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LES PARLEMENTS MERIDIONAUX ET LES CADRES DE LA VIE POLITIQUE PROVINCIALE

PARENTELES, CLIENTELES ET GENERATION AUX PARLEMENTS

3. Cartographier les clans, identifier les patrons

Ainsi, afin de comprendre la politique parlementaire avant la Fronde, il semble essentiel d’identifier ces alliances qui expliquent en partie les prises de position ou encore la violence des oppositions quand les clans se trouvaient divisés. Nous nous sommes intéressés en particulier aux liens unissant entre eux les principaux magistrats de chacune des trois compagnies : premiers présidents, présidents à mortier, présidents aux Enquêtes et aux Requêtes et gens du roi. Ces plus

91 Sharon Kettering, « The King’s Lieutenant General in Provence », Canadian Journal of History, v. 13, n°3, p. 362. 92 A.A.E., M.D. France, Provence, vol. 1715, f° 273, « Les doléances de la noblesse de Provence au Roy », s.l.n.d.

hauts magistrats entretenaient entre eux des liens de parenté étroits, ainsi qu’avec la plupart des conseillers, constituant des groupes d’« alliés politiques » potentiellement mobilisables dans les affaires parlementaires. L’historienne Sara Chapman a distingué la notion d’alliés politiques de celle de patronage pour désigner les associations d’individus qui apparaissent relativement proches socialement et statutairement, ce qui était le cas au sein de la magistrature provinciale93. Néanmoins, certains magistrats apparaissant plus puissants au sein de ces clans, en raison de leurs charges ou de leurs liens avec la cour, nous avons choisis de les désignés comme les patrons de ces parentèles. Ce travail a permis de dégager les différents clans qui constituaient le cadre de la vie politique aux parlements94. À Toulouse, deux clans principaux se dégagent nettement, mais il existe deux autres clans plus périphériques. Au parlement de Bordeaux, nous dénombrons trois clans majeurs et deux clans périphériques. En Provence, cinq clans se dessinent. Entre les années 1620 et la Fronde, les deux clans principaux à Toulouse comptent dans leur rang dix-sept et treize des quarante-trois magistrats occupant les premières charges durant la période. Nous en comptabilisons seulement cinq et deux dans les deux clans périphériques. À Bordeaux, les groupes les plus puissants réunissent onze, neuf et huit des trente-quatre principaux officiers, mais ils ne sont qu’un et deux dans les clans secondaires. En Provence, le clan le plus considérable regroupe sept des trente-neuf principaux magistrats, quand les quatre autres n’en comptaient qu’entre trois et cinq. Bien entendu, ces parentèles n’étaient pas parfaitement étanches, certains magistrats pouvant se trouver associés à deux clans différents par un jeu d’alliances multiples.

Au parlement de Toulouse, les différents clans sont ceux de Bertier, Garaud-Caulet, Potier de La Terrasse et Barthélemy. Le réseau réuni autour du premier président Jean de Bertier, sieur de Montrabe, a déjà fait l’objet d’une analyse détaillée. Entre 1624 et la Fronde, il inclut essentiellement le premier président, son beau-frère le président Jean-Gaubert de Caminade et son fils le président Philippe de Caminade, les présidents aux Enquêtes Jean et Guillaume de Bertier de Saint-Geniès, père et fils, Jean-François de Gineste, beau-fils du premier président, et Jean de Senaux, ainsi que le procureur général Gaspard de Fieubet et son beau-frère Jean de Tourreil qui en sont les principales figures. À ceux-ci s’ajoutent de nombreux conseillers qui leur sont apparentés. Le premier président Jean de Bertier est clairement le patron de ce groupe.

Un autre clan majeur à Toulouse est celui des Garaud-Caulet. Ce groupe se compose de très nombreux magistrats alliés aux familles Garaud, Caulet et Desplats de Toulouse et Reich de Carcassonne. Ses principaux éléments au sein du Parlement sont le président à mortier François-Étienne de Garaud de Donneville, son oncle le président aux Enquêtes Jean de Cambolas, son

93 Sara E. Chapman, Private Ambition and Political Alliances. The Phélypeaux de Pontchartrain Family and Louis XIV’s

Government, 1650-1715, Rochester, University of Rochester Press, 2004, p. 3.

beau-fils le président aux Enquêtes Claude d’Advisard et son neveu Jean-Georges II de Caulet, juge-mage puis président à mortier. Il comprend aussi les présidents à mortier Pierre Desplats, seigneur de Gragnague, Marc de Calvière, et François de Puget de Courtensour, ainsi qu’au parquet le procureur général François de Saint-Félix et l’avocat général Jacques de Marmiesse, seigneur de Lussan. Le président François-Etienne de Garaud de Donneville était par ailleurs le petit-fils de Jean-Étienne Duranti, premier président au Parlement assassiné par les ligueurs le 7 février 1589 et « personnel ennemi » du président Antoine-Jean de Paulo, oncle du premier président de Bertier95. Ce clan était allié aux Reich de Carcassonne, famille qui monopolisa la charge de trésorier de la bourse des États du Languedoc du milieu du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle96. Ils jouirent pour cela de la protection des ducs de Montmorency, jusqu’à l’Édit de Béziers de 1632 qui supprimait la charge de trésorier de la bourse, puis celle de Colbert après son rétablissement en 164997. Les Reich étaient alliés des Cailard de Béziers et de Montpellier et aux Calvisson de Nîmes, qui fournirent des gouverneurs à ces cités durant la période, sous le patronage des Montmorency, puis du duc d'Orléans98. Les présidents à mortier François-Étienne de Garaud de Donneville et Pierre Desplats de Gragnague, ainsi que leur neveu et beau-fils respectif Jean-Georges II de Caulet sont les patrons de cette parentèle au Parlement.

Au sein de la compagnie toulousaine évoluent également deux clans davantage périphériques, comptant moins de magistrats influents par les offices qu’ils contrôlent. L’un d’entre eux s’organise autour du président à mortier Pierre II de Potier, seigneur de La Terrasse, et de son beau-frère l’avocat général, puis président à mortier, Jean-Baptiste I de Ciron99. Leurs fils respectifs, Étienne II de Potier de La Terrasse et Jean-Baptiste II de Ciron leur succédèrent en 1643 comme jeunes présidents à mortier. Les Potier semblent relativement proches du clan Bertier et non des Garaud-Caulet comme a pu l’écrire William Beik100. Le fondateur de la lignée des Potier de La Terrasse, Pierre I de Potier, qui fut receveur et payeur des gages du Parlement, et sa sœur épousèrent deux Bertier. Une sœur du président Pierre II de Potier de La Terrasse fut

95 Pierre Baour-Lormian, Duranti premier président du parlement de Toulouse ou la Ligue en province, t. I, Paris, Delangle Frères, 1828, p. 23 ; M.L. de Santi, « Michel de Paulo, seigneur de Grandval », op. cit., p. 59-60 et 87.

96 Stéphane Durand, Arlette Jouanna, Elie Pélaquier, Jean-Pierre Donnadieu et Henri Michel, Des États dans l’État.

Les États de Languedoc de la Fronde à la Révolution, Genève, Librairie Droz, 2014, p. 184-185.

97 Antonin Cros-Mayrevieille (éd.), « Mémoire touchant les familles plus ancienne de la Ville de Carcassonne (XVIIe siècle) », Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, t. 2, 1906, p. 102 ; Daniel Dessert, Argent, pouvoir et

société au Grand siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 328 et 331.

98 Charles de Baschi, Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France, t. I, Paris, 1759, p. 193.

99 A.D.H.-G., 3 J, Fonds Potier de La Terrasse, liasse n° 23, « Descendance de Jean de Potier et de Françoise de Bourgade (s.d.) » ; liasse n° 18, « Testament d’Etienne II de Potier de La Terrasse (23 décembre 1683) » ; A.M.T., BB 31, f° 185 ; A.D.H.-G., ms. 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 120-123.

100 William Beik a voulu faire du président Étienne II de Potier de La Terrasse un allié du président François-Étienne de Garaud-Donneville. Il indique pour cela que sa mère aurait été une fille du président de Garaud-Donneville, ce que les sources infirment catégoriquement, sa mère s’appelant Anne de Saurin. William Beik, Absolutism and Society in

Seventeenth-century France. State Power and Provincial Aristocracy in Languedoc, Cambridge, Cambridge University Press,

1985, p. 230, n. 13 ; A.D.H.-G., 3 J, Fonds Potier de La Terrasse, liasse n° 23, « Descendance de Jean de Potier et de Françoise de Bourgade (s.d.) ».

liée en 1603 à Georges de Bertier, seigneur de Pinsaguel, un cousin du président Philippe de Bertier, le père du premier président101. Enfin, Jean de Bertier recommanda lui-même au chancelier Séguier Pierre II Potier de La Terrasse pour l’obtention d’une charge de président à mortier en 1635102. L’un des frères de Pierre II de Potier fut aumônier du duc d'Orléans et l’une de ses sœurs épousa Jean de Lordat, seigneur de Bram, gouverneur de Carcassonne et qui était perçu comme une « personne confidente dans la maison de Monsieur » le duc d'Orléans103. Ils étaient par ailleurs alliés aux d’Ouvrier, dont furent issus plusieurs conseillers au Parlement durant la période et un évêque de Nîmes, Hector d’Ouvrier, qui fut consacré en 1644, alors que le duc d'Orléans obtenait le gouvernement du Languedoc, tandis que l’évêque Anthyme-Denis Cohon, une créature de Richelieu, était rappelé104. Enfin, le président Jean-Baptiste II de Ciron fut allié avec une fille du président à la chambre des comptes de Montpellier Jacques-Philippe de Maussac105. Celui-ci était le fils du conseiller Jacques de Maussac qui siégea dès 1593, mourut doyen de la compagnie en 1648, et qui eut en plus de ses deux fils, trois gendres et un petit-fils qui siégèrent au Parlement durant la période. Le président à la chambre des comptes de Maussac était présenté, par l’intendant François du Bosquet, comme un protégé du prince de Condé en 1645106. Les présidents Pierre II de Potier de La Terrasse, Jean-Baptiste I de Ciron et leurs fils Étienne et Jean-Baptiste II, ainsi que le doyen Jacques de Maussac, furent les éléments les plus influents de ce groupe.

L’autre clan périphérique était organisé autour de la parentèle des Barthélemy. Ceux-ci étaient alliés à la maison Dufaur de Pibrac qui, selon Henri II de La Ferté-Sennecterre en 1642, était « une famille tres grande dans les enquestes107 » du parlement de Toulouse. Gabriel II de Barthélemy, seigneur de Grammont, fut président de la seconde chambre des enquêtes de 1634 à 1646 et il resta actif durant la Fronde, entrant sans doute au Parlement comme conseiller d’État. Allié à ce clan, l’avocat général Thomas de Maniban, issu d’une famille d’Armagnac, avait épousé une fille de la maison Dufaur, cousine du président aux Enquêtes Barthélemy de Grammont. Un frère du président, Amans de Barthélemy, fit l’acquisition pour 50 000 livres en 1647 de la baronnie de Lanta, donnant entrée aux États de Languedoc108. Il était par ailleurs chambellan du

101 Charles de Bertier de Sauvigny, Quelques notes généalogique sur la famille Bertier, op. cit., p. 8-9.

102 Roland Mousnier (éd.), op. cit., t. I, p. 279. Lettre de Jean de Bertier à Pierre Séguier, Toulouse, le 8/8/1635. 103 A.D.H.-G., 3 J, Fonds Potier de La Terrasse, liasse n° 19, « Provision de la charge d'aumônier par quartier de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, en faveur de François de Potier (9 août 1635) » ; Louis Pierre d’Hozier et Antoine-Marie d’Hozier de Sérigny, Armorial général de la France, registre premier, 1ère partie, Paris, 1738, p. 349 ; Brégail (éd), « M. de Salinié, syndic des capitouls de Toulouse ; épisodes de la Fronde », Revue de Gascogne, n° 41, 1900, p. 47.

104 M. Menard, Histoire des évêques de Nismes, t. II, La Haye, Pierre Gosse, 1737, p. 44.

105 Hubert de Vergnette de Lamotte, Filiations languedociennes, t. I, Versailles, Mémoire & Documents, 2006, p. 81. 106 Alexandra Lublinskaya (éd.), op. cit., p. 147. Lettre de François du Bosquet à Pierre Séguier, Montpellier, le 1/8/1645.

107 A.A.E., M.D. France, Languedoc, vol. 1632, f° 130. Lettre d’Henri II de La Ferté-Seneterre à Léon Bouthillier, comte de Chavigny, Toulouse, le 28/7/1642.

108 Clément Tournier, « Deux grandes dames de Toulouse romanisantes aux XVIIe et XVIIIe siècles », Revue historique

duc d'Orléans et client de l’abbé de La Rivière pour lequel il aurait été prêt à se battre en duel109. Le président aux Enquêtes de Grammont fait figure de patron au sein de ce groupe.

À Bordeaux, entre les années 1620 et la Fronde, cinq clans se distinguent. Les de Gourgues-Lestonnac, les Pontac-Lalanne, les Pichon-Daffis tiennent le haut du pavé, suivis par les alliés du premier président Dubernet et ceux des familles Grimard et de Blanc. La parentèle de Joseph Dubernet a déjà été détaillée. Il semble le seul à pouvoir être considéré comme un patron notable au sein de sa parenté, ses beaux-fils Montesquieu et Raymond de Sallegourde ne devenant présidents qu’après la Fronde. Le clan réuni autour des alliances des Grimard et de Blanc n’est pas davantage puissant, ne comptant dans ses rangs que l’avocat général Jean-Olivier Dussault et le président aux Enquêtes Louis de Grimard. Néanmoins, ces deux groupes pouvaient compter sur un nombre notable de représentants parmi les conseillers du Parlement. Mais ce n’était rien en comparaison des trois clans principaux.

Les de Gourgues-Lestonnac sont sans doute le groupe le plus important à Bordeaux durant la période. Ce clan s’organise à partir du mariage en 1617 du premier président Marc-Antoine de Gourgues avec une riche héritière bordelaise, Olive de Lestonnac110. Avant d’exercer la plus haute charge de la magistrature provinciale de 1616 à 1628, Marc-Antoine de Gourgues fut successivement conseiller au Grand Conseil en 1596, maître des Requêtes en 1604 et président à mortier à Bordeaux en 1613111. Le premier président de Gourgues fut le patron de cette parentèle durant les années 1620. Après son décès en 1628, l’influence de ce groupe était toujours un élément décisif de la politique parlementaire bordelaise. Parmi les démarches entreprises par Abel Servien en 1628 pour parvenir à la première présidence de Bordeaux figurait l’obtention de la main de Marie de Gourgues, fille unique du premier président et de sa première épouse, Marie Séguier, sœur de Pierre Séguier112. Entre la mort du premier président et la Fronde, ce clan comprend trois présidents à mortier, tous cousins germains, Jean I de Gourgues, Jean II de Gourgues de Vayres et François-Arthus Le Comte de La Tresne, deux avocats généraux, Denis de Mulet de La Tour et son successeur Thibault de Lavie, trois présidents aux Enquêtes, Jacques Le Comte, Jacques Douzon de Bourran et François de Pomiès d’Agassac, et deux présidents aux Requêtes, Jean Douzon de Bourran et Jean de Geneste. Environ vingt-cinq conseillers sont aisément identifiés comme appartenant à la parentèle de ce clan. Après la mort de Marc-Antoine

109 Alexandra Lublinskaya (éd.), op. cit., p. 68. Lettre de François du Bosquet à Pierre Séguier, Toulouse, le 29/6/1644 ; Louis Monmerqué (éd.), Les historiettes de Tallemant des Réaux, t. VIII, Paris, H.-L. Delloye, 1840, p. 37. 110 Caroline Le Mao, « Une redoutable femme d'affaires : la première présidente Olive de Lestonnac (1572-1652) »,

Annales du Midi, tome 118, n° 253, janvier-mars 2006, p. 11-29.

111 Elsa Courbin, Notoriété locale et service du roi en Bordelais : Marc-Antoine de Gourgues, de l’héritage d’Ogier de Gourgue à la

première présidence du parlement de Bordeaux, Thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des chartes,

2010.

112 Nous remarquons qu’il ne parvint pas à ses fins sur le plan matrimonial et qu’il refusa par la suite la charge de premier président, lui préférant celle, certes plus importante, de secrétaire d’État de la guerre. Philippe Tamizey de Larroque, « Denis Guillemin à Bordeaux », Revue catholique de Bordeaux, 1897, p. 710-711.

de Gourgues, aucun de ces magistrats ne semble avoir fait figure de véritable patron du clan, mais les présidents à mortier, ainsi que l’avocat général Thibault de Lavie, avaient incontestablement une autorité certaine sur le groupe. Cette hydre clanique semble néanmoins particulièrement attachée aux intérêts d’une personne, Olive de Lestonnac, la richissime veuve du premier président de Gourgues, désignée à plusieurs reprises comme « chef de parti113 » par les ennemis du groupe.

Un second clan majeur alliait les familles de Pontac et de Lalanne. Le président à mortier Lancelot de Lalanne épousa en 1587 la sœur du président à mortier Geoffroy de Pontac114. Leurs fils respectifs, Sarran de Lalanne et Arnaud de Pontac leur succédèrent et tenaient les premiers rangs au Parlement durant les années 1630 et 1640. Arnaud de Pontac épousa en 1632 Louise de Thou, sœur du maître des Requêtes François-Auguste de Thou, qui participa au complot de Cinq-Mars et en paya le prix fort. L’un des témoins du mariage était Claude de Bourdeille, comte de Montrésor, cousin germain de la mariée et favori du duc d'Orléans à partir de 1635115. Mademoiselle, la fille du duc d'Orléans, considérait l’épouse du président de Pontac comme sa parente116. L’épouse du président de Lalanne, Madeleine de Jallais, était moins prestigieuse, mais était apparentée à de nombreux officiers du Parlement117. Malheureusement pour Sarran de Lalanne, il semble qu’il se brouilla avec son épouse, faisant de l’ensemble de ses parents ses ennemis personnels118. Ceci n’empêchait pas les présidents Lalanne et Pontac de conserver une importante parenté au sein de la compagnie. Le premier président Dubernet prétendait dans une lettre à Mazarin qu’elle comptait « quarante présidents ou conseillers119 ». Un rapport de l’année 1644, adressé au chancelier Séguier, recense trente-deux magistrats, dont trois présidents à mortier et le procureur général Jean de Pontac, seigneur de Montplaisir, comme membres de ce clan120. Le troisième président à mortier, François de Pichon avait marié en 1638 son fils, Bernard de Pichon-Longueville, à une fille du président de Lalanne121. Mais celle-ci décéda au cours des années 1640 et des tensions apparurent au sein de la compagnie entre le président de Pichon et le

113 B.n.F., coll. Dupuy, ms. 627, f° 103, « Relation par Pierre de Verdier de ce qui s’est passé au parlement après l’interdiction », s.l.n.d ; B.n.F., ms. fr. 18752, f° 328.

114 Fleury Vindry, Les parlementaires français, op. cit, t. II, p. 41.

115 Arch. hist. Gir., t. VIII, p. 261. « Contrat de mariage d’Arnaud de Pontac et de Gabrielle-Henriette-Louise de Thou (11 octobre 1632) ». Sur ce mariage, on consultera Philippe Hamon, « La chute de la maison de Thou », Revue

d’histoire moderne et contemporaine, 46-1, janvier-mars 1999, p. 73 et Caroline Le Mao, Parlement et parlementaires. Bordeaux au Grand siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. Époques, 2007, p. 324.

116 Adolphe Chéruel (éd.), Mémoires de Mlle de Montpensier, petite-fille de Henri IV, t. I, Paris, Charpentier, 1864, p. 273.

117 B.n.F., ms. fr. 18752, f° 378. « Requeste des gens du Roy au parlement de Bordeaux touchant le Sr de Lalanne (1644) ».

118 A.C., série M, t. XXXIV, f° 71, « Copie de la requeste de récusation de M. le président Lalanne contre plusieurs de MM. du parlement de Bordeaux ».

119 Arch. hist. Gir., t. VIII, p. 30. Lettre de Joseph Dubernet au cardinal Mazarin, Bordeaux, le 9/1/1645. 120 B.n.F., ms. fr. 18752, f° 328.

121 Vincent Foix, « Lalanne. Essai généalogique sur les familles nobles ou titrées de ce nom », Bulletin de la société de

président de Lalanne en 1646122. Les présidents de Lalanne et de Pontac doivent donc être considérés comme les seuls patrons au sein de ce clan.

La discorde apparut entre les présidents de Lalanne et de Pichon en septembre 1646, au moment même où Bernard de Pichon-Longueville se remaria avec une fille du président Jean II Daffis123. Cette union permit la formation d’un nouveau clan important au cours des années 1640. Les Daffis et les Pichon semblaient alors quelque peu périphériques au monde parlementaire bordelais. Les Daffis avaient davantage d’attaches au parlement de Toulouse124. Le père du président Jean II Daffis, Guillaume I Daffis, fut nommé premier président à Bordeaux par Henri III en 1586. Il était lui-même le fils d’un premier président, Jean I Daffis, le frère d’un avocat général et le beau-frère d’un autre premier président au parlement de Toulouse. Son frère, l’avocat général Jacques Daffis, et son beau-frère, le premier président Jean-Étienne de Duranti, furent assassinés par les ligueurs en 1589. Guillaume I Daffis avait pour épouse Lucrèce Desplats, « fille d’ung fort riche bourgeois de Tholoze125 ». Leur fils, Jean II Daffis, fut donc président à mortier de 1611 à 1637 et commença son intégration dans la société parlementaire bordelaise au tournant du XVIIe siècle. Il épousa successivement deux riches héritières apparentées dans le Parlement et ses deux filles furent mariés à deux présidents à mortier, François-Arthus Le Comte