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Article pp.397-431 du Vol.4 n°3 (2006)

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Texte intégral

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des futurs enseignants de langues étrangères

Myriam Coco

Institut des Études romanes Øysteinsgt. 1,

5007 Bergen, Norvège

myriam.coco@roman.uib.no

RÉSUMÉ. Le campus numérique permettrait-il de lier théorie et pratique grâce à son cadre d’apprentissage virtuel ? L’article examine le potentiel d’un campus numérique de type MOO, « le Moolin Rouge », dans l’évolution des représentations des futurs enseignants de langues étrangères norvégiens. En prenant à la fois pour enjeu et perspective théorique l’autonomie de l‘apprenant, l’exemple présenté renvoie à l’utilisation d’un outil métacognitif, la « Pratique d’Enseignement Virtuel », dont l’objectif est de mettre en lumière des représentations concernant l’enseignement et l’apprentissage chez et par les étudiants.

Notre analyse montre que l’efficacité des activités d’apprentissage dans le Moolin Rouge semble être liée à la façon dont formateurs et étudiants appréhendent la nature de cet espace d’apprentissage, ce qui conduirait à des innovations dans la conception et la réalisation de contenus d’apprentissage co-créés par les formateurs et les étudiants.

ABSTRACT. Could the virtual campus link theory and practice, because of its virtual learning space? This article investigates the potential of a virtual campus of MOO technology, the Moolin Rouge, to support change in Norwegian foreign language student teachers’

representations (beliefs). Taking learner autonomy both as a focus and as a theoretical approach, the present example refers to the use of a metacognitive tool, the “virtual teaching practice”, aiming at unveiling representations regarding language learning and teaching among and by the students. The analysis of this example gives evidence that the efficiency of the learning activities seems to depend on how the educators and students grasp the nature of this learning space, which might lead to innovations in the design and the production of learning contents co-created by educators and students.

MOTS-CLÉS : représentations, MOO, jeu de rôle virtuel, autonomie de l’apprenant, didactique des langues étrangères.

KEYWORDS: representations (beliefs), MOO, virtual role-play, learner autonomy, foreign language teacher education.

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Introduction

La promotion de l’autonomie des apprenants de langues étrangères (LE) est devenue une priorité dans un grand nombre de curricula en Europe. Cependant, les enseignants s’attelant à cette tâche se voient confrontés à de nombreux obstacles, dont sans doute l’un des plus difficiles à surmonter provenant des représentations des enseignants eux-mêmes.

En effet, la plupart des actions des enseignants est conditionnée par les représentations qu’ils ont de leur rôle d’enseignant. Si ces représentations sont ancrées dans le modèle traditionnel de l’enseignement, elles sont généralement vouées à l’échec quand elles visent l’autonomie de l’apprenant.

Au fil des ans, les théories de la formation en didactique des langues étrangères (DLE) se sont de plus en plus centrées sur ces questions. Cependant, force est de constater que les pratiques d’enseignement des nouveaux enseignants ne semblent pas se transformer de manière sensible. On peut supposer qu’il s’agit là d’un manque de cohérence entre la théorie étudiée sur les campus et les pratiques d’enseignement rencontrées durant les stages en établissement scolaire, dont le résultat serait un maintien, voire renforcement des représentations soutenant un modèle traditionnel de l’enseignement.

Le nouvel environnement d’apprentissage créé par les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) – par extension, les campus numériques (CN) – semble être propice à l’introduction d’innovations dans l’approche pédagogique de la formation en DLE. Dans ce contexte, nous avons choisi d’étudier un type particulier d’activité que nous avons nommée Pratique d’Enseignement Virtuel (PEV) : cette activité comporte un jeu de rôle virtuel (JDRV), réalisé dans une plate-forme MOO1, le « Moolin Rouge », et inclut, comme pour un stage en établissement scolaire, une phase de préparation et une phase de réflexion.

Cet article, centré sur la mise en lumière de représentations des futurs enseignants de LE par le biais de PEV, rend compte de l’usage d’un outil particulier, le forum synchrone d’une plate-forme MOO. Après une brève présentation de l’objet de recherche et de l’approche méthodologique, nous ferons ensuite part de l’analyse et de l’interprétation de données textuelles recueillies lors du JDRV de cette PEV, ces données étant centrales dans cette étude. Dans la discussion, nous recadrerons cette interprétation dans le contexte de la formation en DLE, puis nous tirerons les enseignements concernant l’innovation liée à cet espace d’apprentissage.

Objet de recherche

Les recherches antérieures (Archer, 2000 ; Breen & Mann, 1997 ; Woods, 1996) ont montré que les enseignants ont développé des représentations concernant 1.MOO : Multi-User Domain Object Oriented (Domaine Multi-utilisateur Orienté Objet).

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l’enseignement et l’apprentissage et que certaines d’entre elles peuvent miner leurs efforts pour promouvoir l’autonomie des apprenants dans leurs classes. De fait, il apparaît nécessaire que ces étudiants (futurs enseignants) modifient ces représentations inefficaces. Ce processus de modification des représentations prend généralement place au cours d’expériences d’apprentissage et d’enseignement durant lesquelles leur inadéquation les rend visibles, amenant l’impétrant à une réflexion sur sa pratique (Woods, 1996), d’où l’importance des stages en établissements scolaires.

Malheureusement, l’environnement de nombreux lieux de stages en Norvège ne permet pas de mettre en route ce processus de modification des représentations.

L’une des causes majeures est qu’encore un grand nombre d’enseignants de langues étrangères, parmi lesquels des tuteurs de stages, ont ou encouragent exclusivement des pratiques traditionnelles d’enseignement (Council of Europe, 2003 ; Speitz &

Lindemann 2002).

L’étude présentée ici, un sous-projet d’INVITIS2 (Trebbi, 2003), se fonde sur l’hypothèse selon laquelle les Pratiques d’Enseignement Virtuel, outils d’apprentissage et d’exploration métacognitive propres aux plates-formes MOO, permettraient, à condition d’un usage pédagogique orienté vers le socioconstructivisme, de dévoiler les représentations des étudiants et pourraient contribuer à ce que ces derniers puissent prendre conscience de ces représentations, afin de pouvoir ensuite les retravailler.

Il nous apparaît que, comparées aux études consacrées aux pratiques de classe et aux méthodologies d’enseignement, les recherches concernant les représentations des enseignants de langues étrangères restent encore peu nombreuses (Bunts- Anderson, 2004). Celles concernant les représentations des enseignants de langues étrangères en cours de formation didactique sont encore plus rares si l’on juge par le recensement des études publiées mené par Borg (2003)3.

L’autonomie de l’apprenant de langue étrangère

Le concept de l’autonomie de l’apprenant revêt une importance double dans notre étude. D’une part, il est la justification même de cette recherche, car l’un des objectifs majeurs de la formation en DLE en Norvège est de former des enseignants aptes à promouvoir l’autonomie de l’apprenant dans leurs classes. Les étudiants doivent acquérir les principes liés à ce concept aussi bien en théorie qu’en pratique, ce qui demande un travail de leur part sur les représentations qu’ils se font de leur 2. INVITIS: Innovasjon med IKT i Språklærerutdanningen (Innovation dans la formation des enseignants de langue par les TIC), ramification du projet national PLUTO (Program for LærerUtdanning Teknologi og Omstilling – Programme pour l’adaptation de la formation des enseignants à la technologie). Ce projet était fondé sur l’hypothèse selon laquelle l’usage des TIC au campus faciliterait des changements profonds dans la formation des enseignants de langues.

. Le recensement des études scientifiques réalisé par Borg concerne essentiellement des publications en langue anglaise.

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rôle en tant qu’enseignants, de sorte que ces représentations qui les habitent ne sabotent pas leurs efforts, une fois devenus enseignants. D’autre part, ce concept a été utilisé dans le développement des critères de notre analyse des jeux de rôle.

En effet, l’utiliser comme paradigme principal dans notre analyse des PEV permet de cerner les représentations qui entrent directement en conflit avec les principes affichés et d’attirer l’attention des étudiants sur celles-ci.

La promotion de l’autonomie de l’apprenant implique que l’enseignant propose un cadre d’apprentissage qui la favorise. Dans ce cadre, l’apprenant apprend la langue dans ses aspects linguistiques, culturels et communicatifs, mais aussi apprend à apprendre une LE. Il devient en mesure de prendre en charge son apprentissage (Holec, 1981) : il peut définir ses objectifs, choisir les contenus et gérer la progression de l’apprentissage, sélectionner les méthodes et les techniques qui seront utilisées, évaluer ce qui a été acquis (par rapport à l’objectif d’apprentissage) ainsi que le processus d’apprentissage.

De fait, l’apprenant prend le contrôle de son apprentissage, au lieu de le laisser au seul enseignant, dont la définition des objectifs, la sélection des méthodes et techniques et les processus d’évaluation peuvent être incompatibles avec les besoins d’apprentissage de l’apprenant. En effet, dans les situations d’enseignement traditionnel, il peut arriver que l’apprenant ne réussisse pas à faire de lien entre les activités d’apprentissage imposées par l’enseignant et ses (non)acquisitions, ce qui peut causer une perte de motivation chez lui (Lieury & Fenouillet, 2004). En prenant en charge son apprentissage, l’apprenant prend conscience de ses processus d’apprentissage en même temps qu’il apprend la langue ; cette implication a pour effet de renforcer sa motivation à apprendre (Ushioda, 2003).

En outre, comme le soulignent Little (1991) et Dam (1995), ce double apprentissage se fait en collaboration avec l’enseignant. L’enseignant n’est plus totalement concentré sur son enseignement, il focalise sont attention sur l’apprentissage des apprenants. Il devient un facilitateur d’apprentissage, en ce sens qu’il négocie avec ses apprenants chaque étape de l’apprentissage. Pour cela, son rôle d’enseignant est différent de celui de l’enseignant traditionnel, de même que ses représentations de l’enseignement.

Les représentations et leur impact sur l’apprentissage

De nombreux enseignants nouvellement formés échouent à promouvoir l’autonomie de l’apprenant dans leurs classes, vraisemblablement à cause de représentations qu’ils ont développées tout au long de leur scolarité. Bien que nous nous intéressions aux représentations chez les futurs enseignants de LE, l’influence des représentations sur l’apprentissage concerne toutes les matières enseignées. C’est d’ailleurs dans les champs des sciences physiques et biologiques que les exemples sont les plus flagrants. Ainsi que le démontrent Giordan & De Vecchi (1987) à propos de l’acquisition de savoirs scientifiques, les représentations, ou « conceptions », sont des constructions mentales que les apprenants fabriquent lors de leurs apprentissages sans en être conscients. Ces constructions mentales leur servent de grille d’analyse

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et d’interprétation des informations reçues lors d’apprentissages ultérieurs et sont souvent la cause d’acquisition d’informations erronées. Les apprenants de langue développent de telles représentations à propos des langues étrangères (Horwitz, 1987). Ces représentations peuvent avoir une forte influence sur leur motivation, attitude et stratégies d’apprentissage et par là, avoir des conséquences notables sur leur apprentissage, ainsi que l’explique Riley (1996 p. 129) :

“if I as a language learner, subscribe to any of these beliefs, it will have a direct repercussion on the way I learn, whether in terms of attitude, motivation or strategy”.

Les enseignants ont été des apprenants de LE et ils ont eux aussi développé des représentations concernant leur future profession, leur rôle dans la classe de langue, celui des apprenants, l’approche didactique qui leur servira de cadre d’enseignement (Archer, 2000 ; Breen & Mann, 1997 ; Korthagen & Kessels, 1999). Très tenaces, ces représentations résistent souvent aux apports théoriques de la formation didactique, étant probablement corroborées par des expériences de stage illustrant un modèle traditionnel d’enseignement. Si ces représentations valorisent un modèle d’enseignement traditionnel, il est fort probable que les enseignants reproduisent un tel enseignement une fois enseignants, même si leurs intentions sont contraires au résultat obtenu (Bailey et al., 1996 ; Korthagen & Kessels, 1999). Afin que ces représentations évoluent et que les étudiants puissent faire le lien entre la théorie et leur pratique, ils doivent prendre conscience de ces représentations. Pour ce faire, ces représentations doivent être mises à l’épreuve lors d’expériences durant lesquelles elles ne seront plus adéquates et ne pourront plus servir d’appui à moins d’avoir évolué (Brown & McGannon, 1998 ; Giordan & De Vecchi, 1987 ; Woods, 1996).

L’environnement virtuel du MOO : un nouvel espace d’apprentissage

Un MOO est une plate-forme de réalité virtuelle où chaque action est exécutée par l’intermédiaire du texte écrit. Turkle (1998, p. X) décrit un MOO comme étant :

“a text-based, social virtual community. […] In MOOs, virtual personae converse, exchange gestures, express emotions. […] For each MOO comes to have a unique social life and social structure. This is all achieved through writing”. La “persona”

virtuelle, communément appelée avatar, représente le joueur5 dans l’environnement . Nous utilisons ici la définition du Grand Robert de langue française (2005) : « Personnage choisi par un utilisateur de la réalité virtuelle (dans un jeu, notamment) pour le représenter au sein de ce monde virtuel ».

. Nous choisissons le terme « joueur » au lieu d’« utilisateur » afin, d’une part, de respecter et rappeler l’origine ludique de cette technologie de jeu qu’est le MOO, maintenant utilisé dans des milieux éducatifs. D’autre part, le joueur/utilisateur évolue dans un continuum relationnel avec l’espace virtuel du MOO et les autres utilisateurs/joueurs qui se situe entre « joueur » et

« utilisateur ». En jouant un JDRV, l’utilisateur est un joueur. Cependant, comme développé dans la partie « La distanciation par l’avatar », le rôle joué par l’utilisateur n’est pas toujours clair pour les autres utilisateurs, ni pour lui-même, d’où la difficulté d’écarter la dénomination de « joueur ».

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virtuel et a, en général, une identité qui lui est propre, inspirée par le joueur. Un avatar peut, entre autres, construire des objets (textes, pièces, magnétophones, etc.),

« marcher » d’une pièce à l’autre, ramasser ou poser des objets. Il peut publier des textes, avoir des conversations en temps réel, enregistrer ces conversations.

L’enregistrement des communications des avatars dans cette interface virtuelle se fait à l’aide d’un instrument faisant partie du MOO et que nous appelons

« magnétophone virtuel ». Une fois activé, il fixe sur un fichier textuel numérique toutes les interactions – énoncés et gestes – formulées donc à l’écrit et en temps réel par les avatars et fournit en fin d’utilisation un texte contenant toutes ces interactions.

Ce texte constitue donc une trace écrite qui représente fidèlement les interactions des avatars ; nous le nommons « impression textuelle6 ».

La technologie du MOO, développée à la fin des années 70, a d’abord été utilisée pour les jeux de rôle (JDR) comme Dungeons & Dragons (Turkle, 1995). Elle a par la suite été utilisée pour construire des lieux sociaux virtuels et des plates- formes éducatives (Haynes & Holmevik, 1998 ; Turkle, 1998) qui permettent aux apprenants, par le biais de la production de textes écrits, de faire des expériences d’apprentissage en collaboration difficilement réalisables en dehors des plates- formes virtuelles (Polin, 2000 ; Legenhausen & Kötter, 2005 ; Schwienhorst, 1998 ; Turkle, 1994).

L’introduction d’un MOO dans la formation des étudiants du présent projet a été motivée par la volonté d’explorer le potentiel pédagogique de type de campus numérique, faisant ainsi opposition à une utilisation à visée principalement administrative, jusque là commune dans les établissements universitaires norvégiens (Jopp & Trebbi, 2006). Avec l’accès au Moolin Rouge est apparue la possibilité de créer un espace supplémentaire d’apprentissage entre le campus – qui est le lieu d’apprentissage théorique, de réflexion sur les concepts et le passé expérientiel – et le lieu de stage en établissement scolaire, qui fournit l’expérience pratique d’enseignement. Dans ce nouvel espace d’apprentissage, les étudiants pourraient mettre à profit le fruit de leurs expériences et opérer un travail sur leurs représentations. La vision sociale de l’apprentissage de Vygotsky (1978) se trouve soutenue par le dialogue des étudiants avec leurs pairs et/ou avec les enseignants de la formation qui prend place dans le MOO. En effet, en échangeant des informations, en développant des argumentations lors d’activités de discussions en temps réel et/ou différé, de publications de textes en ligne, les étudiants ont la possibilité d’engager une co-construction du savoir qui se situe sur le plan intersubjectif et peut contribuer au développement d’un savoir commun (Legenhausen & Kötter, 2005 ; Mercer, 1995, Schwienhorst, 1998), favorisant une approche socioconstructiviste de l’apprentissage.

Dans ce nouvel espace virtuel, les étudiants ont été conviés à la pratique des jeux de rôles didactiques virtuels, techniquement réalisables dans les MOO.

Durant ces jeux de rôles, les étudiants prennent le rôle d’élèves ou d’enseignants et 6. Nous définirons l’« impression textuelle » dans la partie : « Caractéristiques l’impression textuelle du JDRV et perspectives interprétatives ».

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réalisent un cours de langue. Dans une volonté de préciser notre conception du jeu de rôle didactique, nous l’appellerons « Pratique d’Enseignement Virtuel » : soit une activité didactique comportant dans sa deuxième phase7 un jeu de rôle virtuel durant laquelle les étudiants interagissent à travers leurs avatars.

La nature du jeu de rôle de la PEV

Quand nous avons mis en place les PEV, nous avions une idée imprécise de ce jeu de rôle virtuel que nous voulions didactique. Il nous est rapidement apparu que nous n’avions pas tout à fait affaire aux JDR de type Donjons & Dragons (D&D)8. Nos PEV, qui ont lieu dans des salles de classes virtuelles, n’ont pas de maître du jeu qui dira que telle ou telle action est irréalisable ou pénalisante. Les avatars ne sont pas aussi détaillés que dans les D&D et reflètent avec une plus ou moins grande latitude la composition de classes de français norvégiennes contemporaines. De plus, si les D&D sont des JDR ludiques9, nos PEV (dont les JDRV comportent également une dimension ludique) ont une finalité supplémentaire liée à la didactique des langues et la prise de conscience des représentations des futurs enseignants et par conséquent, vont au delà de la réalisation du jeu de rôle virtuel.

Ceci nous renvoie à d’autres définitions du jeu de rôle. D’après le Cambridge international dictionary of English (2000, p. 1230), “a role play is a method of acting out particular ways of behaving or pretending to be other people in order to teach people how to deal with new situations.” Cette définition est également proche de notre position, mais elle demande encore à être clarifiée. En effet, elle nous dirige soit vers le psychodrame, soit vers le jeu de rôle pédagogique.

Un des premiers à utiliser les psychodrames fut Moreno, qui mit en scène théâtralement la vie des patients (Leblanc, 2002). Cette pratique, qui s’est développée dans le domaine de la psychologie, a pour objectif de mettre en relief des phénomènes, des réactions et de les analyser, afin de corriger des situations de stress, de traumatisme, etc. Avec cette approche, nous pourrions nous rapprocher de nos objectifs, en termes de mise en exergue de phénomènes et de représentations.

D’ailleurs, des JDR ludiques peuvent quelquefois provoquer de tels résultats :

7. Comme explicité plus loin, une PEV comporte 4 phases : 1) préparation du JDRV, 2) exécution du JDRV dans le MOO, 3) analyse de l’impression textuelle du JDRV, 4) confrontation des représentations mises à jour avec le monde réel.

8. Dans les D&D, les avatars sont dans un univers fictif fantastique, endossent des personnalités à la définition extrêmement détaillées : caractéristiques personnelles, peuple d’origine, statut social, orientation philosophique (bon, mauvais, neutre), pouvoirs magiques, santé, progression dans le jeu, force de combat. Chaque avatar agit conformément à sa définition.

Au fur et à mesure de leurs actions, ils créent l’histoire au bout de laquelle il n’y a ni gagnant ni perdant. Ils doivent suivre des règles strictes qui sont généralement sanctionnées par un maître du jeu.

9.Les jeux de rôle de type D&D devraient être appelés « jeu[x] de jeu de rôle » (FFJdR, 200), pour mettre en exergue l’aspect ludique de l’activité, comme cela est fait en anglais : « role- playing games ». (FFJdR : Fédération française de jeux de rôle.)

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Turkle (199) relate l’expérience d’une jeune femme qui a pu analyser un conflit mère-fille grâce à la pratique d’un JDR ludique non virtuel10. Ceci dit, nous n’avons pas la volonté ici de guérir les étudiants de traumatismes, ni n’avons l’intention d’approfondir la dimension psychologique des avatars ou des joueurs, d’une part, parce que nous ne sommes pas formée en psychologie, d’autre part, parce que nous ne nous intéressons qu’aux aspects didactiques de la PEV.

Les jeux de rôle, souvent utilisés dans la formation des professionnels et dans l’apprentissage des langues étrangères (Leblanc, 2002), permettent aux participants de tester leurs compétences dans un environnement hypothétique. Bien que les jeux de rôles permettent de faire le point sur l’état des connaissances des joueurs en didactique, ce n’est pas notre préoccupation particulière. Car ces connaissances peuvent exister et transparaître dans les discours des étudiants sans être pour autant opérationnelles.

Ainsi, nos PEV comportent des caractéristiques que l’on retrouve aussi bien dans les jeux de rôle ludiques, psychologiques et pédagogiques sans en conserver cependant les finalités.

La distanciation par l’avatar

Une sous-hypothèse de notre recherche est qu’en interagissant avec les autres participants à travers leurs avatars, dans cette interface virtuelle, les étudiants se distancient d’eux-mêmes. Les avatars endosseraient une liberté d’expression que ne pourraient pas facilement prendre les étudiants s’ils se trouvaient face-à-face, en partie parce que l’activité est exclusivement textuelle et que les aspects communicatifs extralinguistiques – surtout visuels – sont inexistants (Sproull & Keisler, 1991).

Cette distanciation serait également due au fait que les étudiants exécutent une représentation11 durant laquelle ils revêtent un masque, comme il est question dans la tradition du carnaval, composé d’une part, de leur pseudonyme, d’autre part, du caractère textuel et (ressenti comme) éphémère de leur communication (Danet, Ruedenberg, & Rosenbaum-Tamari, 1997).

Ces notions de représentation/performance et de masque sont développées dans le domaine de l’anthropologie par Turner (1986). En jouant à exécuter/représenter une cérémonie rituelle dans un but pédagogique, les actions réalisées sont intégrées dans un cadre de jeu qui implique que “this is make-believe » (p. 12) et que

“everything inside this frame is not meant, is play ” (p. 143).

10.Dans ce JDR, la jeune fille s’est retrouvée dans le rôle d’une mère espionne dont la fille, également espionne, se trouvait dans le camp adverse et risquait de la tuer : jouer le rôle de la mère qu’elle aurait voulu avoir lui a donné une autre perspective sur les motivations de sa propre mère.

11.Dans le sens de « performance » en anglais, lors d’une représentation artistique (théâtre, improvisation, etc.).

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Cet environnement du jeu qu’est le MOO permettrait la création d’un premier phénomène de distanciation entre le joueur et son avatar. Ce dernier jouera un rôle ; ce rôle pourra être très éloigné ou très proche de la vie du joueur.

Un deuxième phénomène de distanciation semble se mettre en œuvre dès que le joueur incarne un avatar, c’est-à-dire, dès qu’il se connecte à la plate-forme et utilise un pseudonyme. L’avatar est le masque, un déguisement plus ou moins complet, que le joueur utilisera obligatoirement pour se mouvoir et interagir dans le MOO. Les actions et interactions seront influencées par le rôle donné à cet avatar. Ce masque peut être porté consciemment ou inconsciemment – le fait de garder son nom comme pseudonyme peut être un indicateur d’une distanciation inconsciente de la part de son initiateur. Ce masque devient explicite lorsque le joueur choisit un pseudonyme différent de son nom de la vie réelle. Il peut même véhiculer un message, une opinion, voire une représentation. La création du masque peut demander un certain degré de préparation, d’organisation en amont, afin que la représentation/performance puisse se faire avec spontanéité et liberté.

Turner explique également que dans la tradition du carnaval brésilien, la représentation des fantasmes des protagonistes est exempte de punition, rejoignant le cadre du jeu dans lequel les événements de la représentation n’ont pas de conséquences sur la vie réelle. De fait, “because identity is disguised, participants enjoy reduced accountability for their actions, and can engage in “pretend” or

“make-believe” behaviour of all kinds” (Danet, 2002 en ligne ; voir aussi Haoyang &

Qiangfeng, 2005). D’ailleurs, ainsi que relaté dans deux exemples de crimes virtuels – viols + assassinat virtuels – (Dibbell, 1993 ; MacKinnon, 1997), les autorités concernées n’ont pu établir si les actes des avatars reflétaient les intentions réelles de leurs joueurs, ni si ces joueurs posaient une réelle menace contre les joueurs des avatars victimes de ces crimes.

Cette impunité peut s’appliquer aux étudiants des JDRV. Que l’avatar porte un nom différent de son joueur ou non, il est une représentation du joueur. Par conséquent, la distanciation d’avec le joueur est déjà en place et il peut être difficile aux autres joueurs de déterminer si cet avatar est proche ou non de la personnalité de son joueur. Ceci est un point clé dans notre recherche, car nous ne souhaitons pas attribuer à tel ou tel étudiant des représentations, ni ne pourrions le faire, de toute façon. Notre intention n’est pas de catégoriser les étudiants en les associant à une ou plusieurs représentations. Cette zone de jeu créée par le JDRV, l’utilisation de l’avatar et de son pseudonyme, ouvrent la possibilité aux étudiants d’aller loin dans l’affirmation de leurs personnages, sans pour autant mettre en danger leur identité propre, ni devoir se sentir coupables des actions des avatars. Le JDRV permettrait ainsi aux étudiants d’explorer en profondeur la personnalité des avatars. Ce travail d’exposition des représentations semble se rapprocher de la notion de mise en

« cadre » ou « frame » explicitée par Turner (1986) :

“[…] to frame is to discriminate a sector of sociocultural action from the general on-going process of a community’s life. It is often reflexive, in that, to ‘ frame’, a group must cut out a piece of itself for inspection (and retrospection). To do this

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it must create – by rules of exclusion and inclusions – a bordered space and a privileged time within which images and symbols of what has been sectioned off can be ‘relived’, scrutinized, assessed, revaluated, and, if need be, remodelled and rearranged.” (p. 140)

Lors de la PEV, en procédant ensuite à l’analyse commune de l’impression textuelle obtenue à la suite du JDRV, les étudiants et les formateurs peuvent mettre en relief les représentations qui ont soutenu les actes des avatars, sans devoir en identifier les auteurs. Durant ce processus, les étudiants ont la possibilité de diriger leur attention sur certaines de ces représentations. Après un travail de réflexion et de prise de conscience, les étudiants peuvent ensuite tenter de confronter les représentations obtenues et sur lesquels ils s’interrogent lors de leurs stages. C’est au travers des expériences de stages qui invalideront les représentations portées à la conscience des étudiants, néanmoins inadéquates, que ces derniers se verront dans l’obligation de les modifier afin que leur apprentissage soit plus efficace.

Méthodologie

Notre étude, comme mentionné précédemment, s’inscrit dans les six semestres qu’a duré le projet INVITIS. Elle s’intègre dans un processus de recherche action et, par conséquent, a nécessité des ajustements au fil des expérimentations auxquelles les étudiants ont participé.

Le profil des informants/participants

Les étudiants qui ont participé à cette étude avaient tous obtenu un diplôme validant trois ou cinq ans d’études universitaires dans au moins une langue étrangère et étaient venus se former à l’Institut des Sciences de l’Éducation de l’Université de Bergen pendant un an, alternant des cours sur le campus et des périodes de stage en collège et lycée. Leurs compétences en informatique étaient générales (utilisation de courriers électroniques, Internet, traitement de texte, parfois tableur, logiciel de présentation, certains programmes de « chat »). Avant de suivre nos séances d’introduction, aucun des étudiants ne savait ce qu’était un MOO.

La Pratique d’Enseignement Virtuel en question a été réalisée par cinq étudiants, la responsable de la formation didactique pour les langues étrangères et nous. Cette PEV s’est déroulée trois semaines après le début de la formation didactique, par conséquent, les étudiants n’avaient pas encore eu de stage d’enseignement. Nous espérions ainsi recueillir l’expression de représentations concernant les élèves et l’enseignement de langues étrangères, avant même que les participants ne soient affectés par des expériences de stage.

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La structure de l’activité

La PEV s’est déroulée en quatre phases :

a. La préparation du jeu de rôle virtuel. La semaine précédant le JDR, les étudiants se sont rencontrés en face-à-face pour déterminer le contexte du JDR, le thème du cours et les caractéristiques des avatars : soient 1 enseignante et 4 élèves de collège (plus de détails seront donnés plus loin). L’étudiante enseignante préparerait le cours seule.

b. L’exécution du jeu de rôle virtuel. Au jour J, les étudiants, par le biais de leur avatar, ont exécuté le JDRV « Le cours de français » dans la salle de classe virtuelle du MOO. La salle de classe était techniquement équipée de manière à ce que les avatars puissent s’asseoir autour de tables et travailler en groupes. Les discussions autour des tables ne pouvaient être « entendues » que par ceux qui étaient à cette table. Pour que le reste de la pièce entende, il fallait « parler à haute voix » autrement dit, utiliser une commande spéciale qui permet de dépasser les limites de sa table.

En revanche, tout avatar debout était « entendu » de tous. Les interactions et actions des avatars ont été sauvegardées grâce à l’usage du magnétophone virtuel, qui en fin de séance, a délivré l’impression textuelle du JDRV.

c. L’analyse de l’impression textuelle du JDRV. Quelques jours après l’exécution du JDRV, les étudiants, la formatrice et nous nous sommes réunis afin de débattre en face-à-face des événements du JDRV et de mettre au jour les représentations trouvées dans l’impression textuelle. Cette discussion a duré environ 1h30 et a porté sur les éventuelles difficultés techniques, leur expérience du jeu, les comportements et motivations des différents avatars en fonction de leurs rôles dans les interactions, le déroulement des activités d’apprentissage de la langue. Des éléments de réponses en relation avec les représentations et les préoccupations des étudiants sont tirés, en termes de dévoilement (ou d’ébauche de dévoilement), de représentations présentes dans le texte.

d. La confrontation des représentations. Les réponses tirées de l’impression textuelle sont examinées par les étudiants lors de leurs expériences de stage ou de leurs apprentissages théoriques. Il s’agit d’une phase dans le processus d’évolution de leur système de représentations sur laquelle les formateurs n’ont pas de contrôle, et dont le ressort dépend des étudiants eux-mêmes. Il reste encore à mesurer le degré de conscience que les étudiants ont de ce processus.

Le recueil des données

Les données présentées proviennent de la phase de préparation, de l’impression textuelle du JDRV et du résultat des discussions en face-à-face avec les étudiants.

Ces données font partie intégrante du dispositif pour dévoiler ces représentations.

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Afin de nous permettre de soutenir nos résultats, nous avons fait appel à des données recueillies dans le cadre de sous-projets de notre recherche. Ces données se composent :

– d’entretiens en norvégien/et ou en français enregistrés avec des étudiants ayant réalisé des PEV. Ces entretiens, centrés sur leurs expériences en classe et au campus, avaient pour objectif de recueillir leurs réactions concernant la formation en général ;

– des commentaires de participants à propos des PEV publiés des forums de discussions didactiques et dans leurs journaux de bord afin de générer la co- construction de savoirs, d’illustrer leurs opinions sur la formation, l’évolution de leurs représentations ;

– d’autres PEV (qui seront évoquées dans la partie « discussion ») dont les résultats nous ont permis de dégager des hypothèses visant à établir des généralités ou, du moins, des caractéristiques de la pratique des PEV.

Caractéristiques de l’impression textuelle du JDRV et perspectives interprétatives

Définition de l’« impression textuelle »

Une impression textuelle est une trace écrite (un texte), recueillie en temps réel grâce à un magnétophone virtuel, ou au fil des interactions ou par capture d’écran, représentant fidèlement les énoncés et actions des avatars d’un MOO.12

De la même façon qu’il nous a fallu repenser les caractéristiques et les dénominations du JDRV et de la PEV afin de pouvoir affiner notre analyse et clarifier notre propos, il devenait nécessaire de trouver une appellation pour ce texte d’un genre nouveau qui a pris naissance lors des JDRV. Dans un premier temps, nous avons employé le mot « scénario », mais ce terme laissait entendre que les participants avaient préparé un script plus ou moins précis qui était ensuite mis en exécution. Or les JDRV sont de nature improvisée. Pour les mêmes raisons, le mot

« script » a été écarté. Nous avons utilisé le terme « transcription », sans en être satisfaite, dans la mesure où le texte brut reçu n’a pas été inscrit par un humain, mais par le logiciel du MOO, et donc n’a pas été altéré par l’interprétation d’une ou plusieurs personnes.

Bien que ce texte soit obtenu grâce à un magnétophone virtuel, nous n’avons pas non plus retenu l’expression « enregistrement textuel », car l’idée d’enregistrement implique une reproduction pour retrouver les actions réalisées. Or, lors de la lecture de l’impression textuelle, le JDRV n’est pas reproduit. De plus, on pourrait croire que l’enregistrement est toujours en cours, alors que nous avons sous les yeux son résultat.

12. Notre définition.

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En revanche, en prenant l’idée de trace et d’impression, l’empreinte qui est laissée sur un matériau après passage d’un être (in)animé, et à partir de laquelle il est ensuite possible de reconstituer des événements nous parait plus adaptée. De plus, le mot « impression » amplifie le caractère écrit de la communication semi- orale, semi-écrite que nous avons sous les yeux à l’heure de sa lecture.

Perspectives interprétatives

L’impression textuelle du JDRV possède une nature toute particulière, dans la mesure où elle comporte des caractéristiques de l’oral et de l’écrit. D’une part, ce texte est de type dialogique : avec des interactions entre locuteurs et interlocuteurs, qui se parlent et se répondent en fonction du contexte immédiat de leurs actions et réactions, réalisées par le biais d’actes de langage. Ils font de nombreuses références à ce contexte d’interaction par l’usage de déictiques.

D’autre part, le résultat de ces échanges dialogiques se présente sous forme de texte, à savoir, un « discours fixé par l’écrit » (Ricœur, 1986a, p. 17). L’impression textuelle des échanges par chacun des interlocuteurs se fait en temps réel et vient illustrer un point important démontré par Ricœur :

[la] « différence entre l’acte de la lecture et l’acte du dialogue conforme notre hypothèse que l’écriture est une effectuation comparable à la parole, parallèle à la parole, une effectuation qui en tient lieu et en quelque sorte l’intercepte. C’est pourquoi nous avons pu dire que ce qui vient de l’écriture est une inscription directe de cette intention de dire » (p. 19).

Cependant, une fois le texte écrit, il devient autonome par rapport à son (ses) auteur(s), à son contexte d’écriture, engendrant une distanciation entre le lecteur (auteur ou non du texte) et le texte, et optimisant un phénomène d’interprétation de ce texte :

« […] La distanciation n’est pas le produit de la méthodologie et, à ce titre, quelque chose de surajouté et de parasitaire ; elle est constitutive du texte comme écriture ; du même coup, elle est aussi la condition de l’interprétation » (Ricœur, 1986b, p. 112).

Cette distanciation par l’écriture renforce la distanciation par l’avatar antérieurement activée lors de la réalisation du JDRV. Par conséquent, les auteurs de l’impression textuelle se retrouveraient dans la position de n’importe quel lecteur, qui déciderait de la signification du texte en y apportant une coloration interprétative personnelle.

Partant de ce principe, nous, lectrice de ce texte dont nous ne sommes pas l’auteur, nous nous sommes prêtée à l’exercice d’interprétation de ce jeu de rôle virtuel.

En raison du fait que nous avons réalisé une part non négligeable de l’analyse de l’impression textuelle du JDR, c’est une interprétation possible de cette impression textuelle que nous proposons dans cette publication. Nous sommes consciente que notre interprétation n’est qu’une interprétation parmi d’autres et qu’elle est subjective.

Nous justifions cependant notre démarche par le fait que toute interprétation de

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texte est subjective, dépendante de celui qui l’interprète et du contexte qui entoure cette interprétation (Eco, 1987 ; Chandler, 2000). La validité de notre interprétation peut être soutenue par plusieurs éléments :

1. L’interprétation de l’impression textuelle a été collective et s’est réalisée en plusieurs temps : d’abord séparément par les étudiants, la formatrice et nous, et dans un second temps, en commun, enfin, par nous seule.

2. L’aspect didactique du JDRV est largement mis en relation avec la théorie nous servant de référence, ici, l’autonomie de l’apprenant de langue.

3. Cette interprétation a permis de mettre en relief des représentations auxquelles les étudiants ont pu s’identifier, qui leur ont permis de retravailler certains aspects de leur vision de la classe de langue étrangère, ainsi que l’a montré le reste de nos données.

La démarche d’analyse

C’est en isolant les phénomènes émergeant des interactions entre les avatars que nous avons trouvé matière à formuler une interprétation. Ainsi, nous avons interrogé les actions des avatars en fonction de leur adéquation ou non avec l’apprentissage autonome des langues : quelle est l’attitude de l’enseignante, donne-t-elle des choix à ses apprenants, leur apporte-t-elle son soutien ? Les apprenants travaillent-ils en collaboration, sont-ils dépendants de l’enseignante ? Etc.

Articulée autour de la recherche de phénomènes, notre démarche d’analyse discursive de l’impression textuelle s’est développée autour de axes (figure 1).

Le premier axe a été construit sur la base d’un découpage chronologique de la session de cours. Ce découpage nous a permis de reconstituer l’architecture du cours en termes d’organisation et de dynamiques entre les divers événements qui se sont déroulés, qu’ils soient interpersonnels (ex. : quand P_Asse dit que « M-Iddels est stupide »), ou directement liés au cours proprement dit (ex. : quand l’enseignante dit : « On va commencer à travailler en groupe »).

Le second axe fait référence à l’élaboration du profil de chacun des avatars. Ce profil s’est réalisé par étapes progressives, à la lumière des actions et des actes de langages des avatars, en nous posant les questions suivantes :

a. Quel est le sens littéral des propos énoncés ? des actions réalisées ?

b. Quel est le sens pragmatique des actions ou énoncés réalisés par cet avatar ? c. Quelle signification donnons-nous à ces actions ou énoncés ?

d. Au regard de ses interactions, quelles caractéristiques personnalisent cet avatar ?

e. Que pouvons-nous en traduire, en termes de représentations par rapport à l’apprentissage et l’enseignement des langues étrangères ?

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Le troisième axe s’est concentré sur les interactions situées dans les différents événements préalablement relevés lors du découpage chronologique du cours. Les énoncés ont été alors contextualisés et nous avons tenté de répondre aux questions suivantes :

a. Ces énoncés répondent-ils à un énoncé précédent ou ont-ils une origine spontanée ?

b. Par quoi sont-ils motivés ?

c. Quel type d’acte de langage traduisent-ils ? (refus, affirmation, insulte, etc. ?) d. Que pouvons-nous en traduire, en termes de représentations par rapport à l’apprentissage et l’enseignement des langues étrangères ?

Les résultats des trois axes ont été croisés afin d’optimiser nos résultats. Il est à préciser que ces trois axes ne sont pas forcément examinés dans l’ordre indiqué.

Ces trois axes examinés, l’extrait est envisagé dans le contexte de l’autonomie de l’apprenant, afin d’isoler les phénomènes présents dans le texte. La question principale tout au long de cette recherche sur les représentations des futurs enseignants au travers des phénomènes repérés a été la suivante : les représentations des enseignants et des apprenants observées auraient-elles été efficaces dans un contexte visant à promouvoir le fait d’ « apprendre à apprendre » ? Rappelons que ce dernier se définit en fonction de :

– la définition des objectifs d’apprentissage,

– la sélection des méthodes et techniques d’apprentissage,

– l’évaluation et l’auto-évaluation des apprentissages et des acquisitions, – le caractère d’interdépendance régissant les relations entre apprenants ainsi qu’entre apprenants et enseignant,

Figure 1. Mise en exergue de phénomènes

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– le caractère ouvert du contexte d’apprentissage qui est sensé laisser suffisamment d’espace à l’apprenant pour se situer parmi les points cités ci-avant, au lieu d’être totalement contrôlé par l’enseignant, comme cela est le cas dans l’enseignement traditionnel.

De fait, l’analyse de l’impression textuelle s’est déroulée en prenant en compte des catégories d’analyse ouvertes allant dans ce sens : le rôle de l’enseignant, celui des apprenants et la perspective didactique apparente. D’autres catégories ont pris place au gré de la lecture de l’impression textuelle, telles que la conscience des élèves de leurs propres capacités d’apprentissage et de leurs compétences et leur degré de motivation.

Nous ne présenterons ici qu’une partie de l’analyse : elle se centrera sur les interactions concernant l’avatar enseignant. Nous nous attarderons sur les critères suivants : l’attitude de l’enseignante et ses motivations, sa perception de l’enseignement des langues ainsi que la relation d’interdépendance dans l’apprentissage des langues.

Replacés dans le contexte de l’interprétation de l’impression textuelle, ces critères nous permettront, d’une part, de dégager les représentations émises par les avatars qui peuvent mettre en péril la promotion de l’autonomie de l’apprentissage dans les classes de langue étrangère et, d’autre part, de tirer des conclusions quant au potentiel des PEV comme nouvel artefact dans la formation des futurs enseignants de langue. A ce stade, nous intégrerons un résumé de l’analyse des interactions d’un avatar apprenant, dans l’optique de mettre en relief un autre aspect de la classe de LE qui touche au rôle de l’enseignant en relation avec ses apprenants.

Résultats

Cette section rend compte des résultats de la réalisation de la PEV dans ses trois premières phases. Ces résultats comportent deux niveaux : le premier niveau qui présente les données brutes alors que le deuxième niveau contient l’analyse et l’interprétation de ces données brutes. Les résultats de ce dernier niveau deviennent à leur tour des données.

Les données brutes recueillies

Lors de la PEV, les étudiants ont réalisé un JDRV de 45 minutes que nous avons intitulé « Le cours de français ».

Au cours de la première phase de cette PEV (la préparation du jeu de rôle), les étudiants ont choisi les variables suivantes :

a) Le niveau de classe : des élèves en collège en deuxième année de français.

(17)

b) Les thèmes de la leçon : « Le système scolaire français et les professions ».

L’étudiante jouant l’enseignante avait fourni un lien Internet13 pour la leçon que les élèves ont consulté.

c) Les avatars : une enseignante et quatre élèves :

Andrea, l’enseignante, dont le pseudonyme est identique au prénom de sa joueuse,

E_Lendig (N_Ulle), de niveau faible, peu motivée mais passionnée par les animaux,

– P_Asse (P_Assable), de niveau moyen, peu motivé et sans ambition professionnelle,

– M-Iddels (M-Oyenne), de niveau moyen, motivée, dont l’ambition est de devenir riche,

F.link (D.ouée), douée, très motivée, qui veut travailler dans les métiers des langues.

Le Cours de français, comportant 288 tours de parole, s’est déroulé autour des séquences suivantes :

0. Avant le début officiel du cours, les élèves commencent à discuter entre eux.

P_Asse et M-Iddels cherchent des idées pour jouer un tour à l’enseignante.

1. L’enseignante donne la composition des groupes : E_Lendig & P_Asse, M- Iddels & F.link, puis annonce les tâches :

a. Aller sur Internet, lire le texte en norvégien qui traite du système scolaire français, en discuter avec son binôme,

b. Discuter avec son binôme de ses souhaits d’études et de profession à l’issue du lycée,

c. Présenter son binôme en plénière.

2. P_Asse et M-Iddels se disputent ; l’enseignante intervient et arrête la dispute.

3. Les élèves travaillent en groupe, l’enseignante rend visite aux groupes.

4. P_Asse, qui s’ennuie, va rendre visite à l’autre groupe.

5. La session plénière commence et les élèves présentent leur binôme.

6. F.link se fait harceler par les autres élèves, l’enseignante intervient.

7. L’enseignante improvise une activité de chant pour refocaliser l’attention des élèves.

8. Le cours se termine.

13.Studietur til Frankrike mai 1999. (1999) - Section “Det franske skolesystemet med vekt på yrkesfaglig opplæring”.

(18)

Nous présenterons l’analyse détaillée de huit extraits centrés sur l’avatar enseignant Andrea, dont l’attitude est cruciale dans la mise en relief des représentations émises par les avatars. Lors de l’interprétation de l’impression textuelle, nous tenterons alors de comprendre, à la lumière des représentations dévoilées, les raisons pour lesquelles ce « cours de français » a pris la direction qu’il a prise.

Analyse : présentation de l’avatar Andrea et de ses motifs

Au vu des extraits qui suivent, Andrea nous donne l’image d’une enseignante qui voudrait donner plus de responsabilités à ses élèves, voudrait être plus proche d’eux, mais ne sait pas s’en donner les moyens.

Phénomène 1 : Introduction de l’approche communicationnelle

On peut remarquer dans un premier temps, qu’elle a conçu son cours selon une approche communicationnelle (49, 50), ce qui généralement peut faciliter la promotion de l’autonomie de l’apprenant : les élèves travaillent en groupes (40, 41), sont encouragés à pratiquer la langue entre eux à propos de sujets qui sont susceptibles de les intéresser et de les motiver puisqu’ils sont centrés sur les apprenants :

Extrait 114

40. Andrea says, «On va commencer a travailler en groupe, F-link avec M-iddels, et P-asse avec E- lendig.»

41. Andrea says, «F-link et M-iddels se mettent a la table ronde, et P-asse et E-lendig á la petite table.»

/…Les élèves changent de place et s’asseyent dans leurs groupes respectifs../

49. Andrea says, «Vous allez a l’internet - trouver le lien Det Franske Skolesystemet - link 2. Vous trouverez un article sur le systeme scolaire, et aprés l’avoir etudié, vous discutez un peu ensemble. D’accord?»

50. Andrea says, «Je vous donne aussi un devoir ôu vous raconter á l’autre du groupe ce que vous voulez faire aprés «Ungdomsskolen», ce soit une education, ce soit un lieu de travail. Après, vous allez le presenter pour la classe.»

/ Ungdomsskolen = Le collège/

Cependant, le reste du JDRV montrera qu’elle a des représentations qui entrent en conflit avec sa volonté et rendent la situation inadéquate pour la promotion de l’autonomie de l’apprenant.

Phénomène 2 : tentatives de motivation

Dans l’extrait ci-après, Andrea semble penser que le temps est un facteur de responsabilisation, de motivation et de discipline pour les élèves. Elle essaie de faire pression sur eux en mentionnant leur temps de travail (57, 72, 74, 84, 67). Elle se sert du même argument (67) pour tenter de faire cesser une dispute entre P_Asse et M-Iddels (63-67).

14.Les énoncés produits en français pas les avatars ont été gardés en l’état, d’où la présence de coquilles et de fautes grammaticales, lexicales, etc.

15. Les éléments entre crochets ou barres obliques servent à faciliter la lecture des extraits et ne font ni partie de la version originale de l’impression textuelle, ni de la version éditée.

(19)

Extrait 2

57. Andrea : Je vous donne encore 10 minutes pour devoir 2: Qu’est-ce que vous voulez faire après Ungdomsskolen?» […]

63. P_Asse speaks up, «teitere enn dumminger.» /plus bête que stupido./

64. Andrea : Il n’y a pas de gens qui est dum or teit!

/Il n’ya pas de gens qui est bête ou stupide !/

65. M-Iddels speaks up, «hæ?» /hein?/

66. P_Asse speaks up, «HVA???» /QUOI???/

67. Andrea : Donc, en francais: continuez! Le temps va vite… […]

72. Andrea : Il reste maintenant 5 minutes. Allez-y! […]

74. Andrea: Vous avez besoin d’encore 5 minutes, ou ca va maintenant? 75. M-Iddels speaks up, quoi??

76. P_Asse speaks up, ?? […]

79. E_Lendig speaks up, en norvesjen siiil vo ple professør […]

81. P_Asse speaks up, norvegian […]

84. Andrea: 5 ekstra minutter, så får dere presentere hverandre /5 minutes en plus, et ensuite vous vous présenterez l’un l’autre./ […]

87. M-Iddels speaks up, kvarandre? Ka? skal eg sei ka ho vil? eg forstår jo ikkje ka det er! /l’un[e] l’autre?

quoi? Je vais dire ce qu’elle veut? je ne comprends déjà même pas ce que c’est !/

Par ailleurs, elle estime apparemment que donner les consignes suffit à faire travailler les élèves. Elle les donne en français, et ne s’assure pas que les élèves les ont comprises. Il faut l’intervention d’élèves (76, 79) pour qu’elle les redonne en norvégien (8), quoique modifiées, puisqu’elle ne leur pose plus une question, mais leur impose un temps supplémentaire pour leur préparation. M-Iddels révèle alors qu’elle n’avait pas bien compris les consignes (87).

Phénomène 3 : survol de la classe

Dans l’extrait 3, Andrea se montre peu disponible auprès des élèves. Elle ne demande à aucun moment s’ils ont besoin d’aide. Par ailleurs, lorsqu’ils demandent son aide, elle leur fournit une réponse (70g) et se retire (71a) sans se rendre compte que M-Iddels n’a pas compris sa réponse (70). Cet épisode a d’ailleurs des répercussions lors de la présentation orale de M-Iddels qui utilisera le mot « translateur » au lieu de « traducteur » ou « traduire » (1, 10) :

Extrait 315

70. Andrea sits down at une table ronde.. . a. M-Iddels : Bien! Je va etudier economi,

beaucoup argent!

b. Andrea : Alors, beaucoup de plans pour l’avenir?

c. M-Iddels : F.Link etre translateur, c’est quoi?

/F.link être traducteur, c’est quoi ?/

d. F.link : hvordan forklare oversetter på fransk,lærer /Comment expliquer traduire en francais, madame?/

e. M-Iddels ler /M-Iddels rit/

f. F.link : hvorfor ler du» /pourquoi ris-tu ?/

g. Andrea : Celui qui traduit de différentes textes pour des entreprises etc., ect un traducteur.

71. Andrea stands up from une table ronde. . . a. M-Iddels : traduit, c’est quoi?

b. M-Iddels : hm, der gjekk ho visst berre.. /hm, ben elle est juste partie dis-donc../ […]

142. Andrea says, «Alors, F-link, qu’est-ce que tu veux devenir?» […]

145. M-Iddels speaks up, «elle va translateur! Le livres» […]

150. M-Iddels speaks up, «har jo nettopp sagt elle va translateur flinkingen vel!» /mais je viens tout juste de dire elle va translateur la douée !/

15.Les tours de parole numérotés avec des lettres sont exécutés autour des tables, c’est-à-dire dans les groupes de travail.

(20)

Phénomène : faux-semblant de proximité

Sa relation avec les élèves laisse entendre qu’elle a une fausse idée de la proximité avec les élèves : elle leur exprime son intérêt (68d) puis s’en va (69), sans chercher à savoir où ils en sont de leur préparation, ni ne leur demande s’ils ont besoin d’aide :

Extrait 4

68. Andrea sits down at une petite table.

a. E_Lendig : oui, vétérinaire b. P_Asse : oui, c’est vraj c. P_Asse : Pourquoi?

d. Andrea: Ah, c’est bien intéressant!

e. E_Lendig : oui f. E_Lendig : øøøh /euuh/

g. P_Asse : non

69. Andrea stands up from a little table.

Andrea introduit des éléments de diversion dans son discours, comme la boutade de P_Asse sur les fromages (77, 90), pour les faire travailler (88, 91), puis dans sa tentative de faire parler E_Lendig (128), où le thème du « roquefort » déclenche les propos hors sujet par rapport au cours de M-Iddels, P_Asse et E_Lendig (131, 141, 143, 144) :

Extrait 5

Phénomène 5 : perte de contrôle

Lors de la phase de la plénière, il apparaît clairement qu’Andrea ne sait pas comment maîtriser sa classe et de fait, prête peu d’attention aux performances des élèves. Comme nous venons de le voir, elle a probablement commis une erreur en reprenant des propos d’élèves en cherchant à les discipliner. Lors de l’intervention de P_Asse (103, 104), elle ne semble pas réaliser qu’il donne la réponse en norvégien.

Alors que la réponse de P_Asse n’est pas acceptable (109) par rapport à la question concernant la formation nécessaire pour le métier de vétérinaire (107), elle n’insiste pas pour qu’il réponde à la question, ni ne reformule cette question, au cas où il l’aurait mal comprise :

74. Andrea: Vous avez besoin d’encore 5 minutes, ou ca va maintenant?

75. M-Iddels speaks up, «quoi??»

76. P_Asse speaks up, «??»

77. P_Asse speaks up, «Fromage et vin et pain» […]

88. Andrea: Vous pensez trop au vin et au fromage! […]

89. M-Iddels speaks up, «vi kan vel ikkje drikke vin, vel?» /nous ne pouvons pas boire de vin, n’est-ce pas ?/ […]

90. P_Asse speaks up, «men fromage» /mais fromage/

91. […]Andrea : ikke akkurat nå…» /pas tout de suite…/

128. Andrea : E-lendig, continue. Si tu ne racontes ce que veut devenir P-asse, tu devras manger un Roquefort mûr! […]

131. M-Iddels speaks up, «rokkfort?»

132. Andrea : Oui oui» […]

141. M-Iddels speaks up, «vinneren får rokkfort!» /le gagnant gagne du roquefort/ […]

143. E_Lendig speaks up, «snakkar de om rokkemusikk?» /vous parlez de musique rokke[rock] ?/

144. P_Asse speaks up, «Fort rokkemusikk» /Musique rokke[rock] rapide/

(21)

Extrait 6

103. P_Asse : Elendig vil bli veterinær. /E_Lendig veut devenir vétérinaire./

104. P_Asse: Og slikt lekså. /Quelque chose comme 105. ça/M-Iddels speaks up, «franse!»

106. E_Lendig speaks up, «franse»

107. Andrea : Alors, quelle formation?

108. P_Asse : E-Lendig vøks etre veterinær. /…/

109. P_Asse: Fromage nå også?? /Fromage maintenant aussi?/

110. E_Lendig speaks up, «vin» […]

113. Andrea: E-lendig, introduis P-asse, s’il te plaît 115. […]E_Lendig stands up from une petite table. . . 116. E_Lendig speaks up, «P_Asse travaij ici»

117. Andrea : E-lendig - tu dors??????

118. E_Lendig speaks up, «dors?»

119. M-Iddels speaks up, «isi?»

120. E_Lendig speaks up, «ja her i bøgda då» /Oui ici dans le coin/

121. E_Lendig speaks up, «dustar» /quels cons/

122. M-Iddels speaks up, «går det an? her er det jo dritgørr!» /c’est possible? mais ici c’est rasoir !/

123. E_Lendig speaks up, «uiiiiiiiii» […]

125. E_Lendig sits down at une petite table. . . […]

128. Andrea : E-lendig, continue. Si tu ne racontes ce que veut devenir P-asse, tu devras manger un Roquefort mûr! […]

139. E_Lendig speaks up, «er me ferdige no?» /on a fini maintenant?/ […]

142. Andrea: Alors, F-link, qu’est-ce que tu veux devenir? […]

159. Andrea : E-lendig, tu n’as pas encore decrit P- asse.???

160. E_Lendig speaks up, «hæ?» /quoi?/ […]

162. Andrea : Qu’est-ce qu’il va devenir?

163. E_Lendig speaks up, «devenir?» […]

168. E_Lendig speaks up, «eg er fersig å presentere, lærar» /j’ai fini de présenter, madame/

Malgré son insistance, elle n’obtient aucune réponse valable d’E_Lendig (116), qui débute une conversation privée avec M-Iddels (119-122). Son intervention en 117 montre qu’elle commence à s’impatienter, ce qui se confirme lorsqu’elle menace vainement E_Lendig d’un « roquefort mûr » (128). Quelques lignes plus loin, elle passe à une autre élève (142), soit par oubli ou impatience, soit par stratégie, dans le but de reprendre l’échange avec E_Lendig ultérieurement. Le choix stratégique semble être sa démarche, car elle se redirige vers E_Lendig qui avait tenté de se désengager de l’échange (139), et malgré les rappels d’Andrea (159, 162), E_Lendig exprime son incompréhension (160, 163) et clôt l’échange (168).

Dans l’extrait suivant, lorsque le harcèlement (146-208) de F.link commence, Andrea fait peu d’efforts pour que le calme revienne dans la salle. Ses interventions consistent à refuser à F.link d’aller travailler seule (153), à rassurer M-Iddels (166) qui lui reproche d’avoir oublié F.link (161), puis à interroger F.link (177) :

Extrait 7

146. F.link speaks up, «lærer, er det mulig å få arbei- de på et grupperom alene?» madame, c’est pos- sible de travailler dans une autre salle, seule ?/

153. […]Andrea : Désolée, mais tu devras rester ici.»

161. […] M-Iddels speaks up, «joda, men flinkingen har ikkje sagt noko, korleis kan du glemme henne?»

/si, mais la douée, là n’a encore rien dit, com- ment tu peux l’oublier ?/ […]

166. Andrea : Jeg har ikke glemt henne, ikke vær redd!!» /je ne l’ai pas oubliée, n’aie pas peur !!/

[…]

171. F.link speaks up, «il veut que gagner de l’ar- gent» […]

177. Andrea : Alors, F-link - qu’est-ce que va devenir M- iddels?» […]

182. Andrea river seg i hårene /Andrea s’arrache les cheveux/ […]

184. E_Lendig speaks up, «haha sjå håret til læraren»

/Ha ha regardez les cheveux du professeur/

185. E_Lendig speaks up, «ny frisyre? eller?» /Nouvelle coiffure ou quoi?/

186. M-Iddels speaks up, «trur ho har fått støt!» /Je crois qu’elle s’est fait électrocuter!/

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