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Article pp.261-262 du Vol.4 n°4 (2014)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Il n ’ y a pas d ’ âge pour commencer ! Intoxication au cannabis chez un nourisson de 12 mois

There is no age to start! 12 month-old child with cannabis poisoning

T. Viard · J.-A. Oilleau

Reçu le 7 décembre 2013 ; accepté le 12 mars 2014

© SFMU et Springer-Verlag France 2014

Introduction

Nous rapportons le cas d’un enfant de 12 mois admis aux urgences pédiatriques en 2013 pour troubles de la vigilance inexpliqués, et pour lequel une étiologie toxique a été fina- lement déterminée. Ce cas clinique rapporte l’histoire d’un nourrisson de 12 mois présenté aux urgences avec un tableau neurologique dominé par une mydriase et une hypertonie. Le bilan initial a été négatif et la recherche de toxiques dans les urines a montré une intoxication au cannabis. Le report de cette observation est intéressant et utile car elle sert à rappe- ler aux médecins travaillant aux urgences que l’intoxication au cannabis est possible chez les jeunes enfants y compris les nourrissons.

Cas clinique

Un enfant de 1 an sans aucun antécédent est amené par sa mère vers 14 h en raison de crises de pleurs la nuit précé- dente, et d’une impossibilité à le réveiller depuis le matin.

L’enfant, dont le score de Glasgow pédiatrique est évalué à 9 (Y1 V4 M4), présente aussi une mydriase bilatérale, et une hypertonie généralisée. L’hémodynamique est cliniquement satisfaisante ; la fréquence cardiaque est de 127/minute, la pression artérielle de 78/39 mmHg. La ventilation est nor- male avec une fréquence respiratoire de 36/minute et 99 % de saturation en oxygène en air ambiant. Enfin, la glycémie capillaire est de 1,19 g/dL et la température rectale de 35 °C.

En dehors des signes neurologiques précédemment décrits et

de la température, il n’existe aucune autre anomalie à l’exa- men initial. Devant l’hypothèse d’une crise de type tonique liée à une méningo-encéphalite, 5 mg de diazepam sont administrés par voie rectale. Une antibiothérapie par ceftria- xone et un traitement antiviral par aciclovir sont aussi débu- tés par voie intraveineuse. Dans les minutes qui suivent, l’hypertonie régresse progressivement, mais l’enfant garde ses troubles de la vigilance. Un bilan sanguin, des hémocul- tures, une tomodensitométrie (TDM) cérébrale puis une ponction lombaire sont rapidement réalisés. La normalité des dosages des lactates et de l’ammoniémie rend moins probable un coma métabolique ; les toxiques sanguins dépis- tés en routine (paracétamol, tricycliques, alcool, benzodiazé- pines) sont négatifs sauf les benzodiazépines mais de façon attendue. L’analyse du LCR est normale ; l’EEG ne révèle qu’un tracé lent alternant sommeil et hypovigilance sans paroxysmes. Un screening des toxiques urinaires est alors demandé, et montre une concentration indosable, supérieure à 200 ng/ml de cannabis (technique quantitative avec seuils THC2 Roche). Après plusieurs heures de surveillance, l’en- fant s’avère stable, avec quelques signes de réveil. Il est sur- veillé pendant 48 h à l’hôpital en service de pédiatrie, où l’évolution est rapidement favorable sans traitement particu- lier. L’enfant sort sans séquelle décelable à ce stade. L’inter- rogatoire répété de la mère lors des premières heures de prise en charge avait finalement révélé une éventuelle ingestion accidentelle, la veille, de ce qu’elle pensait être « un bout de terre ». Elle avait donné un bain froid à son enfant pour essayer de le réveiller, ce qui expliquerait l’hypothermie constatée initialement. Devant tous ces éléments, ainsi que le retard majeur de consultation, une information préoccu- pante a été transmise aux services sociaux.

Discussion

Ces dernières années, l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) a déterminé qu’à 17 ans, 41 % des

T. Viard (*)

Urgences du CH dAgen, route de Villeneuve, F-47923 Agen cedex 9, France

e-mail : thibaultviard@gmail.com J.-A. Oilleau

Urgences pédiatriques du CH Pau, 4, boulevard Hauterive, F-64046 Pau cedex, France

Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:261-262 DOI 10.1007/s13341-014-0431-5

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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adolescents ont déjà essayé le cannabis [1], mais aussi que les 11-75 ans comptaient parmi eux 13 800 000 de fumeurs occasionnels de cannabis, 1 200 000 fumeurs réguliers, et 550 000 de consommateurs quotidiens [2]. Plus de 8 % des 15-64 ans ont consommé du cannabis dans les 12 derniers mois [2]. Parmi tous ces usagers du cannabis, certains sont parents. Le retentissement de leur consommation sur leurs enfants, mal évalué, n’est que rarement pris en compte, alors que le cannabis passe à l’enfant via le lait maternel [3,4], la fumée [5] surtout lorsque l’exposition est répétée et dans un endroit confiné [6-8], ou encore par ingestion accidentelle.

L’incidence de l’intoxication au cannabis chez les enfants est en augmentation permanente ; il est important de noter qu’elle est liée à la consommation d’un des parents dans 80 % des cas [9], et qu’elle touche en grande majorité des enfants de moins de 3 ans. Peu ou pas identifiée comme pouvant être la cause de symptômes neurologiques divers que les urgentistes peuvent rencontrer, l’incidence de cette intoxication en est très probablement sous-évaluée. Les symptômes neurologiques les plus fréquents sont les trou- bles du comportement, de la vigilance, la mydriase, l’hypo- tonie [9-12]. Ataxie, tremblements, nystagmus sont moins fréquemment retrouvés, et les convulsions sont encore plus rarement décrites [9-11]. Les effets cardiovasculaires ou res- piratoires sont heureusement peu fréquents : tachycardie, dépression respiratoire, ou plus rares : bradycardie, hypoten- sion, mais toutes justifient une surveillance étroite et une prise en charge symptomatique adaptée [9-12]. Enfin, d’au- tres symptômes peuvent être présents : vomissements, hypo- thermie, hyperthermie, hyperhémie conjonctivale [9-12].

Des expériences sur les souris ont montré que le cannabis peut influer sur la thermorégulation via les récepteurs CB1 de l’hypothalamus [13,14] ; mais l’hypothermie semble induite uniquement par des doses de tetrahydrocanabinol extrêmement élevées [14]. Dans le cas présent, malgré une forte concentration urinaire, l’hypothermie semble plutôt la conséquence d’un bain froid. Le traitement de ces intoxica- tions est symptomatique, et rarement réanimatoire ; l’évolu- tion est favorable dans la majorité des cas en moins de 48 heures [9,10,12].

En conclusion : la clinique de l’intoxication au cannabis est méconnue alors que des toxidromes moins courants sont mieux identifiés par les médecins. À ce titre, devant la sur- venue de symptômes neurologiques inexpliqués chez un enfant, l’intoxication au cannabis mériterait d’être recher- chée systématiquement à l’interrogatoire puis par dépistage urinaire. Inciter les parents à avouer rapidement une inges-

tion accidentelle de cannabis si tel est le cas permettrait d’éviter TDM et ponction lombaire, si l’intoxication est cer- taine. Dans le cas où l’intoxication n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, la prise en charge doit rester celle de l’ensemble des hypothèses évoquées dans l’attente de la confirmation anamnestique et analytique d’une telle intoxication.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

1. Spilka S, Le Nézet O, Tovar ML (2012) Les drogues à 17 ans : premiers résultats de l’enquête ESCAPAD 2011. Tend OFDT 79:1–4

2. OFDT (2012) Rapport national à lObservatoire européen des drogues et toxicomanies. http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/

natrep.html (dernier accès le 28 janvier 2014)

3. Astley S, Little R (1990) Maternal marijuana use during lactation and infant development at one year. Neurotoxicol Teratol 12:1618

4. Perez-Reyes M, Wall ME (1982) Presence of delta9- tetrahydrocannabinol in human milk. N Engl J Med 23:81920 5. Zarfin Y, Yefet E, Abozaid S, et al (2012) Infant with altered

consciousness after cannabis passive inhalation. Child Abuse Negl 36:813

6. Niedbala S, Kardos K, Salamone S, et al (2004) Passive cannabis smoke exposure and oral fluid testing. J Anal Toxicol 28:546–52 7. Niedbala S, Kardos K, Fritch D, et al (2005) Passive cannabis smoke exposure and oral fluid testing. II. Two studies of extreme cannabis smoke exposure in a motor vehicle. J Anal Toxicol 29:60715

8. Röhrich J, Schimmel I, Zörntlein S, et al (2010) Concentrations of delta9-tetrahydrocannabinol and 11-nor-9-carboxy

tetrahydrocannabinol in blood and urine after passive exposure to cannabis smoke in a coffee shop. J Anal Toxicol 34:196203 9. Spadari M, Glaizal M, Tichadou L, et al (2009) Intoxications

accidentelles par cannabis chez lenfant : expérience du centre antipoison de Marseille. Presse Med 38:15637

10. Molly C, Mory O, Basset T, et al (2012) Intoxication aiguë par cannabis chez un nourrisson de 10 mois. Arch Pediatr 19:72932 11. Claudet I (2012) Quand penser à une intoxication chez lenfant ? Congrès Urgences 2012. http://www.sfmu.org/urgences2012/

urgences2012/donnees/pdf/018_claudet.pdf (dernier accès le 28 janvier 2014)

12. Marcou A, Paon JC, Dufour D, et al (2004) Intoxication canna- bique chez un nourrisson de 11 mois. Presse Med 33:940 13. Gaborit B, Fabrizio A (2008) Le système endocannabinoïde : de

la physiologie aux potentialités thérapeutiques. STV 20:12936 14. Institut national de la santé et de la recherche médicale

(INSERM) (2001) Cannabis: quels effets sur le comportement et la santé ? Ed. INSERM, Paris 429 p.

262 Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:261-262

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