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Article pp.263-268 du Vol.4 n°3 (2006)

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Poursuivant l’exploration de ces objets nommés, à partir du milieu des années 1990, « campus numériques », « universités virtuelles » ou encore « universités numériques », ce second tome de Distances et Savoirs consacré en 2006 à ces thématiques, souhaite tout à la fois continuer à interroger les expériences internationales, creuser le phénomène de coexistence de trois grands types de réalisations plus ou moins présentes et interpénétrées dans les terrains étudiés et questionner les enjeux liés à ces programmes.

En effet, si la diversité des intentions politiques est clairement ressortie des analyses proposées dans le premier numéro, l’existence d’un ensemble « ressources, dispositifs, outils » aux agencements multiples1 a été confirmée au travers des réalités observées comme des entretiens et des témoignages proposés. La compréhension de ces agencements permettrait-elle de caractériser les projets ou faciliterait- t-elle simplement leur description ? Autrement dit, les campus numériques/

universités virtuelles structurés autour de la « production de ressources » seraient- ils fondamentalement différents dans leurs objectifs et leurs choix sociopolitiques des campus numériques/universités virtuelles centrés sur la « mise en œuvre de dispositifs de formation » ou la « production d’outils pour apprendre » (interfaces d’apprentissage, plates-formes, etc.) ?

Rappelons à propos du volet international que le tome 1 a été l’occasion d’explorer des temporalités moins strictement centrées sur les seules années 2000.

Sous cet angle, ces textes constituent des actes d’écriture qui répondent à l’amnésie si souvent reprochée à ce champ de recherche. Ainsi, quinze années d’actions dans le champ des TICE au sein du monde universitaire francophone ont été retracées par les administrateurs des programmes de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et une analyse des politiques norvégiennes a porté sur la même période mettant en évidence le passage de l’illusion techniciste au rêve de la « ressource pédagogique numérisée idéale ». La vie d’UKeU, l’université virtuelle britannique, ayant été plus courte (2000-2005), c’est un processus ramassé dans le temps et construit sur les mirages d’un marché juteux qui a été analysé.

Dans ce tome 2, l’éclairage fourni par l’expérience québécoise, à la fois « si lointaine » et « si proche », pour reprendre les propos de Patrick Guillemet, nous a semblé particulièrement pertinent pour amorcer la réflexion et mettre en perspective les expériences françaises. Dans cette chronique, Patrick Guillemet montre que le « campus virtuel québécois » prend la forme à partir de 1997, d’un projet de 1. Thibault F., « L’université et les TIC : ressources, dispositifs, outils, l’impossible système ? » in Thibault F. (eds), L’université numérique, Hermès-Lavoisier, Paris, à paraître en 2007.

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modernisation à forte composante technologique de la Télé-université du Québec (Téluq). Relativement éloignée de l’utopie du marché, cette initiative, soutenue par des pouvoirs publics assez peu prescriptifs, s’est essentiellement appuyée sur le centre de recherche de la Télé-université : le LICEF, laboratoire qui conçoit et expérimente des outils techniques propres à gérer la distance entre l’enseignant et l’étudiant, en privilégiant une pédagogie constructiviste.

Insistant sur les profondes réorganisations qu’exige l’usage de ces outils : réorganisation du travail nécessitant une diversification des acteurs impliqués (5 types ont été identifiés : apprenant, informateur, concepteur, formateur et gestionnaire), ré-ingénierie de l’édition sur la base d’activités de conception très complexes, diversification des modèles pédagogiques de référence, l’auteur montre comment l’écart entre les acteurs maîtrisant ces techniques et les acteurs moins technophiles n’a cessé de se creuser à la Télé-université au fil de la mise en œuvre du

« campus virtuel ». Cette situation s’est accompagnée d’un déficit de réflexion quant aux stratégies pédagogiques à développer et le foisonnement créatif du LICEF n’a pu, seul, générer suffisamment d’usages. Dix années après son lancement, l’opération pose question : si les progrès ont été sensibles en terme de services numériques proposés aux clients de la Téluq, l’auteur souligne la difficulté à tirer parti d’une technologie coûteuse et complexe pour modifier les modes d’enseignement.

Comment s’étonner alors, à une période où le budget de l’enseignement supérieur est devenu de plus en plus problématique, des décisions gouvernementales de rattachement de la Télé-université à l’université du Québec à Montréal (UQAM) pour créer une « université bimodale » ? Serait-il inconcevable pour la puissance publique de soutenir un enseignement à distance qui ne permet pas de réduire les coûts de la formation ?

Si l’analyse de l’évolution du « campus virtuel » québécois confirme les difficultés qui existent quand il s’agit d’établir un lien entre innovation technologique et innovation pédagogique, le travail d’Alain Chaptal consacré aux universités étasuniennes enfonce le clou puisqu’il y est question d’« innovation contrariée » et de « promesses non tenues de révolution pédagogique ». En 1996, même dans les textes les plus prudents, les universités virtuelles annonçaient la remise en cause du rôle multiforme de l’enseignant pour mieux servir l’étudiant-usager. Qu’observe-t- on en 2006 dans l’enseignement supérieur américain ? Ni le volet pédagogique ni le volet économique n’ont été fondamentalement bouleversés.

Les TIC sont devenues un « produit de base » dans les universités mais les étudiants semblent préférer que l’usage pédagogique en soit limité. Les organismes commerciaux, spécialement constitués pour l’enseignement en ligne, ont dû soit cesser leurs activités soit les revoir à la baisse. L’affaiblissement de ce qu’Alain Chaptal nomme « le syndrome d’Edison » ne signifie pas cependant la mort de l’enseignement en ligne. Il existe des réussites qui se mesurent notamment par le doublement de l’effectif des étudiants en formation à distance depuis 1995 et par l’augmentation du nombre des institutions qui offrent des cours de premier cycle en présentiel et en ligne (63 %).

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Un marché de la FOAD existe donc bel et bien aux Etats-Unis ou plus exactement divers marchés correspondant à des segments bien identifiés mais, contrairement aux prévisions, ils ne sont ni marqués par la stricte domination du secteur privé (ce sont les institutions publiques qui offrent le plus facilement des cours à distance) ni par l’émergence de nouvelles formes organisationnelles propres à générer de sérieux profits sur la base d’une industrialisation de l’ensemble du secteur.

C’est bien ce type de réflexion qui est au centre des travaux de l’équipe de recherche technologique en éducation (ERTe) « Modèles économiques et enjeux organisationnels des campus numériques » labellisée en 2003 par le ministère français en charge de la recherche. Pour discuter si « les trajectoires des expériences d’introduction du numérique dans l’enseignement supérieur débouchent (ou ont en perspective de déboucher) sur des modèles économiques, organisationnels, institutionnels, tenables dans la durée », des chercheurs de différents horizons, sous la responsabilité conjointe de deux animateurs2, ont observé le fonctionnement de plusieurs « campus numériques » créés à l’issue des trois appels d’offres lancés aux débuts des années 2000 par le ministère de l’Education nationale, de la recherche et de la technologie. Pour rendre compte de son travail dans Distances et Savoirs, ce groupe3 a décidé qu’il n’y aurait pas d’écriture au nom de l’ensemble des membres mais deux interventions, signées chacune par un auteur qui engage sa responsabilité quant au sujet qu’il décide de traiter et à l’analyse du matériau commun.

Le premier article, « Campus numériques français : des ambitions à l’épreuve des terrains », signé par Elisabeth Fichez, analyse les expériences par le prisme de deux enjeux forts de la politique publique ministérielle, d’une part l’évolution de l’acte culturel et social de formation et, d’autre part, la constitution de nouvelles entités partenariales. Selon le souhait de l’équipe, cet article cherche à mettre en valeur, notamment à travers des extraits des études, le caractère polyphonique du travail réalisé. En effet, le choix a été fait de rendre sensible dans l’écriture la récurrence et le foisonnement des réflexions théoriques, méthodologiques et pratiques4. Dans son texte, Elisabeth Fichez s’interroge sur la rupture ou la continuité de plusieurs 2. Il s’agit de P. Grevet, Professeur émérite à l’université de Lille 1 et de Y. Combès, Professeur à l’université Paris-Nord.

3. En voici la liste : Combès Y. et Moeglin P., CampuSciences ; Horn F. et Lamarche T., Umvf (Université Médicale Virtuelle Francophone) ; Fichez E. et Benchenna A., CampusCultura ; Deceuninck J., Forse (Formation et Ressources en Sciences de l’Education) ; Grevet P., Canège (Campus Numérique en économie et Gestion).

Deux études de cas ont été réalisées au Canada : Tremblay G. et Fauteux S., Dess en santé mentale de la Télé-université du Québec ; Bal A., l’Université Ryerson de Toronto (2005).

Il faut ajouter que le travail d’Alain Chaptal a également été réalisé dans ce cadre.

Ces études de cas sont accessibles sur le site de l’IFRéSI à Lille de :

www.ifresi.univ-lille1.fr/SITE/2_Recherche/22_Programmes/ERTe/ERTe.htm ou sur le site de la MSH Paris Nord à : http://erte.mshparisnord.org

4. Une douzaine de réunions se sont tenues à l’IFRESI-CNRS de Lille ou à la MSH Paris-Nord au cours des deux années principales d’investissement dans le projet de recherche auxquelles participaient par audio ou visioconférence les chercheurs québécois et canadiens.

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phénomènes observés. Par exemple, s’agissant de la place de l’enseignant au sein des activités, elle met l’accent sur la continuité des démarches professionnelles tout en notant une amorce de rupture liée au changement de statut du cours, nécessairement formalisé à l’avance, et aux activités de médiation dans la phase de diffusion des savoirs. Même si le programme « Campus numérique » apparaît moins empreint d’idéologie libérale qu’outre-Atlantique, il génère des contradictions que les terrains n’ont pas souvent été en mesure de résoudre notamment au niveau de la gestion des consortiums d’établissements. Les acteurs principaux des campus ont pourtant tenté de construire leur projet de manière pragmatique mais ils ont souvent éprouvé beaucoup de difficultés à s’imposer dans les universités. Les consortiums semblent aujourd’hui engagés dans des voies de décomposition/recomposition. Cependant alors que, comme au Québec, les TIC appliqués à l’enseignement à distance ne s’imposent pas si facilement, Elisabeth Fichez souligne l’accélération incontestable des processus d’hybridation entre les formations au sein des universités.

Sous le titre « Une contradiction structurante dans la numérisation de l’enseignement supérieur », Patrice Grevet choisit d’aborder la question selon un angle socio-économique. S’il constate lui aussi que la numérisation progresse de façon encore modeste dans les universités françaises, il émet l’hypothèse que la situation n’est pas stabilisée notamment en vertu d’un phénomène de polarisation sur la production d’une offre de ressources pédagogiques numérisées qui ne s’accompagne pas des usages attendus, décalage dont l’auteur fait une contradiction dans la mesure où « la polarisation ressources vise des usages larges de celles-ci et qu’elle constitue en même temps un obstacle à de tels usages ». Pour Patrice Grevet, cette véritable

« fascination » devant les potentialités de la duplication à coûts nuls des ressources numérisées conduit à sous-estimer gravement les obstacles socio-économiques que rencontrent à la fois les enseignants et les étudiants. Approfondissant sa réflexion sur la nature de l’offre, Patrice Grevet propose de distinguer quatre grands types d’offre selon qu’il s’agisse de ressources autonomes ou de dispositifs de formation, d’une simple mise en accès de ces ressources ou de productions audiovisuelles ou multimédias. D’un modèle à l’autre, il s’avère que le poids de cette « contradiction » varie très sensiblement.

L’article signé par Didier Paquelin, Jacques Audran, Hugues Choplin, Svitlana Hryshchuk et Stéphane Simonian expose les premiers résultats des travaux de la seconde ERTe consacrée aux campus numériques français. Non limités aux projets labellisés, au début des années 2000, par le ministère en charge de l’enseignement supérieur, les terrains retenus par ce groupe de chercheurs expriment de manière différenciée une même préoccupation, à savoir la reconfiguration des modes de production des biens et des services de l’enseignement supérieur. Si ce travail s’intéresse moins aux conditions socio-économiques qui prévalent dans le développement des campus numériques, il fait également état de fortes permanences qui accompagnent les outils et dispositifs les plus sophistiqués. Ainsi, par-delà l’hétérogénéité des projets, des démarches ou des postures, les auteurs constatent une même absence de changement de pratique pédagogique. Ils émettent l’hypothèse que l’absence de changement serait consécutive à des processus d’aterritorialité,

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consécutive à l’anomie territoriale. Surmonter cet obstacle nécessiterait pour eux de reconfigurer des territoires qui intègrent des références multiples, c’est-à-dire de construire ce que les auteurs nomment des « inter-mondes ». L’innovation serait alors rendue possible par l’existence d’espace-temps sociaux et d’objets qui sont les lieux d’évolution structurelle, redéfinissant à la fois les contraintes structurelles et les pouvoirs des acteurs.

Serait-ce un de ces nouveaux territoires que décrit Myriam Coco ? En effet, l’article qu’elle signe, très concrètement centré sur le « verrou » des pratiques enseignantes, présente une recherche expérimentale qui vise à mettre en évidence, au moyen de ce que l’auteur nomme « un enseignement virtuel », les représentations des futurs enseignants en vue de les faire évoluer. Construit à partir d’une approche socio-constructiviste, le dispositif techno-pédagogique fait émerger ces représentations à partir de jeux de rôle pensés pour inciter les étudiants à développer une approche réflexive. Les résultats sont parfois inattendus mais toujours riches en questionnement pour l’apprenti-enseignant. Comme l’avance l’auteur, l’acceptation de cette incertitude n’est-elle pas la condition pour que les futurs enseignants développent ensuite des pratiques professionnelles favorisant l’autonomie ?

Tous les chercheurs de ce numéro le confirment, l’innovation pédagogique dans l’enseignement supérieur, même introduite par des objets technologiques à la mode, est un processus complexe et difficile à mettre en œuvre. Les plus beaux outils informatiques peuvent être délaissés des enseignants, les ressources pédagogiques les plus sophistiquées peuvent susciter un faible intérêt et les étudiants sont parfois enclins à demander une introduction modérée des TIC dans la formation. L’ensemble

« ressources, dispositifs, outils » est loin d’être systématiquement agencé au bénéfice d’une évolution des pratiques et des structures.

L’entretien de Pierre Jarraud, tour à tour « producteur » – parmi d’autres – de l’Université en ligne, responsable du campus numérique CampuSciences, observateur attentif de la création de la future UNT pour les sciences fondamentales, ne le contredit pas. On constate, à travers ses propos, comment une centration sur la production de ressources peut rendre secondes les questions pédagogiques5. Même si ces dernières sont présentes derrière les débats sur la taille des grains à indexer ou les contextes d’usage projetés, elles n’y figurent qu’en mode mineur. Comment s’étonner alors que, comme le dit Pierre Jarraud, « on a été moins innovant que l’on avait envie dans la pédagogie » ?

Pourtant, comme dans les universités américaines, les TIC deviennent un

« produit de base » de l’université française. L’entretien avec Alain Mayeur, chef du projet d’environnement numérique de travail « E-sup », permet d’apprécier les évolutions des réseaux d’acteurs impliqués dans l’informatisation des universités.

Les quatre environnements numériques de travail soutenus par le ministère en 5. Voir Petit L., « Piloter une innovation : le politique aux risques des TIC », in Jacquinot G.

et Fichez E. (eds), Université et TICE : chronique d’une innovation annoncée, à paraître en 2007.

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2002, ont mis au premier plan les acteurs « informaticiens » qui, s’ils soutiennent ces « produits de base », cherchent aussi à introduire des outils plus complexes. Le

« système global d’information » est devenu le maître mot du développement des TIC. Nécessitant un pilotage et une organisation auxquels les établissements sont encore peu préparés, a-t-il plus d’avenir que l’innovation pédagogique ?

Du tome 1 au tome 2, d’un article à l’autre, se trouve confirmée l’extrême complexité des phénomènes sur lesquels nous nous sommes penchés. De toute évidence, « campus numériques » comme « universités virtuelles » n’ont, nulle part, révolutionné l’enseignement supérieur. Nous n’avons pas assisté à l’émergence de grands groupes industriels spécialisés dans la formation et suffisamment puissants qu’ils remettent en cause le service public de l’enseignement supérieur. Pourtant, autour de ces objets nouveaux, une réelle activité a été observée qui concerne tant la production de ressources, de dispositifs de formation que d’outils pour apprendre.

Même si leurs agencements sont généralement instables, leur existence montre que l’université n’est pas aussi « bloquée » que d’aucuns ne l’écrivent.

Laurent Petit Université Pierre et Marie Curie – Paris 6 laurent.petit@upmc.fr Françoise Thibault Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris francoise.thibault4@wanadoo.fr Turid Trebbi Université de Bergen Turid.Trebbi@roman.uib.no

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