La criminalisation des infractions boursières est posée dans le Message du Conseil fédé-‐
ral relatif à la modification de la LBVM40 comme une condition nécessaire à la ratifica-‐
tion de la Convention du Conseil de l’Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du ter-‐
rorisme41 (ci-‐après « Convention de Varsovie » ou « CBlFT »). Cette convention n’est pas la première en la matière. Elle a été adoptée afin de moderniser la Convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 199042 (ci-‐après « Convention de Strasbourg » ou « CBl ») qui traitait déjà du blanchiment d’argent et avait été ratifiée par la Suisse en 199343. La question se pose donc de savoir pourquoi le Conseil fédéral fait dépendre la ratification de la Convention de Varsovie de la criminalisation des infractions boursières.
Les deux conventions imposent aux Etats de réprimer le blanchiment d’argent aux arti-‐
cles 6 CBl et 9 CBlFT. Selon la teneur des deux textes, le cercle des infractions préalables est défini très largement, car toutes les infractions doivent être sous-‐jacentes44. Toute-‐
fois, en 1990, afin de permettre à un grand nombre d’Etats de ratifier la Convention de Strasbourg45, les auteurs ont prévu à l’art. 6 par. 4 CBl une réserve possible, autorisant aux Etats de limiter la répression au blanchiment de valeurs provenant de certaines in-‐
fractions ou catégories d’infractions principales. La Suisse a fait usage de cette réserve et limité l’application de l’art. 6 par. 1 CBl aux cas où l’infraction principale est un crime au
39 Recommandations GAFI 2012, Glossaire sous catégories désignées d’infractions p. 121.
40 Message LBVM, p. 6336.
41 Convention du Conseil de l’Europe du 16 mai 2005 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STE n°198) (cité : Convention 198).
42 Convention du Conseil de l’Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n°141) (RS 0.311.53) (cité : Convention 141).
43 Rapport explicatif Convention 198, ch. 20 et 21.
44 Rapport explicatif Convention 141, ch. 27 (par renvoi du ch. 34) ; Rapport explicatif Convention 198, ch.
99.
45 Rapport explicatif Convention 141, ch. 27 (par renvoi du ch. 34).
sens de son droit46. Là où la Convention de Varsovie diffère, c’est qu’elle limite cette pos-‐
sibilité. L’art. 9 par. 4 CBlFT renvoie à une des catégories d’infractions listées en annexe que les Etats doivent ériger en infractions sous-‐jacentes. Cette liste reproduit celle contenue dans le Glossaire des Recommandations révisées du GAFI de 2003 et mention-‐
ne donc les infractions boursières47. C’est la raison pour laquelle la Suisse n’a pas pu ra-‐
tifier la Convention de Varsovie. En effet, contrairement aux Recommandations, la Convention est un traité international contraignant. La Suisse ne peut s’engager à res-‐
pecter la CBlFT tant qu’elle ne réprimera pas le blanchiment d’argent portant sur des valeurs patrimoniales provenant des infractions boursières.
Ainsi, la Convention de Varsovie reprend, pour ce qui est du champ des infractions sous-‐
jacentes, les exigences minimales apportées par les Recommandations du GAFI révisées de 2003.
Nous avons vu que ces dernières années les instruments internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent ont évolué et que les exigences minimales de répression du blanchiment par les Etats se sont étendues à de nouvelles catégories d’infraction. Le lé-‐
gislateur suisse est actuellement en train de s’aligner sur ces nouvelles exigences afin non seulement de participer à la lutte contre le blanchiment d’argent, mais aussi, à notre avis, par crainte d’être pointé du doigt par ses pairs et dès lors de perdre de sa crédibili-‐
té. Le Conseil fédéral ne le cache pas, dans son Message sur la mise en œuvre des re-‐
commandations révisées du Groupe d’action financière il évoquait déjà les intérêts de se conformer aux standards internationaux afin de « […] bénéficier de conditions concur-‐
rentielles similaires au niveau international et d’éviter toute discrimination. »48 C. Droit comparé
La Suisse n’est pas la seule à devoir mettre en œuvre les évolutions des standards inter-‐
nationaux en matière de blanchiment. Nous allons nous pencher brièvement sur les so-‐
lutions adoptées par deux Etats voisins, afin de voir si nous pouvons en retirer quelques pistes intéressantes pour la Suisse. Etant donné qu’une analyse poussée du droit compa-‐
ré dépasserait largement le cadre de cette contribution, notre examen se concentrera sur la question de savoir si les Etats considèrent les infractions boursières comme pré-‐
46 Convention 141, réserve relative à l’art. 6 ch. 1.
47 CASSANI, 2008, p. 262.
48 Message Recommandations, p. 5926 ; cf. également Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 108.
alables au blanchiment d’argent. Le cas échéant, nous examinerons les mesures adop-‐
tées afin de mettre en œuvre le système préventif et répressif de la lutte contre le blan-‐
chiment d’argent provenant d’infractions boursières.
1. France
Le blanchiment d’argent est réprimé en droit français à l’art. 324-‐1 du Code pénal49. La répression du blanchiment porte sur toutes les valeurs provenant des crimes et des dé-‐
lits. Il en résulte que le champ des infractions préalables est relativement large. Les in-‐
fractions boursières sont réprimées dans le Code monétaire et financier50 (ci-‐
après « CMF ») à l’art. L465-‐1 pour le délit d’initié, et à l’art. L465-‐2 pour la manipulation de cours. Ces deux infractions constituent des délits et entrent, par conséquent, dans le champ des infractions préalables au blanchiment d’argent. Ce champ comprend toutes les infractions boursières et non pas uniquement une forme qualifiée.
Le système préventif de lutte contre le blanchiment est organisé et règlementé aux art.
L561-‐1 et suivants du CMF. Les personnes assujetties à ce système ont un devoir de communication à l’autorité compétente en cas de soupçons de blanchiment. Alors qu’auparavant ce devoir n’existait qu’en cas de soupçons portant sur certaines infrac-‐
tions51, il dépend actuellement de la provenance des valeurs patrimoniales d’une infrac-‐
tion dont la peine privative de liberté est supérieure à un an ou de la destination des valeurs au financement du terrorisme52. Ce changement s’est fait suite à la transposition de la 3ème Directive européenne sur le blanchiment d’argent53. Face à des fonds prove-‐
nant d’une infraction boursière, les personnes assujetties sont donc dans l’obligation d’effectuer une déclaration. Cette modification étant récente, nous n’avons pas encore trouvé d’informations concrètes sur sa mise en œuvre.
49 Consultable à l’adresse
(http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=2012062 1) (21.06.2012).
50 Consultable à l’adresse
(http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=2012062 1) (21.06.2012).
51 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 46 et 47.
52 Art. 561-‐15 Code monétaire et financier français (pour le consulter cf. note de bas de page n°49).
53 Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 du Parlement européen et du conseil relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terroris-‐
me. Pour consulter l’article concernant les obligations antérieures à la transposition de la Directive cf.
ancienne version de l’art 562-‐2 du Code monétaire et financier français consultable à
l’adresse (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=63CF21F214B32517C55BEE5 86B8EA0BA.tpdjo13v_1?idArticle=LEGIARTI000006658407&cidTexte=LEGITEXT000006072026&date Texte=20090131) (21.06.2012).
Un élément intéressant, en lien avec les infractions boursières et plus précisément le délit d’initié, réside dans l’introduction par la France à l’art. 621-‐18-‐4 du CMF de l’obligation pour chaque émetteur de valeurs mobilières d’établir et de tenir à jour des listes d’initiés qui sont transmises à l’Autorité des marchés financiers. Nous n’avons pu trouver si l’Autorité utilisait ou non ces listes pour la surveillance des marchés, toutefois l’hypothèse d’une surveillance électronique sur la base de ces listes nous paraît tout à fait valable.
Ainsi, la France dispose d’un système légal qui respecte les Recommandations du GAFI sur la question des infractions préalables au blanchiment. En cas d’adoption du projet de révision de la LBVM, les intermédiaires financiers suisses auront donc intérêt à exami-‐
ner la situation en France.
2. Allemagne
L’Allemagne réprime la Geldwäsche à l’art. 261 du Strafgesetzbuch54 allemand (ci-‐après
« StGB »). L’approche allemande des infractions préalable consiste en un mélange entre l’approche de liste et celle du seuil55. En effet, tous les crimes (Verbrechen) constituent des infractions préalables et l’art. 261 StGB contient de plus une liste des délits (Verge-
hen) qui sont des infractions sous-‐jacentes56. Quant aux infractions boursières, elles se situent dans l’équivalent allemand de notre LBVM, la Wertpapierhandelgesetz57 (ci-‐après
« WpHG ») aux art. 14 et 20a qui doivent être lus en lien avec l’art. 38. Jusqu’à récem-‐
ment ces infractions n’étaient pas des infractions préalables58, mais, suite à une révision, le délit d’initié réprimé à l’art 14 WpHG est apparu dans le catalogue des délits énumé-‐
rés à l’art. 261 StGB ce qui en fait une infraction sous-‐jacente. La manipulation de cours selon l’art. 20a WpHG reste exclue, pour le moment, du champ des infractions sous-‐
jacentes.
En Allemagne c’est la Gesetz über das Aufspüren von Gewinnen aus schweren Straftaten59 (ci-‐après « GwG ») qui concrétise le volet préventif de la lutte contre le blanchiment d’argent. Un devoir de communication analogue à celui existant en Suisse est prévu à
54 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/stgb/) (21.06.2012).
55 Pour plus de détails sur les différentes approches cf. Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 20.
56 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 22.
57 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/wphg/) (21.06.2012).
58 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 22.
59 Consultable à l’adresse (http://www.gesetze-‐im-‐internet.de/gwg_2008/) (21.06.2012).
l’art. 11 GwG dès que la personne assujettie a des soupçons de blanchiment d’argent.
L’extension du champ des infractions préalables au délit d’initié étant récente, nous n’avons pu obtenir d’informations sur sa mise en œuvre. Toutefois, la Suisse aurait de nouveau intérêt, en cas d’adoption du projet de révision de la LBVM, à examiner com-‐
ment nos voisins allemands s’acquittent de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
III. Droit suisse
Après notre examen du traitement des infractions boursières en tant qu’infractions principales chez nos voisins, portons à présent notre attention sur la situation en Suisse.
Nous avons conclu ci-‐dessus que la procédure législative actuellement en cours résulte d’une volonté de s’aligner sur les standards internationaux pour des raisons de politique criminelle, la lutte contre la criminalité transfrontière, mais aussi et surtout pour conserver sa réputation et de bonnes conditions cadres pour sa place financière.
La Suisse dispose d’une place financière importante à de nombreux égards. Selon un rapport de l’Association suisse des banquiers datant de juillet 201160, le secteur finan-‐
cier représente plus de 10% du produit intérieur brut (PIB). A titre de comparaison, les activités financières ne représentent que 4.4% du PIB français61. Ensuite, sur le plan in-‐
ternational, les centres financiers suisses, notamment Zurich et Genève, sont classés parmi les centres les plus importants62. Cependant, en 2006, le DFF, dans son rapport sur la mise en œuvre des Recommandations du GAFI à l’étranger et leurs conséquences économiques, mettait en garde contre les conséquences d’un trop grand retard de la Suisse par rapport aux standards internationaux et prévoyait, dans l’hypothèse du statu quo, des conséquences économiques pénibles pour la place financière63. Dès lors, on peut comprendre pourquoi le Conseil fédéral affirme vouloir défendre la place financiè-‐
re suisse en mettant en œuvre les politiques internationales de lutte contre le blanchi-‐
ment d’argent dans notre ordre juridique64. Pourtant, comme nous allons le voir ci-‐
dessous, les acteurs de la place financière suisse se sont opposés au projet
60 ASB, L’importance de la place financière suisse, p. 1.
61 GAFI, Rapport d’évaluation mutuelle de la France du 25 février 2011, p. 29.
62 YEANDLE, p. 4.
63 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 108.
64 Message Recommandations, p. 5926.
d’élargissement du champ des infractions préalables aux infractions boursières. Nous allons nous intéresser aux raisons de cette opposition, à la manière dont le projet du Conseil fédéral tente de résoudre ce conflit d’intérêts, et nous nous efforcerons d’esquisser les conséquences de la mise en œuvre de la révision en cours. Mais avant tout, il s’agit de dresser le cadre légal dans lequel s’inscrit la révision de la LBVM.
A. La lutte contre le blanchiment d’argent
En Suisse, la lutte contre le blanchiment d’argent s’organise selon un système fondé sur deux volets : la prévention et la répression. Cette dernière est mise en œuvre par les dis-‐
positions prévues dans le Code pénal dont l’art. 305bis. Quant à la prévention, elle passe par la superposition de deux instruments : premièrement, une surveillance administra-‐
tive des activités du secteur financier et deuxièmement, un système d’autorégulation élaboré et mis en œuvre par les professions exposées elles-‐mêmes65.
1. L’art. 305bis CP
L’art. 305bis CP, siège de la répression pénale du blanchiment d’argent, est entré en vi-‐
gueur le 1er août 1990 dans le cadre du premier train de mesures pour la lutte contre le crime organisé. L’origine de la volonté de répression du législateur suisse se situe aussi bien sur le plan international que sur le plan national. Tout d’abord, l’impulsion vint des autorités cantonales de poursuite pénale qui étaient confrontées à d’importantes diffi-‐
cultés dans la mise en œuvre de l’entraide internationale dans la lutte contre le crime organisé66. Sur le plan national, différentes affaires et notamment le scandale de la
« Lebanon Connection », dont les incidences politiques menèrent jusqu’à la démission de la Conseillère fédérale Kopp, poussèrent les autorités à se doter rapidement d’une ré-‐
glementation pour lutter contre le blanchiment d’argent67.
Le projet adopté, rédigé par Paolo Bernasconi, conçoit l’infraction « […] comme un ins-‐
trument de lutte contre les organisations criminelles qui s’enrichissent au moyen de leur activité illicite […] »68, la réintégration des valeurs acquises illégalement dans l’économie légale constituant le talon d’Achille des organisations criminelles69.
65 QUELOZ/BOLLER/HAAG, p. 24 et 25.
66 SCHWAB/STUPP, in WATTER /VOGT (édit.), ad art. 305bis CP, n. 1.
67 CASSANI, 2008, p. 275 ; BSK Strafrecht II – PIETH, Vor Art. 305bis, n. 16 – 17.
68 CASSANI, 1996, ad art. 305bis CP, n. 2.
69 CASSANI, ibid, n. 2.
L’objet de l’infraction se limite aux valeurs patrimoniales provenant d’un crime au sens de l’art. 10 al. 2 CP, c’est-‐à-‐dire la catégorie des infractions les plus graves qui sont pas-‐
sibles d’une peine privative de liberté supérieure à trois ans70. Le législateur suisse a donc opté pour une approche selon la méthode dite du seuil pour définir la notion d’infractions préalables71.
De là découle la nécessité de « criminaliser » les infractions boursières pour les inclure dans le champ d’application du système suisse de lutte contre le blanchiment d’argent.
En pratique, il suffit donc au législateur de fixer une peine menace privative de liberté supérieure à trois ans pour ériger un comportement en infraction préalable.
2. Le devoir de communication des intermédiaires financiers
Dans notre analyse du volet préventif, notre examen se limitera à la surveillance admi-‐
nistrative découlant de la Loi sur le blanchiment d’argent72 (ci-‐après « LBA ») et insti-‐
tuant des devoirs pour les intermédiaires financiers. En effet, c’est en lien avec ces der-‐
niers que se situe le principal enjeu de l’extension du champ des infractions sous-‐
jacentes aux infractions boursières prévue par la révision en cours73.
La surveillance administrative concrétisée par la LBA et les ordonnances en découlant fait reposer une partie de la lutte contre le blanchiment sur les épaules des intermédiai-‐
res financiers (art. 1 et 2 al. 1 LBA). L’objectif est donc de fixer les obligations incombant aux acteurs de la place financière – qu’on nomme intermédiaires financiers – afin de lut-‐
ter contre le blanchiment d’argent et ainsi préserver l’intégrité de la place financière suisse74. Pourquoi imposer cette tâche aux intermédiaires financiers? Parce que ce sont ces derniers qui sont en contact avec les valeurs patrimoniales susceptibles d’être blan-‐
chies.
Les intermédiaires financiers supportent donc une charge importante de la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette charge se concrétise par des obligations de diligence
70 CASSANI, 2009, p. 21 ; au moment de l’entrée en vigueur de la disposition, il s’agissait des infractions passibles de la réclusion.
71 Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 21.
72 Loi fédérale du 10 octobre 1997 concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier (LBA ; RS 955.0).
73 CASSANI, 2008, p. 329.
74 ATF 134 III 529, consid. 4.3.
fixées aux art. 3 à 8 LBA qui doivent être mises en œuvre par les intermédiaires finan-‐
ciers dans toutes leurs relations.
La clé de voute du système est l’art. 9 LBA – qui contient ce que l’on appelle « le devoir de communication de l’intermédiaire financier » – lequel oblige l’intermédiaire financier à alerter les autorités de poursuite pénale lorsqu’il se trouve dans une situation prévue par cet article75. Cette obligation de dénoncer est présente notamment dans les cas où l’intermédiaire financier sait ou présume, sur la base de soupçons fondés, que les va-‐
leurs patrimoniales étant impliquées dans la relation d’affaires ont un rapport avec une infraction de blanchiment d’argent (art. 9 al. 1 let. a ch. 1 LBA). De plus, dans une telle situation afin d’éviter que les valeurs patrimoniales ne disparaissent, elles doivent être bloquées par l’intermédiaire financier (art. 10 LBA) et ce dernier ne doit pas en informer les personnes concernées ni aucun tiers, sauf exception (art. 10a LBA).
La violation de l’obligation de communiquer (art. 9 LBA) constitue une contravention pénale, qu’elle soit intentionnelle ou par négligence (art. 37 LBA)76. Ainsi les intermé-‐
diaires financiers ne peuvent plus se permettre de rester passifs face à leurs clients, mais doivent, au contraire, se montrer proactifs afin de ne pas risquer de se voir infliger des amendes pour violation du devoir de communication.
Ce système reposant sur les intermédiaires financiers engendre des coûts supplémentai-‐
res importants pour ces derniers. Les notions juridiques sont loin d’être aisées à mani-‐
puler pour des personnes sans formation juridique et représentent un investissement en temps important de la part de l’intermédiaire financier77. L’objectif est donc d’arriver à un compromis entre l’efficacité apportée par le système et les coûts engendrés par celui-‐
ci78.
B. Les infractions boursières comme crimes préalables au blanchiment d’argent Après ce rapide tour du système suisse de lutte contre le blanchiment d’argent, portons notre regard sur le projet de révision de la LBVM. Nous commencerons par nous pen-‐
75 GRABER, in GRABER/OBERHOLZER (édit.), ad art. 9 LBA, n. 1.
76 CASSANI, 2008, p. 371.
77 BERNASCONI, p. 65. Pour une analyse plus précise des coûts et de l’utilité des mesures voir Rapport DFF Recommandations à l’étranger, p. 102 ss.
78 Message Recommandations, p. 5926.
cher sur l’historique de cette révision avant d’examiner les modifications prévues par la loi et surtout les comportements qui seront constitutifs d’un crime.
1. Le processus de modification des infractions boursières
Comme observé lors de notre analyse du droit international pertinent (cf. supra II), il faut retracer la volonté d’étendre le champ des infractions préalables aux infractions boursières dans la révision des Recommandations du GAFI de juin 2003. Lors du projet de mise en œuvre des Recommandations révisées du GAFI en Suisse, cette extension suscita une levée de boucliers des milieux financiers79. Suite à cela, et certainement de peur que cela empêche le projet dans son ensemble de passer la rampe devant les Chambres fédérales, cette extension aux infractions boursières fut extraite du projet de loi et renvoyée à une révision ultérieure80.
Par la suite, le GAFI rendit son rapport d’évaluation mutuelle de la Suisse en novembre 2005, lequel relevait, de manière prévisible, les lacunes du droit suisse notamment dans la répression du blanchiment d’argent provenant d’infractions boursières. Par consé-‐
quent, la Suisse fut placée dans un régime de « suivi régulier » impliquant qu’elle devait rendre des comptes de la façon dont elle corrigeait les lacunes relevées81. Quelques mois plus tard, pour faire suite aux critiques du GAFI et des milieux financiers opposés à l’extension du champ des infractions sous-‐jacentes aux infractions boursières, le Conseil fédéral chargea le Département fédéral des finances (ci-‐après « DFF ») et le Départe-‐
ment fédéral de justice et police (ci-‐après « DFJP ») d’élaborer un projet de révision des infractions boursières et des abus de marché. Afin de faire figurer toute la réglementa-‐
ment fédéral de justice et police (ci-‐après « DFJP ») d’élaborer un projet de révision des infractions boursières et des abus de marché. Afin de faire figurer toute la réglementa-‐