DIALOGUE.
PERSONNAGES.
HENRI ly.
LOUIS XIV.
LE ROI DE PRUSSE.
LE CARDINAL DE RICHELIEU.
LE MARÉCHAL DE RICHELIEU.
LE DUC D’AIGUILLON.
UN COURIER.^
LE PRÉSIDENT DUPATY.
LE MARÉCHAL DE VAUX.
î ' “Sw* V'-
îr '-s/ >
/fV, ;j»
%CAO«
3
)L E
PRÉSIDENT DUPAT
Y
.AUX CHAMPS ÈLISÈES.
Louis XIV.
M
Onfieur leMaréchal
, je vous aivu
naître.Le Maréchal,
Sire,
jevous
aivu
mourir; mais , a cette époq.ie, vous n’étiez plus ce pluribusimpar^
ceMonarque
univerfel, ceDieu
rayonnant.degloire,dont
les centbouches
de laRenommée
,&
lestrompettes des Lettres
&
des Arts publiaienten
tous lieux les hauts faits&
les merveilles :vous
n’étiez plus alors qu’un
phantôme
deRoi,
livréaux
caprices des Prêtres ôf desfemmes
;fanatique parfoiblelle,&
foiblepartempérament
;repréfenté, à lahonte des Nations ,foulant auxpieds nosvoi- fins; environné des attributs effrayansde
laguerre,armé
de la foudre,&
n’ayant réellement dans les mains qu’un Chapelet,un
Bréviaire,ou
les vieux"appas de la
veuve
Scaron,Vous
n’aviez pluspouL ami
le flatteurDefpreaux
, ni l’aflucieux Mazarin mais vous aviez le Telller, Bofifuet,&
la Chaife.Oh!
Sire,combien
de malheurs rappellent àma mémoire
cesnoms
'odieuxî dix millionsd ames
A2
^ (
4
)égorgées,
ou
bannies de leurs foyers tutélairesparvos
ordres parricides!....Mais
oublions cette faute capitale, qu’un de vos petits-fils vient de réparer.Oublions
auffil’afiront doiit vouscouvritlerempanç
la Feuiliade, enélevant à votreorgueilun
monu^
ment
qui indigne toutes lesâmes
honnêtes.Votre
Place des Victoires fera peutrétre quelque jour la ruine de la France.Des
Nationsoutragées pénétre- ront peut-être dansla Capitalede
votreRoyaume, uniquement pour
renverfer&
réduire enpoudre un monument pu
cevil courtifan les a balTementem
chaînées,
Henri IV,
M.
leMaréchal
, lailTez-làmon
petit-fils j ilne
méritepas denousoçcuper
danscernoment;
allons plutôt au-devant de l’étranger qui s’avance versnous,
peut-être eft-ceun
Français,Le Maréchae,
N’en
doutez pas ,S
iR E
, c’eftun dç vos
Cordons-Bleus.L E C A R D
IN A
L,plions
donc
tous recevoir notre Confrère,Le Maréchal,
En
croirai-jemes yeux
?Eh
! mais.., c’eft Juî.,;c’eft
mon
Coufin« Certes, c’eft lui-même. Ah
|Monfieur
leDug,
je reconnois là votre attache^,ment
;me
fuivre jufqu’auxChamps
Elifées !m^
^o\
» e’eft êtreun
parent bien ?élé*Le D h ç p’A
Ia u
Il l o
n,gt
<ji|e VQule.?-VQU5qu’on
faflTe, tnpi^Coufîn, 4ans
un
paysoù
les affairesvont
(Imal
?.
L
-EM A R É C H A
L.Il ell vrai qu’elles font en fi oiauvais état
qu«
fous votre Miniftere.
Le Roi de Prusse.
J’en doute. Maréchal. ^
Le D u g d’A igüieeon#
Frédéric, je fais qiiç
nous
n’avons jamais étébons
amis; mais puifque letombeau
nous réunit,& que nous devons
être àjamaisenfemble, faifons la paix,&
foyons debonne
intelligence»Le Roi de Prusse,
Vous
trouvere2 plus loinLouis XV &
faMar*
quife, vos ançiens amis; quant à
moi,
j’aime les bfaves gens,LeMaréchae.
Déjà
des querellesEh
!bien,mon
Cou«*fin,les chofes
vont donc
toujours demal
enpire*Le Duc
d’Aiguillon.
Toujours, C’eft
peu pour
des Miniftresmercé*
naires, d’avoir réduit l’Etat à
deux
doigtsde
fa ruine totale; d’avoirinterrompu lecoursde laJuf- ticopendantfixmois
, dansune Nation
de vingt- quatre millionsd’hommes
; d’avoir par cette facri-*legeaudace, çnhardi
&
protégé lecrime,, intimidé^ opprimé
l’innocence; d’avoir banni de laMo-*
natchie,tout fyftêmeraifonnable, le
gouvernemeni
paternelj leslobt éteinelles
&
imprefcriptiblesquo
la nature a gravées dans le cceur des liomtnes^
&
preféiablemcnt danscelui de: Küisid'avoir ébranlé le
Fione
desBourbons,
élevé entre leMonuiqje
&
Tes Sujetsunebaniere
effayante, qu’on n’ana- chera peut-être qu’en écrafantlesdeux
partis; d’a- voir violé tous les droits de Ih.maniié,
envaht toutes les libertés, englouti rouies les fortunes » rempli de délefpoir ôc de rage toutes les
âmes
; d’avoir verfé lefang français,Ôc fournis une nationbrave
, franche, aimante, à l’inrupportablejoug du Defpotifme
; c’eH:peu
, Meflieurs
,
pour
césMiniftres perfides, lis viennent de mettre le
com-
ble à ces calamités atroces
&
générales.On
vient d’aliénerentièrementlaconfiance publique,&
l’onn
a pas fongé que cette confiance étoit le neifcde
l’Etat, ôù que làoù
il n’y a plus de confiance, iln’ya plus qu’un
phantôme
deGouvernement. On
a
fermé toutes les cailles publiques, ôc l’on a en- levé au riche fa fortune, au pauvre le fiuit de les travaux de de fes veilles qu’il avoiraveuglément
confié au fife,
pour
(ubfianterfa vleilleOe; ilsont enfin rédvÛ4: l iuat Ôc les Peuples dans une elpecede
paralylîe , d’où ils ne peuvent fortir que parune convuHîon
quiopéré une révolution heuieui'e,.éclatante, attendue, peut-être en vain, par
une
î^acion éplorée.Le Maréchal.
On
dôît toujours s’attendre à de grandsmal-
heursdelà partdesAgens
del’autorité, tant qu’onlaifî'era leurs prévarications impunies. Si vous euf- décrétél’impudent
Galonné,
vous n’aihiez pas aujourd’hui à la tête des affairesdeux hommes
qui oui: fait infiniment plusde mal
que lui.(
7
)ÜN CoUKIE».
M.
leMaréchal permet
-ilque
j’aie l’honneurde
lui préfencermes
rerptdi.?Le Maréchal.
C’eft
un
Courier Français.Eh
! par quel hafarcî tevoyons
nous ici bas ?Es
tumort, ou
viens tu cyprès en viepour
nous apprendre encore quelque afHigeance nouvellefLe Courier.
I
Pour
vivant, j’ai ceflede l’étre,aux
portesde Rennes
en Biecagne, pays que conrioïc très bien Al. leDuc
q.îe vOila (iJ: quant aux nouvelles, jevous
en porté d’affez*agréables.Le Grand-Prê-
tre
&
leGrand
Magiftrat ne font plus,on
les bruloit en effigie loifqae j’ai partipour mon
der- nier voyage. i..es malheureux! s’ils avoient'exillédeux
joursdeplus , c’en éroit fait de tout leDau-
phiné&
peut-être de la E'rance 1 Croiriez*vous
bien qu’ils avoientdonné
des ordrespour
faire enlever par des foldats àmain armée,
la Noblelïe aflemb’ée àRomans
fous lebon
pîaifirdu Roi
;que
cette Nobleffie citoyenne étoitelle-même
gar-dée
par leshabitans aulii ariiTés,& prêtsà repouf, fer par la foKce les attentats que pourroientfeper- mettre des Minières effrénés?Un moment
avant l’heure indiquéepour
cette affieufe opération,eft arrivée la nouvelle de la difgracedePauteur-Chef de
cette barbare confédération.Au
deuil& au
(f)
Le Duc
d’Aiguilioo 9 Gouverneur de notre Frovince.c
(
8 ).
défefpoir fuccède
une
alîégrefTe bfiiyailte,quîs’eftd’abord lïianifeftée par une illumination générale
&
des feuxde
joie, dès l’heure demidi. J’ignore quelles en ont été les fuites; j’ai été forcé dere- partirpour
prendre'd’autres ordres à Verfailles*En
arrivantdansParis,j’ai trouvé fur lePont^neuf
environ cent mille âmes#Quelques hommes delà populace
traînoient,au bruitdes acclamationspu-
bliques,un mannequin
repréfenrantun homme de robe aux
pieds de la ftatue de notrebon Henri
IV
;aux
cris des bourreauxarmés
de torches,j’aireconnu La
le barbaréîCe fupplke
infligé parune
elafîed’hommes
indifciplinés, n’efl: paS proportionnéaux
calamitésdont
il a défolé leRoyaume
,&
il faut efpérer,
pour
la gloire delaNation
,que
lesTribunaux
bientôt rétablis par le rheilleürdes Rois^donneront
un grandexemple à
la terre, faifantexpier à ces tropfameux
facri- leges, les forfaits Ôi lescrimesdont
ils ontineetî-»diéleur Patrie.
Lé MARlftGliAti
Eft-ce qu’on parloic d’une rentrée prochaine des Parlemens?
L É G O U R
IE
H#Oui
,Monfeigneur
; ils Ontpour prôtêâeur
un-Roi bon
,ami du
bien,&
un Miniftre éclairé 9dont
le génie eft toujours fupérieur aux ehofes qu’il entreprend,Monfîeur Neckêr
, ce fagejuP
tentiemvénérédu
Peuple François&
desNations
Voifines, vient de rétablir la confiance publique,en ordonnant
larévocationde
FArtét défafireuxdu lé Août. Le commerce
anéantipar cétté' mal- âdieil^àcîreiïe de l’Adminldratior} précédente , a feprîs fon ancienne vigueur fous les aufpices
du nouveau
Sully; les canaux de circulation ont été r’oiiverts^êcla France ne fonge plus qu’à fignaler fa joie
dé
la régénérationflatteufe
du
MinillereoLe Duc
d*A
igui l
u
d
n;Mon ami
,nousté remercions^de tes nouvellesi^adieu,varejoindretescamarades^...*
&
nous, allons àu-devant de cethomme
enrobe rouge
,qui s’a- vance; peut-être nous apprandfa-t-ildu nouveau»
L E M A K
É cH A
l;. Sijene
me trompe,
c’eflun Préfdeht duPar»
lement de
mon Gouvernement
de Guienne.Oui
^ parbleu !&
ce n’efl: pas le plus ignorantde tous;c’eft le zélé défenfeur des trois
condamnés
à la roue^ deChaumont.
Le Duc
d'A
îg u
î'Il o
Le courageux Dupati
1Soyez
le bienvenu
i Préfident;on
a cherchéà flétrir votre gloire, otiVous
aaccufé d’avoir prêté votreplumé
Scvos
'lumières au deftrudeurfacriiegedelaMagihrature; ce que les honnêtes gens ont eu bien
de
la peine à croire.Le P r
és î d.e n
t.'Le
cri dema
confclence efl: le premier témoi-gnage
que j’ai réclamé dans toutes les circonflan-.ces critiques de
ma
vie; defliné parlaProvidence
àfiéger furles Fleurs-de-Lys, j’ai ofé
y combat-
B
I
(
10
)tre les préjugés deftruélifs qui fubfiftent eticôtô dans quelques têtes étroites; j’ai
vu avec
douleurque
des conftitutions barbatesabrutiffoientlepeu- ple Français ; que nos loix étoient fauvages, obf- cures,ambiguës
, cpntradidoires; j’ai cru demon
devoir
de
défigner quelques-uns de leurs vicef les plus défaftreux;mon
zèle a foulevé contremoi
quelques Magiftrats,comme
fi le Magiftrat avoirlui-même
faitles loix,comme
fi labonté
des loix dépendoitde
fes Miniftresj qui n’ert furent jamaisque
les interprètes&
les organes impaffi"blés;
comme
fi la vertu des Magiftrats.
pouvoir
être attaquée dans la démonftration de l’imperfec-' tion de la Juxifprudence;comme
fiun
Jurifeon- fuitene
pouvoit pas être honnêtehomme,
parceque
les loix de fa patrie font vicieufes !Ah
! jeme
fuis efforcé deme
faire entendre dansmes
dif- cours&
dansmes
Ecritsj mais toujours en vain.Ce
n’eft pas vous,ORGANES VÉNÉRABLES
DE LA JUSTICE
,ce n’eftpasvous quejeblâme*ce n’eft pas
vous
qui avez injuftementcondamné
l’Ally, les Calas, Montbailly, Sirven, la
domef^
tique de
Caen
,&ç. Ce
fontvos
loix,vos
loix barbares, toujours altérées de fang, qui ont jugé coupables&
dignesdu
dernier fupplice, des Etres infortunésqu’on n’apu
convaincreque
d’une inno-cence
évidenteî J’attefte le.ciel j.&
cesdemeures
éternelles des
hommes
,que
je n’ai jamais cefféun moment
de vénérerles Magiftrats éc leursfonc- tions auguftes ! Puiffent-ilsme
rendrej aprèsma
mort
, lajuftiçeque
quelques-uns d’entreeux m’ont
refufée demon
vivant,&
fe pénétrer ,comme
moi
de l’extrêm* aecefiité d’une réformede
la légiflatipn î( II )
Le Duc
d’Aiguillon,
Vous emportez
, malgré l’envie, les bénédic*rions de trois
hommes'
arrachés del’échafaud par votre courage; cette gloire vaut bien la petitecé- lébrité qu’a acquifemon ami
Nicolas-HenriLin*
guet(I) ,, en s’efforçant
, par des viles
déclama-
tions&
d’odieufes calomnies , de fappet lesfon-demens
desTribunaux
delaNation
, en répandantdu
ridicule fur leursMembres
tefpeâables*Le Président,
Ah
Jde grâce,M.
leDuc
, ne parlez pas,dansce
féjourde
l’honneur, d’unhomme
aufïi vil.Les
Français ontdéjà faitjufticede ceBaron
amphibie^en
levouant auplusprofond
mépris,&
il fautef- pérer quelesParlemens, qui, filong-temps
onteu
pitié de cette cervelle brûlée5 lui prouveront, par
un grand exemple
, que ce n’eft pas toujoursen
vain qu’on profane le fanétuairede
la Juftice,^
qu’on touche
aux
ointsdu
Seigneur laMagif-
trature ,efpece de facerdoee toujours; refpeétable,lors
meme
qu’il s’égare. Je pourrois fouiller auffi ces lieux facrésdu nom
d’un autre miférable écri- vafîier,non moins
.coupable,&
qui mériteau
moins
lefupplice qu’oninfligeraau là2iïQnLinguet%c’eftceRédaéteur(2),
gagé
d’un PapieivNouvelle,(i) Il paroîtra inceflamment
un Mémoire
contre cet Apologifle de l*efcîavage, 6ç des Agensmerçe^
nairesde Tautorité.
(i)
Morande
,Rédaâeus du
Courier de PEarope,B 2
•; . C
ï2
)a îu jadis
, parce qu’il coqtenoit quelques
penfonges
, Hes anecdotes agréables, &:c. mai^qu’on ne nelit plus, parce qu’ons’y
donne
letonde
calomnier leshommes
les plus refpedacles,de
profanerles çhofes les plus faintes.Eh
!comment im Gouvernement
iage peutril iailTer l’arme terri-;ble de la délation
&
de lacalomnie dans lesmainsimpures
d’unhomme
ta^t de foiséchappé
au gi- bet ,&
qui profaneroit le gibetmême
?Comment un
Miqiftère dont lesçommencemens
annonçoient lebonheur
, a-t-ilpu
acheterlaplume
vénale d’un Ecrivainrampant
, toujours prêt à flétrir,
pour uq peu
d’or , les vertus , le zèle&
les répücations ,8c a prqner les vices&
la fcélératefle? Mais c’eft tropnous
arrêter à,un homme
fipeu
digne de^attention des honnêtes gens..*. ^
Le MARicHAE?
Oui
,beaucoup
trop ; ditesmous plutôt fi nof^agiftrats ont repris leurs
fondions?
Le Président,.
Gui
5Monfieur
leDuc
, ilsvont
les reprendre çesfondions
fi cheresj fi indifpenfables, fi défi-?rées de toutes les
âmes
honnêtes. Cetteépoque
fa-|ütaire efl' enfin arrivée; Tutilité publique l’em?
porte. Fidèlesau premier des fermens , à- celuide rendre la juflice
, ferment facré
que
les Magiftrat^renouvellent tous les ans en reprenant leurs fonc- tions fufpendues; ferment facréqu’ils renouveilent à
chaque moment
de leur vie, les Parlemensvont gu^ier
leurs intérêts particuliers,
pour
reméciie^'promptement aux
calamités générales qui défoîenç laFrance
(i).Le Maréchal.
-Préfîdent,
vous
avesvfait une étude approfondie desLoix
de desCoutumes
de tous les pays 8cde
tous lestemps, que
penfez-yous de notre Ju?rifprudence?
Le P r
é s Id e n
t. nSi
vous
avez eu labonté
de lirece quej’aiécrit fur cettematière,vous devez
avoirremarqué avec
quelle douleur je voyois fes défeduofités.Le mo- ment approche
,où Ton
s’occupera férieufement’d’uneréforme
mémorable &
falutaire, qui, endif^tinguant notre
Nation
de tant de peuples barba-- res , croupifTant dans la fange des Conllitutions*antiques, élevera enfin notre
Code
au niveau des loix univerfellementadmirées de cetteNation
vol- fine , quifutdans tous lestemps
notre rivale dans- les Arts, Sc notre inftitutrice en philofophie.On
citera bientôt le
Code
François,comme on
cite leCode
d’Angleterrej ôc c’efl:un
bienfaitdéplus
, (i) Grâces immortellesfoientrendues au courageux Magiflrat, qui, par cet aéte de prudence, a fauve la Magiftrature, fa Patrie, dC peut-être fon Roi.
O
Curtius-d’Efpremenil?reçois le foible
hommage
d’an Citoyen obfcur, qui te confiderecomme
leSauveur de ton Pays. Des plumes éloquentes s’emprefl'eront, fans doute, de fîgnaler ton zele romain, dans les*Annales impérilTables de la vertu de du patriotifme.
Note de rEàîîeuu
(
14
)dont
les générationsfutures feront redevablesàh
foîîicitude paternellede
Louis XVL
Et
qu’onne
s’ytrompe
point :une
des préro^gatives de la
Royauté
, la plus belîè, fansqoute,
efl: celle d’établir
ou
d’abolir desLoix,Ainfi,lorsmême
qu’environné des premiers géniesde
fonRoyaume
, le Souverainemprunte
leurslumières,pour
lebonheur de
fes Peuples , il efl: toujours cenféagir de fapleine&
unique autorité. S’il af-femble
les Repréfentans de laNation
, c’efl:moins
comme
des Léglflateurs»que comme
des Gonféil- îers, qui indiquent le bien qu’il peut faire,&
Igmal
qu’il doit éviter; c’efl:un Corps
colleélif >compofé
d’une multitude d’individus unispour
la fureté&
lacommodité commune
> déterminés à agirenfemble
aunom &
fous l’autorité privéed’une feuleperfonne;
pour
agir ainfi, il faut qu’ils n’aient qu’une feule volonté.Eh
!où
en feroit leGouvernement monarchique
,lil’on devoiry por^
ter des loix d’après les volontés particulières? fi
toutes les
Communautés
politiques, étantcompo^
fées
de
plufieurs individus, ayantchacun une vo-
lonté& une
inclination privées , &c cesdifférentes volontés nepouvant
par conféquent , paraucun
Accord naturel , être uniesenfemble ou
difpofées àune harmonie
affezpermanente
,on ne pouvoir former &
produireune
feule volonté générale &:uniforme,
parune
union politiquey c’efl-à-dire, par le
confentement unanime
des citoyens ,de
ibumettre leurs volontés particulières à celle d’un feulhomme
à qui l’autoritéfuprême
efl confiéeîOr
, dans,tousles pays ,même
en Angleterre, c’efl cette volonté d’un feulhomme qu’on
appelleU
Loi,
Maïs
ce n^eft pas feulement le droit de laPuît
fancefuprême
de faire des loix; c’eft encore fon devoir.Eh
! dans quel pays ce faint devoir eft-ilaujourd’hui plus indifpenfable
pour
le Souverainj qu’enFrance
lDans
quel pays l’équitédu Juge
eft-elle plus fouvent obligée
de
redrelTer l’erreurde
la loi îDans
quel pays le Jurifconfultefetrou- ve-t-il plus fouvent forcé d’interpréterla volontédu
Légifîateurj plutôtque
d’exécuter la loi,de
chercher à pénétrer les intentions qu’ilpouvoir
avoir dansletemps que
cette loi fut faite,&
celapar les indices les plus naturels, les plus
proba^
blés, tels
que
lesmots
, la liaifon^ le fujet,lama-
tière, les effets, laconféquence
,l’efprit&
la rai-fon de la
Loi
jindicestoujours dangereux,&
qui,
dans
un Juge de
mauvaife foi, peuvent êtré l’inf-^
trument
d’une infinité de malheurs&
d’iniquités?Et
c’eft dansun
paysoù
la légillation eftfi défec*tueufe ) dans
un
paysoù
lesAnges même com-
mettroient des injuftices en fuivaty: les termes
de
•la loi , c’eft dans
un
tel paysque
l’on attribueaux
Jugesl’iniquité des Arrêts quichoquent
laraifon !Ces hommes
fi intègres , ces dénonciateurs zélésde
la Magiftrature, foftt-ils bien pénétrés des de- voirsdes Magiftrats ? Savent-ils bienqu’iln’eft pas permis auJuge
des’écarterdesqxempîes
antérieurs dansaucun
objet de conteftation, qu’il ne lui eft pas permis de faire
pencher
la balance de la juf- tice au gré de foncapriceou de
fon opinion,maisau
gré de la loi; que la loi ayant étéune
fois déclarée de déterminée dansune
occafion quelcon-que
, ce qui étoit incertain ,ou
peut-être indiffé- rent, devientpour
l’avenirune
règlepermanente
,
qui
n«
peutêtre éludée nichangée
paraucun Juge
( )
podéikur
> Savent- ils bienque
ÎBS Juges foriémeme
obligés par ferment deprononcer
,non
félon leurs fentimeris particuliers , mais félon les
Loix connues &
lesCoutumes du Royaume
; qu’ils font délégués,non
paspour donner
des loix houveiies, maispour
expliquer&
conferver lesanciennes?
Eh
!vous
accufez d’iniquitédesJuges
qui fouvent gémiffent deprononcer
leurs Arrêts!' ,vous eonnoiflez rabfurçjité
&
la déraifon de laLoi
quivous condamne
,& vous
aecufez celui qui n’én peut faireune
nouvéîle quivous
abfolve!Ingrat!telle eft peut-être la fource
impure
de ces libelles pulluîans dontvous
avezinondé
depuisEx mois
laCapitale&
laProvince
î telle eft peut- être lafourceimpure dé
ces déclamations indécen- tes, deces calomniesfacrilegesquevous
avezvo-
mies contre les Miniftres facrés de la plus fainté des vertus, delajuftiee!Ah
fplaignez plutôt l’hon- îîêcehomme
qui fe voit forcé à fe mentir à foi-même,
enprononçant
contre fon opinion&
levœu
de foncœur, &
refpedez jufqu’à fes fautes^
puifqu’eiles ne peuvent pas,luiêtreimputéesI Fai- tesdes
vœux pour
que le plus jufte des Rois re- dreiîe enfin les torts de fes prédéctfleursi
& que
,des Magiftrats, gémiiTant dans roihveté
&
dans.l’exil,
prononcent
bientôt les Oracles de cette Juftiee, fi eiïentielie à la diftinôtiondu
crime Scde
la vertu, de l’innocent&
ducoupable
, qui,
depuis
un
anconfondus
, n’offrent dans votremal-
,
heureux
pays, qu’une maffe informe d’individus , viélimesou
facrijicateurs les uns des autres!Qu’Ü
luife cefoleil de Juftiee
,
pour
nejamais s’éclipfer;&
que leméchant
.pâliffe àfa lumière bienfaifant©,'ac reftauratrice î'
Allons
Allonsjoindrele Maréchcilde
Vaux
, qui doitêtre arrivé depuis qjelqjes jours; il nous apprendrasû-rement
bien deschofes, que nous u’oferionsfoup- çonner: maislevoici qui vientànous.Le MARÉCHALDEVAUXé
Je vous faille ,
Grands Hommes
; je vous cher-che
depuis huit jours...Eh
quoi! legénéreux
Di*- paty fe trouve en ces lieux?Le Maréchal de Richelieu.
Vous voyez, mon
Confrère, que la Parquen’éé pargnepasmeme
la vertu&
le génie.Le Maréchal de Vaux.
Le
Préfidentétoitencorenécefîaiae àma
Patrie.Lui
feul peut-être auroit eu le courage de terrafTec ce monftre horrible, appelle leCode
Criminel, qu’ondiroit avoir befoinchaque
jour de nouvelles viélimes; femblable aufils fanguinaire de Pafiphaë, auquelMinos,
lejufie&
fageMinos
étoit contrainc d^offrir fans cefTe une pâture humaincéLé Président#
Français, raflTurez-vous! la plainte univerfelle^
Au Trône
qui l’écoute, 8c s’attendrit par elle.S’élève; il va bientôt détruire un 'oug d’airain:
Bientôt, demain, peut-être, un jeune Souveraia Dira :Sjfpends tes coups, LoidigneduTartarel
L’autorités’éclaire> 8c tu reftes, Barbare J’ai foullraità Bellone un
monde
citoyen, Et je veiroisThémis
exterminer lemien
!f )
Du
fer de nos Soldats j’arrête la licence(i),'Et la
main
des Bourreaux égorgeroit la France!A
l’efclave deschamps
je rends la liberté.Et fous le joug des Loix il meurt perfécutéj.
Le Temple
du Sénatdemande ma
itarue ,Et le fang innocent couleroit à fa vue!
Délivrons à la fois
mon
Peuple& mon
Sénat,Chaque
inftant que je perds ell: un aflallinat.Telles font lesintentions bienfaifantes
&
pater-nelles qu’a maniteftées plufieurs fois Louis
XVI.
C’eft au milieu de la
Nation
afiemblée; c'ell iorf- quïl fe verra entouré de toutes les lumières
,
de
toutes les vertusdefoii
Empire
, qUe foncœur
fera fatisfait.Il parle, 8c la clémence entend fa voix augufte;
Elle apporte du Ciel un
Code
libre, jatte.Digne
d’un Peupleinttruit,digne d’un Peuplehumain.
Et tel que Montefquieu l’ébaucha de fa
main;
Diftinguant les délits, 8c mefurant les peines, Eéglant, adouciffant le poids, le temps deschaînesi Il
compofe
en public fès décrets folemnels,Et
donne
des témoins au Juge, aux criminels.(i)
Oh
l oui, la licence, 8c une licence inouïe! à Dieu ne plaife qu’un excès d’indulgenceme
porte à favorifer la conduite d’une populace effrénée dansfa joie; mais ne peut-on
la contenir fans l’égorger^Üfez alors de larme terrible de la Loi contre les coupables ; mais ne répandez pas le fang de l’inno- cent derrière lequel il fe cache.
(
Ip
)Bu
fceau de TeVidence ilmarque
le coupablei Il place auprès,du foible un confeil fecourable^Il dit à la Terreur, dreffe les échafauds;
A
la Philofophie, inflruis les Tribunaux ;Au
Doute, au Repentir, veillez fur l’injaftice;A
l’Art d’interroger, écartés l’artifice,A
la Religion , profcris de vains fermens;A
la Miféricorde, abrège les fourmens;A
chaque Juge enfin ,fois ferme ôcnon
barbareIDes jours de l’indigent, fois avant tout avare l
Zélé fans récompenfe, utile fans éclat
,
Le
pauvre efi le tréfor, ôcl’homme
de l’Etat,Le
Peuple induftrieux 8c nécelTaire aumonde
,
Qui rampe fur la terre,
&
qui la rend féconde.Ce
Peuple, qui, courbé fur les filions ouverts.Des guerres lentement répare les revers.
Ce
Peuple qui, verfant les bienfaitsde l’année.DesEtats 8c desRois,fondeladeftinée,
En
proie à tous lesmaux,
n’a que vosloix pourluiAh
! ne l’écrafez pas fous fon unique appui!Le Maréchal de Vaux,
Eloquent Dupaty !cefo\^n-Ià tes
maximes
:Ton
génie aux Enfers, difpute trois viétimes.Etjettant dans les cœurs un falutaire effroi,| ^
Force un
monde
en péril à s’occuper de toi.L’humanité varompre un coupable filence.
Le
cri public fe joint au cri de l’éloquence :A
travers le cahos, le jour a pénétré;L’abîmerefieouvert, mais il efiéclairé.
Le
monfire qu’il cachoit à la raifonmoderne
, ,C 2
(
23
)Eîefle êé tes rayons au fond de fa caverne ,
IVIord
&
déchiré en vain ton e'criîtriomphantjTu
de'.ends i’univers, i’univers te défend.Le M a
kéch
al d
eR
ic h
el
i e u.Jamais éloge ne fut
mieux
mérité.Oui
,Lns
dor.te, vous ferez le Reftaurateur des
Loix
crimi- n-îcS, dont vous avez eu le courage de metrrQ aupur
toute la barbarie; vous ferez le fauveurdeîa poRériré; en vain des CriminaliResféroces
vous
donneroient le titre infakant de Perturbateurdu
repos public. Il ne fera pasmoins
vrai que vous aurez été en quelque forte le Légiflateur dkineNation
éclairée, en diRinguant,au
milieu de cette forêtde loixtombantes devieilleffeou de dejjuétude^
celles,qui vivent^ cellesqui meurent,^ Û> C(.lLes qui font mortes (î).
Ce
n’eftpas affe? que votre écrRait
übgenu
les plus bnilans fufFra,ges-, que vousayez
arraché des larmes à vos Jugesmemes
, vous avez préparé la plus heureufe des révolutions.Le Président,
Je fuis bien éloignéde m’attribuçrcet honneur, Plufieurs éloquens Ecrivains avoient , avant
moi, dénoncé
àla philofophie&
à l’humanité la férocité,de
notreCode
Criminel,Heureux R
, en fuivant leurexemple,]®
avoirquelque part à la gloire qu’ils ont acquiie par leurs courageufes lumières.Vous
favezcombien
j’aiéprouvé
de contrariétés,
MeiTîeurs, de la partde quelques
hommes
àpréju- gés,combien
de larmes j’ai répandues fur le fort P— ! - r-,'.J.,y. '•-gir——.--(i)'Dupa^y, hifi.fia les Loix Criminelles^
de l’Orateur,
de
l’amicourageux
, quiavok
oférevêtir
mon
écrit de fafignature!..*Le Duc d’Aigifielon.
Oh
! Teme
fouviens encore despropos
abfur- des que l’on fe permit à l’occafion de votre élo- quentMémoire. De
quoi femêleM* Dupàty
f Ejl^il
Avocat
?ef-ilJugeP eftilintéreffédansla caiife?Eh
quoi! il fautêtreAvocat ou Juge pour
défen- dre desopprimés
!Ne
fuffit-il pas d’êtrehomme?
L’ordre des Citoyens eftavantcelui des
Avocats
;1«
jugement
de la voix publiqueeft le premier des jügemens.Eh
! h ralTertion de ces Mefîieurs avoit quelquefondement, on
vous aflaffineroitdonc
dansla rue
, queje n’aurois pasle droit de voler à votre fecours ?
Voyez
quels grands bienfaitson
retire par intervalledu
courage de quelqueshommes de
génie ! Sans être infcrit au Catalogue desAvo-?
cars, Bergaftea
démafqué
des fcélérats , dont,un
çtolt d’autant plus
dangereux,
qu’ilavoit dans Tes mains perfides, l’inftrument des vengeancespubli- ques&
privées. Ilvientencore d’attaquer lecrime
fur les
marches du Trône
, &: c’eft peut- être à fon ^critque
nousdevons
en partie le falutde
l’Etat
, par la profçription de fes deftruéteurs,
-
Mais M, büpaty
ahlefféles Magiftrats!Oui
lî vous
confondez
les Magiftratsavec la loi,avec
l’autoritéqui fe trompent.
Pour
êtreinvulnérables,il faudroit qu’elles fuflent infaillibles.
Mais M, Dupaty
a jettéV
alarme!Oui
,&
telle eft la corruption dans nos
mœurs
^on
a été alarmé d’unMémoire
qui plaidepour
l’humanité., . C
22
)&
lort voit d’un œil tranquille&
complaifantun Code
qui raffafîine.Le Président Du pat
y.'
Les
farcafmesmuîripliés demes
adverfaires, qui n’étoîeiît pasdesMembres du
Parlement de Paris,comme
oti l’a cru longtemps
, ne m’avoient pas découragé. J’avoisformé
le projet vafle,non de former
unCode
, mais d’enafl'emblerlesmatériaux épars enEurope. Les
connoijj'ancesquon
a acqui’^fes dans
certains pctys,
quon
acquerra encoredans
d'autres jfur
les meiiléures réglés a fuivredans
la LègiJLaüon Criminelle^ contribueront^ ditmon
compatrioteMonrefquieu
,plus quetouteau-
tre chcfe^
au
bonheur de l*humanité»Animé
par l’efpoir de contribuerà cebonheur
général, qui
me
fut toujours ficher,j’avoisformé un
piande
voyages.Je me
propofois de recueillir toutes les loix écrites& non
écrites,
qui,dans tous les Etats, conftituent la Légifiation criminelle.
J’aurois tracé
un
tableau comparatif de toutes les Légiflations anciennes& modernes.
J’aurois
examiné avec
lesyeux
de la philofo- phieU
-de la raifon,chaque
Légifiation particu-^lière.
J’auroîs vérifiéJd’après toutes
mes
recherches,une
théorie complette des loix pénales, 6l cette théorie , j’avoiscommencé
ày
travailler depuis vingt ans. ,(
23
).
J’auroîs enfin dreiïé
une
noticeeXBÛe
Sc rai- fonnée de tous les écritscompofés
fur cetteim*
portante matièiedanstouslespays
de
l’Europe.Par-là j’aurois enrichi
ma
Patriede touslesmo- numens
légiflatifs des autres Nations,^
jedépo-
fois
mon
travail à la Bibliothèquedu
Roi.Par-làencore j’aurois ajoutéau fyftéme univer- fel de nos connoiflances, une branche importante
fi négligée jufqu’ici ,
&
prefque oubliée dans leplusgrand
ou
vrage dont fe glorifielaNation
,dans l’Encyclopédie.C’eft ainfi que j’aurois facilité à la France, Sc
r
aux
Nations voifines, l’indifpenfable&
prelTanceréforme de la légiflation criminelle.
Ah
! fides Souverainsfefontcouvertsde
gloire, enenvoyant
des Savans mefurer des longitudes, déterminer des méridiens, découvrir de nouvelles terres, de nouvelles pluntes, des mines nouvelles, quelle gloire eft réfervée au Prince qui enverroit des Magifiracs recueillirdanstous lesEmpires, un
frein
pour
le crime,un
appui affurépour
l’inno-cence
!Un
projet fihumain
eft digne d’être exé- cuté par LouisXVI. Ce
projet paroitra leréfultat d’une penfée de Montefquieu, d’un fentimentde Henri IV, &
d’une réfolution deLouis XIV*
La
légiftation criminelleforme une
légiflation à part, une légiflation adaptée plutôt qu^inherente aumonument
général desLoix, &
que par cette raifon, lamain
du Légiflateurpeut manier,
quand
illui plaît, fans troubler les légiflations voifines.
ioc
(
2 ^
)Gardez-vous
biende
laiiïer les abus mourirde
vieillefle, Ôc la
réforme
s’établir peu-à^peu.Vous
' reflembleriez àunpropriétaire fordide,'qui, effrayé
de
la dépenfe néceffairepour
réparer famaifon
chancelante,ordonne
de letayer,&
qui, prenantlin édifice étayé
ou
recrépi,pour un
édifice folide»habite tranquillement fur des ruines*