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Article pp.242-248 du Vol.4 n°4 (2014)

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MISE AU POINT /UPDATE

Prise en charge des états septiques sévères chez l ’ adulte aux urgences

Severe Sepsis in Adults in the Emergency Department

P. Le Conte · E. Montassier · G. Potel · E. Batard

Reçu le 5 février 2014 ; accepté le 25 avril 2014

© SFMU et Springer-Verlag France 2014

RésuméL’épidémiologie des sepsis sévères est bien connue dans les services de réanimation, où il est responsable de 15 % des admissions. La mortalité hospitalière est d’environ 30 %.

Les foyers infectieux en cause sont, par ordre de fréquence, pulmonaire, urinaire, digestif, bactériémie primitive et cuta- nés. Elle est moins bien connue dans les services d’urgence, mais serait néanmoins responsable de 500 000 admissions par an aux États-Unis. L’incidence des sepsis sévère est en cons- tante augmentation depuis plusieurs décennies. Leurs défini- tions ont fait l’objet de conférences de consensus et sont désormais utilisées dans le monde entier. La reconnaissance précoce des sepsis sévères dès l’admission constitue un préa- lable indispensable mais présente de nombreuses difficultés, car la présentation de ce syndrome n’est pas univoque. La Surviving Sepsis Campaign insiste sur une prise en charge précoce et intensive de ces états qui permet une réduction de la mortalité attribuable. Ces mesures comportent un remplis- sage vasculaire rapide à base de cristalloïdes, le début précoce de la perfusion de noradrénaline et une antibiothérapie à large spectre adaptée au foyer infectieux présumé débutée dans un délai d’une heure après la reconnaissance du sepsis sévère.

Des objectifs précis doivent être atteints à la troisième et à la sixième heure de prise en charge. Des recommandations d’antibiothérapie sont exprimées en tenant compte des recom- mandations des sociétés savantes et des conférences de consensus. Une filière de soins entre le Smur, les urgences et la réanimation doit être le garant d’une prise en charge précoce et adaptée, gage d’une mortalité attribuable la plus faible possible.

Mots clésSepsis sévère · Choc septique · Antibiothérapie · Survivre au sepsis · Remplissage vasculaire

Abstract Epidemiology of severe sepsis in intensive care units is well known and account for 15% of admissions. Hos- pital mortality is about 30%. Infectious focus is in order of frequency, pulmonary, urinary, digestive, skin and primitive bacteremia. It is less known in Emergency Departments but account for 500,000 annual visits in the United States. Inci- dence of these affections is increasing since 1980. Definitions have been made by consensus conferences and are now applied worldwide. Early recognition of severe sepsis on hos- pital admission remains an essential step but is difficult since the clinical presentation of this syndrome is not univocal. The Surviving Sepsis Campaign guidelines emphasize on a rapid and intensive management which allows to decrease the attri- butable mortality. This management included a rapid and important fluid challenge based on crystalloids, early admini- stration of noradrenalin and broad spectrum antibiotherapy within the first hour after recognition of the severe sepsis.

Bundles at three and six hours are proposed. Propositions of antibiotherapy based on recent recommendations of scientific societies or consensus conferences are displayed. A conti- nuum of care between Smur, emergency department and intensive care unit must be the guarantor of early and adapted care that guarantee the lowest possible attributable mortality.

Keywords Severe sepsis · Septic shock · Antibiotherapy · Surviving sepsis campaign · Vascular fluids

Introduction

Les états septiques sévères—sepsis sévères et chocs septi- ques — représentent les formes les plus graves des infec- tions bactériennes, grevés d’une mortalité de 28 à 43 % [1,2]. Leur physiopathologie procède schématiquement d’une première phase pro- ou hyperinflammatoire accom- pagnée de dysfonctions d’organes et de lésions tissulaires participant au relargage de cytokines et d’une seconde phase anti- ou hypo-inflammatoire, responsable d’une immunodé- pression favorisant les infections secondaires [3].

P. Le Conte (*) · E. Montassier · G. Potel · E. Batard Service des urgences, CHU de Nantes, F-44035 Nantes, France e-mail : philippe.leconte@chu-nantes.fr

E. Montassier · G. Potel · E. Batard

EA 3826, thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, université de Nantes, faculté de médecine, 1, rue G.-Veil, F-44000 Nantes, France

DOI 10.1007/s13341-014-0442-2

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Le choc septique est défini comme une hypotension per- sistant malgré un remplissage adapté [4]. En revanche, 20 ans après la première conférence de consensus, la défini- tion du sepsis et la nécessité de distinguer sepsis et sepsis sévère restent controversées [5]. En 1991, le sepsis a été défini comme une infection associée à au moins deux des quatre éléments d’un syndrome de réponse inflammatoire systémique (température > 38 °C ou < 36 °C ; fréquence cardiaque > 90/minute ; fréquence respiratoire > 20/minute ou PaCO2 < 32 mmHg ; leucocytes > 12 000/mm3 ou <

4 000/mm3ou myélémie > 10 %) [4]. Le sepsis sévère était défini comme un sepsis associé à une dysfonction d’organe, une hypoperfusion ou une hypotension. En 2003, une confé- rence internationale réunissant des experts de cinq sociétés savantes a proposé de diagnostiquer un sepsis en présence d’une infection suspectée ou documentée, associée à certains des signes présents dans une liste de 26 critères incluant des marqueurs de dysfonction d’organe [5]. Après l’article fon- dateur de Rivers et al. [6], la Surviving Sepsis Campaign s’est basée sur cette définition pour proposer une liste de 22 critères diagnostiques de sepsis [7]. L’utilisation de ces définitions conduit ainsi à qualifier de sepsis une grippe non compliquée. Depuis quelques années, arguant du fait que les concepts de sepsis et de sepsis sévère sont souvent utilisés de façon interchangeable par les cliniciens, des voix se sont élevées pour réserver le terme de sepsis aux infections les plus graves, c’est-à-dire aux situations dans lesquelles la réaction systémique de l’organisme à une infection provoque une dysfonction ou une lésion d’un ou plusieurs organes [8].

Plusieurs études montrent l’augmentation de l’incidence des hospitalisations pour sepsis sévère [9]. L’épidémiologie en réanimation est bien connue, et environ 15 % des patients présentent un sepsis sévère ou un choc septique. La mortalité est de l’ordre de 30 % à 28 jours. En revanche, elle est moins bien connue dans les services d’urgence. Une étude réalisée en Colombie [10] a inclus 2 681 patients. En ce qui concerne les patients des urgences, l’âge moyen était de 55 ans, l’inci- dence des sepsis de 3,61 pour 100 admissions. À l’admission, il y avait 94 % de sepsis, 62 % de sepsis sévères. Les sites étaient les infections urinaires (24 %), les infections pulmo- naires (23 %), les infections des tissus mous (18 %), les infec- tions intra-abdominales (9 %), les bactériémies primitives (2 %), les gastroentérites (3 %) et les autres infections (21 %). La mortalité à 28 jours était de 19 %, respectivement pour les catégories suivantes, sepsis simple 8 %, sepsis sévère 22 % et chocs septiques 46 %. Aux États-Unis, les sepsis seraient responsables d’environ 500 000 admissions par an et représenteraient la dixième cause de mortalité [11,12].

Reconnaissance précoce du sepsis sévère L’identification du sepsis sévère à la régulation médicale du Samu est particulièrement difficile, et ce n’est que devant

la constatation de trouble des fonctions supérieures ou de signes évocateurs de détresse respiratoire aiguë qu’une équipe Smur pourra être déclenchée. Son rôle sera alors d’identifier le sepsis sévère devant des constatations unique- ment cliniques et de débuter la prise en charge symptoma- tique [12].

La reconnaissance précoce du sepsis sévère est un défi quotidien aux urgences. La première étape en est le dépistage par l’infirmier organisateur de l’accueil (IOA), aidé du médecin d’accueil et d’orientation (MAO), par la mesure des paramètres vitaux (température, fréquence cardiaque et respiratoire, pression artérielle) et par la détection d’une confusion. Les critères diagnostiques du sepsis et du sepsis sévère, qui sont en pratique les signes cliniques et paracli- niques incitant un médecin expérimenté à conclure qu’un patient infecté « semble septique » (looks septic) ou « ne va pas bien » (looks bad), sont présentés dans les Tableaux 1, 2 [5,8]. La sensation de malaise, ou l’inquiétude d’un pro- che, bien que peu spécifiques, sont ainsi des signes d’alerte.

Ce screening est d’autant plus difficile que le service est surchargé, et la vigilance de ces professionnels doit être sans faille [12].

Devant cette suspicion diagnostique, le médecin devra rechercher des contacts avec le milieu de soin, des manœu- vres invasives, des pathologies sous-jacentes, des facteurs de risque d’infection ou d’immunosuppression, des symptômes récents, la prise d’anti-infectieux et rechercher des signes cliniques évocateurs d’un foyer infectieux [12].

Trois fenêtres ouvertes sur l’organisme permettent de repérer le sepsis :

la peau (froideur des extrémités, sueurs, marbrures, cya- nose, recoloration cutanée retardée > 2 secondes) ;

le rein (avec l’oligurie, définie par un débit inférieur à 0,5 ml/kg par heure pendant au moins deux heures malgré un remplissage adapté) ;

le cerveau (bradypsychie, somnolence, confusion men- tale) [4].

L’hypotension artérielle est typiquement définie par une pression systolique inférieure à 90 mmHg, une pression artérielle moyenne (PAM) inférieure à 70 mmHg ou une chute de la pression systolique d’au moins 40 mmHg par rapport à la pression habituelle du patient. Cependant, les signes cutanés et l’hypotension artérielle peuvent être tar- difs. Leur absence ne doit pas faire retarder le remplissage vasculaire. Une tachycardie, une confusion, une insuffisance rénale aiguë peuvent révéler un sepsis sévère. En cas de doute, le sondage vésical doit être réalisé précocement, seule méthode permettant d’évaluer la diurèse horaire d’une façon fiable.

La place des biomarqueurs dans l’aide à la reconnais- sance précoce du sepsis sévère n’est pas bien établie. En effet, des valeurs anormales de CRP et de procalcitonine

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ont été proposées comme critères de sepsis [7] ; cependant, en ce qui concerne la CRP, elle manque terriblement de spé- cificité. Des études ultérieures semblent nécessaires pour déterminer la place de ces marqueurs. Un dosage de procal- citonine supérieur ou égal à 2μg/l aux urgences est un fac- teur de risque de décès ou d’admission en réanimation à 30 jours chez les patients fébriles [13].

Influence de la précocité de la prise en charge sur le pronostic

Dans un travail devenu célèbre, Rivers et al. [6] ont montré qu’une prise en charge intensive dans les six premières heures de traitement diminue significativement la mortalité. Cette étude randomisée comparait une prise en charge standard avec une prise en charge intensive en termes d’objectifs de pression veineuse centrale (PVC), de PAM et de saturation en oxygène du sang en veine cave supérieure. Les patients avec prise en charge intensive bénéficiaient de plus de rem-

plissage vasculaire, de plus de transfusion ainsi que de plus d’amines inotropes, et leur taux de mortalité était inférieur à celui des patients du groupe témoin 46 vs 30 % (p= 0,009).

Depuis 2004, plusieurs recommandations de la Surviving Sepsis Campaign [8] ont été diffusées, fixant des objectifs thérapeutiques dans les trois et six premières heures de la prise en charge. L’application de ces recommandations a diminué en deux ans la mortalité hospitalière de 37 à 30 % dans une étude multicentrique ayant inclus plus de 15 000 patients [14].

Ce travail incluait des services d’urgence et de réanimation et étudiait l’implémentation de « bundles » ainsi que leur influence sur la mortalité hospitalière. L’influence de la rapi- dité du traitement sur le pronostic des patients souligne l’im- portance des structures de médecine d’urgence — Samu, Smur et service d’accueil des urgences —dans la prise en charge des sepsis graves et chocs septiques.

Une étude prospective multicentrique randomisée a inclus 1 341 patients présentant un sepsis sévère ou un choc septique dans 31 services d’urgences aux USA [15]. Le critère principal était la mortalité à J60. Les patients ont été rando- misés en prise en charge «early goal directed therapy» simi- laire à celle de Rivers avec pose d’un cathéter veineux central, quantités spécifiées de remplissage vasculaire, de vasopres- seurs, de transfusion et de dobutamine ou prise en charge protocolisée qui ne demandait pas de pose de cathéter veineux central, avait des objectifs de pression artérielle ou thérapeu- tique usuelle sous la direction du médecin en charge du patient. Les caractéristiques des patients étaient similaires avant la prise en charge. L’adhésion aux protocoles a été mesurée et était importante. Les trois bras thérapeutiques se Tableau 1 Critères diagnostiques du sepsis (adapté de Levy

et al. [5] et Dellinger et al. [7]).

Signes généraux

Fièvre (> 38,3 °C) ou hypothermie (< 36 °C) Tachycardie > 90/minute

Tachypnée > 30/minute Confusion aiguë

Hyperglycémie > 7,7 mmol/l en labsence de diabète Paramètres inflammatoires

Hyperleucocytose > 12 000/mm3ou leucopénie < 4000/mm3 Numération leucocytaire normale avec myélémie > 10 % Variables hémodynamiques

Hypotension artérielle avec une PAS < 90 mmHg, PAM <

70 mmHg ou baisse de la PAS de plus de 40 mmHg par rapport à la valeur habituelle

Dysfonctions dorgane

Hypoxémie artérielle (PaO2/fiO2< 300)

Oligurie avec diurèse < 0,5 ml/kg/h pendant deux heures consécutives malgré un remplissage vasculaire

Augmentation de la créatinine de plus de 44μmol/l TP < 50 %

Iléus défini par labsence de bruits digestifs Thrombopénie < 100 000/mm3

Hyperbilirubinémie > 70μmol/l Perfusion tissulaire

Lactate > 1 mmol/l

Temps de recoloration capillaire > 2 s

PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle moyenne ; TP : temps de prothrombine.

Tableau 2 Critères diagnostiques du sepsis sévère (adapté de Dellinger et al. [7]).

Hypotension artérielle avec une PAS < 90 mmHg, PAM <

70 mmHg ou baisse de la PAS de plus de 40 mmHg par rapport à la valeur habituelle

Lactate > à la limite supérieure de la normale

Oligurie avec diurèse < 0,5 ml/kg/h pendant deux heures consécutives malgré un remplissage vasculaire

Lésion pulmonaire aiguë avec rapport PaO2/fiO2< 250 en labsence de pneumopathie

Lésion pulmonaire aiguë avec rapport PaO2/fiO2< 200 en présence de pneumopathie

Créatinine > 176μmol/l Bilirubine > 34μmol/l Thrombopénie < 100 000/mm3

Coagulopathie définie par INR > 1,5 en labsence danticoagulant

PAS : pression artérielle systolique ; PAM : pression artérielle moyenne.

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différenciaient en ce qui concerne les volumes perfusés, les vasopresseurs et la transfusion. La mortalité à J60 n’était pas différente entre les trois groupes de traitement et était proche de 20 %. Cette étude suggère que le bénéfice de la thérapeu- tique du sepsis sévère est probablement due à la précocité de l’identification et du traitement plutôt qu’à des interventions spécifiques.

Mise en condition et examens paracliniques

La précocité du traitement constitue un élément pronos- tique majeur et rien ne doit retarder sa mise en place. En cas de suspicion de sepsis sévère ou choc septique, un monitorage non invasif cardiotensionnel doit être mis en place, et un bilan biologique doit être prélevé, comprenant gazométrie artérielle avec dosage du lactate, numération formule sanguine, ionogramme sanguin urée créatinine, glycémie, bilan hépatique, TP-INR, TCA et fibrinogène.

Le dosage de référence du lactate est artériel. Cependant, un prélèvement veineux peut être réalisé tout en sachant qu’il surestime la valeur de 0,3 à 0,6 mmol/l. Une valeur de lactate veineux inférieure à 2 mmol/l exclue une éléva- tion du lactate artériel. De récents appareils permettent la mesure du lactate capillaire et semblent intéressants dans le dépistage des sepsis sévères [12]. Cependant, des études sont encore nécessaires pour définir leur place. Deux hémocultures doivent être prélevées immédiatement, quelle que soit la température : attendre un pic fébrile pour prélever les hémocultures fait courir le risque de retarder l’antibiothérapie.

Deux voies veineuses périphériques de bon calibre doi- vent être mises en place. Une voie veineuse centrale n’a pas d’intérêt au cours de la prise en charge initiale et pourra être posée secondairement dans le service de réanimation.

Une oxygénothérapie au masque doit être instaurée visant à maintenir une SpO2supérieure à 95 %.

Une sonde urinaire avec mesure de la diurèse horaire doit être posée. À cette occasion, un ECBU sera prélevé en cas de positivité de la bandelette urinaire pour les leucocytes ou les nitrites, en cas de suspicion d’infection urinaire, ou en l’absence de point d’appel évident. De même, une antigénu- rie légionelle sera recherchée en cas de tableau clinique évo- cateur de légionellose (pneumonie clinique et radiologique, avec signes digestifs, neurologiques ou cardiaques, contexte épidémique, voyage récent ou exposition à des aérosols, échec d’un traitement par bêtalactamine).

En cas de troubles sévères de la vigilance (Glasgow < 8) ou de détresse respiratoire aiguë, le patient sera intubé et ventilé. L’induction fait appel à l’étomidate (0,3 mg/kg) ou à la kétamine (2 à 3 mg/kg) accompagnés de suxaméthonium (1 mg/kg). De récents travaux ont démontré que l’adminis- tration d’étomidate dans les sepsis sévères provoquait

une insuffisance surrénale relative. Ainsi, il est recommandé d’utiliser préférentiellement la kétamine qui n’a pas cet effet secondaire [12]. Les paramètres ventilatoires sont standard : volume courant 6 à 8 ml/kg, fréquence 16/minute, fiO2suf- fisante pour obtenir une SpO2à 95 %.

Les examens radiologiques visent à identifier la porte d’entrée et/ou une complication justifiant un traitement chi- rurgical ou instrumental. La radiographie thoracique permet de confirmer un diagnostic de pneumopathie. En cas d’in- fection urinaire, le scanner des voies urinaires, réalisé en première intention, permet d’identifier un obstacle sur les voies urinaires. Le scanner abdominopelvien doit être réa- lisé en cas de suspicion d’infection intra-abdominale. Il peut être remplacé par une échographie en cas de suspicion de cholécystite ou d’angiocholite. En l’absence de porte d’entrée identifiée, un scanner thoracoabdominopelvien est indiqué.

Support hémodynamique aux urgences

En cas de sepsis sévère, le remplissage doit être précoce, dès qu’est constatée ou suspectée une hypoperfusion tissulaire [7]. L’hypovolémie peut être confirmée par la visualisation à l’échographie d’une veine cave inférieure plate ou se col- labant à l’inspiration [16]. Il est également possible d’utiliser la variation du delta PP chez le patient ventilé en réanimation [16]. Le remplissage vasculaire initial est réalisé préférentiel- lement avec du sérum salé isotonique à la dose de 30 ml/kg, dans un délai rapide, avant la fin de la troisième heure [7].

Les hydroxyéthylamidons ne doivent pas être utilisés du fait de leur toxicité rénale (grade 1B) [7].

Si l’hypotension artérielle persiste malgré le remplissage initial, ou si le lactate est supérieur à 4 mmol/l ou si la pres- sion artérielle diastolique est inférieure à 40 mmHg, l’admin- istration de noradrénaline doit être débutée, à la dose de 0,3 μg/kg par minute, augmentée par paliers de 0,2μg/kg par minute toutes les 15 minutes. En l’absence de voie vei- neuse centrale, la noradrénaline peut être débutée sur une voie veineuse périphérique. Néanmoins, une voie veineuse centrale doit être rapidement mise en place, permettant éven- tuellement la mesure de la PVC.

La mesure de la PVC préconisée par la Surviving Sepsis Campaign est loin de faire l’unanimité, car elle est peu cor- rélée à une réponse positive au remplissage. Une valeur inférieure à 5 mmHg est prédictive d’une hypovolémie, mais au-delà de celle-ci, il est nécessaire d’utiliser d’autres techniques [12]. L’échocardiographie a toute sa place chez le patient en ventilation spontanée et en ventilation contrô- lée, mais nécessite un opérateur entraîné. Le diagnostic d’hypovolémie peut être porté par la mesure du diamètre de la veine cave inférieure et ses variations en fonction de la ventilation, la mesure du flux transmitral [16]. La fonction

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ventriculaire gauche sera appréciée par la mesure de la frac- tion d’éjection ou celle de l’ITV sous-aortique qui est un excellent reflet du débit cardiaque [16]. Chez le patient ven- tilé et porteur d’un cathéter de pression artérielle, des index dynamiques comme les variations du delta PP (variations de pression artérielle sanglante au cours d’un cycle respiratoire) sont prédictifs d’une hypovolémie et donc d’une bonne réponse à un remplissage vasculaire [16]. Néanmoins, ces techniques sont peu implémentées dans les services d’ur- gence et sont plus du ressort de la réanimation.

Selon la Surviving Sepsis Campaign les objectifs théra- peutiques suivants doivent être atteints dans les six premiè- res heures [7] :

PAM supérieure à 65 mmHg ;

PVC entre 8 et 12 mmHg ;

diurèse horaire supérieure à 0,5 ml/kg par heure ;

saturation en O2dans la veine cave supérieure (SCVO2) supérieure à 70 % ;

normalisation du taux de lactate sanguin.

Tableau 3 Traitement des foyers infectieux les plus courants.

Infection Antibiothérapie Traitement chirurgical

ou instrumental Purpura fulminans Céfotaxime 50 mg/kg sur 1 h puis 300 mg/kg/j IVSE

ou ceftriaxone 75 mg/kg en 1 ou 2 fois/j [18]

Méningite à méningocoque Dexaméthasone (10 mg)

puis céfotaxime 50 mg/kg sur 1 h puis 300 mg/kg/j intraveineux à la seringue électrique

ou ceftriaxone 75 mg/kg en 1 ou 2 fois/j [18]

Méningite à pneumocoque Dexaméthasone (10 mg)

puis céfotaxime 50 mg/kg sur 1 h puis 300 mg/kg/j intraveineux à la seringue électrique

ou ceftriaxone 100 mg/kg en 1 ou 2 fois/j [18]

Pneumopathie Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j et spiramycine i.v. : 3 millions UI × 3/j [19]

Pneumopathie dinhalation Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j et métronidazole 500 mg 3 fois par jour [20]

Infections intra-abdominales Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j et métronidazole 500 mg × 3/j [21]

et gentamicine 8 mg/kg en 30 min [17]

Traitement chirurgical de la cause, ou par défaut drainage radioguidé ; sphinctérotomie endoscopique en cas dangiocholite Pyélonéphrite Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j [21,22]

et gentamicine 8 mg/kg en 30 min [17]

Dérivation urinaire en cas dinfection sur obstacle (sonde urétérale double J, néphrostomie) Dermohypodermite bactérienne

nécrosante des membres, du cou ou de la face

Amoxicillineacide clavulanique 2 g × 3/j et gentamicine 8 mg/kg sur 30 min [17,21]

Traitement chirurgical immédiat

Dermohypodermite bactérienne nécrosante du périnée, de labdomen, du thorax ou chez limmunodéprimé

Pipéracillinetazobactam 4 g × 3 /j [21]

et amikacine 30 mg/kg sur 30 min [17]

Traitement chirurgical immédiat

Infection du liquide dascite Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j [21] Ponction dascite, albumine 20 % Aplasie fébrile Pipéracillinetazobactam 4 g × 3/j

et amikacine 30 mg/kg sur 30 min [23]

Infection sur cathéter veineux central

Vancomycine (30 mg/kg/j) et ceftazidime 2 g × 3/j

et amikacine 30 mg/kg sur 30 min [24]

Ablation du cathéter

Porte dentrée non identifiée Céfotaxime 2 g × 3/j ou ceftriaxone 2 g/j et gentamicine 8 mg/kg en 30 min et métronidazole 500 mg × 3/j [21]

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Traitement du foyer infectieux

Outre l’antibiothérapie, le traitement du foyer infectieux impose dans certaines situations un traitement chirurgical ou un drainage radioguidé ou échoguidé. Une antibiothérapie bactéricide à large spectre par voie intraveineuse doit être débutée dans l’heure suivant l’admission du patient en choc septique ou en sepsis sévère [7]. Le choix de l’antibiothérapie est guidé par le foyer infectieux identifié ou suspecté, mais aussi par les antécédents d’infection ou de portage de bactérie multirésistante, ou une exposition récente à des antibiotiques.

Les traitements recommandés dans les infections communau- taires les plus courantes sont indiqués dans le Tableau 3.

Conformément à la mise au point publiée par l’Afssaps en 2011, les aminosides doivent être administrés aux urgences en dose unique journalière, à une posologie élevée, par voie intraveineuse sur 30 minutes [17].

Filière de soins

Tous les urgentistes sont susceptibles de prendre en charge les sepsis sévères et les chocs septiques, que ce soit au service d’accueil des urgences, en Smur ou en SAUV. L’importance de la rapidité de la prise en charge des sepsis sévères et des chocs septiques a été soulignée par la Surviving Sepsis Cam- paign, qui fixe à trois heures le délai maximal pour terminer le remplissage initial et débuter l’antibiothérapie, et à six heures le délai maximal pour mettre en place un monitorage invasif et le traitement vasopresseur [7]. Cette prise en charge nécessite une collaboration entre les urgences, le Smur, le service de réani- mation et l’unité de soins continus. Cette collaboration doit faire l’objet, dans chaque établissement, d’une procédure commune écrite par les urgentistes et les réanimateurs, et défi- nissant le rôle de chacun. Généralement, le rôle de l’urgen- tiste comprend, une fois le sepsis sévère ou le choc septique reconnu, le remplissage initial, le monitorage non invasif, le début de l’administration de noradrénaline et des antibiotiques.

La rapidité de l’information du réanimateur de garde et du transfert du patient en réanimation ou en unité de soins continus sont les meilleurs garants de l’atteinte des objectifs de délais de prise en charge fixés par la Surviving Sepsis Campaign.

Conclusion

La reconnaissance précoce du sepsis sévère est un défi quo- tidien pour l’urgentiste. La rapidité du diagnostic et de la prise en charge est un facteur pronostique majeur des sepsis sévères et des chocs septiques. La précocité de la collabora- tion avec le service de réanimation doit guider l’organisation de la prise en charge des états septiques sévères dans les services d’urgence.

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