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Article pp.269-280 du Vol.4 n°3 (2006)

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si proche…

Patrick Guillemet

Télé-université du Québec guillemet.patrick@teluq.uqam.ca

Résumé. Cet article présente les étapes de l’évolution du campus virtuel développé par la Télé-université de l’université du Québec à partir de 1997, les choix qui ont été faits, la nature des services développés et les problèmes rencontrés. Il en situe la naissance dans le contexte de la société québécoise de l’époque et examine parallèlement l’évolution de l’enseignement en ligne dans les autres universités québécoises et le projet de société de développement du multimédia universitaire. Le bilan de cette évolution met en lumière des facteurs propres à l’implantation de l’enseignement en ligne et à la modification des pratiques pédagogiques, ainsi que des facteurs particuliers à la Télé-université, notamment la définition de la stratégie de changement et le pilotage du changement. Il propose également une réflexion sur la nature des attentes qui accompagnent l’investissement public dans la modernisation technologique.

AbsTRACT. This article relates the different stages in the development of the “virtual campus”

of the Télé-université of the university of Québec from 1997 on, the choices that were made, the kind of services that were developed and the difficulties that were met. The Télé- université beginnings, in the social background of Quebec of that time, are described in parallel with the evolution of online teaching in the other universities in Quebec, and with the social project for developing university multimedia.

The assessment of that evolution shows both specific elements, characteristic of the setting up of online teaching and of the modifications of pedagogical practices, as well as elements characteristic of Télé-Université. In particular the definition of the strategy for change and running that change. The article also proposes remarks on the nature of the expectations going with public investment in technical modernization.

moTs-CLés : université virtuelle, universités, politique en e-learning, Québec, technologies.

KEYWoRDs: virtual university, universities, e-learning policy, Quebec, technologies.

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Nous sommes le 6 septembre 19791. En prélude au premier référendum sur le projet de souveraineté-association, le gouvernement du Québec dévoile, sous la signature de son ministre d’État au Développement économique Bernard Landry, un volumineux énoncé de politique de 523 pages intitulé « Bâtir le Québec ».

Trois ans plus tard, la phase II de cette politique suit, sous le titre « Le virage technologique ». Elle témoigne de la préoccupation du Parti Québécois envers la croissance économique, qui y voit une condition essentielle de l’accession du Québec à la souveraineté nationale.

Si ces intentions se concrétisent immédiatement dans le système scolaire2, il faudra attendre une douzaine d’années pour que la modernisation technologique touche l’enseignement universitaire3. En juin 1996 la politique de modernisation technologique aux niveaux préscolaire et secondaire est annoncée, suivie en janvier 1997 par son volet universitaire. Un ambitieux projet de modernisation a cependant été présenté par la Télé-université de l’Université du Québec dès le mois de mai 1995. Fraîchement investie de ses lettres patentes octroyées en 1992, elle s’adresse au Gouvernement du Québec afin qu’il lui permette de réaliser la mission qu’il vient de lui confier. Le campus de la Télé-université est virtuel, explique-t-elle4 : en effet, si certaines autres universités peuvent distribuer quelques-uns de leurs cours selon un mode à distance, seule la Télé-université dépend des technologies de l’information et de la communication pour sa survie et son développement, et ces technologies doivent être impérativement mises à jour à l’heure des autoroutes de l’information, afin de familiariser les Québécoises et les Québécois avec de nouvelles façons d’apprendre. Bref, il s’agit d’investir dans les communications, plutôt que dans la brique et le béton. L’investissement est évalué à 13 m$.

1. Je tiens à remercier très chaleureusement mes collègues Marie-Thérèse Bourbonnais et Gilbert Paquette pour leur assistance précieuse dans la rédaction de ce texte.

2. Dès 1982-1984, sous l’égide de Gilbert Paquette, alors ministre de la Science et de la Technologie, est lancée une série d’initiatives de modernisation, dont les plus marquantes sont le plan d’achat de micro-ordinateurs dans les écoles, la mise en place du Centre APO-Québec et de 75 centres de micro-informatique scolaire dans les commissions scolaires, ainsi que le programme de soutien au développement des didacticiels du MEQ.

3. L’énoncé de 1982 marque en effet une orientation technologique de la recherche universitaire qui sera accentuée en 1988 par des mesures fiscales identifiant des secteurs technologiques prioritaires (Parizeau, 2001).

4. Pour Gilbert Paquette, fondateur du LICEF, le laboratoire de recherche en télé-apprentissage de la Télé-université, le concept de campus virtuel remonte aux origines même de la Télé- université. Faisant appel dès ses débuts à des apprentissages en présence, dans le cadre d’ateliers, qui complétaient les apprentissages à distance, elle avait dû par la suite y renoncer en raison de difficultés logistiques. Le principe du campus virtuel, inspiré de ces premières expériences, est donc de réunir dans un espace communicationnel des étudiants appartenant à des espaces physiques différents.

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Introduction

Pour le gouvernement, à qui la Télé-université n’a pas demandé de budget de démarrage en 1992, l’occasion est belle. Il accepte la demande qui lui est présentée à hauteur de 9 m$ à l’automne de 19965. Le projet de campus virtuel québécois prend alors son envol.

Ce concept, résultant de recherches menées depuis 1992 par le centre de recherche de la Télé-université, le LICEF, repose sur la mise en réseau d’acteurs et de moyens diversifiés et vise à leur offrir un accès, en direct et en différé, à diverses ressources d’apprentissage. Privilégiant une pédagogie de la construction des connaissances, il distingue cinq types d’acteurs (l’apprenant, l’informateur, le concepteur, le formateur et le gestionnaire), à qui sont associés des rôles génériques définis par un graphe de tâches pouvant être modulé selon les divers systèmes d’apprentissage.

Chaque acteur dispose de cinq espaces virtuels (navigation, information, production, communication, et assistance) auxquels correspondent des HyperGuides spécialisés (Paquette et al., 1997).

Il ne s’agit certes pas des premières réflexions sur la notion de campus virtuel puisque d’autres travaux en font état dès 19946. Toutefois les limites de ces textes (Thibault, 2002), tout autant que l’exposé détaillé contenu dans la proposition du LICEF et l’ampleur du projet auquel il donne lieu permettent de comprendre pourquoi l’expérience du campus virtuel de la Télé-université va revêtir un caractère exemplaire pour les années qui vont suivre.

Le grand projet

Dès le début de 1997, le projet se met en marche et neuf groupes de travail sont constitués, qui élaborent une vingtaine de projets de modernisation. Au mois de mai, la directrice générale annonce que les projets sont regroupés en cinq chantiers consacrés à l’accueil, la diffusion et l’encadrement ; la modernisation de la banque de cours ; la gestion académique ; les services technologiques ; la gestion du projet.

L’objectif visé est de faire de la Télé-université une « université prototype » et d’y implanter un campus virtuel. Toutefois, la directrice générale tient à faire une mise en garde : la Télé-université vit en effet une situation paradoxale, puisqu’elle jouit de richesses nouvelles mais doit simultanément composer avec des restrictions budgétaires. Elle doit donc viser à diminuer ses dépenses courantes, respecter le 5. Le fait que le Directeur des Services technologiques de la Télé-université, Gilbert Paquette, ait été l’un des principaux artisans de la rédaction du « Virage technologique » n’est sans doute pas étranger au succès de cette demande.

6. Notamment l’article de Peter Childers et Paul Delany intitulé « Monde en réseau, campus virtuel : les universités et la politique économique du cyberespace », paru au printemps 1994 et le rapport « African Virtual University » de 1995. Toutefois, le premier texte présente plutôt le campus virtuel comme une figure idéale désincarnée, tandis que le second reste assez vague quand à la nature même du projet.

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rythme d’adaptation de ses étudiants, expérimenter des modèles différents et les évaluer de façon continue.

Au mois de juillet, les deux-tiers du budget sont déjà engagés et sept comités de gestion prennent la relève des groupes de travail. Au printemps de 1998, un premier rapport d’étape montre que la progression des travaux est satisfaisante, à l’exception du chantier voué à la modernisation des cours, qui représente près de la moitié des fonds alloués. Cette situation n’est pas vraiment étonnante car il s’agit de la partie la plus difficile du projet7. Le rapport souligne d’ailleurs que « la modernisation n’est pas une affaire d’équipements mais plutôt un profond changement de paradigme qui se traduit par de nouvelles pratiques et des services accrus à la collectivité » : il faut passer de l’étudiant « solo » à un étudiant impliqué dans des interactions multiples, développer de nouveaux services en ligne et des méthodes appropriées au campus virtuel, parvenir à des gains d’efficience, augmenter les clientèles et développer des collaborations au niveau local et international. Le programme est ambitieux.

L’état des réalisations dressé en septembre 1998 permet de mesurer l’ampleur des transformations proposées. L’objectif visé est de « proposer à la Télé-université et à la société québécoise le meilleur des TIC et communications appliquées au télé- enseignement en plaçant les TIC au cœur de la valeur ajoutée à la recherche, aux pratiques d’enseignement et aux partenariats de la Télé-université », autrement dit, de placer la Télé-université en tête du peloton quant à l’utilisation des TIC grâce à un modèle tout technologique. À ce moment, 123 personnes – presque la moitié de l’ensemble du personnel de la Télé-université – sont engagées dans ce projet.

Certains aspects de la modernisation ont été réalisés rapidement, par exemple le choix des plates-formes, les appels d’offres ou la formation du personnel aux nouveaux équipements. Toutefois, la réingénierie de l’édition et de la conception s’avère plus ardue8 : des modèles multiples sont en effet expérimentés, et ce foisonnement créatif est tel qu’il va falloir effectuer des choix. Au total, 21 cours sur 286 sont offerts sur Internet ou sur cédérom, mais 272 cours offrent un encadrement télématique, ainsi qu’un guide d’étude sur Internet. Cependant, il est difficile de saisir quelles sont les préférences des étudiants puisque si presque tous apprécient la perspective de transactions administratives sur Internet et d’échanges par courriel, ils sont aussi nombreux à préférer des cours sur Internet que des cours traditionnels. En fait, ils souhaitent surtout que les nouvelles technologies n’enlèvent rien à ce dont ils disposent déjà.

7. Un inventaire réalisé en 1996 montrait que 113 cours étaient de type texte/correspondance, 74 faisaient appel à un modèle pluri-média individuel, 11 cours y ajoutaient des activités collaboratives en réseau, 6 cours étaient diffusés en mode hypertexte et 2 en mode cédérom, un dernier cours faisant appel au modèle HyperGuide sur des réseaux à faible débit. Le plan de modernisation prévoit qu’une centaine de cours, nouveaux ou en révision, seront modernisés en 4 ans.

8. La « modernisation légère » de la conception est cependant fructueuse : elle est largement imputable aux efforts d’une équipe de professionnelles pédagogiques assistée d’étudiants, qui se charge de mettre sur le site Internet les guides d’étude de tous les cours.

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Au mois de février de l’année suivante, le rapport d’un consultant engagé afin d’évaluer les possibilités de commercialisation de trois des logiciels qui ont été développés conclut que si « Nomino », un moteur de recherche en langage libre, offre d’intéressantes possibilités, la plate-forme « Explor@ » développée par le LICEF, malgré sa convivialité et sa souplesse, s’avère gourmande en ressources, ce qui peut constituer un handicap pour les étudiants, et que « Sydife », une plate-forme développée par les services informatiques, si elle présente l’avantage d’être une interface avec la base de données institutionnelles, présente de sérieux problèmes de conception qui la rendent lourde, spartiate et protégée à outrance, de telle sorte qu’elle devient difficilement utilisable par les professeurs à qui elle est destinée. Dès lors, une première rationalisation s’opère et deux priorités sont fixées : le site Web et le dossier académique. La période couverte par la subvention de modernisation s’achevant, les autres projets sont intégrés dans la structure classique de la Télé-université.

L’examen de conscience

Une seconde phase commence à l’automne de l’année 2000. Un groupe stratégique-conseil est constitué afin de faire le bilan des changements entrepris. Il dresse un portrait contrasté qui souligne l’ampleur des efforts qui restent à accomplir.

La priorité est certes toujours d’offrir un campus virtuel riche en contenu, sur lequel repose la crédibilité de l’établissement et son leadership en formation à distance.

Mais son déploiement doit s’effectuer dans le respect de la liberté universitaire, tant dans le choix des méthodes pédagogiques que dans le développement de divers types d’environnement à des fins de recherche. C’est pourquoi les prises de décision relatives au développement du campus virtuel doivent relever des unités académiques, qui encadreront le développement technologique en fonction des particularités des divers regroupements de cours.

Le mandat assigné au comité lui demandait d’analyser les forces et faiblesses des systèmes déjà élaborés et de proposer un système unique à géométrie variable. Plutôt que de répondre directement à cette question embarrassante, le comité choisit une voie plus ambitieuse mais aussi plus périlleuse : celle de la diversité. Il constate que le campus virtuel de la Télé-université est fait de la coexistence d’une multiplicité d’outils, dont les principaux sont les plates-formes « Explor@ », « Ad@pWeb » et

« Sydife » ainsi que la base de données institutionnelles GDA. Le comité recommande d’intégrer ces environnements en misant sur la modularité et la possibilité de réutilisation, mais aussi de favoriser l’appropriation et l’approfondissement des modèles, méthodes et technologies, d’implanter formellement le campus virtuel dans les tâches du personnel, de mettre en place un plan de formation et d’assurer une veille technologique sur les environnements en émergence. Pour ce faire, il faudra chercher de nouvelles ressources, notamment grâce à la commercialisation et à l’exportation, mais aussi grâce à une tarification de l’utilisation des environnements en ligne déjà développés.

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Ainsi prend forme ce que la directrice de l’enseignement et de la recherche appellera joliment le « modèle de la courtepointe », qui vise à « créer un tout cohérent à partir de morceaux disparates en favorisant l’intégration de certains d’entre eux ».

Comme le souligne le comité-conseil, il s’agit bien sûr d’une complexification du campus virtuel, mais il pense que « les efforts supplémentaires engendrés par cette complexité sont largement compensés par les gains en richesse, en diversité et en souplesse qu’en retire le campus virtuel ». La grande compétence des équipes de développement en est le gage, mais la canalisation des énergies est incontournable et ce, compte tenu des limites des ressources Afin de permettre l’intégration des environnements, le groupe conseil propose l’octroi d’un budget de 50 000 $ maximum, à raison de 10 000 $ par environnement, qui sera attribué sur la base de projets. Pour y veiller, le groupe conseil propose également de se transformer en comité stratégique permanent du campus virtuel.

Un assemblage difficile

Les recommandations du groupe conseil sont écoutées et le comité permanent du campus virtuel commence ses travaux. Deux projets sont présentés au début de l’année 2001 : le premier combine un navigateur Internet et Windows, tandis que le second propose de combiner Internet et la télévision. Le comité s’interroge et prône la convergence initiale des systèmes, ainsi qu’une architecture solide et fiable. Il ne sera plus dès lors question de ces deux projets. De même, un projet piloté par la directrice générale, visant à créer une mosaïque multimédia sur les murs de la Télé- université, est abandonné après deux mois. Un projet de bibliothèque virtuelle est initié et progresse de façon satisfaisante

Le fait marquant est cependant représenté par la réalisation d’une étude sur la convergence des plates-formes « Ad@pWeb » et « Explora » qui apparaissent très complémentaires et porteuses d’un potentiel de commercialisation grâce aux projets « Créateur », fruit de l’intégration de « Ad@pWeb » et « Explor@ », et

« Explor@+ ». Afin de réaliser cette intégration, un investissement de 50 000 $ est toutefois nécessaire, ce qui correspond à l’intégralité du budget prévu par le comité- conseil. Le comité du campus virtuel y donne son accord de principe en septembre 2000. Le rapport est présenté au mois de mai 2001, mais il s’avère que le travail à accomplir est un peu plus ardu que prévu. En effet, il existe beaucoup de duplication entre les deux environnements et de nouveaux développements sont nécessaires, afin de réaliser une nouvelle version d’« Explor@ » qui démontrerait la pluralité d’approches de gestion des activités et des ressources à la Télé-université ; le coût en est estimé à 200 000 $. Le comité du campus virtuel est perplexe face à ce nouveau projet : les étudiants sont-ils visés prioritairement par ce nouveau développement ou s’agit-il plutôt de financer le développement d’ « Explor@ » à des fins de recherche ? Est-il possible de scinder la demande en plusieurs sous-projets ? La marge de sécurité prévue est-elle suffisante ? A-t-on pensé aux besoins des personnes tutrices ?

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Les craintes du comité du campus virtuel sont d’autant plus sensibles que la Télé-université a été échaudée au début de l’année 2001 avec le nouveau système GDA, la base de données permettant de gérer les admissions et les inscriptions, qui a été implantée sans que l’on conserve des systèmes de sécurité. Or, des problèmes techniques survenus à la session d’hiver 2001 ont obligé le personnel à saisir manuellement les données et il a fallu bloquer les demandes d’admission, ce qui a eu pour effet une baisse de 5 % des inscriptions et des perturbations importantes chez le personnel. La situation a été certes stabilisée à la session d’été, mais le système demeure fragile et le comité du campus virtuel a décidé d’y affecter 200 000 $. Déjà, le comité a décidé que « Sydife » ne doit plus se développer. L’argent commence en effet à se faire rare et les résultats tangibles se font encore attendre9.

Le signal d’alarme sera activé par la directrice de l’enseignement et de la recherche au mois de mai suivant. Dans un message adressé aux membres du comité du campus virtuel, elle leur indique que le comité doit ré-examiner sa position initiale et ré-introduire prioritairement la question des usagers. Quels sont les besoins des étudiants et des professeurs ? Quels cours répondent aux attentes de quels étudiants ? Quelles doivent être les priorités technologiques ? Y a-t-il lieu de réévaluer le « modèle de la courtepointe » ? Quelle position faut-il prendre face aux demandes de développement d’« Ad@pWeb » et d’« Explor@ » et laquelle de ces deux plates-formes faut-il favoriser ? Comment faut-il se situer par rapport au développement des cours faisant appel à des cédéroms ou des sites Web autonomes ? Mais surtout, insiste-t-elle, « comment éviter un développement anarchique de nos cours en termes technologiques » ?

Ces inquiétudes ne susciteront guère d’écho au sein du comité du campus virtuel.

Pour l’un, le concept global est bon, même s’il y a lieu de le préciser, et d’engager des partenariats externes pour surmonter les obstacles. Pour l’autre, il s’agit de problèmes communs dans les universités et il importe avant tout de respecter l’autonomie professorale ; une planification à petite échelle, au sein des unités académiques, est la clé du succès. Enfin, d’autres acteurs proposent d’analyser les besoins des étudiants et le potentiel de recrutement lié aux nouvelles technologies. Sur ce point, on constate que les données sont rares.

Finalement, entre le risque d’anarchie lié à la diversité des développements technologiques et le risque de stagnation résultant d’une attitude conservatrice, on prône de laisser les décisions finales aux comités de programme et de familiariser les étudiants avec les technologies choisies. Bref, il est décidé de poursuivre, car « le développement est peut-être lent mais bien réel ». On choisit donc de maintenir le cap. Mais il est vrai qu’il n’y a plus guère de fonds à répartir. « Le sucrier est vide », ce qui oblige à « mieux gérer » à l’avenir. Armée de ces sages conseils, la directrice en tire la conclusion qui s’impose : le rappel de Gilbert Paquette en 2003 afin de remettre un peu de convergence dans le chantier. Après une consultation auprès des professeurs, des professionnels pédagogiques et des unités académiques, Gilbert 9. En septembre 2001, 39 des 292 cours de la Télé-université avaient été mis en ligne, lesquels ne représentaient que 6 % des inscriptions.

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Paquette est nommé responsable de la nouvelle Direction des services académiques et technologiques (DSAT) créée en février 2004.

La stabilisation

La DSAT se voit confier la mission d’élaborer la stratégie et les politiques de la Télé-université en matière de développement des technologies d’apprentissage et d’innovation techno-pédagogique. Elle coordonne les services technologiques impliqués et vise à assurer l’intégration et l’interopérabilité des plates-formes entre elles et avec le système de gestion, à soutenir la construction de banques de ressources pédagogiques, à soutenir les professeurs et le personnel pédagogique et à assurer le transfert des résultats de la recherche dans les pratiques de la Télé- université, aussi bien qu’à valoriser les résultats de la Télé-université elle-même.

Les défis à relever sont grands, notamment celui du futur rattachement de la Télé-université à l’UQAM, et la Télé-université doit défendre sa vocation de campus virtuel afin de permettre le développement de la formation à distance qui en est l’objectif central. Elle doit donc consolider ses pratiques et développer son expertise.

Afin d’y parvenir, la DSAT énonce six orientations stratégiques : priorité aux technologies d’apprentissage, élaboration de banques de ressources pédagogiques, intégration et interopérabilité des outils et systèmes, appropriation des dispositifs technologiques, transfert des résultats de la recherche et concertation avec la Direction de l’enseignement et de la recherche grâce à une table de concertation techno-pédagogique, des groupes de travail et des comités d’usagers.

On se remet au travail. Au cours de l’année 2004-2005, un groupe s’attaque au développement de banques de ressources pédagogiques tandis qu’un second élabore le portail « Concept@ », fruit de l’intégration de « Ad@pWeb » et d’ « Explor@ », qui vise à intégrer les principales fonctionnalités des plates-formes existantes et à doter les équipes pédagogiques d’instruments de conception favorisant le travail collaboratif, ainsi que d’une bibliothèque d’outils administratifs permettant la gestion des projets de cours en lien avec les systèmes de gestion internes. Un troisième groupe élabore une série d’émissions télévisées sur la formation à distance. Un an plus tard, les chantiers ont progressé. Quatre cents ressources pédagogiques de la Télé-université ont été référencées. Le portail concepteur incluant la plate-forme « Concept@ » a été évalué par des utilisateurs pilotes qui s’en déclarent satisfaits. La série télévisée a été réalisée. Un projet de contrôle de la qualité technique a été lancé pour les cours utilisant des composantes technologiques. Un plan d’appropriation des dispositifs techno-pédagogiques a été mis au point afin de permettre l’appropriation du portail et l’utilisation de « Concept@ ». Un mécanisme de validation des composantes technologiques est en voie d’élaboration, ainsi que des mécanismes permettant de mesurer le parc technologique dont disposent les étudiants. Enfin, les produits de la recherche ont été valorisés et les services technologiques de la Télé-université ont été arrimés à ceux de l’UQAM, du moins en principe. Seule ombre au tableau : la plate-forme « Concept@ » n’a pas été retenue par l’UQAM, qui lui a préféré la

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plate-forme en code libre « Moodle ». Des passerelles pourront être aménagées entre les deux systèmes, mais il n’en reste pas moins que pour la Télé-université qui se présente comme le centre d’expertise de l’UQAM en formation à distance, cette décision prend des allures de remise en question.

Des résultats inégaux

Près de dix années après son lancement, le bilan du campus virtuel québécois apparaît donc pour le moins contrasté. Il existe des avancées technologiques très nettes, telles l’admission-inscription en ligne, la bibliothèque virtuelle, la base de données académiques GDA, la mise au point du portail tuteur, et plus récemment la banque de ressources pédagogiques avec l’éditeur de métadonnées « Palom@ ».

Cependant d’autres résultats sont moins probants : les instruments de conception des cours en ligne ne sont pas stabilisés (le portail concepteur et la plate-forme Concept@ sont encore en mode d’implantation), la banque de cours10 est loin d’être renouvelée (cette évolution est d’autant plus surprenante que l’université Laval de Québec est parvenue en peu d’années à développer une offre importante de cours en ligne11). La difficulté est donc réelle qui vise à modifier les modes d’enseignement traditionnels en tirant parti des possibilités des nouvelles technologies, qu’il s’agisse d’apprentissage collaboratif ou de construction de connaissances12. En ce sens, si le campus virtuel de la Télé-université est en 2006 une réalité tangible en terme de services assistés par la technologie, il demeure encore assez loin de son idéal fondateur – la co-construction des connaissances – développé par les recherches du LICEF13. Sans doute faut-il compter avec la lenteur du rythme de transformation des pratiques pédagogiques qui est loin de suivre celui du développement des TIC (Guri-Rosenblit, 2006) ?

Cet exemple du campus virtuel montre que l’utilisation des outils technologiques dans le cadre de la conception des nouveaux cours est loin d’être évidente. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment les problèmes techniques liés à la plate-forme « Explor@ » à ses débuts qui ont sans doute rebuté plusieurs professeurs (Laramée, 1988), de même que l’incertitude inhérente à l’introduction de nouveaux 10. À la session d’automne 2006, 118 cours sur un total de 467 avaient été modernisés, dont 91 étaient offerts en ligne et 46 sur cédérom.

11. À la session d’hiver 2006, l’université Laval prévoyait l’offre de 213 cours en ligne sur les 348 cours de sa banque. Cette offre s’était essentiellement déployée à partir de l’année 2000- 2001, les cours en ligne prenant la relève des cours imprimés ou télévisés.

12. Les innovations techno-pédagogiques les plus marquantes semblent en effet limitées aux UER Éducation et Science et Technologie, tandis que les deux autres UER optent pour une utilisation plus traditionnelle des technologies.

13. Avec un peu d’amertume, Gilbert Paquette estime que la modernisation des cours a surtout été marquée par un modèle instructiviste, sans doute lié à l’attachement traditionnel des professeurs universitaires pour un approche pédagogique qui les place au cœur du processus d’enseignement.

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procédés de travail qui affectent la définition de la tâche du professeur, ou encore les attentes de la direction envers des gains d’efficience en contexte de restriction des ressources14, lesquelles ont pu apparaître comme des menaces à la liberté universitaire (Laramée, 2002)15.

Le rythme rapide de mise en ligne des cours à l’Université Laval, comparé à celui de la Télé-université laisse supposer qu’il doit exister des obstacles propres à la situation de la Télé-université. On peut émettre l’hypothèse que la multiplicité des instruments de modernisation, notamment les plates-formes dont la compatibilité mutuelle ne semble pas avoir été suffisamment prise en compte dès les débuts16, a affaibli le projet. Ce choix tranche de toute évidence notamment avec l’approche standardisée17 prise par d’autres universités. On peut également avancer l’idée qu’une certaine tension entre une logique de recherche marquée par le développement de prototypes performants et une logique d’utilisation caractérisée par la recherche de la fiabilité et de la convivialité à coûts minimes a perturbé les développements.

Il est également probable que le processus de changement organisationnel n’a pas été assez pris en compte. En effet, les groupes de travail, composés des acteurs les plus technophiles, ont négligé la formation du personnel (essentiellement centrée sur la formation aux équipements bureautiques) et l’animation pédagogique. Cette situation n’a guère favorisé l’appropriation des nouveaux outils de conception, et encore moins la réflexion quant aux stratégies pédagogiques à développer. Enfin, on peut se demander si l’image que la Télé-université avait de son leadership en formation à distance ne lui a pas nui, à la fois en l’amenant à développer des ressources très sophistiquées, en négligeant les conditions de leur mise en œuvre, et en portant peu d’attention au développement des plates-formes concurrentes ?

Est-ce suffisant pour expliquer le fait qu’on ne parle pratiquement plus du campus virtuel dans le discours public de la Télé-université en 2006 ? La préoccupation affichée est clairement « l’enseignement bimodal » qui matérialise le rattachement de la Télé-université à l’UQAM. Si on peut y voir le signe d’une intégration réussie 14. Laramée (2002) oppose notamment la logique « éditique » à la logique « éditoriale ».

La première s’applique à des cours simples, relativement faciles à standardiser, mais dont les possibilités d’interaction sont faibles, tandis que la seconde mise sur une grande variété pédagogique accompagnée d’une interactivité élevée, qui s’accompagne de coûts unitaires élevés, étant donné le faible potentiel de standardisation des cours.

15. Des appréhensions de même nature avaient motivé en 1997 la vive opposition de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université au projet des Presses universitaires multimédia, qui visait la médiatisation et la diffusion de cours à fort achalandage au sein du système universitaire québécois et sur la scène internationale, ce qui eut pour effet l’échec du projet, d’autant que la Télé-université venait de se faire confirmer l’octroi de sa subvention de modernisation (Laramée, 1998).

16. Il faut cependant reconnaître que les standards d’interopérabilité des plates-formes n’avaient pas encore été mis au point.

17. Ainsi l’Université de Montréal devait choisir en 1999 la plate-forme WebCT à la suite d’une étude qui l’amenait à éliminer une autre plate-forme développée par des professeurs de sa propre Faculté des sciences de l’éducation.

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dans une institution universitaire classique, on peut aussi penser que cet événement marque la fin d’une utopie. Le campus virtuel québécois témoignait d’une volonté d’affirmer le savoir faire technologique d’une institution dédiée à l’enseignement à distance à une époque marquée par l’apparition de nouveaux acteurs qu’il s’agisse de l’Université Laval, de l’Université de Montréal ou, plus tard, l’Université Concordia.

Les compétences déployées au sein de la Télé-université comme son souci tardif de veiller à l’adéquation des équipements aux usages des étudiants et des équipes pédagogiques n’auront pas suffi à surmonter les obstacles liés à cette période de turbulence technologique.

Quant aux intentions gouvernementales envers la formation à distance, il est clair qu’elles sont liées à la question budgétaire. Lors des travaux de la Commission permanente de l’éducation tenue en 2003, le gouvernement, interrogé sur la suite donnée au projet de Société pour le développement du multimédia universitaire qui avait succédé au projet des Presses universitaires multimédias, répondait simplement qu’il devait gérer le déficit laissé par le Parti Québécois. Il faut souligner que le gouvernement précédent avait lui-même renoncé à financer ce projet dans la dernière année de son mandat. L’enseignement à distance, engagé dans des projets moins coûteux aurait-il pu faire mieux ? Aurait-il pu se présenter comme une réponse aux problèmes de sous-financement des universités québécoises ? Sans doute avait-on mal mesuré les limites du financement public et visé trop large. Il faudrait maintenant ne compter que sur ses ressources et ajuster ses stratégies à celles des institutions concurrentes.

Bibliographie

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http://www.licef.teluq.uquebec.ca/gp/docs/pub/campus/cvrar.doc

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