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Analyse comparative du doublage et du sous-titrage dans les films Harry Potter : dans quelle mesure les contraintes respectives du doublage et du sous-titrage ont-elles influencé la traduction des dialogues de Dumbledore ?

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Analyse comparative du doublage et du sous-titrage dans les films Harry Potter : dans quelle mesure les contraintes respectives du

doublage et du sous-titrage ont-elles influencé la traduction des dialogues de Dumbledore ?

HABRAN, Pauline

Abstract

Ce mémoire porte sur les contraintes du doublage et du sous-titrage dans les films Harry Potter. Nous avons cherché à déterminer dans quelle mesure les contraintes respectives de ces deux modes de traduction, mais également leurs contraintes communes, ont influencé la traduction des répliques du personnage de Dumbledore. Après une présentation détaillée de l'auteur, de l'ensemble de l'œuvre et du genre, nous avons décrit l'évolution de chacun des deux modes de traduction audiovisuelle ainsi que leurs contraintes respectives et communes.

Nous avons ensuite analysé l'histoire personnelle de Dumbledore, sa manière d'interagir avec les autres personnages, ainsi que les particularités de son idiolecte. Dans notre analyse comparative, nous avons cherché à savoir si malgré les contraintes, la version doublée et la version sous-titrée en français restent fidèles au personnage.

HABRAN, Pauline. Analyse comparative du doublage et du sous-titrage dans les films Harry Potter : dans quelle mesure les contraintes respectives du doublage et du sous-titrage ont-elles influencé la traduction des dialogues de Dumbledore ?. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:132563

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Analyse comparative du doublage et du sous- titrage dans les films Harry Potter : dans quelle mesure les contraintes respectives du doublage et du sous-titrage ont-elles influencé la traduction des dialogues de Dumbledore ?

HABRAN Pauline

Maîtrise en traduction spécialisée mention générale Directrice de mémoire : Mme Mathilde FONTANET Jurée : Mme Véronique Christine BOHN

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Remerciements :

La rédaction de ce mémoire de fin d’études a été un travail de longue haleine, que je n’aurais pu mener à bien sans l’aide précieuse de certaines personnes.

Je souhaite avant tout remercier ma directrice de mémoire, Mme Mathilde Fontanet, de m’avoir accompagnée et conseillée tout au long de ce travail de mémoire et d’avoir toujours trouvé le temps de répondre à mes (très nombreuses) questions de formes et de fond.

Je remercie également Mme Véronique Christine Bohn d’avoir accepté d’être la jurée de ce mémoire.

Je tenais enfin à remercier ma famille et mes amis, pour leur soutien et leurs encouragements, mais aussi pour l’aide qu’ils ont pu m’apporter lors de la rédaction de ce mémoire, et plus généralement dans mes études.

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Sommaire

Avant-propos et remarques préliminaires ... 6

Introduction ... 7

I. Le phénomène Harry Potter ... 9

A. Présentation de l’œuvre ... 9

1. Présentation de l’auteur ... 9

2. Présentation de l’intrigue ... 11

3. Un phénomène transgénérationnel et universel ... 13

B. Présentation du traducteur ... 15

1. Biographie ... 15

2. Les difficultés à traduire Harry Potter ... 16

C. Présentation du genre ... 17

1. La littérature jeunesse ... 17

a. Le statut de l’enfant ... 18

b. La jeunesse, un public particulier ... 19

c. La place de l’adulte dans la littérature jeunesse ... 22

d. Les livres Harry Potter : ouvrages de jeunesse ? ... 25

e. Synthèse ... 26

2. Harry Potter ou le mélange des genres ... 27

a. Le merveilleux ... 28

b. Le fantastique ... 30

c. La fantasy ... 32

d. Quel genre pour Harry Potter ? ... 34

D. Présentation des films ... 36

1. Les films Harry Potter ... 36

2. Le doublage et le sous-titrage des films ... 37

E. Synthèse ... 38

II. Considérations théoriques sur le doublage et le sous-titrage ... 40

A. Le doublage et le sous-titrage ... 41

1. Le doublage ... 41

a. Définition ... 41

b. Historique ... 42

c. Processus de doublage en France ... 45

2. Le sous-titrage ... 47

a. Définition ... 47

b. Historique ... 48

c. Processus de sous-titrage en France ... 50

(6)

B. Les contraintes du doublage et du sous-titrage ... 52

1. Les contraintes du doublage ... 52

a. Synchronisme labial et artistique ... 52

b. Synchronisme phonétique et syntaxique ... 54

2. Les contraintes du sous-titrage ... 54

a. Le temps ... 54

b. Le nombre de caractères ... 55

c. Les changements de plan ... 56

3. Les contraintes communes au doublage et au sous-titrage ... 57

C. Synthèse ... 58

III. Dumbledore dans le doublage et le sous-titrage ... 59

A. Présentation du personnage ... 59

1. Un personnage complexe ... 59

2. Les relations de Dumbledore avec les autres personnages ... 61

3. Idiolecte et caractère de Dumbledore ... 65

a. Idiolecte de Dumbledore ... 65

b. Différences entre le personnage des livres et le personnage des films ... 69

B. Analyse comparative du doublage et du sous-titrage ... 70

1. Présentation des extraits ... 70

2. Les extraits dans les livres et dans les films ... 84

3. Le niveau de langue / registre ... 87

4. Le sens ... 99

5. L’humour et l’ironie ... 112

6. Les métaphores, expressions imagées ... 117

Conclusion ... 124

Bibliographie ... 128

Annexes ... 136

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Avant-propos :

À l’occasion d’une réunion de famille, je m’occupais des enfants de ma cousine, âgés respectivement de 11, 9 et 7 ans, quand la petite dernière, en pleine fouille dans mon sac à main, en sortit le premier tome d’Harry Potter en anglais, une des sources utilisées dans la rédaction du présent mémoire. J’en profitais alors pour m’informer et demandais aux trois enfants s’ils connaissaient les aventures du jeune sorcier. Les deux plus grands m’ont répondu par l’affirmative, tout en ajoutant qu’ils n’avaient lu aucun des livres mais qu’ils avaient visionné tous les films. La suite de leur réponse n’a fait qu’ajouter à mon étonnement : pas besoin de lire les livres quand on a déjà vu les films. Je me suis alors dit qu’ils ne savaient pas ce qu’ils rataient. Cet échange me renvoyait à ma propre expérience de jeune lectrice : tous les soirs, alors même que mes parents me pensaient endormie, je lisais, cachée sous les couvertures, à la lumière d’une lampe de poche. Une fois que je commençais un tome des aventures de Harry Potter, il m’était très difficile de m’arrêter. La saga a été mon premier coup de cœur littéraire : je ne me souviens pas avoir ressenti autant d’émotions, ni autant d’engouement à la lecture d’autres œuvres.

Remarques préliminaires

Dans la partie dédiée à l’analyse comparative du doublage et du sous-titrage, les sous-titres seront présentés sous la forme suivante : « C’est une Pensine.// Très utile, si comme moi, // tu trouves ton esprit un peu encombré ». La double barre oblique (//) sera utilisée afin de marquer les changements de sous-titre.

À leur première occurrence, les dénominations de lieux, de personnages ainsi que les néologismes seront présentés comme suit : Deatheaters [Mangemorts]. Dans le reste du texte, nous utiliserons la traduction française de Jean-François Ménard, pour une meilleure compréhension. Les noms identiques en anglais et en français seront cités directement en français.

Dans le corps du texte, les livres seront évoqués à plusieurs reprises. À des fins de simplification, nous avons fait le choix d’adopter les abréviations suivantes. HP 1 ANG / HP 1 FR (1er tome en anglais / 1er tome en français), HP 2 ANG / HP 2 FR (2e tome en anglais / 2e tome en français) etc. Dans l’analyse comparative, le titre complet des films sera inclus.

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Introduction

À l’instar de la création du cinéma parlant, de l’introduction de la couleur sur la pellicule, des changements dans les techniques de montage et de la conception des décors, le doublage et le sous-titrage représentent une évolution majeure de l’histoire du cinéma et des productions audiovisuelles. Les évolutions techniques et artistiques de ces deux modes de traduction passent néanmoins souvent inaperçues, le public étant plus prompt à dénoncer les défauts des versions doublées et sous-titrées qu’à en souligner les qualités (Cornu, 2014 : 396). En effet, la question de la qualité du doublage et du sous-titrage est au centre des réflexions, notamment suite à l’apparition du fansubbing, une forme de sous-titrage réalisée par des fans et non par des entreprises spécialisées, et du fandub, qui consiste en la réalisation d’un doublage par les fans.

Le rôle du traducteur audiovisuel ne consiste pas seulement à restituer le sens de la réplique, mais également à tenir compte des spécificités de chaque personnage, tout en se pliant aux contraintes techniques spécifiques à la traduction audiovisuelle. En tant que spectatrice assidue des films Harry Potter, nous n’avons pu nous empêcher de relever quelques imprécisions et erreurs dans le doublage de certaines répliques et dans certains sous-titres en français. Il nous a donc paru intéressant de comparer les choix de traduction opérés dans la version doublée et dans la version sous-titrée des films Harry Potter.

Nous avons décidé d’aborder le sujet des différences entre le doublage et le sous-titrage sous l’angle des contraintes. Les contraintes de ces deux modes de traduction étant globalement assez différentes, il nous a paru intéressant d’analyser plus en détail les traductions de la version doublée et de la version sous-titrée, afin de découvrir si l’une ou l’autre est plus satisfaisante du point de vue de l’adéquation au caractère du personnage étudié ainsi qu’à son idiolecte.

Pour le choix du personnage à étudier, nous avons opté pour Albus Dumbledore. Il est, selon nous, le personnage le plus mystérieux et le plus complexe de la saga, tant du point de vue psychologique que langagier. Il est également l’un des personnages qui interviennent le plus dans la saga, exception faite des trois personnages principaux, Harry Potter, Hermione Granger et Ronald Weasley.

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Au cours de ce travail, nous nous intéresserons uniquement aux répliques d’Albus Dumbledore dans la version originale, ainsi qu’à leur traduction dans le doublage et dans le sous-titrage. Nous comparerons ces deux versions traduites au regard des contraintes qui s’y associent et des spécificités du personnage de Dumbledore. Nous serons donc amenée à nous demander, d’un point de vue général, quelles sont les contraintes auxquelles sont soumis les traducteurs dans le doublage et dans le sous-titrage. Autrement dit, l’essentiel de notre problématique sera : dans quelle mesure les spécificités du personnage de Dumbledore ont- elles été restituées dans le doublage et dans le sous-titrage ? Nous chercherons à répondre à cette question, tout en gardant à l’esprit les contraintes respectives de ces deux modes de traduction pour éclairer les choix qui ont été opérés.

Notre travail portera sur la version originale des huit films Harry Potter en langue anglaise ainsi que sur leurs versions respectives doublées en français (V.F) et sous-titrées en français (VOSTFR). Nous inclurons également dans cette analyse certains éléments uniquement présents dans les livres, notamment dans le but de définir avec plus de précision ce qui fait l’essence du personnage de Dumbledore.

Dans une première partie, nous nous attèlerons à présenter la saga Harry Potter. Nous commencerons par en présenter l’auteur et l’intrigue, avant d’apporter quelques éléments d’information sur le traducteur et les difficultés de traduction qu’il a pu rencontrer. Nous essaierons par ailleurs de définir le genre ainsi que le public-cible de la saga. Bien que nous ayons fait le choix de traiter des films, les livres Harry Potter seront également mis à contribution, notamment dans la partie relative à l’histoire et à l’identification du genre. Nous considérons que les remarques qui seront faites à propos des livres peuvent également s’appliquer aux films.

Notre deuxième partie consistera en une présentation du doublage et du sous-titrage en tant que modes de traduction audiovisuelle. Après avoir défini chacun de ces modes, nous dresserons un historique de leurs évolutions respectives, puis nous décrirons par quel processus doublage et sous-titrage sont produits. Nous définirons ensuite leurs contraintes particulières ainsi que leurs contraintes communes.

Enfin, notre troisième partie sera consacrée à l’analyse comparative des passages où intervient Dumbledore dans les versions doublées et sous-titrées des huit films Harry Potter. Nous

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commencerons par présenter plus en détail le personnage au centre de notre étude. Après avoir décrit son histoire personnelle, nous mettrons en avant les aspects les plus saillants de son idiolecte. Nous nous pencherons sur les différences entre le doublage et le sous-titrage des répliques de Dumbledore sous quatre angles : 1) le niveau de langue, 2) le sens, 3) l’humour et l’ironie, et 4) les métaphores et expressions imagées.

I. Le phénomène Harry Potter

Présentation de l’œuvre 1. Présentation de l’auteure

Joanne Rowling est née à Yate dans le Gloucestershire (Angleterre) le 31 juillet 1965. Depuis son plus jeune âge, son rêve est de devenir écrivain : à six ans, elle écrit son premier livre, intitulé Rabbit, et à onze ans, son premier roman. Elle étudie la littérature classique et perfectionne son français à l’Université d’Exeter, en Angleterre, avant de poursuivre ses études à Paris pendant une année et d’obtenir un bachelor en français et lettres classiques.

L’idée de Harry Potter lui vient alors qu’elle attend le départ du train reliant la gare de King’s Cross, à Londres, à la ville de Manchester. Elle imagine alors les aventures d’un jeune sorcier au destin prodigieux et, en cinq ans seulement, Joanne Rowling esquisse les grandes lignes de son heptalogie (Rowling, 2016).

Plusieurs maisons d’édition refusent de publier la jeune auteure au motif qu’elles ne voient pas de marché pour cet ouvrage considéré comme « décalé ». Cependant, en 1997, la maison d’édition Bloomsbury Children’s Books accepte de faire paraître le premier tome des livres Harry Potter. L’éditeur, estimant qu’un livre écrit par une femme et publié sous son nom risquerait d’être moins attrayant pour les jeunes garçons, conseille à l’auteure d’apposer un nom de plume à son œuvre. Ainsi Joanne Rowling décide-t-elle de publier la saga Harry Potter sous le nom de « J. K. Rowling », le « K » étant un clin d’œil à sa grand-mère, prénommée Kathleen (Rowling, 2016).

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Les livres Harry Potter, connaissant un succès fulgurant et immédiat, intègrent la liste des dix livres les plus lus du monde1. Bien que la saga soit destinée à un jeune public, l’auteure ne se limite pas à cette catégorie et suscite également l’intérêt des adultes. Les sept tomes consacrés aux aventures du jeune sorcier représentent son plus gros succès, mais l’œuvre de J. K.

Rowling est bien plus étendue. Elle a notamment publié plusieurs ouvrages connexes en relation avec l’univers de Harry Potter. Il est entre autres possible de citer The Tales of Beedle the Bard [Les contes de Beedle le Barde], Quidditch through the ages [Le Quidditch à travers les âges] ainsi que la pièce de théâtre intitulée Harry Potter and the Cursed Child [Harry Potter et l’enfant maudit] et Fantastic Beasts and Where To Find Them [Les Animaux fantastiques]. L’auteure a également rédigé les scripts des films Fantastic Beasts [Les Animaux fantastiques], inspirés du livre du même nom : deux films ont déjà été réalisés et présentés au public en 2016 et en 2018, et trois autres devraient suivre2.

Joanne Rowling a par ailleurs publié plusieurs romans policiers sous le pseudonyme Robert Galbraith, notamment The Cuckoo’s Calling en 2013, The Silkworm en 2014 et Lethal White en 2018 (Galbraith, 2017). En adoptant un nouveau nom de plume, elle souhaitait que ses œuvres soient jugées pour ce qu’elles sont et non pour le nom qui leur est apposé. Robert Galbraith aurait ainsi pu se faire un nom dans le monde du roman policier sans évoluer dans l’ombre de Rowling. Cependant la véritable identité de l’auteur a rapidement été découverte3. J. K. Rowling a reçu de nombreux prix littéraires et son œuvre a été distinguée non seulement en Angleterre, mais également à l’étranger. Elle a entre autres été faite chevalier de la légion d’honneur française en 2009 et a reçu le prix Hans Christian Andersen (Danemark) en 2010 (Rowling, 2016). L’univers fantastique de Harry Potter a séduit le monde entier : traduite dans 79 langues, vendue à plus de 450 millions d’exemplaires à travers le monde (Cox, 2017), elle est la saga la plus vendue du XXIe siècle. Elle a aussi ouvert la voie à d’autres œuvres fantastiques (Twilight et Eragon), et permis d’en redécouvrir d’autres (The Chronicles of Narnia [Le monde de Narnia]).

1 BABELIO, Les 10 livres les plus vendus dans le monde, [en ligne] https://www.babelio.com/liste/1846/Les-10- livres-les-plus-vendus-dans-le-monde (Consulté le 15 mars 2019)

BIBLIOBS, Quels sont les 10 livres les plus lus dans le monde, [en ligne] https://bibliobs.nouvelobs.com/web- side-stories/20121123.OBS0354/quels-sont-les-10-livres-les-plus-lus-dans-le-monde.html (Consulté le 15 mars 2019)

2 J.K. ROWLING, Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald now in cinemas, [en ligne]

https://www.jkrowling.com/fantastic-beasts-the-crimes-of-grindelwald-now-in-cinemas/, 16 novembre 2018 (Consulté le 15 mars 2019).

3 Ibid

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Plusieurs générations ont vu évoluer le jeune sorcier et ont évolué avec lui. D’après Jean- François Ménard, chargé de la traduction des œuvres vers le français, le succès de la saga tient au fait que, bien qu’elle se déroule dans un univers fantastique peuplé de centaures, mages et autres créatures fantastiques, elle est profondément rattachée à la réalité. « Ce n’est pas un livre qui nous emmène dans un monde qui n’existe pas du tout et qui n’aurait pas de relation avec le nôtre. C’est un monde parallèle au nôtre. C’est nous les sorciers. » (Arrou-Vignod, 2013).

2. Présentation de l’intrigue

Le jeune Harry Potter n’est âgé que d’un an lorsque ses deux parents sont brutalement assassinés. Il est alors accueilli, bien malgré eux, par son oncle et sa tante maternels, Vernon et Petunia Dursley. Harry est le souffre-douleur de la famille et subit perpétuellement les brimades de son cousin, Dudley Dursley, un « gros garçon blond4 » au caractère aussi détestable et repoussant que son apparence. Au jour de ses onze ans, Harry reçoit la visite du demi-géant Hagrid, une rencontre qui va bouleverser sa vie. Hagrid lui explique qu’il est un sorcier et que ses parents l’étaient aussi avant d’être assassinés. Ils n’ont pas été victimes d’un accident de voiture comme cela lui avait été raconté par son oncle et sa tante. Le jeune Harry apprend alors qu’il est admis à Hogwarts, School of Witchcraft and Wizardry [Poudlard, école de sorcellerie] et que le demi-géant est venu le chercher pour s’y rendre. Malgré les vociférations des Dursley, Harry part étudier à Poudlard.

Il découvre alors un monde magique, à l’opposé de tout ce qu’il a pu connaître jusqu’alors. Il se rend compte que, dans ce nouveau monde, il est célèbre pour être le seul sorcier à avoir jamais survécu au sortilège de mort lancé par le mage noir Lord Voldemort, alors qu’il n’était qu’un nourrisson, et que le mage a tué ses deux parents. Il acquit ce jour-là le surnom « the boy who survived » [celui qui a survécu] et il ne subsiste de ce face-à-face avec Voldemort qu’une fine cicatrice en forme d’éclair sur son front. Depuis ce jour, Voldemort semble avoir disparu : certains le croient mort, d’autres pensent qu’il attend son heure pour revenir et ses partisans, les Deatheaters [Mangemorts], attendent avec impatience son retour.

4 HP 1 FR p.23 / « A large, blond boy » (HP 1 ANG p.19)

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Dans le Hogwarts express [Poudlard express], le train reliant la gare de King’s Cross à l’école de sorcellerie, Harry rencontre Ronald « Ron » Weasley, un jeune garçon qui fait lui aussi sa rentrée à Poudlard, avec qui il se lie immédiatement d’amitié. Il fait ensuite la connaissance de la brillante mais autoritaire Hermione Granger, qui vient compléter le trio, et du sournois Draco Malefoy [Drago Malfoy], son rival.

Chaque année se déroule une cérémonie au cours de laquelle le Sorting hat [Choixpeau] place les nouveaux élèves dans l’une des quatre maisons selon leur caractère et leurs qualités : Gryffindor [Gryffondor] pour les plus courageux, Hufflepuff [Pouffsouffle] pour les plus loyaux, Ravenclaw [Serdaigle] pour les plus érudits et Slytherin [Serpentard] pour les plus malins. À l’issue de cette cérémonie, le directeur de l’école, Albus Dumbledore, prononce son discours de bienvenue. Les élèves intègrent Poudlard pour sept années d’études. Plusieurs matières sont au programme, notamment des cours de defence against the dark arts [Défense contre les forces du mal], de potions [Potions], de care of magical creatures [Soins aux créatures magiques] et de transfiguration [Métamorphose]. Pour se distraire, les élèves participent, sous les couleurs de leurs maisons respectives, à des matchs de Quidditch, un jeu nécessitant quatre balles et au cours duquel les joueurs se déplacent sur des balais.

Chaque année apporte son lot de surprises et d’aventures épiques. Au fil de l’avancement de l’histoire, certains personnages se démarquent. Voldemort, le mage noir avide de pouvoir dont le seul nom provoque effroi et terreur chez les sorciers au point que certains l’appelle « You- Know-Who » ou « He-Who-Must-Not-Be-Named » [Vous-Savez-Qui ou Celui-dont-on-ne- doit-prononcer-le-nom], cherche à tout prix à tuer Harry Potter, l’enfant à l’origine de sa chute. Harry découvre que son lien avec Voldemort est bien plus fort qu’il ne pouvait imaginer : le soir où Voldemort s’est introduit chez les Potter pour tenter de les recruter et, s’ils refusaient, de les tuer, le sort de mort Avada Kedavra a ricoché et a finalement touché le mage noir. Une partie de l’âme du mage s’est alors accrochée à la seule personne en vie dans la pièce, à savoir le tout jeune Harry Potter. De ce fait, Voldemort a transmis involontairement à Harry certains de ses dons, notamment sa capacité à parler le parseltongue [Fourchelangue], c’est-à-dire à comprendre et à communiquer avec les serpents.

Un autre personnage se démarque et acquiert un rôle important au fil de l’histoire : le professeur Dumbledore. Le directeur de Poudlard est un homme d’un grand âge (115 ans à sa

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mort), à la barbe argentée descendant jusqu’à la taille, au nez crochu5 et aux yeux malicieux, doté d’une grande sagesse. Il est considéré comme le plus grand sorcier de son époque et est le seul à faire frémir le grand Lord Voldemort. Dumbledore va guider le jeune Harry tout au long de sa scolarité ainsi que dans ses recherches pour comprendre le lien qui l’unit à Voldemort. Le jeune sorcier va découvrir que son destin et celui de Voldemort sont liés et que l’un ne peut vivre tant que l’autre survit. Le dernier tome de la saga se clôt sur la bataille finale entre les deux sorciers, bataille dont le jeune Harry sort victorieux. Voldemort est vaincu, ses partisans se volatilisent et le monde des sorciers semble voir l’aube d’un nouveau jour.

3. Un phénomène universel et intergénérationnel

Le premier tome de la saga a fêté ses vingt ans en 2017. À ce jour, l’engouement ne s’est pas encore tari. L’heptalogie a d’abord connu un franc succès en Grande-Bretagne, avant de devenir un véritable phénomène planétaire. Comme nous l’avons vu précédemment, les livres Harry Potter ont été traduits dans 79 langues, publiés à plus de 450 millions d’exemplaires, et, en septembre 2016, les huit films avaient rapporté 7,2 milliards de dollars américains, les livres, 7,7 milliards de dollars, et les objets dérivés, 7,3 milliards de dollars (Cofflard, 2017).

À sa sortie, le premier tome a reçu un bon accueil de la presse, certains ayant comparé Harry Potter and the Philosopher Stone aux ouvrages de l’éminent auteur de jeunesse, Roald Dahl6. Lindsay Fraser, une critique littéraire renommée dans le domaine de la littérature de jeunesse, est allée jusqu’à affirmer que le premier tome avait tout pour devenir un grand classique de la littérature (Flint, 2017).

Le succès ne va cependant pas sans critiques. Certains estiment que les personnages de Harry Potter manquent d’épaisseur psychologique, et que la culture y est ainsi infantilisée (Korthals Altes, 2000). D’autres ont critiqué un style peuplé de clichés et de métaphores mortes7. Certains détracteurs ont déploré le manque d’originalité des œuvres, considérant que l’on retrouvait dans l’écriture de J. K. Rowling trop d’emprunts à Lewis Carroll et à Roald Dahl (Korthals Altes, 2000). Des groupes chrétiens, notamment aux États-Unis et en Belgique, se

5 HP 1 FR p. 13 / “[…] the silver of his hair and beard, which were both long enough to tuck into his belt” (HP 1 ANG p. 9)

6 « the most imaginative debut since Roald Dahl » (Buzacott-Speer, 2017).

7 « governed by cliches and dead metaphors » (Bloom, 2003).

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sont également érigés contre la saga, affirmant qu’elle incitait à l’occultisme et au paganisme (Olukotun, 2012 et De Koninck, 2001 : 46).

Le succès planétaire de l’heptalogie tient notamment à l’universalité des valeurs qu’elle défend : l’amitié, le courage, la loyauté, l’altruisme, le pardon, la tolérance et la persévérance.

J. K. Rowling mêle émotion, humour, action, suspense, mystère et peur (Korthals Altes, 2000) et son style percutant, caractérisé par des phrases courtes, rend chaque livre accessible au plus grand nombre (et notamment au jeune lecteur, destinataire premier de l’œuvre). Le lecteur plus âgé n’est cependant pas en reste, puisque l’auteure a inclus de nombreuses références ayant trait à la mythologie, aux mythes et légendes et au fantastique, tout à fait compréhensibles pour un public plus aguerri. Nicole Biagoli, chercheuse à l’IUFM de Nice, affirme par ailleurs que les adultes ont été séduits par Harry Potter, car l’auteure les amène à revivre leur propre jeunesse et à retrouver l’enfant et l’adolescent en eux8.

The Harry Potter books combine the intricate plotting of a mystery with the sweep and scope of epic fantasy and the intimacy and character development of a classic boarding school narrative.

The result is purely pleasurable to read at any age (Grady & Romano, 2018).

Bien que J. K. Rowling présente un univers où le Bien et le Mal s’affrontent, elle s’est refusée à adopter un point de vue trop manichéen, ce qui est assez rare dans les œuvres de jeunesse9. En outre, la saga a une dimension politique à certains égards, l’auteure ayant établi des parallèles avec certains évènements historiques. Salazar Slytherin [Salazar Serpentard], fondateur de la maison de Poudlard du même nom, dont les initiales sont « S.S », n’est pas sans rappeler les Waffen SS de l’Allemagne nazie (Smadja, 2001 : 15). L’expression

« Mudblood » [Sang-de-Bourbe], utilisée pour décrire les sorciers et sorcières dont les parents sont dépourvus de pouvoirs magiques (des Muggles [Moldus]), fait quant à elle écho au racisme et à la haine raciale. L’esclavagisme et le servage ont également été intégrés à l’histoire, dans la figure des elfes de maison 10.

J.K. Rowling a choisi d’articuler son intrigue autour d’un monde magique, peuplé d’êtres féériques. Cependant, le lecteur comprend bien que c’est notre monde qui est décrit. Poudlard

8 Documentaire « Harry Potter, la magie d’un succès », réalisé par Nicolas Svetchine.

https://vimeo.com/223276831 (visionné le 4 mai 2019).

9 Documentaire « Harry Potter, la magie d’un succès », réalisé par Nicolas Svetchine.

10 Ibid

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est l’image même d’un pensionnat anglais typique, et les enfants passent des examens pour intégrer la classe supérieure. De plus, quel enfant n’a jamais eu l’impression d’être le bouc émissaire d’un professeur, comme Harry et le Professor Snape [Professeur Rogue] ? Ce parallèle entre monde réel et monde imaginaire participe également au succès des livres Harry Potter, l’identification du lecteur aux personnages étant facilitée. Comme l’explique Isabelle Smadja :

[…] c’est à tort que les détracteurs de Harry Potter ont vu dans la sorcellerie le principal attrait du livre ; c’est au contraire l’extrême humanité qui en émane qui explique sa séduction. Car Harry Potter – et les enfants ne s’y sont pas trompés – tout en décrivant un monde d’où les Moldus […] sont exclus, ne nous parle que de nous-mêmes (Smadja, 2001 : 3).

Présentation du traducteur 1. Biographie

Jean-François Ménard est né le 10 juillet 1948 à Paris, d’une mère « touche à tout » et d’un père comédien pour la radio et le doublage (Mathieu, 2005). En 1967, il entame des études de philosophie avant de devenir assistant-réalisateur pour plusieurs films, dont le tournage des Caprices de Marie, de Philippe de Broca. Sur les conseils de ses collègues, il s’oriente vers l’écriture et intègre la prestigieuse maison d’édition Gallimard en 1970. Tout d’abord chargé d’écrire les quatrièmes de couverture, il publie son premier roman intitulé Le voleur de chapeaux en 1980 (Petropoulos, 2017). Suivent de nombreux ouvrages, des contes et des romans, souvent destinés à un jeune public.

À la même époque, à la demande de la maison d’édition Gallimard, Jean-François Ménard commence sa carrière de traducteur. Amoureux de la langue et de la culture anglo-saxonne, il est à l’origine de la traduction de la saga mondiale Artemis Fowl d’Eoin Colfer (sept ouvrages traduits sur huit publiés), et de celle de The Big Fat Giant de Roald Dahl. À l’été 1998, le manuscrit de Harry Potter and the Philosopher Stone lui est confié pour traduction. La traduction de l’heptalogie sera un travail de longue haleine, dans la mesure où Jean-François Ménard lui consacrera 10 ans de sa vie (Peras, 2007). Il totalise à son actif plus de 250 traductions et a contribué à la parution de 282 ouvrages11.

11 GALLIMARD, Jean-François Ménard, [en ligne]

http://www.gallimard.fr/searchinternet/advanced/(sothercontributor)/Jean-François%20Ménard?SearchAction=1 (Consulté le 16 mars 2019)

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2. Les difficultés de traduction

Plusieurs difficultés se sont présentées à Jean-François Ménard lors de la traduction des livres Harry Potter, notamment à l’heure de trouver un équivalent aux nombreux termes inventés par l’auteure. Le traducteur s’est donc attelé à la création d’un glossaire contenant les noms de personnages, d’objets, d’animaux, de formules magiques, de lieux, des règles de Quidditch, des indications sur les baguettes magiques etc. (Arrou-Vignod, 2013).

À propos du choix de « Poudlard », le traducteur explique : « En verlan, Hogwarts signifie phacochère - wart hog -. Hog veut dire porc, et wart, verrue. J'ai cherché : un porc peut être du lard, une verrue, un pou. Poux de lard. Poudlard » (Mathieu, 2005). La traduction du nom Dumbledore lui a également donné du fil à retordre. Dumbledore est un mot dialectal apparenté au terme anglais Bumblebee, qui signifie « bourdon ». J. K Rowling aurait décidé d’appeler le directeur de Poudlard ainsi pour montrer qu’il est toujours alerte, en éveil, que c’est un personnage très vif qui s’intéresse à tout, mais aussi parce qu’il chantonne souvent, le bruit produit par le bourdon n’étant pas sans rappeler un fredonnement. Le traducteur a préféré garder le nom d’origine, estimant que traduire Dumbledore par Bourdon « serait réducteur […] et ridicule » (Arrou-Vignod, 2013). Pour d’autres personnages, le traducteur s’est appuyé sur les traits particuliers de leur caractère, ce qui a été le cas pour Alastor Moody [Alastor Maugrey], surnommé Moody Mad’Eye [Maugrey Fol’œil]. Maugrey Fol’œil est un personnage qui a perpétuellement l’air de mauvaise humeur. Or le mot moody en anglais signifie littéralement « mal luné ». Le traducteur a ainsi choisi de travailler autour d’un terme français dont les sonorités et la signification sont très proches du terme anglais : le verbe maugréer est ainsi devenu Maugrey12.

En outre, Jean-François Ménard a également dû respecter les références contenues dans les noms inventés par J.K. Rowling. Nous pouvons citer ici la maison Hufflepuff, qui rassemble les élèves les plus « justes et loyaux »13. L’expression to huff and puff fait référence au conte des trois petits cochons et, plus précisément, au moment où le grand méchant loup souffle sur chacune des maisons des cochons pour les détruire. Cette expression signifie également s’époumoner, être à bout de souffle. Jean-François Ménard a fait le choix de traduire Hufflepuff par « Pouffsouffle », conservant ainsi l’allitération en « f » présente en anglais et

12 Ibid

13 HP 1 FR, p. 126

(18)

l’idée d’essoufflement. Il sous-entend également que les élèves de cette maison ont plus de mal à suivre leurs études (Arrou-Vignod, 2013 et Chéry, 2017).

Jean-François Ménard a dû traduire les ouvrages en respectant des délais très courts. Il raconte qu’il a traduit le quatrième tome en tout juste un mois (De Kerpoisson, 2016) et le sixième tome en moins de deux mois (Mathieu, 2005). Il s’agissait à la fois de ne pas décevoir les fans de la saga et de produire la meilleure traduction possible dans les meilleurs délais, tout en respectant l’esprit de l’œuvre et les valeurs universelles qu’elle transmet.

La traduction d’une histoire comportant plusieurs tomes peut également être problématique, car, le traducteur ne connaissant pas la suite de l’histoire, il ne peut anticiper son évolution dans les ouvrages suivants. Le traducteur explique : « La crainte que j’avais, puisque les volumes paraissaient les uns après les autres sans que l’on sache du tout ce qu’il y avait dedans […], c’était qu’il y ait quelque chose dans un nouveau volume qui puisse contredire une traduction que j’avais faite » (Arrou-Vignod, 2013).

Le genre

1. La littérature de jeunesse

« Littérature enfantine », « littérature pour enfant », « littérature d’enfance et de jeunesse »,

« littérature jeunesse » sont autant de termes qui désignent ce que nous appelons plus volontiers aujourd’hui la littérature de jeunesse ou littérature pour la jeunesse. Nombreux sont les auteurs qui en proposent une définition très large tant le concept est difficile à délimiter. À cet égard, Jean Perrot explique que :

La littérature d’enfance et de jeunesse regroupe une masse floue de textes qui ne se qualifient comme tels que dans la mesure où ils sont publiés par un éditeur ayant choisi pour cible un public enfantin14.

Des fictions, des documentaires, des romans, mais également des contes, des abécédaires, des livres à images et des livres-jeux sont rassemblés dans cette « masse floue de textes » qui compose la littérature de jeunesse. Se pose alors la question de la délimitation du public cible, dans la mesure où les abécédaires et les livre-jeux sont davantage destinés à la petite enfance,

14 PERROT, J., « Les deux visages de la littérature de jeunesse : du désert au jardin public », Les livres de jeunesse, Les Cahiers pédagogiques, n°341, février 1996, p.13 cité dans BRUNO, P. (2010), p. 17.

(19)

tandis que les romans et les fictions ciblent un lectorat plus âgé. Il n’y aurait donc pas une seule jeunesse mais des jeunesses ?

Nous chercherons dans cette partie à mieux comprendre ce qu’est la littérature de jeunesse et à quels lecteurs elle s’adresse réellement, pour nous intéresser ensuite au public cible des livres Harry Potter.

a. Le statut de l’enfant

L’enfant a longtemps évolué dans l’ombre de l’adulte, car dès le moment où il était capable de marcher et de parler, il était considéré comme tel. La distinction s’est forgée petit à petit pour émerger au XVIIe siècle (Poslaniec, 2008 : 18) : l’enfant a peu à peu acquis un statut propre et, avec ce statut, le droit à ce que soient produits des livres qui lui soient réservés. Il n’est plus vu comme un être de devoir uniquement destiné à devenir adulte et à avoir des responsabilités, mais comme un être spécifique doté de droits (Prince, 2010 : 43). Les livres, qui avaient pour but premier d’instruire et d’édifier l’enfant, sont devenus, à partir du XIXe siècle, des instruments de divertissement. L’on a commencé à considérer que le jeune lecteur pouvait lire pour se distraire et non uniquement pour s’éduquer. Une attention particulière est dorénavant portée à son développement ainsi qu’à son imagination15.

Le XXe siècle marque une nouvelle ère, où l’enfant représente un objet éditorial à part entière et un sujet libre qui détient des droits, tel que le droit à l’estime, le droit à l’intérêt des autres et le droit à la reconnaissance de sa personne16. Bien que la littérature enfantine ait commencé à avoir du succès au XVIIIe siècle, il a fallu attendre le milieu du XXe siècle pour qu’une véritable « littérature de jeunesse » s’impose en tant que telle, car, jusqu’alors, l’expression

« livres pour enfants » lui était préférée. Grâce à un taux d’alphabétisation plus élevé et à diverses lois destinées à permettre l’accès à l’école pour tous les enfants, le lectorat potentiel des œuvres de jeunesse en France s’est fortement élargi (Poslaniec, 2008 : 19) et, par la même, les ouvrages de jeunesse se sont multipliés. Ce constat est également valable pour les autres pays européens : la littérature de jeunesse s’est peu à peu imposée comme un véritable genre d’importance, destinée à un public particulier, la jeunesse.

15 Ibid

16 Ibid, p.56

(20)

b. La jeunesse, un public particulier

La question du destinataire de l’œuvre est primordiale pour définir ce qu’est la littérature de jeunesse, comme l’explique Isabelle Nières-Chevrel, auteure de nombreux ouvrages dans ce domaine : « la littérature pour la jeunesse est tout entière une littérature adaptée, c’est-à-dire définie par son public »17. Généralement, les genres littéraires se définissent davantage par une esthétique, une thématique ou une poétique qui leur est propre. La littérature de jeunesse fait donc ici figure d’exception, car elle ne se fonde pas sur des critères prédéfinis, mais accorde une importance capitale à un élément extérieur, le lecteur (Prince, 2010 : 11).

La littérature de jeunesse peut donc être définie comme un ensemble d’ouvrages adressés à un public jeune. Cependant, l’une des principales difficultés pour la délimiter tient à la définition même de la « jeunesse ». Le Petit Robert définit ce terme comme « le temps de la vie entre l’enfance et la maturité » et explique qu’il est possible de l’utiliser pour désigner les enfants et les adolescents. L’enfance est « la première période de la vie humaine, de la naissance à l’adolescence » et l’adolescence « [l’]âge qui succède à l’enfance et précède l’âge adulte (environ de 12 à 18 ans chez les filles, 14 à 20 ans chez les garçons), immédiatement après la puberté » (Le Petit Robert 2019). Au vu de ces définitions, la littérature de jeunesse inclurait, de manière indifférenciée, tous les ouvrages destinés à des enfants de 0 à 18-20 ans, ce qui semble simpliste au vu de la grande diversité de ce lectorat mais aussi des œuvres qui composent ce genre.

Il est possible de distinguer les ouvrages destinés aux tout-petits de ceux qui sont destinés aux enfants et aux adolescents, ces trois groupes ayant tous des attentes différentes et des lectures qui leur sont propres. Ainsi, les livres d’images ou albums seraient réservés à des enfants en bas-âge, les contes et les romans simples à des enfants en âge de commencer à lire et les romans et les fictions, à des adolescents et des adultes. La grande diversité de lecteurs se reflète dans la variété des ouvrages qui composent la littérature de jeunesse et il n’existe donc pas de réelle unité au sein de cette catégorie. Elle comprend de nombreux sous-groupes comme la littérature de prime enfance, la littérature de l’âge de raison (à partir de 7 ans) et la littérature de l’adolescence, mais il serait également possible d’envisager une distinction entre

17 NIÈRES CHEVREL, I. citée dans POSLANIEC, C. (2008), (Se) former à la littérature de jeunesse, Paris:

Hachette éducation, p. 73

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la littérature pour jeunes filles, pour préadolescents, pour petits garçons (Prince, 2010 : 14) ou encore pour jeunes adultes.

Les jeunes lecteurs représentent un public particulier, avec des attentes spécifiques différentes de celles des adultes. La littérature de prime enfance, très axée sur la symbolique, accorde à l’auteur une plus grande liberté, dans le sens où il peut se permettre de remplacer les personnages humains par des animaux anthropomorphisés (Babar, Elmer), voire par des formes (Petit Jaune et Petit Bleu, la collection Monsieur Madame). Les illustrations jouent un rôle primordial dans ces ouvrages. En effet, l’image est un vecteur idéal pour les jeunes enfants, car elle est immédiatement interprétable et ne nécessite aucun apprentissage particulier (Prince, 2010 : 166). N’ayant pas encore appris à lire, ils extraient des informations de l’image et du texte qui leur est lu, puis articulent les deux codes pour reconstituer l’histoire (Poslaniec, 2008 : 127). Les images facilitent la compréhension : elles ne se situent pas à côté du texte mais constituent une autre manière de présenter ce qu’il exprime et viennent renforcer sa valeur argumentative pour frapper le « lecteur » (Lagache, 2006 : 61-63).

L’album marque la consécration de l’image dans le livre pour enfant. Elle y tient une place prédominante dans la narration et s’y voit accorder une véritable dimension expressive18. Les enfants et les adolescents ont une nette préférence pour les récits qui les ramènent à eux- mêmes et à leur propre développement. Les ouvrages de jeunesse sont donc le fruit d’un mélange entre réalité et imaginaire : le jeune lecteur doit pouvoir s’identifier aux personnages, souvent au héros, tout en s’évadant de son quotidien et en découvrant, par l’intermédiaire de l’œuvre, le monde et les hommes (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 137). Le protagoniste exemplaire des livres d’autrefois a donc laissé sa place à l’enfant turbulent, faillible ou mal dans sa peau (Poslaniec, 2008 : 83), auquel l’enfant s’identifie plus facilement. La lecture doit également permettre au jeune lecteur de développer sa réflexion, son imagination et sa créativité (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 12). Certains éléments sont clairement énoncés, d’autres reposent sur des non-dits qu’il doit pouvoir repérer et interpréter. L’identification de l’enfant au personnage principal, qui doit être immédiate, est facilitée lorsque l’auteur choisit de mettre en scène un enfant, un adolescent ou un protagoniste passant de l’enfance à l’adolescence. Comme l’explique Nathalie Prince :

18 VAN DER LINDEN, S. L’album, un support artistique ?. In PRINCE, N. (2009). La littérature de jeunesse en question(s), Rennes: Presses universitaires de Rennes., p. 25

(22)

Nous sommes désormais à l’heure où le lecteur est le héros, par la mise en place d’une mimesis qui fonctionne pleinement : Peter Pan ou Alice invitent à pénétrer des mondes purement enfantins, où la liberté est revendiquée, tout comme l’autonomie et la pure fantaisie créatrice, et surtout en lesquels [sic] l’adulte est exclu. (Prince, 2010 : 55)

Les adolescents forment une troisième catégorie et la littérature qui leur est destinée se rapproche souvent de la littérature dite « pour adultes » ou littérature générale. Grâce aux années d’enseignement qu’il a accumulé, l’adolescent est plus apte à comprendre les nuances et les références, mais l’ouvrage qui lui est destiné utilise un lexique plus simple que celui des ouvrages pour adultes. Les attentes des adolescents sont différentes de celles des enfants, car on remarque chez eux une forte volonté de se forger une personnalité et de consolider leur identité, l’adolescence étant, en principe, la période des choix et de l’affirmation de soi.

L’intrigue du roman pour adolescent, par exemple, se développe souvent autour de l’évolution du jeune héros, qui gagne en maturité face aux épreuves et aux intrigues affectives auxquelles il est confronté. Par l’intermédiaire du héros, c’est la propre évolution du lecteur qui est mise en scène.

Les ouvrages destinés aux adolescents se caractérisent par leur rythme soutenu : ils marquent rapidement le lecteur, le surprennent, les actions s’enchaînent et l’intrigue est pleine de rebondissements. Les détails, les longues descriptions et les redondances sont évincés au profit d’un déroulement rapide de l’histoire (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 13), tenant l’impatient lecteur en haleine (Virole, 2001 : 28). Aidan Chambers, auteur et critique anglais, a ainsi expliqué que les jeunes représentent un lectorat particulièrement exigeant :

Ils souhaitent que leur livre leur convienne, attendant de l’auteur qu’il les prenne comme il les trouve, plutôt que de prendre eux-mêmes le livre comme ils le trouvent. 19

Bien que ces catégories se caractérisent par des besoins distincts et des attentes différentes, il est difficile d’établir une frontière fixe entre elles. La perception d’une œuvre dépend en effet du vécu de chaque lecteur, de ses expériences, de ses connaissances linguistiques et culturelles (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 11). Selon l’âge et la personnalité du lecteur, une même œuvre pourra être interprétée de différentes manières. La difficulté à définir la littérature de jeunesse tient donc tant à la grande diversité de son lectorat et des ouvrages produits, qu’à la porosité de ses frontières. S’il est difficile de placer un lecteur dans une

19 CHAMBERS, A. cité dans DELBRASSINE, D. (2006) Le roman pour adolescents aujourd’hui : écriture, thématique et réception, Créteil : Paris: SCEREN-CRDP de l'Académie de Créteil La Joie par les livres, p. 196.

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catégorie, il est souvent impossible de déterminer si un ouvrage est un livre de jeunesse ou un livre pour adultes car nombreux sont les auteurs qui écrivent à la fois pour l’enfant et, de manière détournée, pour l’adulte.

c. La place de l’adulte dans la littérature jeunesse

La dénomination même de « littérature de jeunesse » repose sur une opposition avec ce que l’on pourrait appeler « la littérature pour adulte », car elle est considérée comme un ensemble d’œuvres destinées à un public non-adulte (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 10). Néanmoins, bien que la littérature de jeunesse ne leur soit pas spécifiquement destinée, les adultes s’y intéressent beaucoup, et ce à plusieurs titres. Ils sont notamment écrivains, éditeurs, évaluateurs, acheteurs, voire lecteurs de ces œuvres.

L’adulte joue donc le rôle d’évaluateur et de protecteur, étant donné que c’est lui qui s’assure que le livre placé entre les mains de l’enfant est bien adapté. Après l’adoption de la loi du 16 juillet 1949, un contrôle des ouvrages a été mis en place afin d’éviter que des publications sexistes, pornographiques, incitant au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiant20 ne puissent être consultées par des enfants21. Les auteurs s’en trouvent quelque peu limités, les ouvrages devant, entre autres, être optimistes, ne pas « démoraliser » (corrompre) la jeunesse, ni aborder des thèmes tels que la mort. L’adulte considère l’enfant comme un être malléable et impressionnable22, un être en devenir qui a besoin d’être guidé et protégé. Il est à la fois dépendant de l’adulte et sous sa protection. L’entourage de l’enfant, qu’il soit familial, amical ou scolaire, l’aide à se construire, mêlant transmission du savoir et échange.

L’adulte est également auteur d’ouvrages de jeunesse, auteur qui, lorsqu’il écrit, sait à quel public se destine son livre et se représente de façon floue quels sont ses lecteurs et quelles sont leurs compétences linguistiques et littéraires (Poslaniec, 2008 : 76). Lorsqu’il écrit pour l’enfant, l’auteur s’adresse directement à lui et se limite aux connaissances de son lectorat : la question de l’accessibilité de l’œuvre est primordiale. Le lecteur enfant n’ayant pas nécessairement acquis toutes les compétences nécessaires pour comprendre toutes les

20 Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse,

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068067&dateTexte=20100817

21 La présente liste n’est pas exhaustive.

22 PRINCE N., citée dans GÉLY, V. (2012) Enfance et littérature, Paris: SFLGC, p.133

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allusions, l’auteur crée un système de valeurs simples et stables dont la symbolique est facilement interprétable (Routisseau, 2008 : 116). Comme nous l’avons vu auparavant, le public enfantin ou adolescent est un public particulier, qui doit se sentir happé dans une histoire haletante, captivant son attention. L’auteur est donc limité par les connaissances de son lectorat, par ses goûts mais également, comme nous l’avons vu, par des restrictions institutionnelles.

Respecter l’enfant ne signifie pas édulcorer les ouvrages pour lui éviter tout ce qui pourrait évoquer la sexualité, la violence ou la cruauté. Il s’agit donc pour l’auteur de trouver une manière d’évoquer ces thèmes sans choquer les petits lecteurs ou, comme l’a exprimé Pierre Bruno, de « composer avec les contraintes implicites, pour mieux les détourner et ‘faire passer’

tout de même certaines idées, comme en contrebande » (Bruno, 2010 : 130). Ganna Ottevaere-Van Praag estime pour sa part qu’il n’y a pas de limite à ce qui peut être dit, mais que tout dépend de la façon de transmettre le message (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 14).

Jusqu’au moment où l’enfant apprend à lire par lui-même, l’adulte joue le rôle de médiateur.

Par la lecture du livre à haute voix, il transmet l’histoire à l’enfant et se trouve de ce fait inclus, par nécessité, au processus de création d’ouvrages pour enfants. De ce fait, l’auteur aurait pour objectif de créer des ouvrages que les adultes ont plaisir à lire et que leurs enfants, eux, ont plaisir à entendre 23. Les adultes sont aussi destinataires de la littérature de la petite enfance dans la mesure où ce sont eux qui vont choisir d’acquérir un livre pour le lire à l’enfant. Le lecteur principal, virtuel, est bien l’enfant, car c’est à lui que s’adresse l’histoire mais l’adulte a également un rôle à jouer pour décrypter certaines allusions, certaines symboliques ou émettre d’autres interprétations (Poslaniec, 2008 : 78).

Comme nous l’avons vu auparavant, la littérature de jeunesse est avant tout destinée à son lectorat, les jeunes. Il faut néanmoins nuancer ce point de vue, car les adultes sont également lecteurs d’ouvrages écrits pour la jeunesse, que ce soit, comme nous l’avons vu, en tant que médiateur ou pour leur propre loisir. Presque un tiers des lecteurs de littérature de jeunesse seraient en fait des adultes (Lagache, 2006 : 23). Nombreux sont les ouvrages adressés à un double destinataire : l’auteur insère dans le texte des nuances que l’adulte comprendra mais que l’enfant ne percevra pas. Les lectures enfantines, bien que destinées à un jeune public, ne

23 PRINCE, N., In PRINCE, N. (2009) La littérature de jeunesse en question(s), Rennes: Presses universitaires de Rennes. p. 11

(25)

s’y limitent pas. Les contes ainsi que les fables par exemple s’adressent principalement à l’adulte, même si la portée moralisatrice est accessible à l’enfant (Prince, 2010 : 30).

Dans la littérature pour adolescents, l’adulte a tendance à être admiré ou méprisé. Il y est méprisé parce que le bien-être ou le mal-être des jeunes personnages est souvent lié à l’attitude des adultes. Leur monde est peuplé de violence, d’indifférence et de brutalité. Le mal de notre époque y tient souvent à l’attitude des « grands ». Nombreuses sont les histoires dans lesquelles le jeune protagoniste ressent une certaine antipathie à l’égard des « grandes personnes » et dénonce avec tristesse leurs carences (Ottevaere-Van Praag, 1988 : 124). Les enfants ne luttent pas uniquement contre leur père ou leur mère, mais contre tout individu qui les freine dans leur quête d’identité et, en réalité, il semblerait que l’enfant ne s’entende avec l’adulte que si ce dernier le pousse à s’affirmer et à explorer les possibilités qui s’offrent à lui.

L’adulte gagne ainsi le respect de l’enfant24. Beaucoup de récits impliquent des relations fusionnelles entre petits-enfants et grands-parents, ces derniers étant vus comme affectueux, encourageants, attentifs et disponibles25.

Bien que littérature générale et littérature de jeunesse soient souvent évoquées comme s’opposant l’une à l’autre, les interactions entre elles sont nombreuses. Des ouvrages de littérature générale ont ainsi fait l’objet d’une adaptation pour être lus par un jeune public. Le vocabulaire et la syntaxe sont alors simplifiés, de même que la langue et le ton employés. Les adaptations ont contribué à la diffusion de grandes œuvres littéraires anciennes (Robinson Crusoe, Le Roman de Renard, Don Quichotte etc.). Si l’adaptation est bien faite, l’adulte qui a lu la version adaptée pourrait être tenté de se plonger dans la version originale de l’œuvre (Ottevaere-Van Praag, 2000 : 207).

Aux yeux de bon nombre de critiques, la littérature de jeunesse n’a pas le prestige de la littérature générale et elle est souvent considérée comme inférieure à celle-ci. Françoise Lagache a résumé ce préjugé en quelques mots : « à public jeune, littérature mineure » (Lagache, 2006 : 26). Diverses raisons ont été évoquées pour expliquer ce manque de reconnaissance, notamment la simplification du vocabulaire, de la syntaxe, du lexique et du niveau de langue (Routisseau, 2008 : 76), qui rendent l’œuvre accessible aux enfants et qui, selon certains, l’appauvrissent. Elle est encore trop souvent considérée comme une sous-

24 Ibid, p.129

25 Ibid, p.131

(26)

littérature, voire comme de la non-littérature (Prince, 2009 : 9), bien qu’elle occupe aujourd’hui une place prépondérante sur le marché de l’édition, avec 12,8% de part de marché en 201726, et qu’elle soit reconnue par beaucoup d’universitaires comme un objet de recherche légitime (Poslaniec, 2008 : 15).

d. Les livres Harry Potter : ouvrages de jeunesse ?

La série Harry Potter est sans nul doute l’un des plus grands phénomènes littéraires du début du XXIe siècle. Publiée au rayon littérature de jeunesse en 1997, elle a connu un succès fulgurant et a ensuite accédé aux étals des livres de littérature générale sous une couverture différente, destinée à renvoyer une image plus adulte (Routisseau, 2008 : 88). Elle a permis au public de remettre les séries, qui avaient disparu dans les années 1990, au goût du jour (Delbrassine, 2006 : 42) et a favorisé l’intérêt pour d’autres œuvres, telles que Le monde de Narnia, Twilight, La quête d’Ewilan, Hunger Games et à la trilogie Eragon.

Les aventures du jeune sorcier comportent tous les éléments que les jeunes lecteurs apprécient : le héros est un garçon plein de ressources, courageux, vertueux, qui ne se soumet ni à l’autorité des adultes, ni aux règles établies s’il considère qu’elles sont injustes, et prêt à tout pour aider ses amis. Comme nous l’avons vu, les enfants et adolescents ont une préférence marquée pour les romans d’action, pleins de rebondissements, ce dont l’heptalogie regorge. Les jeunes lecteurs n’ont pas peur de se lancer dans la lecture de cette saga, même si les derniers livres sont plus longs et plus complexes que les premiers.

Avec l’évolution des personnages principaux (Harry Potter, Hermione Granger et Ron Weasley), c’est le lecteur qui grandit. Nathalie Prince parle de processus évolutif, le premier Harry Potter s’adressant aux plus jeunes, c’est-à-dire aux enfants de l’école primaire, et le dernier volume, beaucoup plus long et difficile, aux adolescents, car les thèmes abordés sont plus mûrs, plus intimes, et aussi plus sombres. « Il s’agit sans doute des mêmes lecteurs … vieillis de dix ans »27.

26 D’après les chiffres du Syndicat national de l’édition :

https://www.sne.fr/app/uploads/2018/07/RS18_BatWEBSignet.pdf

27 PRINCE, N. dans GÉLY, V. (2012) Enfance et littérature, Paris: SFLGC p.147.

(27)

Harry Potter a certes pour destinataire premier l’enfant. Cependant, cela ne signifie pas qu’il soit le seul à apprécier l’heptalogie : nombreux sont les jeunes adultes et adultes qui ont évolué et grandi avec Harry et qui se plaisent à lire ou relire les livres. Au fil des tomes, l’histoire devient plus violente, plus sombre, et donc moins enfantine. Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, des éléments historiques, tels que l’esclavage et des éléments relatifs à la période nazie, ont été incorporés à l’histoire, apportant ainsi de la profondeur à l’intrigue.

L’attrait des adultes pour ces ouvrages tient également au fait que l’adulte souhaite retomber en enfance, l’espace d’une lecture. Les adultes qui lisent Harry Potter sont nombreux, mais parfois considérés comme un peu infantiles. D’aucuns déplorent la création d’une génération composée de « infantile millenials » (Simonson, 2016) ou de « childish adults » (Byatt, 2003), qui préfèrent des ouvrages destinés aux enfants à partir de sept ans aux grands classiques de la littérature. Il semblerait que cette critique puisse être rattachée au manque de reconnaissance de la littérature de jeunesse, que certains considèrent comme de la sous-littérature en raison de son style simplifié 28.

e. Synthèse :

La littérature de jeunesse apparaît comme une littérature aux multiples facettes, dont les contours sont difficiles à définir strictement. La grande variété de lecteurs et de textes rassemblés sous cette appellation en fait un ensemble très hétérogène. En somme, bien que l’on puisse douter de l’efficacité d’une catégorisation des ouvrages selon l’âge du lecteur, elle reste néanmoins utile pour permettre aux acheteurs et aux lecteurs de se repérer dans les librairies (Lagache, 2006 : 16).

La littérature de jeunesse, bien que définie par son destinataire, à savoir l’enfant, laisse une place importante à l’adulte, qui peut être lecteur, médiateur, évaluateur, acheteur ou encore auteur de l’œuvre. L’adulte joue également le rôle de protecteur de l’enfant, car c’est lui qui a le pouvoir d’interdire légalement la publication d’ouvrages jugés inappropriés dans les rayons jeunesse.

28 GAZETTE DU SORCIER, Certains pensent encore qu’Harry Potter est réservé aux enfants, [en ligne]

https://www.gazette-du-sorcier.com/Certains-pensent-encore-qu-Harry-Potter-est-reserve-aux-enfants (Consulté le 25 mars 2019)

(28)

Les livres Harry Potter respectent parfaitement les critères de la littérature de jeunesse : nous sommes en présence d’un protagoniste vertueux, que l’on voit évoluer au fil de la lecture. Il s’oppose aux règles quand il estime que c’est son devoir. Les thèmes de la mort et de la tristesse sont largement abordés de même que l’éclatement de la cellule familiale et l’incertitude qui plane sur l’avenir, en somme, des thèmes plus adultes. Richesse du contenu et maîtrise du suspense ont réussi à séduire les plus jeunes comme les adultes. Bien que le vocabulaire ait été simplifié par souci de compréhensibilité, les références diverses ont permis d’ajouter de la profondeur au texte. D’après Isabelle Smadja, la réussite de J.K. Rowling s’explique donc par la combinaison de plusieurs éléments :

Cette abondance et cette minutie dans les détails, la complexité de l’intrigue combinée à une grande cohérence de l’ensemble expliquent le succès des ouvrages de J. K. Rowling. (Smadja, 2001 : 35).

2. Harry Potter ou le mélange des genres

Dans un contexte francophone, le fantastique, le merveilleux et la fantasy sont trois genres distincts liés à l’imaginaire. À l’inverse, les anglophones utilisent le terme « fantastic » pour faire référence à plusieurs genres qui ne seraient que des déclinaisons de ce qui n’est ni

« réel », ni « vrai », notamment la science-fiction, le fantastique, le merveilleux et la fantasy29. Ces genres présentent effectivement des similitudes, que ce soit du point de vue des personnages (fantômes, morts-vivants, vampires, revenants, fées etc.), des thèmes abordés (transgressions surnaturelles, passages et contacts anormaux entre la vie et la mort) ou des effets créés (étonnement, inquiétude, incertitude, peur, effroi, etc.). Le statut transgénérique de ces éléments ne facilite donc pas la différenciation entre ce qui relève du merveilleux, du fantastique et de la fantasy30.

Dans cette partie, nous chercherons à différencier trois genres, à savoir le merveilleux, le fantastique et la fantasy, avant de nous intéresser à la saga Harry Potter et au genre auquel elle pourrait être rattachée.

29 DUPEYRON-LAFAY, F., En finir avec le réel, le possible et le vrai ?. In BESSON, A. (2015), Poétiques du merveilleux : fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, Arras : Artois Presses Université, p. 24.

30 Ibid, p.26

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