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Article pp.237-242 du Vol.2 n°4 (2012)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE

Facteurs de risque de mortalité lors de traumatisme par défenestration

Risk factors of mortality in trauma by defenestration

P.-N. Carron · P. Gonin · B. Yersin · L. Vallotton

Reçu le 24 février 2012 ; accepté le 26 mai 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

RésuméObjectif: Les défenestrations constituent une entité spécifique fréquente en milieu urbain. L’identification de facteurs prédictifs de mortalité autres que la hauteur de chute permettrait d’optimiser la prise en charge des patients.

Type d’étude: Analyse rétrospective sur la base de données standardisées des interventions médicalisées du Smur de Lausanne, Suisse.

Matériel: Interventions préhospitalières médicalisées effec- tuées entre 1995 et 2008 pour défenestrations (n = 430 cas).

Méthode: Description des caractéristiques démographiques et analyse de corrélation univariée, puis multivariée entre caractéristique démographiques, traumatismes, paramètres vitaux sur site, hauteur de chute et mortalité.

Résultats: La majorité des patients sont des hommes (64 %).

L’âge moyen est de 38 ± 21 ans. La mortalité à 48 h est de 20 %. La gravité des lésions (évaluée par l’Injury Severity Score) est corrélée avec la hauteur de la chute (p < 0,001).

L’analyse multivariée montre toutefois qu’un score de Glas- gow sur site≤8 est un meilleur élément prédictif de morta- lité. L’âge supérieur à 65 ans et la présence d’une hypoten- sion sur site sont également prédictifs de mortalité.

Conclusion : Les défenestrations touchent une population jeune. La hauteur de la chute ne suffit pas pour prédire la mortalité des patients. La mortalité et la gravité des lésions sont corrélées avec la présence d’un traumatisme crânien ou d’un état de choc.

Mots clésChute d’un lieu élevé · Défenestration · Bilan lésionnel · Traumatisme

Abstract Objective: The accidental or intentional fall from height (defenestration) is a specific entity especially common

in urban areas. The predictors of survival other than height and the medical consequences are poorly described.

Study design: Retrospective analysis of prospectively collec- ted data from the prehospital emergency registry.

Patients: Prehospital interventions with emergency physi- cians for defenestration recorded between 1995 and 2008 (n = 430 cases).

Methods: Description of demographic characteristics and correlation analysis (uni/multivariate) between the heights, vital signs on site, injuries, and mortality.

Results: Most patients are men (64%). The mean age is 38 ± 21 years. Mortality at 48 hours is 20%. As expected, the severity of injury (assessed by the Injury Severity Score) is correlated with the height of fall (p <0.001). A multivariate regression analysis shows that an initial GCS < 8/15 is howe- ver the best predictor of mortality, related to the high rate of brain injury (94%). Advanced age (> 65 years) and hypoten- sion are independent predictors of mortality.

Conclusion: The defenestrations disproportionately affect a young population. The height of the fall does not by itself predict mortality of patients. Mortality and severity of inju- ries are directly related to the presence of head injury or hemodynamic shock.

KeywordsHigh-level falls · Defenestration · Injury severity · Trauma

Introduction

Les chutes de grande hauteur (classiquement définies par une chute de plus de six mètres ou d’une hauteur supérieure à deux étages) constituent une cause fréquente de trauma- tisme sévère et de décès par traumatisme [1]. En milieu urbain, les défenestrations accidentelles ou volontaires sont la cause la plus fréquente de ce type de chutes. La population pédiatrique est souvent concernée, avec un risque accru de chutes au sein de cette population, ainsi qu’un taux plus élevé de complications traumatiques sévères ou de

P.-N. Carron (*) · P. Gonin · B. Yersin · L. Vallotton Service des urgences, centre hospitalier universitaire Vaudois, CH-1011 Lausanne, Suisse

e-mail : pierre-nicolas.carron@chuv.ch L. Vallotton

Service d’anesthésiologie,

centre hospitalier universitaire Vaudois, CH-1011 Lausanne, Suisse

DOI 10.1007/s13341-012-0220-y

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décès [2]. Les intervenants préhospitaliers sont par ailleurs fréquemment confrontés à des actes volontaires (suicide, psychose aiguë, etc.) ou à des chutes accidentelles de jeunes adultes, liées à une consommation excessive d’alcool ou de psychotropes [1,3].

L’effet de la hauteur de la chute sur les lésions traumati- ques et sur la survie est intuitif et bien décrit dans la littéra- ture [3,7]. Les autres facteurs prédictifs de mortalité ou de morbidité sont par contre moins bien décrits. Dans plusieurs études françaises, et en particulier dans celle de Lapostolle et al., la nature de la surface de réception, ainsi que les régions du corps atteintes sont des facteurs qui influencent égale- ment la survie [3-5]. Plusieurs études pédiatriques de Thélot et Rigou ont également montré qu’une chute occasionnant un traumatisme crânien induisait une mortalité plus impor- tante, quelle que soit la hauteur de la chute [2,4-6]. Cette association est moins évidente dans les séries portant sur des patients adultes, en particulier pour des hauteurs de chute faibles à modérées (un à trois étages). L’âge avancé est quant à lui à la fois un facteur de risque de chute, ainsi qu’un facteur de surmortalité et de sévérité plus importante des lésions traumatiques [1,8].

Le risque accru de mortalité et de complications traumati- ques après une chute d’un lieu élevé a donné lieu à des recom- mandations de prise en charge préhospitalière, proposant d’acheminer ce type de patients dans un « Trauma Center », en activant de manière anticipée une équipe de déchocage pour son accueil aux urgences [9-11]. Néanmoins, plusieurs études prospectives ont montré les limites de ce type de tri préhospitalier fondé sur des critères mécaniques seuls, en démontrant que la hauteur de chute seule ne permettait pas d’identifier de manière fiable une gravité accrue ou un risque de décès éventuel [12,13].

Cette étude porte sur une revue rétrospective des cas de défenestrations pris en charge dans une région urbaine de Suisse. L’identification au sein de cette population de fac- teurs de risque préhospitaliers de morbimortalité permettrait d’envisager une amélioration de la prise en charge de ces cas, tant en termes de traitement sur site, que de tri et d’orien- tation vers les centres hospitaliers appropriés.

Méthode Contexte

Le service des urgences du centre hospitalier universitaire Vaudois assure la médicalisation des urgences préhospitaliè- res d’une zone urbaine d’environ 300 000 habitants. Il joue également le rôle de « Trauma Center » et assure une médi- calisation héliportée pour un territoire plus large impliquant près d’un million d’habitants. Le système préhospitalier s’appuie sur une centrale d’engagement professionnelle

dédiée non médicalisée fonctionnant à l’aide de mots-clés et sur un premier niveau de réponse fourni par des ambulan- ciers disposant de compétences étendues (pose de voie vei- neuse, réanimation cardiopulmonaire, administration proto- colée de médicaments, défibrillation). Une médicalisation (anesthésistes ou urgentistes) terrestre (Smur) ou héliportée est engagée en fonction des mots-clés (atteinte des voies aériennes, chute d’un lieu élevé, para ou tétraplégie, incarcé- ration, etc.) ou à la demande spécifique des ambulanciers.

Critères d’inclusion

Cette étude rétrospective monocentrique est fondée sur une analyse des données du registre prospectif standardisé pré- hospitalier utilisé pour le suivi d’activité et le contrôle de qualité. Ce registre est conforme aux recommandations Uts- tein en matière de recensement uniforme des cas de trauma- tismes [14,15].

Tous les cas de traumatismes résultant d’une défenestra- tion, identifiés dans la base de données des urgences préhos- pitalières, ont été inclus du 01/01/1995 au 31/12/2008. Les défenestrations comprenaient toutes les chutes survenues depuis une façade (fenêtre, balcon) ou le toit d’un immeuble.

Les chutes en rue ou à distance d’un bâtiment ont été exclues.

Les accidents professionnels et les chutes depuis un échafau- dage ont également été exclus, les mécanismes de chute et les moyens de protection étant différents. Le protocole a été approuvé par le Comité d’éthique clinique de l’université de Lausanne, ainsi que par la Direction médicale de l’institution.

Les données suivantes étaient collectées dans une base de données anonymisée : caractéristiques démographiques (âge, sexe), hauteur de la chute (estimée par les intervenants, un étage correspondant pour l’étude à trois mètres), para- mètres vitaux sur site (fréquence respiratoire, fréquence car- diaque, pression artérielle systolique, saturation en oxygène, score de Glasgow : GCS), intubation ou réanimation sur site, bilan lésionnel à 48 h. La gravité des lésions (évaluée par l’Injury Severity Score, avec un traumatisme sévère défini par une valeur d’ISS≥16), l’identification du traumatisme prédominant (défini par la région du corps ayant le score AIS : Abreviated Injury Scale le plus élevé) et la survie à 48 h étaient collectés [16,17]. La présence sur site d’un trau- matisme crânien était définie par une clinique compatible (plaie, impact, déformation du crâne, otorragie) et un score de Glasgow (GCS) inférieur à 15 ; la présence d’un trauma- tisme crânien sévère étant défini par une clinique compatible et un score de Glasgow≤8.

Analyse statistique

Les variables catégorielles ont été exprimées en nombres et pourcentages (%). Les variables quantitatives ont été expri- mées en moyenne +/- déviation standard (SD) ou en médiane

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et quartile 25–quartile 75 pour les variables non Gaussienne (test d’Agostino-Pearson). Un test de Student a été appliqué pour analyser les variables continues présentant une distri- bution normale. Le test de Mann-Withney a été appliqué en cas de distribution non normale. Les valeurs qualitatives ou catégorielles ont été analysées à l’aide du test du Chi-carré.

L’âge a été analysé en variable continue et en variable caté- gorielle, les patients gériatriques étant définis par un âge supérieur à 65 ans. Un modèle de régression a été appliqué avec toutes les variables. L’analyse multivariée a été réalisée en introduisant les variables liées de manière statistiquement significative à la mortalité en analyse univariée, dans une analyse selon le modèle de régression de Cox. Les résultats ont été exprimés en odds ratios (OR ; 95 % CI). Une valeur de p < 0,05 était considérée comme statistiquement signifi- cative. Les données ont été analysées avec le logiciel Stata (Stata Statistical Software 8.0, Stata Corporation, College Station, TX).

Résultats

Durant la période du 01/01/1995 au 31/12/2008, une médi- calisation préhospitalière a été engagée dans 25422 cas, dont

430 cas de défenestrations (1,7 %). Dans cette série, 276 cas (64 %) concernaient des hommes (ratio homme : femme = 1,8 : 1). Les victimes étaient jeunes, avec un âge moyen de 38 +/- 21 ans. Soixante neuf patients (16 %) étaient âgés de moins de 18 ans et 54 patients (12,5 %) avaient plus de 65 ans.

Les traumatismes les plus fréquemment rapportés concer- naient le crâne (46 %), les membres inférieurs (37 %), l’abdo- men (34 %), les membres supérieurs (27 %), le bassin (24 %) et le thorax (20 %) (Tableau 1). Quatre-vingt-sept patients étaient décédés dans les 48 premières heures (20 %). Les patients décédés étaient significativement plus âgés que les survivants (52 ± 23 ans vs 29 ± 18 ans ; p < 0,05). Par ailleurs, la présence d’un score de Glasgow (GCS) inférieur à 15, l’identification sur site d’un traumatisme crânien sévère (GCS ≤8), ou la présence d’un état de choc (témoigné par une hypotension systolique < 90 mmHg) étaient corrélées avec un risque de mortalité plus important (p < 0,01) (Tableau 1).

Les hauteurs de chute s’échelonnaient de 2 à 25 mètres (moyenne 6,6 +/- 3,8 mètres). Dans quatre cas, la hauteur n’a pas pu être établie précisément. La mortalité augmentait de manière linéaire avec la hauteur de chute (p < 0,01) et la hauteur moyenne de chute était significativement plus

Tableau 1 Caractéristiques comparées des patients en fonction de la survie Décès à 48 heures (n = 87)

Vivants à 48 heures (n = 343)

p

Caractéristiques démographiques

Sexe masculin (%) 47 (54 %) 229 (67 %) 0,028

Âge 51 ± 22 34 ± 18 < 0,001

Âge > 65 ans (%) 29 (33 %) 25 (7 %) < 0,001

Hauteur chute (m) 10,6 ± 4,9 6,2 ± 3,2 < 0,001

Caractéristiques cliniques

Fréquence respiratoire (/min) 10 ± 8 20 ± 7 0,001

Fréquence cardiaque (/min) 53 ± 40 94 ± 23 0,001

Pression artérielle systolique (mmHg) 74 ± 28 127 ± 24 0,001

SpO2 (%) 83 ± 20 97 ± 4 < 0,001

GCS < 15/15 83 (95 %) 147 (42 %) < 0,001

GCS8/15 73 (84 %) 38 (11 %) < 0,001

ISS 41 (27-52) 14 (925) < 0,001

Régions anatomiques prédominantes

Thorax et colonne dorsale 23 (26 %) 66 (19 %) NS

Abdomen et colonne lombaire 31 (35 %) 119 (34%) NS

Face 12 (14 %) 18 (5 %) 0,001

Crâne et colonne cervicale 27 (31 %) 172 (50 %) 0,001

Membre Supérieur 25 (28 %) 94 (27 %) NS

Membre inférieur 43 (49 %) 119 (34 %) 0,01

Bassin 23 (26 %) 82 (24 %) NS

Les données sont exprimées en moyenne ± DS, médiane (interquartile 2575) et nombre (pourcentage).

GCS : score de Glasgow ; ISS : Injury Severity Score, SpO2 ; saturation veineuse périphérique en oxygène ; NS : non significatif.

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importante dans le groupe des patients décédés (10,6 ± 4,9 mètres vs 6,2 ± 3,2 mètres, p < 0,01).

En termes de gravité, les valeurs d’ISS calculés à 48 h s’échelonnaient de 1 à 75, avec une valeur médiane de 16 (8-29). La gravité des lésions, évaluée par l’ISS à 48 h, mon- trait une corrélation linéaire significative (p < 0,05) avec la hauteur de la chute (Fig. 1).

Les variables significatives (hauteur, âge, sexe, état de choc, spO2, score ISS, type de lésion anatomique prédomi- nante, GCS < 15 et GCS≤ 8) ont été introduites dans le modèle multivarié. La mortalité était corrélée avec lahau- teur de la chute, illustrée par un risque de décès nettement augmenté à partir d’une hauteur de chute de cinq mètres (OR 3,8, p < 0,001), avecun âge supérieur à 65 ans(OR 1,04, p < 0,01), avec la présence d’untraumatisme crânien ou cervical(OR 5,3, p < 0,01) ou avec la présence sur site d’unétat de choc (OR 11, p < 0,01). La présence sur site

d’un traumatisme crânien sévère (GCS≤8) était le facteur le plus prédictif de décès (OR 28, p < 0,01) (Tableau 2).

Discussion

Les chutes par défenestration constituent un motif particulier d’intervention préhospitalière en milieu urbain. Dans notre série, 47 % des patients étaient âgés de moins de 35 ans, avec 16 % de patients de moins de 18 ans et une prédominance masculine. Ces résultats corroborent de précédentes études épidémiologiques qui montraient une proportion importante de jeunes hommes et d’enfants dans les séries de cas recen- sées [3,17]. Dans certaines études, 30 à 40 % des cas sont liés à des actes suicidaires et sont alors associés à un risque nette- ment accru de traumatisme grave et de décès [3]. Ce méca- nisme était souvent difficile à préciser lors de l’événement et n’est pas rapporté de manière systématique dans notre

Fig. 1 La droite de régression est présentée avec lintervalle de confiance à 95 % (p< 0,05).

La distribution du risque de mortalité est exprimée (en pourcentage) par un histogramme pour les différentes hauteurs de chute

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collectif [3]. Deux tiers des chutes (67 %) sont survenues depuis une hauteur modérée de un à troiq étages, ce qui correspond aux résultats d’autres études réalisées dans des collectifs similaires [3,4].

Nos résultats confirment un risque important de mortalité (20 %), en particulier lors de traumatisme crânien sévère, d’état de choc en préhospitalier ou de chute survenant à partir d’une hauteur de cinq mètres. La gravité des lésions, évaluée par l’ISS à 48 h, est significativement corrélée avec la hauteur de la chute. Toutefois, en termes de gravité, les patients présentent des valeurs d’ISS très variables, avec une valeur médiane de 16, confirmant la présence d’un trauma- tisme sévère pour une partie seulement des cas, même pour des hauteurs de chute importantes. À l’inverse, certains patients décédés sur site ou sévèrement traumatisés présen- taient une faible hauteur de chute (cinq à six mètres). La hauteur des chutes montre dans la littérature une corrélation directe avec le risque de lésions sévères (exprimé par l’ISS) ou de décès [3,7]. Néanmoins, elle ne permet pas de prédire à elle seule un risque de décès ou de lésions sévères, avec des valeurs prédictives positive et négative médiocres [7,13,18,19]. La position du corps lors de la chute, et dès lors la région du corps atteinte (en particulier le crâne), le type de terrain et la nature du sol lors de l’impact, les éven- tuels obstacles rencontrés, le jeune âge ou au contraire l’âge avancé, ainsi que les comorbidités du patient, sont autant de facteurs déterminants supplémentaires [1,3,17]. La mortalité varie dans les séries de 5 à 35 %, en fonction des collectifs étudiés et des définitions utilisées (décès sur site, à 48 h ou durant le séjour hospitalier) [3,4,8,17]. Ce risque de décès augmente significativement à partir d’une chute de plus de cinq à dix mètres, soit environ de trois étages [7]. Par contre, la hauteur déterminante, au-delà de laquelle la probabilité de survie devient insignifiante, varie de manière très large dans la littérature, en s’échelonnant de 15 à 35 mètres [3]. Cette hétérogénéité des données s’explique à la fois par des varia- tions dans les collectifs étudiés, dans les définitions des hau- teurs (étages ou mètres), le type de surface de réception, ou les obstacles éventuellement rencontrés lors de la chute [3].

À l’instar de précédentes études, les traumatismes les plus fréquemment rapportés dans notre série concernaient le tho- rax, les membres inférieurs et le crâne, avec une association forte entre trauma crânien et mortalité [3,8,20]. En raison du rapport défavorable entre le poids de la tête et le reste du corps, ce risque de traumatisme crânien est encore plus important chez l’enfant [4-6].

L’engagement des moyens préhospitaliers et la prise en charge sur site du patient doit tenir compte de ces éléments, afin de garantir une prise en charge optimale des patients. Une médicalisation précoce des secours, la prévention des facteurs d’agressions cérébrales secondaires en cas de traumatisme crâ- niocérébral (hypoxie, hypotension, hypohypercapnie, hypohy- perglycémie, hypohyperthermie), ainsi que le tri et l’achemine- ment rapide des patients vers des centres de référence paraissent déterminants pour le devenir de ces patients [21-23].

Les données obtenues dans cette étude sont comparables à plusieurs études similaires publiées dans la littérature.

Néanmoins, le caractère rétrospectif et monocentrique de notre étude ne permet pas d’évaluer la prévalence exacte de ce type d’accident dans notre pays. Un certain nombre de données n’ont pu être analysées par cette étude rétrospec- tive. En particulier, les circonstances exactes des chutes (accidentelles ou volontaires), la surface de réception ou la prise concomitante de substances psycho-actives n’ont pas pu être évaluées. Les données contenues dans cette étude portaient principalement sur les rapports préhospitaliers d’interventions et sur le devenir des patients à 48 h. L’inci- dence exacte des états de choc, des facteurs d’agressions cérébrales secondaires, les éventuelles séquelles neurolo- giques et locomotrices, ainsi que le devenir et la mortalité au-delà de 48 h n’ont pu être établis. Le score de Glasgow présente par ailleurs des limites intrinsèques par rapport au diagnostic de traumatisme crânien. Une hypoxémie, un état de choc ou la présence d’une intoxication peuvent modifier défavorablement le score de Glasgow. Le diagnostic de trau- matisme crâniocérébral ne peut donc être formellement établi qu’après correction de ces éléments et réalisation d’une imagerie cérébrale.

Tableau 2 Résultat de lanalyse multivariée avec les critères prédictif de mortalité

Critères Odds ratio

(intervalle de confiance 95 %)

p

Âge > 65 ans

Hauteur de la chute > 5 m

Trauma crânien ou cervical sur site PA systolique < 90 mmHg GCS8/15

1,04 (1,021,05) 3,82 (1,817,62) 5,31 (1,2224,32) 11,02 (3,0233,11) 28,80 (11,175,23)

< 0,001 0,03

< 0,001

< 0,001

< 0,001 PA systolique : pression artérielle systolique.

GCS : score de Glasgow.

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Conclusions

Les chutes par défenestration induisent le plus souvent un traumatisme grave, ainsi qu’une mortalité importante.

Comme dans tout traumatisme majeur, le risque de décès est en lien direct avec la présence d’une hypotension ou d’un traumatisme crânien sévère. Les résultats de cette étude réaffirment ainsi la nécessité d’identifier rapidement la pré- sence d’un traumatisme crânien grave ou de signes d’état de choc lors d’une chute par défenestration. En termes de régu- lation, la hauteur de chute seule ne permet pas de prédire le risque de traumatisme sévère ou de mortalité et donc de garantir un tri et une orientation optimale. L’identification d’une atteinte cérébrale ou d’un état de choc doit impliquer l’engagement de moyens préhospitaliers disposant de capa- cités de médicalisation et de transport rapide vers un service de traumatologie d’un hôpital disposant d’un service de neurochirurgie.

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