valeurs dans un espace norm´ e de dimension finie
D´ efinitions.
Dans ce chapitre K repr´esente indiff´erement le corps des r´eels R, ou le corps des complexes C. Le symbole E repr´esente un espace vectoriel norm´e de dimension finie sur K. Se donner une s´erie `a valeurs dans E, c’est se donner une suite u = (un)n `a valeurs dans E. On parle alors de la s´erie de terme g´en´eral un, ou encore de la s´erie P un. Si E = K, on parle de s´erie num´erique, r´eelle, ou complexe, selon que K = R ou K = C. Lorsque E est un espace vectoriel norm´e de dimension finie, on notera |x|, la norme du vecteur x de E, et non pas kuk. Nous r´eserverons la notation kf k pour repr´esenter la norme au sens de la convergence uniforme d’une fonction f X → E (cf.
chapitre suivant).
D´efinition 1.1 On appelle somme partielle d’ordre n de la s´erie de terme g´en´eral un le vecteur de E d´efini par :
Sn(u) =
n
X
k=0
uk.
D´efinition 1.2 On dit que la s´erie de terme g´en´eral unest convergente si la suite de ses sommes partielles est une suite convergente d’´el´ements de E. La limite de cette suite est appel´ee la somme de la s´erie, et not´ee P+∞
n=0un. Autrement dit, par d´efinition,
∞
X
n=0
un= lim
n→∞Sn(u) = lim
n→+∞
n
X
k=0
uk.
Attention ! Dans le cas d’une s´erie `a termes r´eels, dire qu’elle est convergente c’est dire que la suite de ses sommes partielles est une suite de r´eels qui admet une limite finie. Dans le cas ou, par exemple, limn→∞Sn(u) = +∞ on ´ecrit aussi P+∞
n=0un = +∞ mais la s´erie n’est pas une s´erie convergente.
D´efinition 1.3 On suppose que la s´erie de terme g´en´eral un est convergente de somme S(u) ; on appelle reste d’ordre n de la s´erie, la quantit´e
Rn(u) = S(u) − Sn(u) =
∞
X
k=n+1
uk.
Remarques :
1. En pratique les s´eries consid´er´ees sont souvent des suites d´efinies, non pas sur N tout entier, mais sur un intervalle de N de la forme [n0 + ∞[. Les modifications
`
a faire dans les ´enonc´es sont ´evidentes. Il est d’ailleurs important de remarquer que l’on ne change pas la nature d’une s´erie, c’est `a dire le fait qu’elle converge ou non, en enlevant un nombre fini de termes.
2. Soit P un une s´erie convergente. La suite des sommes partielles (Sn(u)) et la suite extraite (Sn−1(u)) ont toutes deux pour limite la somme de la s´erie. Il en r´esulte que limn→∗∞un = limn→+∞Sn(u) − Sn−1(u) = S(u) − S(u) = 0. Mais cette condition n’est pas suffisante pour assurer la convergence de la s´erie (penser par exemple `aP unavec un= 1/n).
Exemple: Soit la s´erie num´erique de terme g´en´eral un= 1
n(n + 1). Sa somme partielle d’ordre n est
Sn(u) =
n
X
k=1
uk = 1 1.2+ 1
2.3 + . . . + 1 n(n + 1). Si on remarque que 1
k(k + 1) = 1 k − 1
k + 1 cette somme s’´ecrit Sn(u) =
1 −1
2
+ 1
2 −1 3
+ . . .
1 n − 1− 1
n
+ 1
n− 1 n + 1
.
Ceci est une somme t´elescopique qui se simplifie en Sn(u) = 1 − 1
n + 1. Quand n tend vers l’infini, Sn(u) tend donc vers 1, et, par d´efinition de la convergence et de la somme d’une s´erie, on a prouv´e que
∞
X
n=1
1
n(n + 1) = 1.
Pour des exemples similaires de s´eries t´elescopiques, voir les premiers exercices.
Exemple: La s´erie r´eelle de terme g´en´eral un = 1/n, n ≥ 1, est appel´ee la s´erie harmonique. Soit
Sn(u) =
n
X
k=1
1 k
sa somme partielle d’ordre n. Consid´erons S2n− Sn =P2n k=n+1 1
k. C’est une somme de n fractions, dont la plus petite est 1/2n ; on a donc
S2n− Sn≥ n 1 2n = 1
2.
Si la suite (Sn) convergeait vers une limite S, la suite extraite (S2n) convergerait aussi vers S, et la diff´erence S2n− Sn convergerait vers 0, ce qui est faux, vue la minoration ci desssus. La s´erie harmonique est donc divergente.
S´ eries num´ eriques ` a termes positifs.
De nombreux th´eor`emes simplifient l’´etude des s´eries num´eriques `a termes r´eels positifs. Rappelons ici les principaux.
Th´eor`eme 1.4 Pour qu’une s´erie num´erique `a termes positifs soit convergente il faut et il suffit que la suite de ses sommes partielles soit major´ee.
Preuve : Soit Snla somme partielle d’ordre n. Puisque Sn+1= Sn+ un≥ Sn, la suite (Sn)nest croissante, et par le th´eor`eme de la limite monotone, la suite croissante (Sn)n
converge si, et seulement si, elle est major´ee.
Th´eor`eme 1.5 (S´erie g´eom´etrique) La s´erie g´eom´etrique de premier terme a et de raison r ≥ 0 converge si et seulement si r < 1. Dans ce cas on a
∞
X
n=0
arn= a 1 − r.
Th´eor`eme 1.6 (La r`egle de comparaison) Soient (un)n et (vn)n deux suites po- sitives, telles que un≤ vn pour tout n. Alors
1. Si la s´erie P vn converge, la s´erie P un converge, et P+∞
n=0un≤P+∞
n=0vn. 2. Si la s´erie P un diverge, la s´erie P vn diverge aussi.
Th´eor`eme 1.7 (Le crit`ere de d’Alembert) Soit (un) une suite strictement posi- tive telle que limn→∞
un+1
un = R.
1. Si R < 1 la s´erie P un est convergente.
2. Si R > 1 alors lim un= +∞, et P un diverge grossi`erement.
Attention ! Une faute tr`es courante consiste `a se contenter de v´erifier que un+1/un < 1.
Non, l’important ce n’est pas que chacun des un+1/un soit strictement plus petit que 1, mais que la limite de (un+1/un) soit strictement plus petite que 1. L`a encore penser `a l’exemple de la s´erie harmonique un = 1/n ; on a un+1/un< 1, mais la s´erie diverge.
Th´eor`eme 1.8 (La r`egle de Cauchy) Soit (un) une suite strictement positive telle que limn→∞u1/nn = R.
1. Si R < 1 la s´erie P un est convergente.
2. Si R > 1 alors lim un= +∞, et P un diverge grossi`erement.
Th´eor`eme 1.9 (La r`egle des ´equivalents) Soient (un)n et (vn)n deux suites posi- tives dont les termes g´en´eraux sont ´equivalents, alors les s´eriesP un et P vn sont de mˆeme nature, c’est `a dire que l’une converge si et seulement si l’autre converge. De plus
1. Si les deux s´eries sont divergentes on a, pour n tendant vers l’infini : Sn(u) =
n
X
k=0
uk ∼ Sn(v) =
n
X
k=0
vk
2. Si les deux s´eries sont convergentes on a, pour n tendant vers l’infini : Rn(u) =
∞
X
k=n+1
uk ∼ Rn(v) =
∞
X
k=n+1
vk
Attention ! Cet ´enonc´e est faux sans l’hypoth`ese un, vn> 0. V´erifiez le avec un= (−1)n/√ n et vn= un+ 1/n.
Les lemmes suivants sont tr`es importants. Il n’est pas n´ecessaire de connaitre par coeur leurs ´enonc´es, mais il faut les retrouver chaque fois qu’ils sont utiles. Ils per- mettent de d´eterminer la nature d’une s´erie, mais aussi d’encadrer sa somme et, plus utilement, son reste Rn. Ceci est important pour le calcul de la somme avec une bonne pr´ecision, mˆeme dans le cas d’une s´erie tr`es lentement convergente, comme la s´erie de terme g´en´eral 1/(n ln2n) (cf . exercices).
Lemme 1.10 (Comparaison avec une int´egrale) Soit f continue par morceaux, positive d´ecroissante, d´efinie sur [a − 1, +∞[, avec a entier naturel non nul. Pour tout entier b ≥ a, on a :
Z b+1 a
f (t)dt ≤
k=b
X
k=a
f (k) ≤ Z b
a−1
f (t)dt.
Preuve : Pour tout k on a Z k+1
k
f (t)dt ≤ f (k) ≤ Z k
k−1
f (t)dt,
car f (t) ≤ f (k) sur [k, k + 1], et f (t) ≥ f (k) sur [k − 1, k]. En additonnant terme `a terme ces encadrements pour k variant de a `a b on obtient le r´esultat. Th´eor`eme 1.11 Si f est une fonction positive d´ecroissante sur R, la s´erie de terme g´en´eral un= f (n) est de nˆeme nature que l’int´egrale impropre
Z ∞ a
f (t)dt.
Lemme 1.12 Soit f positive et d´ecroissante, telle que l’int´egrale impropre R∞ n f (t)dt soit convergente. Le reste d’ordre n de la s´erie de terme g´en´eral un = f (n), Rn = P+∞
k=n+1f (k) est encadr´e par Z ∞
n+1
f (t)dt ≤ Rn≤ Z ∞
n
f (t)dt.
Th´eor`eme 1.13 (Les s´eries de Riemann) . Soit α > 0. La s´erie de terme g´en´eral 1
nα converge si et seulement si α > 1.
Note : Une autre famille classique de s´eries est la famille des s´eries de Bertrand. Ce sont les s´eries de la forme un= 1/(nαlogβn). Si α 6= 1 c’est lui qui dicte la nature : il y a convergence si α > 1 et divergence si α < 1. Si α = 1, il y convergence si et seulement si β > 1. Ce r´esultat n’est pas au programme du CAPES. Vous devez donc, si vous en avez besoin, le d´emontrer.
S´ eries ` a termes quelconques.
Quand les unne sont pas des r´eels ≥ 0, un bon moyen de prouver que la s´erieP un est convergente est d’utiliser la notion de convergence absolue :
D´efinition 1.14 Soit P un une s´erie `a valeurs dans E. Si la s´erie de terme g´en´eral P |un| est une s´erie convergente, on dit que la s´erie P un est absolument conver- gente.
Th´eor`eme 1.15 SoitP un une s´erie `a valeurs dans un espace vectoriel norm´e E de dimension finie, absolument convergente. Alors cette s´erie est convergente, et
∞
X
n=0
un
≤
∞
X
n=0
|un| .
Si la s´erie n’est pas absolument convergente, ou si on ne sait pas r´epondre `a cette question, on peut regarder du cot´e du th´eor`eme des s´eries altern´ees, ou de sa g´en´eralisation qui est le crit`ere d’Abel.
D´efinition 1.16 Soit P un une s´erie r´eelle. On dit que P un est une s´erie altern´ee si (−1)nun est de signe constant.
Th´eor`eme 1.17 (Th´eor`eme des s´eries altern´ees) Soit P un une s´erie altern´ee, avec (|un|)n d´ecroissante de limite 0,
Alors la s´erie est convergente, et, de plus
1. sa somme est du signe du premier terme, et elle est major´ee en valeur absolue par celui ci, c’est `a dire
∞
X
k=0
uk
≤ |u0|.
2. Pour tout n, le reste Rn(u) est du signe de un+1 et |Rn(u)| ≤ |un+1| .
Remarque : La d´ecroissance de |un| est essentielle. Lorsque |un| n’est pas d´ecroissante, la s´erie n’est en g´en´eral pas convergente, et quand elle converge, l’assertion 2 est en g´en´eral fausse.
La m´ethode de sommation d’Abel
Dans le cas d’une s´erie r´eelle non altern´ee dont le signe oscille suffisamment rapide- ment, ou bien dans le cas d’une s´erie `a valeurs dans E, non absolument convergente, on peut essayer le crit`ere d’Abel, qui est la g´en´eralisation du th´eor`eme des s´eries altern´ees.
Mais ce crit`ere n’est pas au programme du CAPES. Ce qui est au programme c’est la m´ethode de sommation d’Abel qui est le calcul aboutissant au lemme suivant, lemme, qu’il faudra red´emontrer chaque fois qu’on en aura besoin.
Lemme 1.18 (Lemme d’Abel) Soit (an)nune suite de r´eels positifs, d´ecroissante, et (un)n une suite `a valeurs dans E telle que ∀n
n
X
k=0
uk
≤ M. Alors
n
X
k=0
akuk
≤ a0M.
Remarque : Cet ´enonc´e est simple `a retenir si on remarque que le th´eor`eme des s´eries altern´ees est le cas particulier que l’on obtient en prenant dans l’´enonc´e ci dessus un= (−1)n, et M = 1.
Preuve : Notons Sn=Pn
k=0akuk, et Un=Pn
k=0uk. On ´ecrit, et c’est ce calcul qui est la m´ethode de sommation d’Abel,
Sn = a0u0+ a1u1+ . . . anun
= a0U0+ a1(U1− U0) + a2(U2− U1) + . . . + an(Un− Un−1)
= U0(a0− a1) + U1(a1− a2) + . . . Un−1(an−1− an) + Unan
|Sn| ≤ M (a0− a1+ a1− a2+ . . . an−1− an+ an) = M a0,
en majorant chaque |Uk| par M , et remarquant que, vue la d´ecroissance de an, |ak−1−
ak| = ak−1− ak.
Application de la m´ethode de sommation d’Abel `a la convergence des s´eries
Soit donc anune suite de r´eels qui tendent vers 0 en d´ecroissant, et unune suite `a va- leurs dans E telle qu’il existe un nombre M qui majore toutes les quantit´es
Pq n=pun
. On prouve la convergence de la s´erie P anun en proc´edant ainsi :
Notons Snla somme partielle d’ordre n, Sn=Pn
k=0akuk. La m´ethode de somma- tion d’Abel appliqu´ee `a la s´erie de terme g´en´eral anun et de premier terme ap+1up+1 donne la majoration
|Sq− Sp| =
k=q
X
k=p+1
akuk
≤ M ap+1. (1.1)
Soit ε > 0 arbitraire. Vu limn→∞an= 0 l’´equation (1.1) montre que |Sq− Sp| < ε pour p et q suffisamment grands. Autrement dit, (Sn)n est une suite de Cauchy, c’est dire que la s´erie P anun est une s´erie convergente. Mieux, en faisant tendre q vers l’infini dans la majoration (1.1), on obtient la majoration du reste
|Rp| = |S − Sq| ≤ M ap+1, (1.2) qui est l’analogue de la majoration du reste dans le th´eor`eme (1.17) du th´eor`eme des s´eries altern´ee, la constante 1 ´etant remplac´ee par la constante M .
Produit de Cauchy de deux s´eries absolument convergentes Th´eor`eme 1.19 SoientP∞
n=0un etP∞
n=0vn deux s´eries num´eriques r´eelles ou com- plexes, absolument convergentes. Pour tout entier naturel n on d´efinit
wn=
n
X
k=0
ukvn−k. Alors la s´erie P∞
n=0wn est absolument convergente et sa somme est
∞
X
n=0
wn=
∞
X
n=0
un
! ∞ X
n=0
vn
! .