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LES PARLEMENTS MERIDIONAUX ET LES CADRES DE LA VIE POLITIQUE PROVINCIALE

PARLEMENTS ET POUVOIRS MILITAIRES EN PROVINCE

1. Un parti du gouverneur aux parlements

En Languedoc, Henri II de Montmorency aurait entretenu de nombreux liens avec les magistrats du parlement de Toulouse147. Vient à l’appui de cette idée, comme le rapportent les histoires du temps, la scène de la condamnation à mort du gouverneur du Languedoc par la

145 Jean-Marie Constant, Gaston d’Orléans. Prince de la liberté, Paris, Perrin, 2013, p. 319. 146 A.D.H.-G., B 1905, ff° 159 et 186 ; id., B 1917, f° 199.

147 William Beik indiqua des pistes de recherche quant aux clientèles en Languedoc dans William Beik, Absolutism and

Society, op. cit., p. 234-243. Nous nous attachons ici à préciser les clientèles des gouverneurs au parlement de

compagnie, les juges toulousains ne prononçant pas un mot et se réfugiant chez eux pour pleurer à chaudes larmes148. Mais au-delà de l’anecdote, dès lors qu’il s’agit de repérer nominativement des magistrats étroitement liés au duc Montmorency, l’enquête apparaît beaucoup plus malaisée. L’une des principales difficultés provient de la disparition de la majeure partie de la correspondance du gouverneur. Néanmoins, la consultation de celle de son père, le connétable Henri Ier de Montmorency, permet de repérer les magistrats qui, une génération auparavant, appartenaient à la clientèle montmorencienne. Le connétable avait contrôlé la nomination à la première présidence du parlement de Toulouse en 1600 et en 1611. En 1600, il imposa son client, le président au parlement de Paris Nicolas de Verdun, contre les trois candidats proposés selon la procédure locale par le parlement de Toulouse, qui étaient d’anciens ligueurs149. En 1611, François de Clary, juge-mage de Toulouse, maître des Requêtes et l’un des principaux informateurs du connétable à Toulouse, fut nommé pour remplacer Verdun150. Après la mort du connétable, François de Clary se défit de sa charge de premier président en 1615 en faveur de son beau-fils Gilles Le Mazuyer, protégé de Marie de Médicis et de Concini, malgré l’opposition de l’ancien ligueur Antoine-Jean de Paulo et de ses alliés151. Il est probable qu’Henri II de Montmorency, comme son père, veilla à exclure des premières responsabilités au sein du Parlement les anciens ligueurs. Gilles Le Mazuyer se révéla par la suite, durant les années 1620, un soutien important du duc de Montmorency pour ses entreprises militaires en Languedoc contre les réformés152. En revanche, Jean de Bertier, baron de Montrabe, qui succéda à Le Mazuyer dans la charge de premier président grâce à Richelieu en février 1632, ne semble pas avoir entretenu de liens étroits avec les Montmorency. Durant la Ligue, son oncle le président de Paulo appartenait à la clientèle des Guise et Jean de Bertier commença sa carrière au Parlement sous les auspices du duc de Mayenne153. Son père, le président Philippe de Bertier tenta

148 A.D.H.-G., M. Perrier (copiste), Histoire du Parlement de Toulouse, t. III (1589-1643), 1877, ff° 522-523. Il s’agit de l’analyse de la scène qui est faite par Hélène Fernandez-Lacôte, Les procès du cardinal de Richelieu. Droits, grâce et politique

sous Louis Le Juste, Seyssel, Champ Vallon, p. 169-170.

149 A.C., série L, t. LIII, f° 212. Lettre du parlement de Toulouse à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 26/5/1600 ; id., t. LIV, f° 240. Lettre de Jean de Paulo à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 1/7/1600 ; Jean-Baptiste Dubédat, Histoire du parlement de Toulouse, t. I, Paris, Arthur Rousseau, 1885, p. 644.

150 A.C., série L, t. LIII, f° 183. Lettre de François de Clary à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 21/5/1600 ;

id., t. LVI, f° 15. Lettre de François de Clary à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 28/11/1600 ; id., f° 126. Lettre de François de Clary à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 19/12/1600 ; id., t. LXXXVIII, f° 9. Lettre de François de Clary à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 16/7/1607 ; A.D.H.-G., ms 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 57-58.

151 Marquis de Chantérac (éd.), Journal de ma vie, op. cit., t. I, p. 391 ; A.D.H.-G., ms 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 153-157. Il s’agit des présidents Jean-Gaubert de Caminade, époux d’une nièce de Paulo, Jean de Bertier, neveu de Paulo, et Jean de Maniban, non apparenté.

152 A.D.H.-G., ms 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 211-224 ; A.D.H.-G., M. Perrier (copiste), Histoire du Parlement de Toulouse, op. cit., t. III, f° 428.

153 Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse, t. II, Toulouse, 1701, p. 419 ; A.D.H.-G., 6 J, Fonds Bertier de Pinsaguel, liasse n° 48, f° 96.

vainement d’obtenir le patronage du connétable de Montmorency et, par la suite dans les années 1620, Jean de Bertier put apparaître comme un opposant au premier président Le Mazuyer sur des questions financières intéressant le gouverneur du Languedoc154. Au contraire, le président Jean de Potier de La Terrasse se disait en 1599 voué au service du connétable « à l’exemple de [ses] pères » et le tenait informé de la vie politique languedocienne155. De même, Jean-Gaubert de Caminade, procureur général puis président au Parlement, obtint en 1598 le premier office qu’il y exerça grâce à l’intercession du connétable et se déclarait alors à son service156. Cependant, le président de La Terrasse décéda en 1611, ne servant pas sous Henri II de Montmorency, au contraire du président de Caminade qui exerça jusqu’en 1636. Jean-Gaubert de Caminade fut soupçonné par le maître des Requêtes Louis Lemaître de Bellejambe d’avoir pris la tête en août 1632 des partisans du duc de Montmorency au sein du parlement de Toulouse157. Un client important des Montmorency était le procureur général François de Saint-Félix. Son père, le président Claude de Saint-Félix était un partisan dévoué du connétable de Montmorency au début du XVIIe siècle et fut le beau-père du président de Caminade158. Le procureur général de Saint-Félix exerça sa charge de 1611 à 1645. Autre client du gouverneur, le conseiller Pierre de Barthélemy, sieur de Grammont, fut employé par le duc de Montmorency pour négocier avec le capitoulat de Toulouse au nom du Parlement159. Enfin, durant les délibérations de la compagnie, les nombreux parents et alliés du président au bureau des finances de Toulouse, Jean-Georges Ier

de Caulet, se montraient favorables aux intérêts financiers du duc de Montmorency. Caulet était beau-frère et oncle de deux trésoriers de la bourse des États de Languedoc, Bertrand et son fils Bernard de Reich, seigneur de Pennautier, qui tenaient les finances de la province pour les Montmorency dont ils étaient les clients160. Henri II de Montmorency devait donc pouvoir compter sur ces quelques magistrats, unis à son service par une tradition de fidélité à sa famille depuis le XVIe siècle, pour appuyer sa volonté au sein de la compagnie.

154 A.C., série L, t. XLIII, f° 93. Lettre de Philippe de Bertier à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, le 28/8/1598 ; A.D.H.-G., ms 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 270-276. 155 A.C., série L, t. XLVI, f° 25, t. LXII, ff° 99 et 207, t. LXIV, f° 181, t. LXVI, f° 111 et t. LXXXVIII, f° 108. Lettres de Jean de Potier de La Terrasse à Henri Ier de Montmorency, La Terrasse, le 12/1/1599, Castres, les 3/11 et 26/12/1601, 3/3 et 15/8/1602 et 13/8/1607.

156 A.C., série L, t. LII, f° 2 et t. LIII, f° 183. Lettres de Jean-Gaubert de Caminade à Henri Ier de Montmorency, Toulouse, les 1/1 et 25/5/1600.

157 Catherine Vignal Souleyreau (éd.), La correspondance de Richelieu, 1632-1633, op. cit., p. 155. Lettre de Louis Lemaître, sieur de Bellejambe, au cardinal de Richelieu, Toulouse, le 11/8/1632.

158 A.C., série L, t. LXVII, f° 269. Lettre de Claude de Saint-Félix à M. Castillon, secrétaire du duc de Montmorency, Castres, le 30/10/1602.

159 A.D.H.-G., M. Perrier (copiste), Histoire du Parlement de Toulouse, op. cit., t. III, f° 336. A.C., série L, t. LXXXVIII, f° 210. Lettre de Pierre de Barthélemy, sieur de Grammont, Toulouse, le 30/9/1607.

160 A.D.H.-G., ms 147, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 186-197 ; Antonin Cros-Mayrevieille (éd.), « Mémoire touchant les familles plus ancienne de la Ville de Carcassone (XVIIe siècle) », Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, t. 2, 1906, p. 90-103.

Son successeur, le maréchal de Schomberg, ne semble pas avoir entretenu une clientèle parlementaire très étoffée. Schomberg résidait le plus souvent dans le Bas-Languedoc, à Montpellier tout particulièrement, ville dont il était aussi gouverneur, puis, à partir de l’été 1635, il fut fréquemment retenu par ses obligations militaires sur le front le long de la côte languedocienne161. Le gouverneur ne vint à Toulouse qu’à quatre reprises entre 1633 et 1647 et il eut donc davantage affaire à la cour des comptes, aides et finances de Montpellier qu’au Parlement162. Le président Pierre Desplats, sieur de Gragnague, semble avoir été attaché au service de son père, le premier maréchal de Schomberg avec qui il collabora, et avoir joui de la protection particulière du gouverneur163. Le conseiller Christophe de Maynard de Lestang était aussi l’un de ses protégés164. Schomberg put aussi intercéder auprès de Richelieu en faveur du président Jean-Gaubert de Caminade en 1633, ancien client montmorencien, soulignant à la fois la versatilité des engagements clientélaires et l’importance pour les gouverneurs de s’assurer de l’appui des principaux magistrats, même ceux dont la fidélité pouvait être la plus douteuse165. Si le partage d’un patron commun, le cardinal de Richelieu, avait dû rapprocher le maréchal de Schomberg du premier président Jean de Bertier, il semble que le gouverneur n’eut jamais totalement confiance en ce magistrat, sans pour autant se retenir de collaborer avec lui lorsque le nécessitaient les affaires militaires en Languedoc. Bertier put ainsi relayer les demandes du maréchal de Schomberg auprès du capitoulat de Toulouse à plusieurs occasions166. Le clientélisme du gouverneur vis-à-vis du parlement de Toulouse apparaît ainsi relativement distant.

Au contraire, Henri II de Bourbon-Condé qui supplanta puis écarta entre 1638 et 1642 le maréchal de Schomberg du gouvernement du Languedoc veilla à s’attirer des fidélités

161 A.A.E., M.D. France, Languedoc, vol. 1629, f° 47, « Memoire général de l’estat present de la province, des places, et des choses sur lesquelles j’attends les commandements de Monseigneur le Cardinal » de Charles de Schomberg, duc d’Halluin, s.l.n.d. (juillet 1635) ; Alexandra Lublinskaya (éd.), Documents pour servir à l’Histoire de France. Lettres et

me moires adressées au chancelier P. Séguier (1633-1649), Leningrad, Académie des sciences, 1966, p. 55. Lettre de Charles

de Schomberg, duc d’Halluin, à Pierre Séguier, Montpellier, le 21/12/1643.

162 A.D.H.-G., ms 148, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 5-9 et 25-27 ; A.M.T., BB 30, f° 301 ; id., BB 31, f° 5 v° ; id., BB 32, f° 244 v° ; id., BB 33, f° 286 v° ; A.A.E., M.D. France, Languedoc, vol. 1630, f° 364. Lettre des officiers de la cour des comptes, aides et finances de Montpellier au cardinal Richelieu, Montpellier, le 26/1/1638 ; id., f° 366. Lettre de Charles de Schomberg, duc d’Halluin, au cardinal de Richelieu, s.l.n.d. (janvier 1638) ; id., vol. 1634, f° 249. Lettre de Jean-Baptiste Baltazar au cardinal Mazarin, s.l., le 9/10/1646.

163 B.n.F., coll. Baluze, ms. 339, f° 39. Lettre de Jean-Baptiste Baltazar à Denis Charpentier, s.l.n.d.

164 A.C., série M, t. XXII, f° 296. Lettre de Paul Ducros à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, le 26/4/1641. 165 B.n.F., ms. fr. 9354, f° 149. Lettre de Charles de Schomberg, duc d’Halluin, au cardinal de Richelieu, Castres, le 13/9/1633.

166 A.A.E., M.D. France, Languedoc, vol. 1629, f° 181, « Mémoire pour Monsieur le vicomte d’Arpajon » de la main du secrétaire de Charles de Schomberg, duc d’Halluin, s.l.n.d. (juin 1635) ; A.M.T., BB 30, f° 381 ; id., BB 31, f° 141. Malheureusement, lorsque le Fonds Bertier, auparavant conservé au château de Pinsaguel, a été versé aux A.D.H.-G., les donateurs en ont retenu les liasses 77, 80 et 81, qui contenaient des lettres de Louis XIII, de Louis XIV, de Richelieu et des gouverneurs au premier président et qui auraient sans doute permis de préciser la nature exacte des rapports entretenus par Bertier avec le maréchal de Schomberg. Toutes nos démarches pour accéder à cette correspondance ont échoué.

parlementaires toulousaines. Dès 1635, le premier président Jean de Bertier cultivait son attachement au prince de Condé en le complimentant sur les thèses soutenues par son jeune fils, écrivant « avec toute la France que ce [n’était] qun commencement des grandes merveilles quon [attendait] de Monseigneur le duc Denghien167 ». Le premier président collabora efficacement avec le prince de Condé lorsque celui obtint le commandement des armées royales en Languedoc168. Bertier contrôla par ailleurs pour Condé les nominations au capitoulat de Toulouse169. En échange le premier président lui demanda à l’occasion le retrait de troupes logées sur les propriétés de son gendre, le conseiller Jean de Garibal, ou de protéger les intérêts de ce même gendre en Provence170. Toujours en matière militaire, les conseillers Pierre de Rességuier et Guillaume de Masnau, sieur de Bousignac, furent employés par Condé pour l’exécution de commissions pour financer la guerre171. Par ailleurs, des intérêts financiers propres au Prince attirèrent à son service d’autres magistrats toulousains. L’avocat général Jacques de Marmiesse était ainsi intendant des affaires du prince dans le ressort du parlement de Toulouse et disait tenir sa charge au sein de la compagnie de la seule volonté de ce dernier172. La politique foncière du Prince, orientée vers la reconstitution du patrimoine des Montmorency entre ses mains, lui fit procéder à des rachats de terres en Languedoc173. Les affaires financières liées à ces transactions attirèrent dans sa clientèle le président aux Enquêtes Gabriel II de Barthélemy de Grammont, ainsi que son frère le conseiller François de Barthélemy de Beauregard174. Ces deux magistrats, fils d’un client du duc de Montmorency, devenaient ainsi factotum des intérêts condéens en Languedoc. Même après la mort de Condé, le président de Grammont resta intendant des affaires de la princesse douairière et chef de son conseil en Guyenne et au Languedoc175. Les conseillers Rességuier et Masnau étaient des cousins du président de Grammont176. Le président Pierre II de

167 A.C., série M, t. VI, f° 261 v°. Lettre de Jean de Bertier à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, le 3/9/1635. 168 A.C., série M, t. XVII, f° 389, t. XX, f° 85, t. XXI, f° 407, t. XXI, f° 452, t. XXII, f° 450, t. XXIII, f° 68, t. XXIII, f° 313 et t. XXV, f° 244. Lettres de Jean de Bertier à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, les 21/9/1639, 7/7 et 25/9/1640, s.d., (juillet 1640), 21 et 25/5, 12/6 et 14/9/1641.

169 A.C., série M, t. XXIII, f° 107. Lettre de Guillaume de Masnau, sieur de Bousignac, à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, le 24/5/1641 ; id., t. XXVI, f° 209. Lettre de Jean de Bertier à Henri II de Bourbon-Bourbon-Condé, Toulouse, le 15/11/1641.

170 A.C., série M, t., XXII, f° 350 et t. XXIV, f° 341. Lettres de Jean de Bertier à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, les 5/5 et 3/8/1641.

171 A.C., série M, t., XIX, f° 227. Lettres de Pierre de Rességuier à Charles de Machault, Toulouse, le 2/4/1640 ; A.D.H.-G., B 1879, Affaires du Roi et du Public, t. I, ff° 284-285.

172 A.C., série M, t. XIII, f° 168, t. XX, ff° 64 et 123 et t. XXV, f° 230. Lettres de Jacques de Marmiesse à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, les 14/4/1638, 31/6 et 16/7/1640 et 13/9/1641 ; id., série P, t. I, f° 67. Lettre de François de Chévery, chevalier de La Rivière à Louis II de Bourbon-Condé, Paris, le 3/5/1647.

173 Katia Béguin, Les princes de Condé, op. cit., p. 34.

174 A.C., série M, t. XIX, f° 395. Lettre de Gabriel de Barthélemy de Grammont à Jean Perrault, s.l.n.d. (Paris, 1640) ;

id., t. XX ; f° 26. Lettre de Gabriel Roquette à Henri II de Bourbon-Condé, Toulouse, le 23/6/1640.

175 A.C., série P, t. VIII, f° 111. Lettre de Gabriel de Barthélemy de Grammont à Jean de Veyrac, baron de Paulhan, Toulouse, le 12/7/1650.

Potier, sieur de La Terrasse, suivit une logique comparable. Alors que son père appartenait à la clientèle montmorencienne, il chercha à obtenir les grâces du Prince pour lui et son fils, Étienne II de Potier de La Terrasse177. Deux pôles de ralliement au clientélisme condéen se dégagent ainsi au sein du parlement de Toulouse. À la collaboration fiscale et militaire d’un Jean de Bertier s’ajoutait un groupe anciennement attaché aux intérêts montmorenciens en Languedoc, réorientant leur fidélité vers le prince de Condé qui apparaissait, malgré son ralliement à Richelieu, comme le véritable héritier du clan Montmorency.

Le duc d’Orléans fut, d’une manière différente, lui aussi perçu en Languedoc comme un continuateur du dernier Montmorency et de sa clientèle. Après Castelnaudary, une partie de la noblesse languedocienne fit son entrée dans la clientèle du frère de Louis XIII, souvent, pour les plus compromis, pour échapper à la répression menée par les hommes de Richelieu et de Condé178. En 1644, lorsque Gaston d’Orléans fut nommé à la tête du Languedoc, ces hommes se trouvèrent en position de force dans leur province. Parmi eux, certains étaient apparentés aux magistrats toulousains, donnant à ces juges un accès privilégié au palais du Luxembourg. Amans de Barthélemy, surnommé le « petit Gramond179 », le chambellan du duc d'Orléans, était ainsi un autre frère du président aux Enquêtes Gabriel II de Barthélemy de Grammont180. Amans de Barthélemy joua un rôle de médiateur entre le duc d'Orléans et les États de Languedoc, et fit l’acquisition de la baronnie de Lanta en 1647 qui lui permit d’y siéger181. Son frère, le président de Grammont, joua un rôle similaire pour le duc d'Orléans auprès du Parlement et du capitoulat de Toulouse182. De la même façon, Jean de Lordat, sieur de Bram, qui est décrit par un capitoul de Toulouse comme une « personne confidente dans la maison de Monsieur » et qui obtint le gouvernement de la ville de Carcassonne, était le beau-frère du président Étienne II de Potier de

177 A.C., série M, t. XIX, f° 72 et t. XXIII, f° 401. Lettres de Pierre de Potier, sieur de La Terrasse, à Henri II de Bourbon-Condé, Castres et Toulouse, les 25/1/1640 et 18/6/1641.

178 C.E.J. Caldicott, « Le gouvernement de Gaston d’Orléans », op. cit., p. 25-28. Malheureusement pour nous, si Jean-Marie Constant prête une grande attention à l’entourage curial du duc d'Orléans, il n’évoque pas du tout sa clientèle provinciale (Jean-Marie Constant, Gaston d’Orléans, op. cit., p. 168-185). De même, Pierre Gatulle prête peu d’attention au duc d'Orléans gouverneur du Languedoc, et ne mentionne pas de magistrats toulousains parmi ses clients (Pierre Gatulle, Gaston d’Orléans. Entre mécénat et impatience du pouvoir, Seyssel, Champ Vallon, 2012, p. 374-398).

179 Un autre « Gramont » est au service du duc de Montmorency en 1632, selon le biographe du duc, sans pour autant qu’il soit assuré qu’il s’agisse du même personnage. Simon Ducros, Mémoires, op. cit., p. 237 ; Louis Monmerqué (éd.), Les historiettes, op. cit., t. VIII, p. 36-40.

180 Sur Amans de Barthélemy dans la maison du duc d'Orléans, voir Charles Constant (éd.), Mémoires de Nicolas Goulas, t. I, p. 406, 409 et 419, t. II, p. 329-330 et 466 et t. III, p. 399.

181 A.A.E., M.D. France, Languedoc, vol. 1634, f° 98. Lettre de Claude de Rebé au cardinal Mazarin, Narbonne, le 25/3/1645 ; id., f° 106. Lettre de Charles de Schomberg, duc d’Halluin, au cardinal Mazarin, Narbonne, le 26/3/1645 ; Clément Tournier, « Deux grandes dames de Toulouse romanisantes aux XVIIe et XVIIIe siècles »,

Revue historique de Toulouse, t. XII, 1925, p. 281.

182 A.D.H.-G., ms 149, « Collections et remarques du palais » par Malenfant (greffier du Parlement), ff° 191-192 ; A.M.T., BB 33, f° 282 v°.

La Terrasse, lui donnant ainsi accès au duc d'Orléans183. Les présidents de Grammont et de La Terrasse étaient donc liés à la fois aux intérêts condéens et orléanistes en Languedoc. Potier de La Terrasse fut accusé d’être « chef de party pour les princes » en 1652, c’est-à-dire précisément lorsque, dans un basculement d’alliance, le duc d'Orléans apporta son soutien au Grand Condé contre le cardinal Mazarin et la régente184.

En Guyenne, Jean-Louis de Nogaret de La Valette, premier duc d'Épernon, cultiva aussi des liens avec certains magistrats bordelais. Parmi ceux-ci, se distinguent dans les années 1620 le président François de Pichon et le conseiller Jean de Briet. En janvier 1627, le président de Pichon refusa d’être évincé par ses confrères d’une délibération qui portait sur le gouverneur auquel il semblait attaché et il fut exclu en conséquence du palais durant trois mois par la compagnie. Durant cette délibération agitée, Jean de Briet fut de la même manière désigné comme affidé au gouverneur185. Tous deux se brouillèrent néanmoins avec le duc d'Épernon au cours des années 1630, alors que son étoile palissait à la cour. Le conseiller de Briet se détacha de la clientèle du gouverneur semble-t-il après que celui-ci ait fait bastonner à mort son fils unique en 1632. Le président de Pichon rompit en 1637 avec le duc d'Épernon lorsque celui-ci refusa de lui rendre justice après que le lieutenant de ses gardes ait injurié son fils, Bernard de Pichon-Longueville, alors conseiller au Parlement186. Durant les années 1630, les partisans du duc d'Épernon se rencontraient surtout dans la parenté des présidents Sarran de Lalanne et Arnaud de Pontac. Le président de Lalanne, malgré son appartenance à la clientèle de Richelieu, était tout autant un protégé du duc d'Épernon. Son cousin, le président de Pontac, se disait apparenté au