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Article pp.565-576 du Vol.4 n°4 (2006)

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Innovation et revue scientifique

Avant d’ouvrir le cinquième volume de Distances et savoirs…

Distances et savoirs clôt le quatrième volume de ses parutions avec le présent numéro. D’un volume à l’autre, nous avons parcouru dans le champ de l’enseignement à distance un chemin dont tous les acteurs peuvent être fiers. Nous revenons ici sur la création de la revue, ses principes scientifiques, ce qu’elle nous a appris, l’outil qu’elle choisit d’être en termes d’innovation.

Fin de siècle (!) et début des années 2000 : on assiste à une accélération authentique, et aussi à de nombreux effets d’annonce concernant l’appropriation des TIC par le monde éducatif, ou l’émergence d’un marché national, mondial… : Mai 2000 : premier « World Educational Market », à Vancouver, Canada. Il s’agit de prendre la mesure de l’innovation réelle, et de ses effets.

Au cours d’une période intense dans l’histoire de l’enseignement et des technologies de l’information et de la communication (TIC), au cours de laquelle les caractéristiques et l’imagination pragmatique de l’enseignement à distance ont été fortement sollicitées, le Cned et l’éditeur scientifique Hermès science publications (plus tard intégré aux éditions Lavoisier) se sont associés pour créer une revue francophone sur l’enseignement et la formation à distance, Distances et savoirs, au comité éditorial international. Fin 2006, quatre ans et quatre volumes de quatre numéros plus tard, plus de 200 textes ont été adressés à la revue, pour une éventuelle publication.

Recherche, observations, expériences, études de cas…, les textes reçus sont de genres variés. Certains textes ont été recueillis dans le cadre d’appels à contributions pour des numéros thématiques, d’autres ont été spontanément envoyés, et tiennent en principe compte des objectifs généraux de la revue, dont l’unique objet est la distance, toutefois abordée sous des angles diversifiés, et que Distances et savoirs explicite ainsi (extraits de l’éditorial du premier numéro) :

« Au cœur du savoir, la distance. Les connaissances ne s’enseignent ni ne s’acquièrent sans transition ni médiation. Il faut du temps pour apprendre et du recul. Il n’y a d’autre accès aux ressources éducatives que distancié. Indispensables

. Le présent texte est en partie issu d’une présentation orale de Distances et savoirs, à l’occasion du Congrès international conjoint de l’Association canadienne de l’éducation à distance (ACéD) et de l’Association pour les médias et la technologie en éducation au Canada (AMTEC), à Montréal, du 23 au 26 mai 2006.

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autant qu’inévitables sont donc délais et étapes. En formation, l’immédiateté est une illusion ; la fusion, un mirage. Abolir la distance ? (…) Distance et mise à distance sont partout nécessaires, y compris en présentiel. (…). Diversité de la distance : géographique et temporelle aussi bien que distance cognitive, sociale, matérielle ou symbolique. Toute situation d’apprentissage en procède peu ou prou.

La distance n’apparaît cependant jamais mieux en tant que telle que lorsqu’elle est médiatisée (…). L’ambition de Distances et savoirs ? Rendre compte des avatars et enjeux de la distance dans tous les secteurs de l’enseignement et de l’apprentissage.

Et, pour ce faire, s’attacher spécialement aux usages des technologies qui en assurent la médiatisation.(…) » (D&S, vol. , n° , 2003, p. 3).

L’approche qui suit des images de l’enseignement à distance et de ses divers avatars reflétées par l’ensemble de textes soumis à Distances et savoirs, prémisses d’un travail plus approfondi, vise à comprendre l’espace de réflexion innovante que peut être une revue scientifique à comité de lecture, et à identifier les principaux thèmes proposés comme innovants par leurs auteurs. Car, par principe, une revue scientifique est un outil de valorisation de la recherche, et, partant, de l’innovation.

Ce qui ne s’entend pas sans examiner quelques a priori concernant tout autant l’innovation que le contexte d’une revue de ce type. Par ailleurs, à l’occasion du congrès de l’ACED-AMTEC, « L’innovation en éducation, défis, enjeux, projets », il a paru intéressant d’interroger plus particulièrement la relation TIC-innovation dans les textes adressés à Distances et savoirs.

On évoquera le cadre de l’expérience qu’est la création d’une revue à comité éditorial d’une façon générale, et dans le cas de Distances et savoirs en particulier, puis, après de rapides repères dans les processus d’innovation, un premier aperçu de ce que les textes reçus révèlent en matière d’innovation, et les conclusions que l’on peut tirer en ce qui concerne les thèmes exposés dans les textes, et le rôle de la revue.

Cadre de l’expérience

Revue scientifique et innovation : l’évidence ?

A quoi sert une revue scientifique ? En principe c’est un espace de reconnaissance par les pairs de travaux de chercheurs et, dans nos domaines en particulier, de praticiens. C’est un outil de valorisation de la recherche, d’expériences nouvelles, mais aussi d’analyses et de regards critiques sur des travaux déjà accessibles (publications imprimées, sur le web et autres réseaux de toutes sortes). C’est un espace voué à rendre la recherche et l’innovation visibles, accessibles.

A un moment donné de son travail, et cela est même sous-jacent à son travail dès l’origine, un chercheur entreprend de soumettre ses conclusions au regard d’autrui, et en tout premier lieu, à l’évaluation par ses pairs. Il, ou elle, considère que ses travaux présentent une réflexion nouvelle, innovante (notion sur laquelle on reviendra plus

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loin), et méritent d’être partagés et valorisés. Ce qui signifie qu’il ou elle se risque à confier son travail, « son innovation » à d’autres, à un cadre reconnu, difficilement neutre, mais dont il ou elle2 accepte, peut-être même apprécie, et recherche les caractéristiques.

Il s’agit d’une démarche qui va au-delà de la reconnaissance de l’Université ; une étape de diffusion sociale qui concerne la recherche d’un lectorat plus vaste, le désir – et le devoir – de s’inscrire dans les ressources à la disposition d’autrui, de « vivre » utilement dans les travaux et les références d’autres chercheurs et praticiens, de faire progresser réflexion et applications, de contribuer à l’innovation et à ce que cette notion entend.

Recenser les principaux thèmes d’innovation révélés par le corpus des textes soumis à une revue thématique précise consisterait donc tout simplement à faire la liste des sujets traités, puis à en tirer quelques statistiques. Il semble que cela ne soit pas si aisé. Et l’espace de la revue à comité de lecture, comme la notion d’innovation, nécessitent d’être précisés avant de poursuivre.

Revue scientifique et innovation : l’implicite, jusqu’où ?

En effet, l’innovation serait inhérente à tout texte soumis à une revue scientifique, quasi implicitement. La conviction de l’auteur à cet égard passe aussi par plus ou moins « d’explicite ». Pour le comité de lecture d’une revue, il s’agit d’aller à la recherche de l’implicite, et de confirmer l’explicite. Une étude complète des textes soumis à D&S devrait donc aussi comprendre l’étude des relectures des experts et pairs, qui ne sont pas toujours eux-mêmes parfaitement explicites quant à leur conception de l’innovation, sans parler de la reconnaissance des travaux d’autrui.

On pourrait affiner cette notion d’innovation, par rapport à celle d’originalité notamment, et distinguer également plusieurs niveaux d’innovation : celui d’un apport nouveau en terme de réalité étudiée ou plutôt de regard porté sur une réalité (exigence d’un terrain et d’une grille de lecture ou d’une méthodologie d’analyse de ce terrain), et celui d’innovation en termes de « thèse » (entraînant des controverses) que l’interprétation de la réalité peut amener à élaborer. On y reviendra un peu plus loin.

Mais il s’agit surtout, dans le présent texte, de mettre en relief le rôle du dispositif que représentent une revue et les experts qui y interviennent pour assurer la reconnaissance de l’innovation d’une façon générale.

2. A partir de ce paragraphe, qu’il soit permis à l’auteure de ce texte de ne plus utiliser qu’une forme neutre, « il », pour designer le chercheur ou la chercheure, dans le reste du texte.

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A ce sujet, l’annonce d’un colloque sur la relecture par les pairs a été l’occasion de faire (ré)apparaître quelques analyses et jugements sévères sur le principe de la relecture par ceux-ci, ainsi résumés sur le site du projet « Réflexives, linguistique et pratiques de recherche »3 :

« Le système du peer reviewing (relecture par les pairs) est de plus en plus souvent mis à mal : les critiques fusent de toutes part l’accusant tour à tour d’être conservateur en n’acceptant que des articles conformistes, peu innovants et évitant la controverse, d’être le lieu de rivalités politiques, d’inciter les chercheurs à la fraude par le vol de résultats et enfin d’être incestueux : la consanguinité entre chercheurs de domaines disciplinaires très étroits y sévit. »

L’analyse des revues scientifiques selon une approche sociologique montre aussi que la revue, identifiée comme un champ social, est à la fois :

– « un champ de bataille important, expression d’un positionnement scientifique et social de chercheurs en compétition,

– un lieu de reproduction, de régulation et d’évolution des disciplines,

– un lieu de pouvoir dans la mesure où les revues sont très souvent associées à des institutions. » (Ghislaine Chartron citant R. Boure4).

Ann Weller, l’un des auteurs cités sur la page d’accueil du site de KCPR 2006, indique également : “Like Democracy, editorial peer review is messy and does not always work as it should, but it is essential to the integrity of scientific and scholarly communications.”5

La seule analyse transversale des textes dans leur version initiale, indépendamment des relectures, est donc insuffisante pour rendre compte d’une image de l’innovation en enseignement à distance telle que la révèle une revue scientifique. Et elle se heurte elle-même à des obstacles du même type que ceux rencontrés par les relecteurs : en quoi serait-elle plus impartiale, moins sujette à interprétations subjectives, que celles des relecteurs ? N’envisageant pas ici l’éventualité d’un super-relecteur irréprochable, le regard particulier sur l’ensemble des textes reçus recourt, dans un premier temps, à une approche lexicale, la plus neutre possible.

3. The First International Conference on Knowledge Communication and Peer Reviewing:

KCPR 2006, July 20-23, 2006, Orlando, Florida, USA. http://www.reflexives-lpr.org/index_5 .php?action=fullnews&id=84

. Chartron G., « Nouveaux modèles pour la communication scientifique ? », colloque « Une nouvelle donne pour les revues scientifiques ? », 19-20 novembre 1997, ENSSIB.

Boure R., « Le statut des revues dans la communication scientifique », La revue des revues, n° 20, p. 6-76.

5. Ann Weller, 2003, Editorial Peer Review, its Strength and Weaknesses. http://www.info- cybernetics.org/KCPR2006/website/default.asp

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Distances et savoirs, l’explicite

Créer Distances et savoirs, dont le champ, l’enseignement à distance, est un lieu de retrouvailles régulières des TIC et de distances à résoudre, et supposé être un creuset d’innovation, c’était être attentif à ces tensions éditoriales et scientifiques, dans un contexte historique sensiblement marqué par l’idée de concurrence à tous les niveaux (universitaires, opérateurs, éditeurs, institutions…) et de marchés nationaux et internationaux. Le premier numéro de la revue présente ainsi son champ :

« L’enseignement à distance est au cœur d’enjeux variés, imbriqués, parmi lesquels les technologies de l’information et de la communication jouent un rôle primordial.

Renouvellements et innovations de natures diverses – sociale, économique, technique, politique, aux niveaux national et international – transforment l’enseignement à distance, désormais très riche lieu de recherches, d’expérimentations, d’applications. Nombreux, parfois convergents, parfois disparates, ces travaux inscrivent un domaine foisonnant.

Formation ouverte et à distance, e-learning, campus numérique, enseignement sur mesure et en juste à temps… projets, programmes et réalisations se multiplient, s’accumulent et, souvent, se concurrencent sans analyse précise des expériences antérieures ni capitalisation des acquis.

L’enseignement à distance est par exemple au cœur de tous les débats sur l’articulation entre le paradigme éducatif dominant, la transmission “verticale”

des savoirs, et un paradigme nouveau, dont la forme n’est pas encore aboutie, celui d’une appropriation “horizontale” des savoirs. Les pratiques d’enseignement à distance renforcent-elles le premier paradigme ou contribuent-elles à l’élaboration de paradigmes concurrents ou complémentaires ?

Ces mêmes pratiques et réalisations amènent à s’interroger sur des concurrences éventuelles entre les notions historiques de service public et des formes débouchant sur des consommations privées.

L’introduction du choix des formes et des dispositifs d’enseignement, toutes frontières franchies, représente-t-il, par ailleurs, un défi pour l’organisation du monopole de l’état ?

L’éducation “traditionnelle” est également affectée, directement ou indirectement.

Par delà l’éducation et la formation, l’effervescence du savoir mis à distance gagne les industries culturelles ; elles pensent voir dans le ludo-éducatif et les télé- services de formation un nouvel Eldorado. Une telle agitation n’est guère propice à la réflexion sur les enjeux des mutations en cours : pédagogiques et éducatifs, culturels et idéologiques, socio-économiques et politiques. Cette réflexion exigeante et rigoureuse existe pourtant en France et à l’étranger. Elle a donné lieu à des travaux qui sont parfois de très grande qualité. Toutefois, les chercheurs et les experts qui la pratiquent se connaissent mal ; pour la plupart, ils ne sortent pas de leurs réseaux respectifs, prisonniers des clivages disciplinaires, des frontières institutionnelles et des barrières linguistiques. Distances et savoirs a l’ambition de faire connaître

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leurs résultats et, ce faisant de contribuer à la dynamisation de la recherche et à la structuration du secteur. » (D&S, vol. , n° , 2003, p. 9).

Le Cned, qui, entre autres particularités, dispense depuis plus de 60 ans un enseignement à distance auprès de publics scolaires, universitaires et relevant d’un cadre de formation « tout au long de la vie », souhaitait participer à la valorisation de travaux et d’expériences relevant de son domaine d’activité, en offrant un cadre d’autant plus neutre que cet établissement public n’est pas une université et n’a pas statutairement vocation à faire de la recherche. Praticien, le Cned était intéressé et apte à voir l’innovation ici et ailleurs, dans un domaine où il doit lui- même perpétuellement se renouveler face à la variété de ses publics et à la rapide appropriation sociale des TIC.

L’idée d’une revue francophone, coéditée par un éditeur scientifique reconnu, Hermès Science publications, et le Centre national d’enseignement à distance (Cned), date du printemps 200. Elle prend corps avec le premier numéro de D&S, publié en 2003. Entre ces deux dates, les aspects juridiques de la coédition sont organisés, un conseil et un comité éditorial francophone international créés, le champ de la revue est défini, ses principes sont établis, un premier appel à contributions, d’approche généraliste, est lancé, des numéros thématiques sont programmés.

Il ne s’agissait pas de valoriser les travaux d’une communauté de chercheurs précise, existante, parvenus à maturité et cherchant un support pour leurs publications. En effet, le champ de la revue, tel qu’il est envisagé, est bien le lieu de rencontre de plusieurs disciplines, aux communautés diversifiées : sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication, technologies de l’information, sciences informatiques, sociologie, économie, politique… comme évoqué plus haut.

Le comité éditorial devait refléter ces différents domaines, et représenter autant que possible la diversité francophone tout en étant attentif aux travaux des opérateurs universitaires de l’enseignement à distance non francophones. L’un des objectifs de la revue est en effet de faire connaître hors de la sphère francophone les travaux de chercheurs francophones, et inversement d’inviter et faire connaître des travaux de chercheurs non francophones, en langue anglaise généralement.

Une approche des textes soumis à D&S, à la recherche de l’innovation

Comment identifier l’innovation : un concept pas tout à fait prêt à l’emploi dans le cadre d’une revue scientifique

La notion de « recherche » est étroitement associée à celle d’innovation, de façon parfois plus convenue que bien établie dans les différentes étapes du développement de l’innovation. Aussi, un retour à certaines sources a-t-il semblé utile pour vérifier significations et attendus de l’innovation.

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On a pu consulter une référence définitive, le Grand Dictionnaire Terminologique, de l’Office Québecois de la langue française (http://w3.granddictionnaire.com).

Le GDT donne les définitions suivantes, concernant l’éducation :

« Innovation () :

Toute transformation apportée intentionnellement et systématiquement à un système éducatif, en vue de réviser les objectifs de ce système ou de mieux atteindre et de façon plus durable les objectifs déjà assignés (d’après Herrel).

Note(s) :

L’innovation en éducation a pour objet (Marklund) : ) la structure scolaire (nombre d’années d’études, enseignement polyvalent ou non, etc.) ; 2) le curriculum, les programmes… (y compris la définition des objectifs) ; 3) la pratique (méthode, matériels, instruments d’évaluation…).

Innovation (2) :

Modification d’une certaine amplitude dans la structure des institutions scolaires, dans les programmes ou méthodes d’enseignement.

Note(s) :

L’innovation peut être décidée par les autorités ou consister en initiatives d’un groupe de maîtres (ex. : mouvement Freinet dans les écoles primaires). La réussite des innovations ne dépend pas uniquement de leur qualité intrinsèque ; comme elles bouleversent des attitudes traditionnelles, de vieilles habitudes ancrées dans les esprits des parents et des professeurs, il est prudent d’en préparer l’application selon une stratégie minutieusement réfléchie. »

Et plus généralement, le GDT propose une définition pour les domaines suivants :

administration publique, prestation de services,économie politique et sociale, production des richesses,gestion, gestion des opérations et de la production.

« Innovation :

Ensemble des processus créatifs qui sont appliqués à l’introduction de biens, de services ou de procédés nouveaux ou améliorés.

Note(s) :

L’innovation peut prendre la forme d’une invention ou d’une idée nouvelle dans un domaine industriel, commercial, social ou organisationnel. Dans l’administration publique, il peut s’agir de la mise en œuvre d’une méthode novatrice en vue d’améliorer la qualité du service offert. »

[Office québécois de la langue française, 2003]

Il était aussi tentant de lire l’espace bien particulier de la revue, individuellement, socialement et collectivement parlant, textes, auteurs et comité de lecture compris,

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en se référant aux séquences du processus innovant selon Joseph Schumpeter, ainsi synthétisé par B. Lebeaupin6 :

« Le développement de l’innovation se fait en trois temps : c’est au départ le fait de quelques personnes qui prennent un risque par rapport aux routines en usage en élaborant de “nouvelles combinaisons” de ressources. C’est ensuite, une fois l’intérêt de ces nouvelles combinaisons démontré, l’apparition d’imitateurs “par grappe”

qui viennent bouleverser l’ordre établi en les généralisant et en développant des innovations secondaires. Le troisième temps est caractérisé par un retour à l’ordre et par la définition progressive de nouvelles règles du jeu qui entérinent le nouvel ordre social issu de ces bouleversements. Ce développement peut être représenté par une courbe en S, correspondant à la diffusion de l’innovation. Nombre de travaux réalisés sur les innovations retrouvent ainsi un découpage en séquences, dont le nombre varie selon les auteurs et selon la nature des cas étudiés. Mais plus que le nombre de séquences, il est important, pour comprendre le déroulement du processus, de considérer ces étapes d’un point de vue social, irréductible à la seule logique économique, et mettant en jeu des effets de réseaux, de normes et d’action collective. »

Ces derniers effets, qui concernent directement l’innovation, ne sont pas absents dans la logique de fonctionnement d’une revue scientifique dont l’objectif est la reconnaissance des inventions et des observations des chercheurs.

Enfin, sans clore la question de l’innovation, la réflexion de Françoise Cros7,

« l’innovation en éducation, imprévue et rebelle », montre à quel point il est difficile de cerner l’innovation, d’en reconnaître le processus – l’identifier, tout comme l’admettre.

Le corpus des textes retenus, et ce que l’on y décèle

Le cadre étant posé, pistes et processus de l’innovation en mémoire, il s’agit d’identifier à quoi s’applique l’innovation dans les textes reçus par D&S. Mais il faut aussi comprendre si les auteurs présentent une innovation avérée, et alors reconnaître le processus abouti, ou comprendre à quelle étape du processus les travaux proposés se réfèrent, et vers quel aboutissement ils tendent. Par exemple, l’auteur prend-il un double « risque », celui d’une innovation à naître, encore en rupture avec les

« routines », au stade de l’expérimentation, et le risque additionnel de la soumettre à la lecture de ses pairs ?

. CNAM/DEA DRH, Séminaire Ethique et RH.

7. Françoise Cros, 2003, Mission « Innovation et Recherche » à l’INRP http://www.fing.org/

jsp/fiche_actualite.jsp?STNAV=&RUBNAV=&CODE=11205192715&LANGUE=0&RH=

UP2005

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Mais les auteurs des versions initiales des textes reçus ne répondent pas toujours à toutes les caractéristiques de la profession de chercheur selon Robert Day8 :

« Le scientifique – cas sans doute unique parmi les métiers et professions – doit fournir un document écrit montrant ce qu’il a fait, pourquoi il l’a fait, comment il l’a fait. Et quels enseignements il en a tiré. Ainsi le scientifique ne doit-il pas seulement “faire” la science, mais “écrire la science” » – et tous n’y parviennent pas d’emblée.

Et c’est précisément le travail des relecteurs que d’aider l’auteur à parfaire fond et forme, à faire ressortir l’innovation.

En ne considérant que les versions initiales, plutôt que la qualité des travaux soumis, on a donc essentiellement recherché les reflets de l’innovation, les plus proches et immédiats de ce que les auteurs ont spontanément conçu comme étant innovant.

En quatre ans, Distances et savoirs a reçu plus de 200 textes, soit dans la logique de l’appel à contributions permanent et général, correspondant au champ de la revue, soit en réponse aux appels à contributions thématiques, pour des numéros spéciaux.

Un grand nombre de textes sont déjà développés, notamment ceux correspondant à l’appel à contributions permanent. Pour les autres, il s’agit souvent de propositions résumées, habituellement à la demande d’un appel à contributions thématique.

Comme nous l’avons évoqué plus haut il ne s’agit ici que d’une « approche » des textes soumis à Distances et savoirs. Néanmoins elle est guidée par la notion d’innovation, et une première sélection des textes a été faite en ce sens.

La moitié seulement, dans leur version initiale, a pu être retenue pour cette première approche « à la recherche de l’innovation », qu’ils aient ou non donné lieu à des versions ultérieures, publiées ou non. Les résumés qui n’ont finalement pas été développés, et certains textes qui ont manifestement été adressés à D&S à tout hasard, n’ont pas été retenus. L’analyse a été faite à partir de la version « anonymée » des textes.

Premiers résultats

Certains textes peuvent se révéler innovants en eux-mêmes, par leur méthode, hypothèses, etc. d’autres évoquent l’innovation sur le terrain. Une première démarche, menée à l’aide d’un logiciel d’analyse « lexicométrique » a été utilisée pour explorer l’ensemble des textes à partir de termes susceptibles de révéler des thèmes explicitement en relation avec l’idée d’innovation, tels que : changement, évolution, innovation, invention, mutation, nouveauté, originalité, renouvellement,

. Cité et traduit par L. Timbal-Duclaux (1990), La communication scientifique et technique : qualité et lisibilité : connaissance du problème, applications pratiques : séminaire. Paris : ESF-Entreprise moderne d’édition (Formation permanente en sciences humaines) p. .

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transformation… mais aussi « expérimentation », qui ne doit cependant pas être confondu avec innovation.

Un tiers des textes font référence à une démarche ou un processus d’innovation, un quart des textes font également référence à la notion d’expérimentation. Ce qui ne signifie nullement que les autres textes seraient sans relation avec un processus d’innovation ; sans doute le sont-ils, mais pas aussi explicitement, ou autrement.

On peut mettre en parallèle un même type d’aperçu, récent : sur plus de 200 propositions d’intervention reçues pour la conférence de juin 2006 du réseau européen EDEN, thème « E-competencies for life, employment and innovation », à peine plus de 20 évoquent les « nouvelles » technologies de l’information et de la communication, et moins de 20 utilisent le terme d’innovation dans les mots-clés.

Un travail ultérieur, plus approfondi, sur ces textes devrait permettre de vérifier si cette absence de qualification en termes d’innovation est en fait, pour certains, lié au moment de l’inscription des travaux dans le processus d’innovation : lorsque l’innovation est accomplie, au moment du « retour à l’ordre » lorsqu’il qu’il n’y a plus rien à voir… Décrivent-ils alors un état nouveau, simplement différent ? Et les textes à termes explicites s’attachent-ils aux premières étapes du processus, lorsque tout n’est encore que perturbation et prémisses ? Et qualifient-ils d’innovant ce qui n’est pas encore abouti ? Quelles sont alors les pistes que ces travaux avant-coureurs signalent, les innovations accomplies à venir ?

Ce n’est évidemment pas si simple. Certains textes parlent d’innovation ancienne, a posteriori, dans une perspective historique, comme ce travail visant à identifier les premiers signes d’un « cours à distance ante litteram » dans le dispositif mis en place par Jean-Jacques Rousseau et Madame Delessert, pour que cette dernière enseigne la botanique à sa fille à l’aide de huit lettres à vocation pédagogique, que lui écrivit Jean-Jacques Rousseau sur le sujet entre 77 et 773. D’autres évoquent des innovations révolues, pour en extraire des modèles, comme aussi bien des regrets…

L’aboutissement du processus de transformation d’une invention en innovation n’est jamais acquis, quelle que soit la qualité intrinsèque de l’invention.

Ces voyages dans le temps, ces hésitations parfois entre des concepts encore mal stabilisés, peut-être en processus d’innovation à jamais inachevé (comme en témoignent les appellations qui ne font toujours pas l’unanimité : formation ouverte et à distance, enseignement à distance, e-learning, formation flexible, hybride, etc.), la forme et les temps employés par les auteurs les révèlent dès les tout premiers textes reçus. Dans le premier éditorial de D&S, il est noté :

« Troisième observation. A cause de ces incertitudes, la distinction est difficile à opérer entre phénomènes constatables, évolutions prévisibles et transformations nécessaires. De cette difficulté, involontairement, plusieurs des textes de cette livraison portent la trace. Significative y est, par exemple, la fréquente variation des temps et modes des verbes, entre descriptif, prédictif et prescriptif. S’agit- il d’évoquer ou d’analyser telle situation concrète ? L’indicatif est de rigueur, au présent bien sûr. L’analyse fait-elle toutefois apparaître que la situation en question

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est le fruit provisoire d’évolutions appelées à ne produire qu’ultérieurement leur plein effet ? L’indicatif reste de mise, mais au futur cette fois. La production de cet effet risque-t-elle d’être retardée par quelque obstacle ? Voici qu’entraînant avec elle le mode impératif, la préconisation se substitue à la prévision. Probablement inévitables pour le moment, de telles variations reflètent néanmoins une indécision propre à compromettre la rigueur de l’analyse et sa crédibilité. Aussi, à l’avenir, sera-t-il impératif de marquer aussi clairement que possible le point de vue adopté et de s’y tenir. »

Innovation et TIC

S’assurer que l’auteur parle d’innovation est une chose, le principal intérêt est évidemment de bien appréhender ce que cette innovation concerne.

S’il arrive, étrangement, que les termes évoquant l’innovation ne soient mis en relation privilégiée avec aucun autre concept, comme si l’innovation était affirmée pour elle-même, non explicitée, une première étude de l’environnement des termes permet de faire ressortir les thèmes les plus souvent associés à l’innovation.

Les thèmes, tels qu’ils apparaissent dans les textes retenus

D’une façon globale, ce sont les évolutions des dispositifs de formation et des structures administratives (partenariales notamment) qui semblent les plus concernées par l’innovation et les TIC.

L’évolution des compétences des formateurs, et les aspects pédagogiques apparaissent également, et le recours aux TIC y est souvent associé à la notion de professionnalisation de la fonction de formateur.

Le public des entreprises est aussi concerné par l’innovation et les TIC, et c’est à leur sujet que l’expression e-learning (impliquant nécessairement les TIC, parfois sans les nommer) est la plus fréquemment employée.

Enfin D&S a reçu des textes proposant des synthèses de travaux appréhendant l’enseignement à distance dans des perspectives plus larges et pas nécessairement comme objet principal ; constructivisme, industrialisation de la formation, internet et ressources en ligne… sont parmi les sujets abordés et considérés sous l’angle de l’innovation.

Une histoire sans fin, un processus continu…

Comme indiqué au début du présent texte, il ne s’agit ici que d’une approche générale. Conclure dès à présent sur la réalité de l’innovation dans l’enseignement à distance serait hâtif. Ce sont les aspects les plus explicites concernant l’innovation et les TIC dans les textes reçus par D&S qui ressortent ici, et il convient de bien noter

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que les thèmes qui apparaissent le plus fréquemment ne sont pas nécessairement ceux reçus en plus grand nombre par la revue, mais ceux où l’innovation associée aux TIC est la plus lisible et la plus évidente d’emblée. Un reflet le plus direct possible de la démarche des auteurs.

Du reflet à la réflexion aboutie – transmissible

On peut s’interroger sans doute sur le nombre relativement réduit de textes témoignant d’emblée de l’approche d’un processus innovant. Mais n’oublions pas qu’il s’agit là des premières versions des textes soumis au comité éditorial de la revue. Or, rappelons que « le scientifique ne doit pas seulement “faire” la science, mais “écrire la science” ». Et c’est bien là que se situe le rôle des experts d’une revue, qui prennent la peine d’accompagner les auteurs pour qu’ils mènent à bien la transmission de leurs travaux, et donc de l’innovation, avec conviction et dévouement. Et en quatre ans Distances et savoirs a publié 77 textes, de recherche ou de témoignage.

Il se trouve qu’aucun texte n’a été publié tel qu’il a été reçu ; certains ont été l’occasion d’échanges et de discussions intenses, assortis de l’élaboration de plusieurs versions avant de parvenir à la forme finale de l’article.

Tout en gardant la mesure du travail effectué par la revue, il faut convenir que ces textes publiés témoignent aussi de la mission d’innovation et de valorisation de la recherche qu’accomplit une revue scientifique, grâce à ses relecteurs. Mission qui n’est d’ailleurs qu’une étape, puisque les textes publiés le sont dans l’objectif de produire de nouvelles discussions, de nouveaux échanges, des matériaux et des stimulations pour continuer à innover – un processus sans fin ?

Distances et savoirs publie aujourd’hui le quatrième numéro de son quatrième volume. Nous remercions très vivement les chercheurs et praticiens qui, dès le premier numéro, puis ceux qui l’ont rejointe par la suite, ont choisi de participer à l’aventure qu’est la création d’une revue dite scientifique, d’une forme certes traditionnelle, mais dédiée à un domaine, l’enseignement à distance, que les TIC entraînent tout particulièrement dans d’apparentes innovations dont il convient de distinguer et communiquer la part d’invention réelle.

Nous sommes tout aussi reconnaissants aux experts relecteurs qui prennent le temps d’analyser et de faire progresser lorsqu’ils sont pertinents les textes qui leur sont soumis. Peut-être la relecture d’articles, tout comme le suivi des travaux d’étudiants, est-elle aussi pour eux l’occasion d’aiguiser leurs propres compétences, un exercice formateur, en coulisses…

Martine Vidal

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