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Article pp.249-252 du Vol.4 n°4 (2014)

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CAS CLINIQUE COMMENTÉ /COMMENTED CASE REPORT

Un cas de neurosyphilis chez un patient sans facteur de risque évident

Case Report of Neurosyphilis in a Patient without any Clinical Risk Factor

F. Pousset · A. Lemaire · R. Ravan

Reçu le 23 novembre 2013 ; accepté le 10 avril 2014

© SFMU et Springer-Verlag France 2014

Résumé La syphilis est une infection en pleine résurgence depuis les années 2000. La neurosyphilis est l’envahissement du système nerveux central parTreponema pallidum, se pré- sentant la plupart du temps par une méningite aseptique. Nous décrivons ici le cas d’un homme de 77 ans présentant une méningite aseptique accompagnée de signes neurologiques déficitaires. Sa prise en charge est marquée par une aggrava- tion initiale vers un coma nécessitant l’admission en réanima- tion malgré l’antibiothérapie probabiliste initiale. Le diagnos- tic de neurosyphilis est fait au décours, permettant une évolution favorable après adaptation des traitements. Les recommandations françaises actuelles de prise en charge des méningites ne semblent pas toujours adaptées à dépister les cas de neurosyphilis. Les cliniciens doivent avoir à l’esprit cette pathologie et la rechercher devant toute méningite asep- tique de l’adulte afin de la traiter au plus vite.

Mots clésNeurosyphilis · Méningite aseptique · Diagnostic · Recommandations

Abstract Syphilis is an infection in resurgence since the 2000’s. Neurosyphilis is the invasion of the central nervous system by Treponema pallidum, which in some cases appears in the form of aseptic meningitis. We describe the case of a 77-year-old man with aseptic meningitis accompa- nied by neurological deficits. Its management is marked by an initial worsening (coma) requiring ICU admission

because of the inefficiency of the initial probabilistic anti- biotic therapy. The diagnosis of neurosyphilis is done during early hospitalization in ICU, allowing recovery after antibio- tics adjustment. Current French guidelines for treatment of meningitis seem inappropriate concerning neurosyphilis, leading to non-identification of the organism. Clinicians should take in mind this disease in the case of any aseptic meningitis to treat it as soon as possible.

KeywordsNeurosyphilis · Aseptic meningitis · Diagnosis · Guidelines

Introduction

La France connaît depuis le début des années 2000 une recru- descence des cas de syphilis [1] à l’instar du monde occidental (États-Unis, Canada, Royaume-Uni [2–5]). La syphilis est une infection systémique bactérienne sexuellement transmis- sible due au spirochèteTreponema pallidum. L’histoire natu- relle de la maladie s’étend sur plusieurs années, et fait se suc- céder trois phases bien distinctes de durées et d’expressions cliniques très variables, faisant de la syphilis une maladie difficile à diagnostiquer. La neurosyphilis est une entité à part entière retrouvée dans 25 à 60 % des cas de syphilis, pouvant apparaître au cours des phases primaires ou secondaires (neurosyphilis précoce) ou bien tertiaires (neurosyphilis tar- dive) [6]. Parmi les formes précoces, on distingue classique- ment deux entités cliniques. La plus fréquemment rencontrée (95 % des cas) est la forme asymptomatique, définie par des anomalies isolées du liquide céphalorachidien (LCR). La forme symptomatique, beaucoup plus rare (5 % des cas), associe aux anomalies du LCR des tableaux de méningi- tes aiguës et chroniques, d’atteintes des nerfs crâniens ou d’atteintes vasculaires cérébrales [7–9]. La Figure 1 rappelle la classification de la neurosyphilis [7]. Les méningites bacté- riennes aiguës font l’objet en France de recommandations de bonnes pratiques encadrant leurs prises en charge de manière bien codifiée [10].

F. Pousset (*)

Service d’accueil des urgences, centre hospitalier de louest guyanais,

F-97320 Saint-Laurent-du-Maroni, Guyane française, France e-mail : pousset93@hotmail.com

A. Lemaire

DES danesthésie-réanimation, CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, F-63000 Clermont-Ferrand, France R. Ravan

Unité du service de réanimation polyvalente, centre hospitalier Jacques-Lacarin, boulevard Denière, F-03200 Vichy, France

Ann. Fr. Med. Urgence (2014) 4:249-252 DOI 10.1007/s13341-014-0436-4

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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Observation

Un patient âgé de 77 ans présente dans ses antécédents un diabète de type 2 non insulinorequérant, une hypertension artérielle contrôlée, une hypothyroïdie substituée. Son traite- ment habituel comporte répaglinide, lévothyroxine, périndo- pril, amlodipine.

Le mois précédant son admission aux urgences, le malade est hospitalisé pour altération de l’état général avec perte de poids de 7 kg sans qu’aucune étiologie ne soit retrouvée.

Aucune recherche infectieuse n’a alors été pratiquée. Un mois plus tard, il consulte au service d’accueil des urgences de Vichy pour suspicion d’accident vasculaire cérébral (AVC) devant une aphasie à type de manque du mot et un ptôsis de l’œil gauche sans autre déficit neurologique ni trouble de conscience retrouvé. Il présente une fièvre à 39 °C. Le scanner cérébral ne montre pas de saignement récent, mais des plages d’hypodensités sylviennes droites d’allure semi-récente. L’injection de produit de contraste met en valeur un phénomène de sténose focale serrée du tronc basilaire. La numération et formule sanguine présente une leucocytose à 9,32 G/l dont 6,12 G/l polynucléaires neu- trophiles et 2,54 G/l lymphocytes. La protéine C réactive est à 23,5 mg/l. Le patient est hospitalisé en unité neurovascu- laire pour suspicion d’AVC. Le lendemain matin l’examen

neurologique est inchangé avec persistance de la fièvre. Un bilan infectieux est alors réalisé : hémocultures, examen cytobactériologique des urines, radiographie thoracique, tous négatifs ou normaux. La ponction lombaire montre un liquide clair normotendu avec 130 leucocytes/mm3 dont 93 % de lymphocytes, 7 hématies/mm3. La coloration de Gram est négative. La biochimie met en évidence une gly- cémie à 7,9 mmol/l, une protéinorachie inférieure à 0,06 g/l (normale inférieure à 0,42 ou 0,5 g/l) et une hypoglycorachie à 1,1 mmol/l (normale supérieure à 60 % de la glycémie). Le patient est transféré en neurologie pour méningoencéphalite aseptique, où il est traité par amoxicilline–acide clavula- nique 6 g/j et acyclovir 2,4 g/j en probabiliste. Le lendemain, le patient présente une raideur de nuque avec des épisodes fugaces de troubles de conscience. Il est transféré en réani- mation. À l’entrée, son score de Glasgow est évalué à 11 (E3V3M5). L’antibiothérapie est modifiée pour amoxicilline 12 g/j–acyclovir 2,4 g/j–clarithromycine 1 g/j, toujours pro- babiliste. Une nouvelle ponction lombaire est réalisée avec électrophorèse et immunophénotypage lymphocytaire,poly- merase chain reaction(PCR) et culture du bacille de Koch et de l’herpès, sérologies VIH et syphilis (toutes deux sur LCR et sur sang). Le troisième jour, le patient est apyrétique, et son état de conscience ainsi que son examen neurologique se sont normalisés. Les T. pallidum hemagglutinations assay (TPHA) et veneral disease research laboratory (VDRL) Fig. 1 Histoire naturelle de la syphilis non traitée chez ladulte immunocompétent. Daprès Golden et al. [7] * SNC : système nerveux central

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reviennent fortement positifs dans le sérum (titrage [TPHA]

> 20 000 et titrage [VDRL] = 256) et dans le LCR. Les autres examens biologiques à visée étiologique sont nor- maux ou négatifs (dont la sérologie VIH). Une imagerie par résonance magnétique (IRM) est réalisée et retrouve une pachyméningite diffuse (Fig. 2A,B) associée à des sté- noses focales vasculaires fortement évocatrices d’une atteinte artéritique (Fig. 2C), typiques d’une atteinte syphili- tique [11]. Devant les résultats de TPHA et de VDRL sur le sang et le LCR, l’atteinte vasculaire artéritique et le tableau de méningoencéphalite, le diagnostic de neurosyphilis symptomatique est retenu. Après nouvel interrogatoire, le patient déclare avoir des relations extraconjugales homo- sexuelles. Le patient est de nouveau hospitalisé en neurolo- gie, le jour même, et traité par pénicilline G intraveineuse 7,5 MUI × 3/j pendant un mois, sans que des séquelles neu- rologiques ou cognitives soient objectivées à plus d’un mois de sa sortie de réanimation.

Discussion

Le diagnostic erroné initial d’AVC fébrile, posé devant l’ap- port des images du scanner initial, a retardé la réalisation de la première ponction lombaire, la pose du diagnostic de

méningoencéphalite et l’administration précoce d’antibio- tiques et d’acyclovir. Cela illustre la nécessité de réaliser une ponction lombaire devant tout trouble neurologique fébrile. À noter que l’absence de protéinorachie dosée lors de la première ponction lombaire s’explique par le délai pro- longé écoulé entre le prélèvement du LCR et la réalisation de la biochimie sur celui-ci.

La syphilis est une infection en recrudescence. Au vu de l’histoire naturelle de cette maladie, l’incidence des neurosy- philis devrait augmenter de manière parallèle. Or, celles-ci se présentent le plus souvent sous forme de méningites asepti- ques, définies par « l’absence de bactérie mise en évidence par l’examen direct et la mise en culture du LCR » [12], et dont la prise en charge comporte, selon les recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française, la recherche de diagnostics différentiels. Dans le cadre de méningoencéphalite d’évolution progressive avec hypogly- corachie, la tuberculose est de loin le diagnostic le plus fré- quent, devant la listériose. Concernant la syphilis, cette recherche n’est indiquée qu’«en cas de contage suspecté» sans que de tels cas soient davantage définis [10]. Selon la Haute Autorité de santé en 2007 [13], les facteurs de risque de contage syphilitique sont : homme ayant des rapports sexuels non protégés avec des hommes ou des travailleurs du sexe ; travailleur du sexe ; antécédents de gonococcie, de lymphogranulomatose vénérienne ou d’infection par le VIH ; migrant de pays d’endémie (Afrique, Asie, Europe de l’Est, Amérique du Sud) ; incarcération ; viol.

Cependant, même en croisant ces différentes sources de recommandations, le risque de sous-estimer des patients potentiellement infectés peut persister. En effet, plusieurs écueils s’opposent à cette recherche d’un contage : troubles de la conscience, négation volontaire (déni) ou non (mécon- naissance du statut du conjoint) de l’existence de facteurs de risque…En outre, si le diagnostic biologique de syphilis est facile, celui de neurosyphilis active l’est nettement moins, reposant sur des sérologies à pratiquer sur le sang et le LCR. De plus, l’antibiothérapie probabiliste des méningites aseptiques telle qu’elle est recommandée est efficace sur le tréponème [10,14]. Il est donc légitime de penser que des patients atteints de syphilis guérissent sans diagnostic posé.

Une telle situation empêche alors le suivi de ces cas, la prise en charge des sujets contacts [14] et le suivi épidémiolo- gique. Il semblerait donc pertinent d’être plus systématique dans la réalisation du dépistage de la syphilis devant des tableaux de méningite aseptique sans orientation étiolo- gique. En outre, les moyens techniques actuels sont disponi- bles, rapides et peu onéreux afin d’établir un diagnostic cer- tain (TPHA–VDRL, fluorescent treponemal assay) [15].

Cela va dans le sens d’une raisonnable faisabilité d’une telle extension de la pratique de ce dépistage. Ainsi, à l’instar des données récentes de la littérature [11,14,16], la réalisation systématique de sérologie sanguine syphilitique par TPHA Fig. 2 IRM cérébrale. A. Séquence T1gadoliniumcoupe axiale.

Images de pachyméningite (flèche). B. Séquence T1gadolinium coupe frontale. Images de pachyméningite (flèche). C. Time of flightpolygone de Willis. Images de sténoses focales vasculai- res (flèches)

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et VDRL doit être proposée devant toute méningite asep- tique de l’adulte.

Conclusion

La syphilis est une infection dont l’incidence est en augmen- tation. Sa diversité de présentation ainsi que son caractère de

« maladie du passé » entraînent des errances diagnostiques potentiellement préjudiciables pour ces patients et leurs par- tenaires sexuels. La neurosyphilis doit être évoquée au moin- dre doute, et recherchée par sérologie sanguine, devant toute méningite aseptique de l’adulte.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

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