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Factions et robes rouges : parlements et politique provinciale de Richelieu à la Fronde (1624-1654)

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Oct 2017

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Factions et robes rouges : parlements et politique

provinciale de Richelieu à la Fronde (1624-1654)

Mathieu Servanton

To cite this version:

Mathieu Servanton. Factions et robes rouges : parlements et politique provinciale de Richelieu à la Fronde (1624-1654). Histoire. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2017. Français. �NNT : 2017BOR30009�. �tel-01601589�

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Université Bordeaux Montaigne

École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480)

THÈSE DE DOCTORAT EN HISTOIRE MODERNE

Factions et robes rouges

Parlements et politique provinciale de

Richelieu à la Fronde (1624-1654)

Présentée et soutenue publiquement le 7 juin 2017 par

Mathieu SERVANTON

Sous la direction de Michel Figeac

Membres du jury

Gauthier Aubert, Maître de Conférences HDR, Université de Haute-Bretagne Laurent Bourquin, Professeur, Université du Maine

Olivier Chaline, Professeur, Université Paris-Sorbonne Laurent Coste, Professeur, Université Bordeaux Montaigne Michel Figeac, Professeur, Université Bordeaux Montaigne

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Université Bordeaux Montaigne

École Doctorale Montaigne Humanités (ED 480)

THÈSE DE DOCTORAT EN HISTOIRE MODERNE

Factions et robes rouges

Parlements et politique provinciale de

Richelieu à la Fronde (1624-1654)

Présentée et soutenue publiquement le 7 juin 2017 par

Mathieu SERVANTON

Sous la direction de Michel Figeac

Membres du jury

Gauthier Aubert, Maître de Conférences HDR, Université de Haute-Bretagne Laurent Bourquin, Professeur, Université du Maine

Olivier Chaline, Professeur, Université Paris-Sorbonne Laurent Coste, Professeur, Université Bordeaux Montaigne Michel Figeac, Professeur, Université Bordeaux Montaigne

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R

EMERCIEMENTS

En préambule à ce travail de recherche, nous voudrions exprimer notre reconnaissance la plus sincère à toutes celles et ceux qui ont pu contribuer à son aboutissement.

Notre profonde gratitude s’adresse tout d’abord à Monsieur Michel Figeac, qui a accepté de diriger cette thèse. Sa disponibilité et ses conseils avertis ont su aiguiller notre travail dans les méandres de la vie parlementaire. Nos échanges nous en ont appris tout autant sur ceux de la politique universitaire. Nous savons tous deux combien l’un et l’autre pouvaient parfois se mêler et se ressembler. Qu’il en soit pour cela ici chaleureusement remercié.

Nous tenons par ailleurs à exprimer notre respectueuse reconnaissance envers Messieurs Gauthier Aubert, Laurent Bourquin, Olivier Chaline, Laurent Coste et Madame Caroline Le Mao qui ont accepté de juger ce travail avec toute leur rigueur scientifique et leur connaissance approfondie de la politique au XVIIe siècle. Savoir que nos travaux passent entre leurs mains est

déjà en soi un privilège. Nous les remercions pour le temps qu’ils ont accepté d’accorder à cette lecture. Parmi eux, nous voudrions remercier tout particulièrement Madame Caroline Le Mao qui nous initia la première à l’univers des Pontac et des Pichon-Longueville. Nous avons conscience de tout ce que nous lui devons.

La réalisation de cette recherche n’aurait pu aboutir sans l’accueil qui nous a été fait au sein de l’École Doctorale Montaigne Humanité et de l’équipe d’enseignants et de chercheurs du Centre d’Étude des Mondes Moderne et Contemporain. Au sein de cette dernière, Pauline Valade et Guillaume Hanotin font partie sans comparaison possible de nos plus belles rencontres de nos années de jeune chercheur. Qu’ils reçoivent ici l’expression de notre amitié.

L’amitié a été par ailleurs un précieux recours lorsqu’il s’est agi de mener des recherches dans les multiples dépôts d’archives consultés, à Paris comme en province. Nous tenons ainsi à ce que Mesdemoiselles Ludivine Labernède, Camille Parra et Marie Fronty trouvent ici la preuve de notre amicale reconnaissance pour l’accueil chaleureux qu’elles nous ont accordé. L’humour et l’humanité de Messieurs Benjamin Fontan et Jean-Mathieu Laulom doivent aussi trouver ici une place particulière.

Pour finir, qui a réalisé un travail de recherche de ce type sait combien il est important d’avoir de solides soutiens sur lesquels s’appuyer. Nos parents ont toujours été là pour cela. Qu’ils reçoivent ici la preuve de notre très profonde affection. Enfin, un usage perdu était dans la noblesse des XVIe-XVIIe siècle, de conclure les lettres destinées à celle qui comptait plus que tout

par un symbole spécifique. L’Histoire consiste parfois à faire revivre un peu du passé. Alors, pour Mademoiselle Alexia Roy, qui nous a soutenus toutes ces années :

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L

ISTES DES ABREVIATIONS

Archives nationales : A.N.

Archives des Affaires étrangères, Mémoires et Documents : A.A.E., M.D. Bibliothèque nationale de France : B.n.F.

Archives du musée Condé : A.C.

Archives départementales de Haute-Garonne : A.D.H.-G. Archives municipales de Toulouse : A.M.T.

Archives départementales de la Gironde : A.D.G. Archives municipales de Bordeaux : A.M.Bx. Bibliothèque municipale de Bordeaux : B.M.Bx.

Archives départementales des Bouches-du-Rhône : A.D.B.R. Archives municipales d’Aix-en-Provence : A.M.A.

Bibliothèque Méjanes : B. Méjanes

Bibliothèque Inguimbertine : B. Inguimbertine

Archives historiques du département de la Gironde : Arch. hist. Gironde Inventaire sommaire des Registres de la Jurade : Inventaire sommaire

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I

NTRODUCTION

A

PPROFONDIR

«

UNE TRES GROSSE QUESTION

»

« Nous n’avons pas l’intention d’approfondir ici la question des parlements provinciaux avant la Fronde, c’est en soi une très grosse question1 ». L’historien soviétique Boris Porchnev, au

mitan du XXe siècle, dans son étude consacrée aux émeutes en France de la première moitié du

XVIIe siècle renonçait ainsi à s’engager sur un territoire de recherche qui lui semblait alors trop

complexe et qui nécessitait des investigations qui dépassaient sont seul champ d’études. Un projet qui n’avait toujours pas été mené à bien, plus d’un demi-siècle de recherche historique plus tard. Restaient ainsi « une très grosse question » à approfondir, tout un dossier à défricher.

Les parlements au temps de Richelieu étaient au nombre de dix : Paris au centre – le plus ancien et au ressort le plus vaste – suivi dans la partie nord du royaume par Rouen, Rennes et Dijon et au sud par Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Aix. À Pau et Metz, deux nouvelles compagnies furent établies durant le règne de Louis XIII. Si la remarque de Porchnev est restée longtemps d’actualité, c’est en effet, parce que les historiens qui se sont penchés sur l’histoire parlementaire au XVIIe siècle se sont bien davantage interrogés sur la crise politique de la Fronde

et ses conséquences en terme de remise au pas, qu’ils n’ont cherché à remonter le cours de l’événement. Les travaux de 1971 d’Alanson Lloyd Moote sur le parlement de Paris durant la Fronde ont été les premiers à inviter les historiens contemporains à redécouvrir la mobilisation et le rôle politique de ses magistrats. Cependant, Moote ne consacrait qu’un chapitre introductif à la politique gouvernementale sous Louis XIII vis-à-vis des officiers du parlement de Paris. Il reconnaissait lui aussi qu’aucune étude n’avait été réalisée des déclinaisons provinciales de son objet, ces frondes parlementaires multiples dont les dynamiques demeuraient obscures2. L’œuvre

séminale d’Alanson Lloyd Moote traçait ainsi deux directions de recherches – qui pouvaient être aussi perçues comme des carcans : la place du parlement de Paris dans l’État royal au XVIIe siècle

et la compréhension du règne de Louis XIV – reléguant au second plan les parlements provinciaux et les premières années du Grand Siècle. L’œuvre d’Alanson Lloyd Moote inspira un autre historien anglo-saxon, Albert N. Hamscher. Celui-ci chercha ainsi à poursuivre et à développer les questionnements soulevés par son prédécesseur. Albert N. Hamscher publia ainsi en 1976 une étude consacrée au parlement de Paris après la Fronde, traitant des années 1653-16733. Avec ces deux ouvrages clés des années 1970, les débats historiographiques portant sur

l’attitude des magistrats des parlements se sont donc davantage penchés sur les années

1 Boris Porchnev, Les soulèvements populaires en France au XVIIe siècle, Paris, 1963, rééd. Champ Flammarion, 1978,

p. 304.

2 Alanson Lloyd Moote, The Revolt of the Judges. The Parlement of Paris and the Fronde (1643-1652), Princeton, Princeton University Press, 1971, p. 36-53 et 158.

3 Albert N. Hamscher, The Parlement of Paris After the Fronde (1653-1673), Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1976.

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Louis XIV. Au cœur de leurs interrogations, la réussite du système louis-quatorzien à se faire obéir par des compagnies – le parlement de Paris au premier chef – qui avaient été des éléments moteurs de la crise politique durant sa minorité.

Ces travaux se sont de cette manière inscrits dans les débats qui agitèrent les spécialistes du règne de Louis XIV au sujet de l’assujettissement des élites – et des compagnies souveraines – entre contrainte et adhésion à la politique royale – qualifiée alors par les historiens d’absolutiste4.

Les travaux de 1985 de William Beik sur le Languedoc et de James B. Collins de 1994 sur la Bretagne – dessinant les contours d’une collaboration entre le gouvernement de Louis XIV et les élites provinciales – furent ainsi reçus comme des références dans ce débat5. Albert N. Hamscher,

en 1987, s’employa à intervenir dans ces discussions, rédigeant un volumineux essai où il étendait ses observations du parlement de Paris aux parlements de province sous Louis XIV, décloisonnant ainsi en partie la recherche du point de vue géographique. Il y concluait que l’abandon par les compagnies souveraines de leur rôle politique avait été accepté en échange d’une confirmation et d’une garantie offerte par le régime de leur rôle judiciaire, ainsi que d’un renforcement de leur domination sociale et économique6. Des conclusions qui furent confirmées

en 2005 par les travaux de Caroline Le Mao sur les magistrats bordelais durant le règne de Louis XIV, évoquant un « processus de compensation » entre assujettissement politique et maintien de la position sociale7. Cependant, l’historien John J. Hurt fut l’un des rares à prendre le

contrepied de ce qui commençait alors à être perçu comme une orthodoxie, faisant un parallèle systémique en 2002 entre l’abaissement politique des parlements et l’exploitation fiscale et financière à laquelle auraient été soumis les magistrats par le gouvernement de Louis XIV à partir des années 16708. Encore plus récemment, en 2009, Darryl Dee – au travers du cas franc-comtois

– chercha à établir un compromis entre des positions qui pouvaient être perçues comme

4 Sur ce débat et les avancées historiographiques auxquelles il donna lieu : Joël Cornette, « Le nouveau siècle de Louis XIV », HES, octobre-décembre 2000, p. 607-620 et surtout William Beik, « The absolutism of Louis XIV as social collaboration », Past and Present, n° 188, 2005, p. 195-224. L’ouvrage d’Olivier Chaline consacré à Louis XIV en reprend les conclusions majeures : Olivier Chaline, Le règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005.

5 William Beik, Absolutism and Society in Seventeenth-century France. State Power and Provincial Aristocracy in Languedoc, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 et James B. Collins, Classes, Estates and Order in Early Modern Brittany, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, traduit dans James B. Collins, La Bretagne dans l’État royal. Classes

sociales, États provinciaux et ordre public de l’Édit d’Union à la révolte des Bonnets rouges, Rennes, P.U.R., 2006.

6 Albert N. Hamscher, « The Conseil Privé and the Parlements in the Age of Louis XIV : A Study in French Absolutism », Transactions of the American Philosophical Society, New Series, vol. 77, n° 22, 1987.

7 Caroline Le Mao, D’une régence à l’autre : le parlement de Bordeaux et ses magistrats au temps de Louis XIV (1643-1723), Université Michel de Montaigne-Bordeaux III, Thèse de doctorat, t. I, dir. Michel Figeac, 2005, p. 25. Cette thèse a été publiée : Caroline Le Mao, Parlement et parlementaires. Bordeaux au Grand siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. Époques, 2007. Cependant, cette belle expression n’a alors pas été reprise dans la version publiée.

8 John J. Hurt, Louis XIV and the parlements. The assertion of royal authority, Manchester, Manchester University Press, 2002. Hurt avait déjà développé cette conception prédatrice de l’absolutisme louis-quatorzien dans des articles consacrés au seul parlement de Bretagne : John J. Hurt, « La politique du parlement de Bretagne (1661-1675) »,

Annales de Bretagne, t. 81, n° 1, 1974, p. 105-130 et « Les offices au parlement de Bretagne sous le règne de Louis

XIV : aspects financiers », RHMC, t. XXIII, janvier-mars 1976, p. 3-28, puis dans un article plus général : John J. Hurt, « Louis XIV et le déclin politique des parlements, 1661-1673 », dans Martine Acerra, Jean-Pierre Poussou, Michel Vergé-Franceschi et André Zysberg (dir.), État, marine et société. Hommage à Jean Meyer, Paris, PUPS, 1996, p. 229-237.

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irréconciliables, en montrant que la politique louis-quatorzienne pouvait se révéler extrêmement rémunératrice en terme de finance et d’honneur pour quelques-uns de ses partisans au sein des parlements, tout en apparaissant structurellement et globalement défavorable aux compagnies9.

De la sorte, au travers de ces travaux et débats, le second XVIIe siècle et le système

louis-quatorzien apparaissent comme très discutés, si ce n’est très bien connus10. Cependant, comme

l’avait déjà noté en 1986 Christian Jouhaud au sujet des travaux de William Beik, les recherches fouillées et les plus stimulantes sur les années Louis XIV ne nous disent finalement bien peu de choses sur les tensions et les contestations des années cardinales qui les ont précédées11.

Aussi, notre projet se donnait pour objectif d’entreprendre une étude des parlements provinciaux avant la Fronde. Envisagée dans un premier temps bornée dans le cadre du seul règne de Louis XIII, nous avons été rapidement amenés à en modifier l’étendue chronologique. En effet, la lecture des archives nous a fait rapidement percevoir les continuités en terme de personnel – au sein du gouvernement et dans les parlements – et de pratiques politiques au-delà de la rupture que pouvait représenter la seule mort du roi. Aussi, nous avons tout d’abord fait le choix d’organiser nos investigations autour du ministériat de Richelieu. Le point de départ de 1624 peut ainsi se révéler a priori artificiel du point de vue des parlements provinciaux, n’introduisant pas immédiatement de rupture franche dans les pratiques gouvernementales. Cependant, l’accès de Richelieu au pouvoir de gouvernement – entériné définitivement au second semestre 1630 avec la journée des Dupes – accompagné du choix de la guerre et d’une réorganisation des équipes gouvernementales autour de ses créatures12, donna une unité politique

qu’il s’est agi pour nous d’analyser. Le point de départ de nos recherches a donc porté sur la politique gouvernementale conduite par Richelieu et ses hommes au nom de Louis XIII vis-à-vis des parlements provinciaux. Cet angle d’approche nous a par la suite rapidement conduits à envisager de mener notre enquête jusqu’à la Fronde, comprise – nous pensons l’avoir prouvé – comme une conséquence des politiques du ministériat de Richelieu. Il nous semblait ainsi que la période courant de 1624 à 1654 – année du rétablissement d’un parlement à Bordeaux après la

9 Darryl Dee, Expansion and Crisis in Louis XIV’s France. Franche-Comté and Absolute Monarchy, 1674-1715, Rochester, University of Rochester Press, 2009. La question parlementaire était en particulier traitée dans Darryl Dee, « Judicial Politics, War Finance and Absolutism : The Parlement of Besançon and Venality of Office, 1699-1705 », French

History, n° 19, décembre 2005, p. 440-462.

10 Pour un état de l’art dynamique, on consultera avec profit : Gauthier Aubert, « Introduction » et Olivier Chaline, « Conclusions. Une chronologie à reconsidérer », dans Gauthier Aubert et Olivier Chaline (dir.), Les Parlements de

Louis XIV. Opposition, coopération, autonomisation, Rennes, P.U.R., 2010, p. 7-15 et 305-310.

11 Voir l’analyse critique de Christian Jouhaud, dans les Annales, E.S.C., 1986, vol. 41, n° 5, p. 1067-1069. Ont par ailleurs beaucoup compté pour nous les échanges que nous avons pu avoir avec Caroline Le Mao pour percevoir combien se distinguaient les comportements et les logiques politiques sous Louis XIV et durant les années cardinales.

12 Sur la personnalité et la politique de Richelieu, on consultera Roland Mousnier, L’homme rouge. Vie du cardinal de

Richelieu, Paris, Robert Lafont, coll. Bouquin, 1992 et Françoise Hildesheimer, Richelieu, Paris, Flammarion, 2004. Sur

son entourage ministériel : Orest Ranum, Les créatures de Richelieu, Paris, Pédone, 1966 et Françoise Hildesheimer, « Richelieu et Séguier ou l’invention d’une créature » dans Bernard Barbiche et Yves-Marie Bercé (dir.), Études sur

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Fronde – constituait un cadre chronologique cohérent, permettant d’analyser la politique gouvernementale vis-à-vis des parlements de province, ainsi que leurs réactions.

Notre projet a par ailleurs été dans un premier temps de nous essayer à une histoire croisée des parlements provinciaux. Nous avons en effet écarté de notre corpus le parlement de Paris dont la proximité géographique avec le gouvernement et la cour lui conférait une spécificité quant aux activités politiques et à la gestion gouvernementale13. Par ailleurs, nous n’avons pas voulu

mener une étude comparable à celle de John J. Hurt consacrée à Louis XIV et l’ensemble des parlements14. En effet, il nous est rapidement apparu au travers des archives que ce type de travail

– bien que tout à fait légitime et d’une extrême rigueur méthodologique – n’envisageait les problèmes que par une seule face et laissait dans l’ombre une large part des dynamiques politiques. En effet, en partant uniquement de la politique royale vue depuis le roi et ses ministres, son ouvrage occulte l’ensemble des configurations locales qui expliquent en partie sa réception et parfois sa contestation. Aussi, il a été pour nous essentiel de s’attacher à reconstruire l’ensemble des situations politiques provinciales. C’est pourquoi, il nous a semblé impossible de traiter de l’ensemble des parlements provinciaux durant les années cardinales. Trois compagnies ont donc été retenues, les parlements de Toulouse, Bordeaux et Aix. Ces deux derniers se sont illustrés particulièrement durant la Fronde, tandis que le premier avait une réputation historiographique de compagnie obéissante. Ces trois parlements méridionaux ont donc constitué le cœur de notre étude, dans une perspective de départ comparatiste.

Notre étude a donc nécessité la reconstruction fine de la vie politique provinciale. Cette obligation provient du fait que les parlements en tant qu’institution n’ont finalement pas été notre objet de recherche. Davantage, il s’est agi pour nous d’étudier la politique parlementaire. Or, la consultation des sources nous a très vite fait apparaître que si nous voulions comprendre les comportements politiques des magistrats, il était nécessaire pour nous de changer d’échelle pour saisir au mieux – cela n’a pas toujours été possible – les actions des groupes de magistrats au sein des parlements. Notre objet a donc été moins les parlements que ce que nous pourrions appeler leur « structure en factions15 ».

13 Signalons par ailleurs les travaux de Lauriane Kadlec sur le parlement de Paris : Lauriane Kadlec, Quand le Parlement

de Paris s’oppose à l’autorité royale. L’affaire de la chambre de justice de l’Arsenal (14 juin 1631- mars 1632), Paris, Honoré

Champion, 2007. Celle-ci a soutenu en 2015 une thèse consacrée à l’enregistrement de la législation royale au parlement de Paris sous Louis XIII : Le droit d'enregistrement et le parlement de Paris sous Louis XIII : une étude d'Histoire du

Droit public (1614-18 mai 1643). Joël Cornette a lui aussi en partie traité de la vie parlementaire à Paris sous

Louis XIII, dans La mélancolie du pouvoir. Omer Talon et le procès de la raison d’État, Paris, Fayard, 1998. De plus, il est remarquable de constater que l’article rédigé par Christophe Blanquie au sujet du Parlement, dans un très récent dictionnaire Richelieu, ne traite que du parlement de Paris, laissant de côté les problématiques liées aux compagnies provinciales (Christophe Blanquie, « Parlement », dans Françoise Hildesheimer et Dénes Harai (dir.), Dictionnaire

Richelieu, Paris, Honoré Champion, 2015, p. 284).

14 John J. Hurt, Louis XIV and the parlements, op. cit.

15 Nous reprenons ici l’expression utilisée par Jean-Frédéric Schaub dans L’île aux mariés. Les Açores entre deux empires

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L’analyse de la politique parlementaire en terme de factionnalisme est très peu développée. Pourtant, d’autres lieux de pouvoir de l’Ancien Régime ont été étudiés par les historiens au travers de ce prisme. C’est en relisant Saint-Simon qu’Emmanuel Le Roy Ladurie organisa en 1976 son analyse du « système de la Cour » à la fin du règne de Louis XIV autour des « "cabales", autrement dit les factions de la Cour16 ». Emmanuel Le Roy Ladurie, en reconstruisant les

coalitions qui gravitaient autour de Madame de Maintenon, de Monseigneur le Dauphin et du duc de Bourgogne, donne pour définition à la faction :

« Une construction provisoire, quoique pouvant durer jusqu’à deux décennies et au-delà, qui vise, dans les milieux courtisans et dans les sommets de l’État, à obtenir divers avantages tels que pouvoir, prestige, argent, nominations à des postes dans le haut clergé ou dans les commandements de l’armée, progrès d’Untel ou Untel dans les rangs ducaux, princiers, etc. ».

Cette « histoire-cabales17» visait ainsi à cartographier les coalitions plus ou moins éphémères

d’individus qui s’associent pour la captation du pouvoir. Cette cartographie prenait en compte ce qui liait les individus entre eux. Ces liens peuvent être biologiques. Des parents plus ou moins éloignés se soutiennent les uns les autres. Affectifs aussi, les amis se promettent assistance. Les attaches peuvent être aussi des rapports de subordination : les liens de clientèles obligent parfois plus que ceux du sang. Les liens peuvent être enfin institutionnels. Mais la description des factions ne devait pas s’en tenir uniquement à ce qui rapprochait les individus. Emmanuel Le Roy Ladurie insistait aussi sur les « contre-liens », ceux qui divisent, qui opposent les personnes. Les brouilles, qui sont aussi parfois intrafamiliales, pouvant faire basculer tout un jeu d’alliance. Jean-Marie Constant s’était lui aussi penché sur la question de ce qu’il appelait des « clans politiques », en particulier dans un article qu’il consacre à la cabale des Importants18. Il y évoquait la

reconfiguration des alliances politiques au sein de la haute noblesse au lendemain de la mort de Louis XIII. S’opposent ainsi à la Cour les anciens soutiens de Richelieu, réunis derrière Mazarin et le prince de Condé, et ses anciens opposants fédérés derrière le duc de Beaufort, alors que Gaston d’Orléans se rallie au camp de la reine. Il décrit ainsi ces « clans politiques » comme des « petits groupes d’hommes et de femmes, liés à un personnage puissant ou amicalement rassemblés autour de quelques idées et ambitions collectives19 ». Si Jean-Marie Constant précisait

que ces clans ne se fondent pas sur une appartenance familiale ou lignagère, au contraire il

16 En particulier, Emmanuel Le Roy Ladurie, « Système de la cour (Versailles vers 1709) », L’Arc, n°65, 1976, p. 21-35 ; voir aussi id., Territoire de l’historien, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des idées », vol. II, 1978, p. 275-299 et id., « Auprès du roi, la Cour », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 38e année, n°1, 1983, p. 21-41.

17 Emmanuel Le Roy Ladurie, « Système de la cour… », op. cit., p. 31.

18 Jean-Marie Constant, « Langue de bois et lutte de pouvoir : la cabale des Importants de 1643 », dans Pouvoirs,

contestations et comportements dans l’Europe moderne. Mélanges offerts à Yves-Marie Bercé, Paris, P.U.P.S., 2005, p. 631-644.

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soulignait l’importance dans leur constitution des liens affectifs, de l’amitié en particulier20. Il

évoque ainsi un « système de "partis d’amis" » comme « forme primitive de la vie politique21 ».

Néanmoins, ces deux auteurs ne s’intéressaient essentiellement qu’aux factions qui s’affrontaient à la Cour, ou du moins dans l’entourage immédiat de la haute noblesse. Une tout autre approche fut celle de Monique Cubells dans les derniers articles qu’elle consacrait aux factions provençales au milieu du XVIIe siècle22. Pour elle, l’espace des factions est urbain et ses

acteurs des groupes nobiliaires qui s’entredéchirent pour la captation d’un chaperon. Ces factions sont « des rassemblements informels, peu nombreux, deux ou trois suivant les moments, regroupant autour d’un chef, toujours de grande famille, un nombre variable, mais pouvant être assez élevé, d’individus ». Nommées factions ou partis, ces coalitions politiques ont pour enjeux des questions de pouvoir, de prestige et d’honneur, trois notions inséparables dans l’identité nobiliaire. Les modalités de leur recrutement sont multiples. La solidarité familiale y est essentielle. Se côtoient dans une même faction pères et fils, oncles et neveux, beaux-frères, cousins. Mais la complexité des relations de parenté dans ces oligarchies étroites conduit aussi à l’existence de liens familiaux entre gens de factions rivales. Monique Cubells insistait par ailleurs sur l’importance des clientèles dans les mobilisations des factions. Le recours au patronage permettant de s’assurer une troupe prête à soutenir ses ambitions politiques. C’est particulièrement le cas dans les factions qui se réclament d’un gouverneur provincial, capable de récompenser ses adhérents par des charges militaires. Enfin, Monique Cubells ne négligeait pas l’importance des affects pour expliquer la composition des factions. Les haines entre individus pouvant expliquer bien des classements. « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Pareillement, les ambitions personnelles peuvent motiver des alliances ou au contraire des antagonismes. Par ailleurs, Monique Cubells soulignait que si pour ces factions les enjeux sont essentiellement locaux, leur emprise ne se limite pas aux seuls espaces urbains où elles s’affrontent. Ainsi, elles peuvent être liées sans pour autant en être totalement dépendantes – elles peuvent se perpétuer sans elles – à quelques grandes figures à la Cour, princes du sang, ministres, secrétaires d’État. Les factions entretiennent ainsi de « véritables groupes de pression à la Cour », mobilisables par exemple pour l’obtention d’un arrêt du Conseil favorable, venant entériner et

20 Jean-Marie Constant, « L’amitié : le moteur de la mobilisation politique dans la noblesse de la première moitié du XVIIe siècle », dans Jean-Marie Constant, La noblesse en liberté, op. cit., p. 175.

21 Jean-Marie Constant, « Les partis nobiliaires et le développement de l’État moderne : le rôle de la noblesse seconde », dans Jean-Philippe Genet (éd.), Genèse de l’État moderne. Bilans et perspectives, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 183.

22 Monique Cubells, « Les pratiques politiques à Marseille au milieu du XVIIe siècle » dans Wolfgang Kaiser et Olivier Rouchon (dir.), « Les usages politiques des conflits urbains (France méridionale-Italie, XVe-XIXe siècles) », numéro de Provence historique, tome L, fascicule 202, octobre-novembre-décembre 2000, p. 413-426 et « Les conflits nobiliaires à Arles au milieu du XVIIe siècle », dans Monique Cubells, La noblesse provençale du milieu du XVIIe siècle à la Révolution, Aix-en-Provence, P.U.P., 2002, p. 85-100. La Provence est un espace d’investigation particulièrement

propice aux enquêtes sur les factions urbaines, comme l’illustre Wolgang Kaiser, Marseille au temps des troubles,

1559-1596 : morphologie sociale et lutte des factions, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992 et René Pillorget, « Luttes de factions et

intérêts économiques à Marseille, de 1598 à 1618 », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 27e année, n°3, 1972, p. 705-730.

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consolider un rapport de force avantageux sur le terrain. Enfin, elle soulignait l’instabilité de ces factions, en raison de jeux d’alliances toujours susceptibles d’être recomposés. Elle démontrait de cette manière qu’elles sont bien souvent les lieux où réside le vrai pouvoir. En étudiant les modes de protestation dans les villes du XVIIe siècle, William Beik s’était de la même manière intéressé

en 1987 aux factions urbaines et en proposait une autre approche. Il définissait les luttes de factions comme des « rivalités locales pour le pouvoir » dont l’autorité est le seul enjeu. Ce sont des affrontements « durant lesquels les meneurs ou les porte-paroles de la faction et de ses intérêts, réunissent leurs partisans afin d’affirmer leur importance face à leurs rivaux23 ».

Analysant ces conflits durant la minorité de Louis XIV, il remarquait qu’ils se trouvent encouragés par l’atmosphère politique de cette période. Celle-ci est alors caractérisée par une multiplication des rivalités entre les autorités provinciales. Il s’intéressait ainsi moins aux modalités de recrutement au sein des factions, à la manière de Monique Cubells, mais cherchait à expliquer le contexte de production du factionnalisme.

Si les factions ont donc attiré l’attention des historiens, il faut reconnaître qu’elles ont été essentiellement cantonnées aux études consacrées à l’univers curial ou aux conflictualités de la noblesse urbaine24. Les études consacrées aux parlements ont quant à elles relativement peu traité

des factions qui agitent les magistrats, cantonnant le débat à une opposition entre les compagnies et le gouvernement. Pourtant, certains comme Olivier Chaline invitaient en 2006 les historiens à reconsidérer l’action politique au sein des parlements. Il définissait celle-ci comme des « manœuvres pour l’obtention de telle ou telle place, de liens avec les factions à la Cour et de la défense de la juridiction du parlement », manœuvres organisées par « de petits groupes de magistrats ». Ceux-ci, « poussés par la conviction religieuse et l’esprit de faction », auraient été « capables de manipuler habilement en vue de leurs propres objectifs les préoccupations de la majorité de leurs collègues25 ». Il soulignait ainsi la nécessité de prendre davantage en

considération les « relations interpersonnelles » entre les magistrats26. De même, Christian

23 William Beik, « Urban Factions and the Social Order during the Minority of Louis XIV », French Historical Studies, vol. 15, n°1, 1987, p. 36-67 et Urban protest in seventeenth-century France : the culture of retribution, Cambridge, C.U.P., 1997, p. 173-198.

24 Sur les factions à la Cour au XVIe siècle, voir l’analyse de Nicolas Le Roux, La faveur du roi. Mignons et courtisans au

temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, 2001, pp. 364-416. Sur les factions à la cour de Louis XIV, Robert

Mettan, Power and Faction in Louis XIV’s France, Oxford, Blackwell, 1988 et à la cour de Louis XV, Peter R. Campbell,

Power and Politics in Old Regime France, 1720-1745, Londres, Routledge, 1996, p. 156-176. Le dynamisme des études

politique des sociétés d’Ancien Régime au travers du factionnalisme apparaît par la publication de recueil comme Rubén González Cuerva et Valentina Caldari (dir.), The secret mechanisms of courts : factions in early modern Europe, dans la

Revista Librosdelascortes.es, n° 2, année 7, 2015.

25 Olivier Chaline, « Les infortunes de la fidélité. Les partisans du pouvoir royal dans les parlements au XVIIIe siècle », Histoire, économie & société, 2006/3 25e année, p. 336, n. 2. Il convient néanmoins d’interroger son propos qui restreint au seul XVIIIe siècle « l’existence de [ces] petits groupes de magistrats ». Il est plus vraisemblable que ces modes d’actions ont été une constante de la vie politique au sein des cours souveraines, seuls se modifiant et évoluant objectifs et convictions.

26 Olivier Chaline, « Le rôle politique du Parlement », dans Nicolas Plantrou (éd.), Du Parlement de Normandie à la Cour

d'appel de Rouen, 1499-1999 : Ve centenaire du Parlement de Normandie, Rouen, Association du Parlement de Normandie,

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Jouhaud dès 1981 avait pu noter qu’à Bordeaux « à l’intérieur même du Parlement des groupes rivaux s’affrontent implacablement » au XVIIe siècle. Les clivages y auraient été multiples, mêlant

indistinctement les rivalités pour des charges prestigieuses et rémunératrices, les luttes symboliques matérialisées par les conflits de préséance ou encore les antagonismes entre clientèles. Jouhaud invitait ainsi à cartographier les camps27. Au contact des sources, notre projet

s’est donc transformé dans une tentative de produire une « histoire-cabales » des parlements méridionaux de Richelieu à la Fronde, dont l’objet serait le factionnalisme comme mode premier de l’action politique parlementaire. Ces factions seraient des coalitions temporaires, nébuleuses de magistrats ou de familles de magistrats, dont on peut distinguer un noyau dur d’adhérents fortement impliqués dans les confrontations et des marges plus ou moins actives en fonction des enjeux et des recompositions d’alliances28. Le factionnalisme peut se comprendre alors comme un

processus politique se caractérisant par les interactions et les affrontements entre ces factions29.

Le choix du factionnalisme comme objet d’étude a été par ailleurs pour nous le seul moyen de mener à bien un projet d’histoire croisée des parlements méridionaux de Richelieu à la Fronde. En effet, nous nous étions donnés à l’origine pour objectif d’élaborer une histoire comparée ou comparative de ces trois compagnies. Or, à la lecture des sources, il nous est rapidement apparu que l’importance des circonstances locales rendrait toujours très difficile des comparaisons terme à terme si nous voulions prendre en considération et expliquer les comportements des acteurs de la politique provinciale. Chaque situation apparaissait souvent comme une configuration unique et complexe, devant être prise en compte d’abord pour elle-même et dans son contexte. Une entreprise d’histoire comparée visant à établir des modèles et des typologies apparaissait ainsi un peu vaine et sans fin, n’étant voués qu’à être déconstruits ou remis en cause face à une autre configuration. L’approche en terme de factionnalisme permettait au contraire de croiser les situations sans chercher à les confronter pour y distinguer à tout prix – même à faire usage de la grande hache de l’Histoire – ressemblance et divergence. Cet angle permet ainsi d’analyser parallèlement les configurations toulousaine, bordelaise et aixoise tout en conservant à chacune leur singularité. L’historienne Sharon Kettering, en 1978, avait déjà mené une étude fine de la politique au parlement d’Aix de 1629 à 165930. Mais, comme avait pu le souligner Orest Ranum

en 1995, la situation provençale ne pouvait être considérée comme un « modèle typique31 ». En

27 Christian Jouhaud, « Le Conseil du roi, Bordeaux et les bordelais (1579-1610, 1630-1680) », Annales du Midi, 1981, p. 383, n. 14.

28 Cette définition est inspirée de celles données par Ralph W. Nicholas, « Factions : a Comparative Analysis », dans Michael Banton, Political Systems and the Distribution of Power, London, Tavistock Publications Limited, 1969, p. 27-29 et Jeremy Boissevain, Friends of Friends. Networks, Manipulators and Coalitions, Basil Blackwell, 1974, p. 192-200.

29 Marilyn Silverman et Richard F. Salisbury, « An Introduction: Factions and the Dialectic », dans Marilyn Silverman et Richard F. Salisbury (éd.), A House Divided? Anthropological Studies of Factionalism, Toronto, Memorial University of Newfoundland, 1977, p. 6.

30 Sharon Kettering, Judicial politics and urban revolt in seventeenth-century France. The Parlement of Aix, 1629-1659, Princeton, Princeton University Press, 1978.

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reprenant le dossier aixois et en analysant les situations à Toulouse et Bordeaux durant les années cardinales, nous n’avons pas cherché à établir des modèles, mais à croiser des situations afin d’éclairer au plus près les dynamiques des factions. Contrairement aux travaux de John J. Hurt, nous avons cherché à prendre en considération l’ensemble du contexte politique, à la fois la politique gouvernementale décidée par le roi et ses ministres, mais aussi les configurations politiques en province déterminées par le jeu des factions parlementaires. Il pourra nous être reproché de ne pas chercher à dégager suffisamment – ou en tout cas systématiquement – des éléments de comparaison entre ces trois parlements méridionaux à l’âge du ministériat. Mais ceci est le produit de notre objet, le factionnalisme, mouvant et conjoncturel.

Afin de mener ce projet à bien, il fallait adapter notre méthode. L’approche micro-historique proposée en 2012 par Peter R. Campbell nous a semblé la plus pertinente32. Selon lui, il était

nécessaire d’adopter dans l’analyse des crises parlementaires une technique consistant « à recréer, de la manière la plus détaillée possible, les événements jour après jour, voire heure après heure, afin de répondre aux questions posées à la lumière d’une problématique ». Campbell invitait ainsi à identifier « les groupes qui ont influencé les mesures prises par l’institution et leur manière d’agir ». Notre « histoire-cabales » se formule donc comme une histoire événementielle. En effet, il nous a semblé que nous donner les factions comme objet nous obligeait à recourir à ce type d’histoire, tant elles demandaient une contextualisation fine, seule capable d’en expliquer les dynamiques. Durant la trentaine d’années qui a fait l’objet de nos investigations, les factions ont été continuellement en mouvement, en recomposition et ceci dans les trois parlements étudiés. L’étude du factionnalisme nécessite ainsi une reconstitution pointue afin de ne pas caricaturer les prises de position. Ce recours – et retour – à l’histoire événementielle semble s’inscrire dans une dynamique plus globale chez les historiens comme a pu le montrer Gauthier Aubert, une histoire « qui prend en compte la fragilité de ce que nous pouvons savoir et reste centrée sur les hommes-acteurs33 ». Cependant, cette méthode ne se veut pas un effet de mode. Il s’agit, selon nous, du

seul moyen de saisir un objet continuellement fuyant. L’étude du factionnalisme impose cette démarche. Elle se traduit dans son écriture par ce que Peter R. Campbell a formulé avec précision : « une narration analytique34 ». En laissant la place au récit, mais un récit qui permet de

reconstruire les facteurs de mobilisation et les actions des factions, nous avons essayé de rendre intelligible des dynamiques politiques qui jusqu’ici nous paraissent délaissées au profit de grands schémas interprétatifs qui souvent tordent la réalité du terrain d’analyse, ainsi que les sources qu’il a produit et doivent servir à sa reconstruction. On pourrait ainsi nous reprocher de verser parfois

32 Peter R. Campbell, « Crises " politiques " et parlements : pour une micro-histoire des crises parlementaires au XVIIIe siècle », dans H.E.S., n° 1, mars 2012, p. 69-91.

33 Gauthier Aubert, Les Révoltes du papier timbré (1675). Essai d’histoire événementielle, Rennes, P.U.R., 2014, p. 24. Autre exemple d’histoire événementielle qui a pu nous inspirer : Reynald Abad, « Une première Fronde au temps de Richelieu ? L’émeute parisienne des 3-4 février 1631 et ses suites », XVIIe siècle, 2003/1, n° 118, p. 39-70.

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dans le goût du détail, mais nous croyons fermement que les dynamiques factionnelles ne peuvent être expliquées qu’ainsi et que les détails sont souvent fondamentaux pour leur compréhension. La reconstruction minutieuse des actions – comme méthode de repérage des factions en mouvement – a été le cœur de notre démarche.

Cette approche micro-historique de la politique parlementaire à l’âge du ministériat a nécessité un important travail de recherche en archives, tant notre méthode devait être fondée sur une connaissance précise des décisions gouvernementales comme des mouvements politiques locaux. Il a donc été central pour nous de croiser les archives de l’État produites par les différents organes gouvernementaux avec les archives locales. Divers fonds ont donc tout d’abord été explorés afin de reconstituer la correspondance destinée ou émanant de l’État central35. Nous

avons pour cela débuté par réunir l’ensemble de la correspondance du garde des Sceaux et chancelier Pierre Séguier qui concernait les provinces de Languedoc, Guyenne et Provence. Véritable « ministre des parlements » sous Louis XIII et durant la régence, ses lettres nous ont fourni une somme d’informations considérable sur les trois compagnies méridionales. Une partie de cette correspondance avait déjà fait l’objet de publication par Roland Mousnier, Boris Porchnev, Alexandra Lublinskaya et Jean Hovyn de Tranchère36. Au total, sur la période

1633-1649, 325 lettres ont pu être consultées concernant le Languedoc, 377 touchant la Guyenne, et 369 la Provence. Respectivement, 102, 113 et 192 lettres concernant ces provinces n’ont jamais été publiées et ont été consultées à la Bibliothèque nationale. Cette correspondance a été inégalement conservée selon les années : la période 1633-1637 est connue grâce à un nombre conséquent de lettres, les lettres de 1638 à 1642 sont perdues, sauf quelques épaves, et les années 1643-1649 sont celles dont la correspondance a été le mieux conservée, hormis l’année 1647 qui semble avoir souffert de pertes importantes. Nous avons par ailleurs complété la correspondance de Séguier avec la consultation de nombreux longs mémoires et dossiers, souvent rédigés par les intendants, qui lui sont parvenus et qui le renseignaient au sujet de la vie politique provinciale dans sa prise de décision.

Nous avons aussi consulté la correspondance des deux cardinaux ministres. Celle-ci a aussi fait l’objet d’importantes campagnes de publication depuis le XIXe siècle37. Néanmoins, il a été

35 Nous nous contentons ici de signaler les principaux fonds consultés. De nombreuses autres pièces ont pu être utilisées. Voir en annexes les sources manuscrites.

36 Roland Mousnier (éd.), Lettres et mémoires adressés au chancelier Séguier, t. I et II, Paris, P.U.F., 1964 ; Boris Porchnev,

Les soulèvements populaires en France de 1623 à 1648, Paris, S.E.V.P.E.N., 1963, p. 585-657 ; Alexandra Lublinskaya (éd.), Documents pour servir à l’Histoire de France. Lettres et me moires adressées au chancelier P. Séguier (1633-1649), t. I et II,

Leningrad, 1966 et 1980 ; Jean Hovyn de Tranchère (éd.), Les dessous de l’Histoire. Curiosités judiciaires, administratives,

politiques et littéraires, t. I et II, Paris et Bordeaux, 1886.

37 Au XIXe siècle : Denis-Louis-Martial Avenel (éd.), Lettres instructions diplomatiques et papiers d'Etat du Cardinal de

Richelieu, 8 tomes, Paris, Imprimerie impériale puis nationale, 1853-1877 ; Adolphe Chéruel (éd.), Lettres du cardinal Mazarin pendant son ministère, 9 tomes, Paris, Imprimerie nationale, 1872-1906 ; au XXe siècle : Pierre Grillon (éd.), Les

papiers de Richelieu. Section politique intérieure. Correspondance d’État, Paris, Pédone, 1975-1997 ; au XXIe siècle : Marie-Catherine Vignal Souleyreau, La correspondance de Richelieu. Au faîte du pouvoir : l’année 1632, Paris, L’Harmattan, 2004 ;

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nécessaire de les compléter au moyen d’une partie de leur correspondance, souvent mélangée avec celles de leurs secrétaires d’État, encore aujourd’hui inédite et conservées aux Archives nationales pour les affaires de Guyenne et aux Archives des Affaires étrangères pour les affaires du Languedoc et de Provence. 231 lettres ou mémoires inédits destinés à Richelieu ou son entourage ministériel ont ainsi été consultés et 1137 pour Mazarin et ses hommes. Ce différentiel s’explique à la fois par le fait que les papiers de Mazarin ont moins fait l’objet de publication et surtout qu’ils comprennent la période de la Fronde, incroyable moment de production de documents au cours de la crise. Pour compléter ces archives provenant des cardinaux-ministres et du chancelier, nous avons aussi dépouillé les correspondances des deux princes de Condé, Henri II et Louis II de Bourbon qui occupaient alors une place centrale dans l’État royal. Conservés au musée du château de Chantilly, 573 lettres ou mémoires inédits destinés à ces deux princes ont ainsi été utilisés. Les correspondances Séguier, Richelieu, Mazarin et Condé ont ainsi constitué l’un des socles de notre étude. Notre principal angle mort a été pour nous l’impossibilité de retrouver une correspondance de Gaston d’Orléans qui évoquerait les affaires parlementaires, en particulier à partir de 1644, lorsqu’il fut pourvu du gouvernement du Languedoc, ce qui devait, selon toute vraisemblance, l’amener à correspondre avec des officiers du parlement de Toulouse. Néanmoins, malgré cette lacune, il nous semble avoir mené des dépouillements suffisamment amples pour percevoir les mécanismes de prise de décision au sommet de l’appareil d’État vis-à-vis de la gestion des parlements durant ces années cardinales.

À cette documentation éclairant la politique de gestion des parlements par les différents organes gouvernementaux, nous avons adjoint de multiples sources provinciales afin de compléter nos investigations. Ces sources parlementaires et provinciales ont constitué le second socle de notre étude. Il s’agissait ainsi de croiser au maximum documentation locale et documentation gouvernementale afin d’en saisir au plus près les dynamiques et les modalités d’interactions. La difficulté majeure que nous avons rencontrée a été les divergences dans les types et la quantité de sources exploitables pour chacun des trois parlements méridionaux38. Les

documents nous renseignant sur la politique au parlement d’Aix sont sans commune mesure les plus nombreux. La compagnie a conservé ses registres de délibération – qui ont par ailleurs fait l’objet de copies au XVIIIe siècle – et de nombreux événements ont donné lieu à la production de

textes encore conservés à Aix ou Carpentras. De plus, le milieu parlementaire provençal semble se distinguer par sa production d’écrits qui se rattachent soit à la catégorie des écrits du for privé, soit à l’écriture d’une histoire parlementaire quasi contemporaine. Aussi, nous avons eu souvent à

roi. Correspondance du cardinal de Richelieu. Année 1634, 2 tomes, Paris, L’Harmattan, 2013. Signalons par ailleurs que

Marie-Catherine Vignal Souleyreau mène actuellement une campagne de publication en ligne selon des critères scientifiques de la correspondance de Richelieu : correspondancerichelieu.over-blog.com

38 Ici aussi, nous indiquons assez rapidement les principales sources que nous avons pu utiliser localement, mais d’autres fonds ont été mobilisés, en particulier pour comprendre les dynamiques qui se jouaient dans d’autres institutions locales, en particulier dans les hôtels de ville. Pour une vue plus complète, voir en annexes les sources manuscrites.

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notre disposition une version des événements telle que des acteurs ont voulu les raconter. L’ensemble de cette documentation fait que nous sommes extrêmement bien renseignés sur les événements provençaux. La situation bordelaise est plus contrastée. Les registres secrets, très bien conservés sous forme de copies pour l’ensemble de la période, nous ont donné un accès commode aux débats agités et aux décisions politiques prises au sein du Parlement. Cependant, nous n’avons pas eu à notre disposition d’écrits réflexifs des acteurs comme à Aix. Ce fut pour le cas toulousain que la reconstruction des dynamiques politiques parlementaires fut la plus difficile. En effet, les registres de délibération y ont disparu39. Cette perte a souvent rendu nos

investigations extrêmement difficiles, ne pouvant avoir un accès direct aux activités politiques toulousaines. Cette difficulté a été en partie contournée en faisant appel à deux sources. Tout d’abord, nous avons pu avoir recours à une collection de délibérations – sans doute copiées d’après les registres originaux – tenues par le greffier civil Étienne de Malenfant durant sa carrière, de 1602 à 164740. Ce document contient néanmoins d’importantes lacunes

chronologiques, mais il apporte parfois des commentaires et indications qui ne devaient pas être présents dans les registres de délibération. Nous avons aussi particulièrement utilisé deux recueils d’arrêts du parlement de Toulouse, confectionnés semble-t-il dans la deuxième moitié du XVIIe

siècle et qui concernaient spécifiquement les questions politiques dans la province. Ces deux sources nous ont permis ainsi de pallier en partie l’absence d’accès direct aux délibérations des magistrats toulousains. L’ensemble de ces sources nous a permis d’explorer le versant provincial de la question et d’appréhender au mieux les dynamiques du factionnalisme local dans les parlements. En cela, elles n’ont pas été analysées comme des comptes-rendus parfaitement objectifs des situations provinciales, mais bien comme une documentation à visée politique, veillant le plus souvent à justifier du comportement de leurs producteurs et à soutenir leurs actions.

Notre étude du factionnalisme provincial dans les parlements méridionaux de Richelieu à la Fronde s’est donc appuyée sur un croisement minutieux des sources gouvernementales et locales afin de produire une histoire événementielle capable – au travers du récit des actions politiques – de suivre les factions en mouvement. Pour cela, notre attention se portera tout d’abord sur la reconstitution du cadre provincial de l’action politique. Il s’agit de reconstituer le microcosme politique dans lequel évoluent les magistrats et dans lequel se forment leurs factions. Celui-ci sera étudié au travers d’une triple dimension : institutionnel, réticulaire et politique. Institutionnel tout d’abord, en définissant les pouvoirs des principaux dirigeants provinciaux et leurs interactions. Le pouvoir des parlements tout d’abord (chapitre 1), mais aussi celui des gouverneurs militaires en

39 La dernière trace que nous avons pu retrouver à leur sujet semble être leur déplacement à Vittoria en Espagne par des magistrats en exil à l’occasion de la Révolution française (Jacques-Joseph Champollion Figeac, Documents

historiques inédits, t. I, Paris, 1841, p. 162).

40 Sur cette source et son auteur, on consultera Marlène Delfau, Le parlement de Toulouse vu par un de ses membres, Étienne

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province – dans un contexte de militarisation du régime imposé par la politique belliciste de Richelieu – et celui de ceux qui leur sont adjoints, les intendants (chapitre 3). Il s’agit ainsi de tracer essentiellement les grands rapports de force institutionnels qui expliquent les affrontements majeurs de la vie politique provinciale et la factionnalisation des compagnies. La seconde dimension envisagée est celle des réseaux. Nous nous sommes appliqués à délimiter les principaux réseaux sur lesquels pouvaient s’appuyer les magistrats afin de bâtir leurs factions (chapitre 2). Trois types de liens ont été explorés afin de cartographier les relations entre les hommes : les relations claniques entre les magistrats en reconstruisant les principales parentèles, les relations clientélaires de l’État-Richelieu en analysant celles entretenues par les cardinaux-ministres et le chancelier Séguier et les relations générationnelles entre les magistrats en étudiant les effets de générations au sein des trois parlements méridionaux. Ces relations constituaient les principaux fondements de l’organisation de factions parlementaires. La dernière dimension analysée afin de situer notre cadre provincial a été politique. Nous avons ainsi cherché à historiciser localement les conséquences des évolutions politiques de l’État royal du ministériat à la régence (chapitre 3). La prise de pouvoir par Richelieu et son alliance avec la maison Condé, puis la désagrégation de ce rapprochement politique durant la régence, ont eu un impact retentissant jusque dans les parlements méridionaux, favorisant une instabilité gouvernementale qui nourrit le factionnalisme parlementaire.

Ce cadre provincial et tridimensionnel posé, nous avons cherché à analyser la politique de Richelieu vis-à-vis des parlements. En particulier, nous nous sommes intéressés à la manière dont le gouvernement du ministériat fit usage des conflits locaux afin d’y imposer sa politique. Pour cela, nous avons sélectionné trois séquences politiques que nous avons reconstruites avec minutie afin d’y discerner les principaux clivages factionnels et les méthodes employées afin de les gouverner. La première séquence étudiée a été celle des années 1629-1632, touchant les parlements d’Aix et de Toulouse (chapitre 4). Cette période est marquée par une tentative de transformation des institutions du Languedoc et de Provence avec l’installation d’officiers d’élections devant se substituer aux États provinciaux pour y prélever l’impôt royal. Elle est aussi marquée par la consolidation du pouvoir de Richelieu grâce à l’alliance condéenne. En Provence, cette politique fut le contexte du mouvement Cascaveoux et en Languedoc elle s’acheva avec la prise d’armes rapidement défaite du duc de Montmorency. Nous montrerons ainsi comment ces deux épisodes marquèrent très fortement la dynamique des factions qui s’affrontèrent dans les parlements de Toulouse et d’Aix jusqu’à la Fronde. La seconde séquence étudiée a été celle de « l’été chaud » de 1635, marquée par une série d’émeutes antifiscales dans le Sud-Ouest du royaume alors que celui-ci entrait en guerre ouverte avec l’Espagne. L’attitude des officiers du parlement de Bordeaux – et de manière plus périphérique celle du parlement de Toulouse – y a été analysée (chapitre 5). Les divisions entre les autorités locales et leur exploitation par le pouvoir cardinal ont de nouveau constitué le cœur des dynamiques politiques à l’œuvre et un

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élément central des luttes entre factions, marquant profondément la vie politique provinciale jusqu’à la Fronde. Enfin, la dernière séquence analysée a été celle produite par une offensive générale orchestrée par le gouvernement de Richelieu contre les intérêts financiers parlementaires à partir de 1636 pour financer la guerre (chapitre 6). L’exploitation de la conflictualité locale couplée à des mesures autoritaires et coercitives de gouvernement des parlements méridionaux favorisa la factionnalisation des compagnies. Mais ces luttes de factions purent être contenues, si ce n’est domestiquées, jusqu’à la mort de Louis XIII, grâce à la cohésion gouvernementale offerte par le couple politique Richelieu et Condé.

Cette politique de gouvernement des parlements par l’exploitation de la conflictualité locale ne fut plus tenable après 1643. Il s’agissait donc d’expliquer pourquoi sous la régence purent se développer de multiples pratiques contestataires. Pour cela, nous avons analysé la fabrique d’une opposition durant les années 1643-1647 (chapitre 7). Le maintien d’une politique jugée autoritaire, mais sans équilibre gouvernemental capable de la mener à bien sera au cœur de notre argumentation. Cette politique favorisa ainsi le développement d’une agitation dans l’ensemble des compagnies, mais dont nous soulignerons combien elles étaient alors autonomes, épousant les spécificités locales des structures de factions qui avaient émergé durant le premier ministériat. Cette contestation aux contours multiples se densifia à partir de 1648. Nous avons donc cherché à analyser la logique des troubles provinciaux durant les premières années de la Fronde (chapitre 8). De fait, nous avons cherché à montrer qu’il s’agissait alors de multiples frondes provinciales, l’histoire politique et factionnelle de chacun des parlements méridionaux imposant ses rythmes et ses spécificités au mouvement de contestation. Les luttes de factions locales jouèrent alors à plein, même dans un contexte commun de remise en cause de l’État-Richelieu. Enfin, la rupture que constitua la Fronde princière a été analysée (chapitre 9). Nous parlons bien de rupture, modifiant à la fois la géographie et la logique des troubles. Cependant, nous avons cherché à montrer combien le parti condéen fut incapable de contrôler l’ensemble des conflits locaux dont il chercha à émerger pour l’emporter. La logique des factions s’imposa à lui, plus qu’il ne s’imposa à elle.

Ce travail invite ainsi le lecteur à suivre une histoire politique localisée des années cardinales, une histoire provinciale, où l’affrontement entre factions jouait le premier rôle. Une petite réponse à « une très grosse question ».

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PREMIERE PARTIE

LES PARLEMENTS MERIDIONAUX ET LES CADRES DE

LA VIE POLITIQUE PROVINCIALE

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(24)

C

HAPITRE

I

LES PARLEMENTS MERIDIONAUX

TROIS INSTITUTIONS PROVINCIALES DES ANNEES CARDINALES

Durant l’hiver 1621, après le retrait des troupes de Louis XIII devant Montauban, un jeune maître des Requêtes que l’on nommait encore simplement Monsieur d’Autry, du nom d’une seigneurie paternelle, fit une halte de quelques jours au cœur du capitoulat de Saint-Étienne, principal quartier parlementaire de Toulouse1. Il récupérait alors des rudes conditions auxquelles

il avait été soumis durant un siège qui s’acheva par une déroute retentissante pour les armées du roi. Dans l’hôtel familial, son hôte, Étienne de Malenfant, le divertit en l’entretenant « de ce qui s’estoit passé de plus remarquable [au parlement de Toulouse] despuis sa naissance jusques [à leur temps] ». Greffier civil au Parlement, il s’enorgueillissait de pouvoir « trouver dans moins de cinq ou six heures ce qui a esté fait de plus remarquable pour le public sur le sujet des afaires qui s’y proposent journellement2 ». Pierre Séguier apprécia sans aucun doute ces conversations qui

lui permettaient de s’instruire des usages de la haute robe toulousaine, parfois bien différente de ceux du parlement de Paris où il poursuivit une partie de sa carrière. Devenu grâce à la protection du cardinal de Richelieu garde des Sceaux en 1633, puis chancelier de France en 1635, le ministre de Louis XIII, puis de Louis XIV, le plus puissant aux affaires intérieures du Royaume dut trouver ces quelques renseignements bien utiles3. Lui qui fut amené à gérer de nombreuses

affaires politiques impliquant les parlements de province, il se devait d’être particulièrement bien informé au sujet de leurs pouvoirs, de leurs fonctionnements et de leurs personnels afin d’éviter tous incidents susceptibles de tourner à la contestation.

À la manière de Pierre Séguier, il semble indispensable de connaître le fonctionnement de ces compagnies et les magistrats qui les composaient afin de comprendre leur rôle dans la vie politique provinciale des années Richelieu à la Fronde. Ce chapitre a donc pour vocation de définir le pouvoir parlementaire en province. Leurs ressorts, comme cadre géographique et pouvoir de juridiction, faisaient des parlements de Toulouse, Bordeaux et Aix des institutions centrales dans la marche de l’État monarchique dans les provinces méridionales4. Produits d’une

1 Jules Chalande, « Histoire des rues de Toulouse », Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de

Toulouse, t. IV, 1926, p. 137-138.

2 B.n.F., ms. fr. 17367, f° 94. Lettre d’Étienne de Malenfant, sieur de Pressac, à Pierre Séguier, Toulouse, le 15/3/1633.

3 Françoise Hildesheimer, « Richelieu et Séguier ou l’invention d’une créature », Bernard Barbiche et Yves-Marie Bercé (dir.), Études sur l’ancienne France offerte à Michel Antoine, Paris, École des Chartes, 2003, p. 209-226.

4 La notion de ressort avait déjà au XVIIe siècle un sens dual, à la fois spatial et juridictionnel. Antoine Furetière,

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histoire institutionnelle longue, liée à celle de la monarchie, nous insisterons ici sur les similarités des pouvoirs, mais aussi sur leurs différences d’organisation et de fonctionnement.

Cette histoire institutionnelle s’inscrit par ailleurs dans le temps plus court des années cardinales. Le court terme permet de souligner l’importance des usages et des rapport de force pouvant modifier la lettre des institutions. Surtout, cette période est pour les parlements méridionaux celle des difficultés. Modifications de leurs ressorts, capacité d’intervention sur la législation royale menacée, contestation au sujet de leur magistère provinciale, autant de motifs d’agitation qui n’épargnèrent aucune des compagnies et influencèrent leurs dynamiques institutionnelles et politiques. Autant d’aspects institutionnels qui en font des périphéries au cœur du pouvoir qu’il s’agit ici de décrire.

I. DE PAS PERDUS EN CHEVAUCHEES : LES ESPACES DU POUVOIR PARLEMENTAIRE

1. Dans les labyrinthes de Thémis

Le parlement de Toulouse, second parlement de France après celui de Paris, fut définitivement installé par Charles VII, à la demande des États de la province, dans la capitale languedocienne le 4 juin 14445. Dix-huit années plus tard, en 1462, un parlement était institué par

Louis XI à Bordeaux pour présider à la destinée judiciaire de la Guyenne6. Le parlement de

Provence fut érigé à son tour à Aix par Louis XII entre 1501 et 15027. Ces trois nouvelles

juridictions royales prirent leurs sièges dans d’anciens châteaux médiévaux, tous trois aujourd’hui détruits8. Nous pouvons suivre Thomas Platter qui eut l’occasion de visiter les trois édifices à la

charnière des XVIe et XVIIe siècles. À Aix, le 20 février 1597, il découvre

« Le palais de ce Parlement, avec toutes ses salles donnant sur une galerie circulaire, et son entrée au rez-de-chaussée, bordée, comme à Paris, par toute sorte de boutiques, entre lesquelles vont et viennent continuellement jurisconsultes et gens d’affaires. La grande salle d’audience au premier étage est tendue de drap violet semé de fleurs de lys ; on ne peut y entrer pendant les séances qu’en quittant son épée9 ».

5 Bernard de La Roche Flavin, Treize livres des parlemens de France, Genève, 1621, p. 20 et Eugène Lapierre, Le parlement

de Toulouse, Paris, Ernest Thorin, 1875, p. 3.

6 Bernard de La Roche Flavin, Treize livres des parlemens de France, op. cit., p. 21 ; Arthur de Brezetz et Jules Delpit (éd.),

Chronique du Parlement de Bordeaux par Jean de Métivier, t. I, Bordeaux, Société des bibliophiles, 1886, p. 4-5 et

Charles-Bon-François Boscheron des Portes, Histoire du parlement de Bordeaux depuis sa création jusqu’à sa suppression (1451-1790), t. I, Bordeaux, Charles Lefebvre, 1877, p. 9.

7 Bernard de La Roche Flavin, Treize livres des parlemens de France, op. cit., p. 25.

8 Axel Duboul, La fin du parlement de Toulouse, Toulouse, Imprimerie Tardieu, 1890, p. 348 ; Georges Lafaye, « Le palais des comtes de Provence à Aix », Le Magasin pittoresque, série 2, t. II, 1884, p. 132 ; Pierre Bernadau, Le Viographe

bordelais, ou Revue historique des monuments de Bordeaux, Bordeaux, Imprimerie de Suwerinck, 1843, p. 190-191.

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