crimes boursiers eut égard à l’objectif précité.
Cette extension revêt aussi de l’importance pour l’entraide internationale en matière pénale ; la coopération en la matière étant subordonnée à la condition de la double in-‐
crimination abstraite130. Ainsi, face à une demande d’entraide dans un cas de blanchi-‐
ment d’argent, il faut, pour que la Suisse coopère, que la définition de l’infraction préala-‐
ble alléguée corresponde à une infraction sous-‐jacente selon le droit suisse131. 2. Quelles nouvelles exigences pour l’intermédiaire financier ?
Le débat s’est concentré sur les conséquences de la révision en rapport avec les devoirs préventifs attribués aux intermédiaires financiers132.
Comme nous l’avons vu ci-‐dessous (cf. supra III A 2 et III B 2), les intermédiaires finan-‐
ciers sont soumis à des obligations de diligence et des devoirs afin de lutter contre le blanchiment d’argent. Ces obligations et devoirs vont s’étendre aux nouvelles infractions préalables prévues par la révision de la LBVM et ainsi obliger les intermédiaires finan-‐
ciers à surveiller les opérations boursières et, en cas de soupçons fondés que les valeurs patrimoniales proviennent de crimes boursiers, à bloquer les valeurs patrimoniales et alerter les autorités en vertu des art. 9 et 10 LBA133.
Les conséquences pratiques engendrées pour les intermédiaires financiers ne sont pas encore clairement définies. La question se pose notamment à partir de quel moment ce devoir d’action naît. KOENIG134 affirme qu’en l’absence de soupçons, l’intermédiaire fi-‐
nancier n’est pas soumis à des devoirs supplémentaires. HÜRLIMANN135 et QUE-‐
LOZ/BOLLER/HAAG136 vont dans le même sens affirmant que les devoirs de l’intermédiaire financier naissent au plus tôt après l’exécution d’une transaction boursière.
130 CASSANI, 2009, p. 18 ; cf. notamment art. 35 al. 1 let. a et 64 al. 1 de la Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP ; RS 351.1).
131 MOLO, p. 192 ; CASSANI, 2009, p. 18.
132 CASSANI, 2008, p. 329.
133 Message LBVM, p. 6362.
134 KOENIG, Diss, p. 265
135 HÜRLIMANN, p. 315.
136 QUELOZ/BOLLER/HAAG, p. 85
ALONSO137 propose un système qui va dans la continuité de la logique de lutte préventive contre le blanchiment et qui se fonde sur une approche selon les risques138. Il s’agirait ainsi de prendre des mesures techniques afin de répertorier les initiés potentiels et de mettre en place un système d’alerte lorsque les transactions dépassent la limite entre le délit boursier et le crime boursier. Les initiés potentiels seraient considérés comme des relations d’affaires comportant des risques accrus au sens de l’art. 12 de l’Ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d’argent139 (ci-‐après « OBA-‐FINMA ») et les transactions dépassant la limite comme des transactions présentant des risques accrus (art. 13 OBA-‐
FINMA) avec les conséquences que cela implique au niveau des devoirs de clarification en cas de risques accrus (art. 14 OBA-‐FINMA). Les milieux financiers ont toujours affir-‐
mé ne pas être en mesure de mettre en place de telles mesures. Néanmoins, au regard de ce qui se passe chez nos voisins, on peut se demander si de telles mesures sont vérita-‐
blement impossibles140. De plus la technique évolue ; les intermédiaires financiers dis-‐
posent de plus en plus souvent d’accès à des banques de données, telles que Teledata141, leur permettant de faire des recoupements avec les transactions qu’ils effectuent. A cet égard, le rapport de la commission d’experts mentionne l’opportunité pour les bourses
posent de plus en plus souvent d’accès à des banques de données, telles que Teledata141, leur permettant de faire des recoupements avec les transactions qu’ils effectuent. A cet égard, le rapport de la commission d’experts mentionne l’opportunité pour les bourses