Enoncé A1816 (Diophante) Dociles et rebelles
Un nombre entier N positif est appelé “docile” si on sait trouver deux entiers aetb positifs distincts (a > b) tels que a+b=N et la somme des chiffres deaest égale à celle deb. A contrario, l’entierN est dit “rebelle”.
Par exemple, l’entier 11 est docile car 10 + 1 = 11 tandis que l’entier 10 est rebelle.
Q1 Prouver que l’entier 2014 est docile de multiples façons : 1)b est à 1 chiffre,
2)b est à 2 chiffres, 3)b est à 3 chiffres,
4)a etbsont des nombres premiers,
5) les chiffres de aet de bsont tous différents.
Q2 Démontrer qu’il existe une infinité d’entiers rebelles.
Q3 Trouver au moins 8 entiers rebelles pairs >20. En existe-t-il plus de 9 ?
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin Question 1
2014 = 2006 + 8 = 1925 + 89 = 1610 + 404 = 1061 + 953 = 1385 + 629.
Question 2
On constate que les neuf premiers nombres impairs rebelles sont ceux<11 et ceux de la forme 20p+ 9. Une exploration plus poussée par programme montre que, pour chaque entier q, il en existe 4 ou 5 décrits par la formule p·10q−1 avec 0< p <10 et p+q pair.
Supposons N docile ; 9 divise a−b = 9k = 2a−N = N −2b, l’entier k ayant la parité de N. Sik=N −2m,a= 5N −9m,b= 9m−4N. SiN est impair>9, soitN = 2c+ 9. Peut-on prendrea=c+ 9, b=c? Il suffit pour cela que l’additionc+ 9 donne lieu à exactement une retenue ; alors a et b ont même somme des chiffres que c. Or c’est le cas quand c
n’a ni 0 comme chiffre des unités, ni 9 comme chiffre des dizaines.
Si c est multiple de 10, et que N est docile, on aura a = c+ 9(m+ 1), b = c−9m pour un certain entier m > 0. Il s’agit de tester les valeurs de m jusqu’à bc/9c. Chaque incrément de m d’une unité ajoute 9 à a et retranche 9 àb, avec
– pour amaintien de la somme des chiffres s’il y a retenue, réduction s’il y a plusieurs retenues, augmentation de la somme des chiffres si a était multiple de 10 ;
– pourbmaintien de la somme des chiffres sauf si le chiffre des unités est 9 (réduction de la somme) ou si le chiffre des dizaines est 0 (augmentation).
Ces variations dans les sommes peuvent aboutir à une égalité si elles mo- difient la différencea−bpar pas de 9. Les exemples suivants montrent les couples (a, b) successifs à partir de (c+ 9, c) marquant des variations de somme.
N = 199 : (104,95), . . ., (140,59), (149,50),. . ., (194,5) : le changement simultané pour aetbempêche l’égalité des sommes.
N = 1999 : (1004,995), . . ., (1040,959), (1049,950) : le changement simul- tané pouraetbcorrige une différence initiale de 18 ; 1999 est docile.
N = 2999 : (1504,1495),. . ., (1594,1405),(1603,1396), . . ., (1693,1306), (1702,1297), . . ., (1999,1000), (2008,991), . . ., (2098,901), (2107,892), . . . : les changements simultanés donnent un multiple impair de 9 pour la dif- férence des sommes des chiffres deaetb. 2999 est rebelle.
N = 19999 : (10004,9995) donne un multiple impair de 9 pour la différence des sommes des chiffres de aetb, ce qui va perdurer avec la simultanéité des variations des sommes de chiffres. 19999 est rebelle.
N =p·10q−1 ; sip etq sont impairs, (N + 9)/2, premier candidat pour a, s’écrit avec les chiffres (p−1)/2,5,0(q−2 fois,4 ; (N−9)/2, candidat pourb, s’écrit avec les chiffres (p−1)/2,4,9(q−2 fois,5 ; les sommes des chiffres diffèrent de 9(q−2), multiple impair de 9, et cela persiste avec les retenues.
Sip etq sont pairs, (N + 9)/2 s’écrit avec les chiffres p/2,0(q−1 fois,4 ; (N −9)/2 s’écrit avec les chiffres (p−2)/2,9(q−1fois,5 ; les sommes des
chiffres diffèrent de 9(q−1), multiple impair de 9, et cela persiste avec les retenues.
Je n’ai pas cherché à formaliser cette constatation d’impossibilité de ma- nière plus générale que ces exemples, qui sont assez parlants.
Question 3
Les entiers pairs < 22 de même que 38, 40, 58, 60, 78, 80, 98, 100 sont rebelles.
Un petit programme permet de vérifier qu’il n’y en a pas d’autres <302.
SoitN pair>300, etk=b(N−102)/200c. Comme 102≤N−200k≤300, il existea0 > b0avec des sommes égales de leurs chiffres eta0+b0=N−200k.
Alorsa=a0+ 100ketb=b0+ 100kmontrent queN est docile, à condition que l’addition de 100k respecte l’égalité des sommes de chiffres. Comme b0 < a0 < 300, leur chiffre des centaines est 2 au plus et l’addition se fait sans retenue si k≤7, soitN ≤1700.
Si le reste de N modulo 2000 est compris entre 102 et 1700, il existe k avec N −2000k dans cet intervalle, donc =a0+b0 avec même somme des chiffres pour a0 et b0; en outre b0 < a0 <1000, en sorte que a0+ 1000k et b0+ 1000kont même somme des chiffres, l’addition se faisant sans retenue.
Cette limite peut être améliorée : pour N = 102 à 296, il existe une décomposition a0 +b0 avec a0 −b0 ≤ 90, en sorte que a0 ≤ 45 +N/2, et a0 < 1000 pour N ≤ 1910. Ainsi les entiers N de ces intervalles sont dociles.
Il resterait à étendre la démonstration aux intervalles 1912-2100 (modulo 2000) pour être complet.